COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 78F
16e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 24 JANVIER 2019
N° RG 17/00519 - N° Portalis DBV3-V-B7B-RH7I
AFFAIRE :
[K] [C]
C/
SNC PRIFINANCE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Janvier 2017 par le Juge de l'exécution du tribunal de grande instance de PONTOISE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 16/02758
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Bernard MASSAT, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT QUATRE JANVIER DEUX MILLE DIX NEUF, après prorogation
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [K] [C]
né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 1]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Bernard MASSAT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 73
Représentant : Me Rémi-pierre DRAI de la SELARL DRAI Associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0175
APPELANT
****************
SNC PRIFINANCE, au capital de 2 286 735 euros immatriculée au RCS de PARIS sous le N°732 017 884, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
N° SIRET : 732 01 7 8 844
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 20170078
Représentant : Me Jérôme DE FREMINVILLE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : W15
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 Juin 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Patricia GRASSO, Président,
Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller,
Madame Ghislaine SIXDENIER, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Bernadette RUIZ DE CONEJO,
FAITS ET PROCEDURE,
Par acte d' huissier en date du 9 février 2016, dénoncé à M. [K] [C] le 10 février suivant, la société en nom collectif Prifinance a fait procéder à une saisie-attribution entre les mains de la Caisse régionale de Crédit agricole, agence de [Localité 2], pour la somme globale de 868.123,14 €
en principal, frais et intérêts, en vertu d'un arrêt contradictoire de la cour d'appel de Versailles en date du 2 novembre 2000, qui a confirmé un jugement rendu le 22 janvier 1999 par le tribunal de grande instance de Pontoise.
Par acte d'huissier du 10 mars 2016, M. [C] a fait citer devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Pontoise la société Prifinance afin d'obtenir la nullité de la saisie-attribution et sa mainlevée ou des délais de paiement.
Par jugement rendu le 2 janvier 2017, le juge de l'exécution près le tribunal de grande instance de Pontoise a :
-débouté M. [C] de l'intégralité de ses prétentions,
-condamné M. [C] à verser à la société Prifinance la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné M. [C] aux dépens,
-rappelé que la décision est exécutoire de plein droit.
Le 18 janvier 2017, M. [C] a interjeté appel de cette décision.
Dans ses conclusions transmises le 4 août 2017, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [C], appelant, demande à la cour de:
-infirmer le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Pontoise du 2 janvier 2017,
Et statuant à nouveau,
À titre principal,
-accueillir les moyens de nullité du requérant,
En conséquence
-prononcer la nullité de la saisie-attribution effectuée le 19 février 2016,
-prononcer la mainlevée de cette saisie-attribution,
À titre subsidiaire,
-déclarer la prescription acquise,
-déclarer la société Prifinance dépourvue d'intérêt à agir,
En conséquence,
-déclarer la société Prifinance irrecevable en sa saisie-attribution,
-prononcer la mainlevée de la saisie-attribution,
À titre infiniment subsidiaire,
-accorder à M. [C] un délai de grâce de vingt-quatre mois dans le règlement de sa dette,
En tout état de cause,
-condamner la société Prifinance aux entiers dépens,
-condamner la société Prifinance au paiement de la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, M. [C] fait valoir :
-que la saisie-attribution encourt la nullité pour plusieurs raisons ; qu'en premier lieu, l'acte de saisie ne comporte pas la mention de l'article L. 211-4 alinéa 3 (en réalité :L 211-2 alinéa 1er et R211-1 5°) du code des procédures civiles d'exécution ; qu'en second lieu, l'acte ne comporte pas de décompte détaillé de la créance réclamée ;
-que le titre exécutoire fondant la saisie est prescrit, en vertu de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, dans la mesure où la saisie a été pratiquée en 2016 pour paiement d'une créance constatée dans des décisions datant des 22 janvier 1999 et 2 novembre 2000 ;
-que l'intimée ne justifie pas de son intérêt à agir, car elle n'est pas le créancier de M. [C] ; que l'intimée ne démontre pas venir aux droits de la société Dexia banque privée ;
-que l'appelant est légitime à solliciter des délais de grâce car ses revenus ne lui permettent pas d'honorer sa dette immédiatement.
Dans ses conclusions transmises le 7 juin 2017, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Prifinance, intimée, demande à la cour de :
-confirmer le jugement du 2 janvier 2017,
Y ajoutant,
-condamner M. [C] au paiement de la somme de 3.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner M. [C] aux entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SELARL Patricia Minault agissant par Me Patricia Minault avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, la société Prifinance fait valoir :
-que la saisie-attribution n'encourt pas la nullité ; que le procès-verbal de saisie a été établi conformément aux dispositions de l'article R. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution ; que c'est sans qualité que M. [C] se prévaut d' un défaut d'information du tiers saisi ; que le procès-verbal comporte un décompte de la créance ;
-que le titre exécutoire fondant la saisie n'est pas prescrit, car les paiements que M. [C] a opérés et notamment celui de 2005 sont interruptifs du délai décennal prévu à l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution ayant commencé à courir le 21 décembre 2000 ;
-que la société Prifinance n'est pas dépourvue d'intérêt à agir car elle vient aux droits de la société Dexia banque privée par suite d'une cession de créances.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 27 mars 2018.
L'audience de plaidoirie a été fixée au 14 juin 2018.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur les demandes en nullité et mainlevée de la saisie-attribution :
Se complétant entre eux, les articles L 211-2 alinéa 1er du code des procédures civiles d'exécution, -'l'acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie, disponible entre les mains du tiers saisi, ainsi que de tous ses accessoires. Il rend le tiers personnellement débiteur des causes de la saisie dans la limite de ses obligations'- et R 211-5 du même code - 'le tiers saisi qui sans motif légitime ne fournit pas les renseignements prévus est condamné à la demande du créancier à payer les sommes dues à ce dernier sans préjudice de son recours contre le débiteur ...'- posent le principe de la responsabilité du tiers saisi qui ne respecte pas les obligations que lui impose l'acte de saisie. Aux termes de l'article R 211-1 alinéa 2- 5°, le procès-verbal de saisie-attribution contient à peine de nullité la reproduction de cinq articles ou parties d'articles du code des procédures civiles d'exécution sur la saisie-attribution, parmi lesquels figurent expressément l'article L 211-3 définissant l'obligation de déclaration du tiers saisi, les articles R 211-2 alinéa 1er et R 211-5 du code des procédures civiles d'exécution attirant l'attention du tiers saisi sur les sanctions auxquelles il s'expose en cas de défaut de diligence.
En réalité le procès-verbal de saisie contient bien le rappel de quatre de ces cinq textes, l'huissier mandataire du créancier apparaissant avoir omis de citer l'article L 211-3 sur l'obligation de renseignement du tiers saisi.
Il est constant que M. [C] n'a pas qualité pour invoquer un défaut d'information du tiers saisi à la place de ce dernier ; c'est donc à bon droit que le premier juge a estimé M. [C] irrecevable en cette partie de sa contestation.
En toute hypothèse, la nullité dont s'agit est une nullité de forme soumise à la preuve d'un grief: aucun grief n'étant invoqué en l'espèce, ni par le tiers saisi qui a satisfait sur le champ dans l'acte à son obligation de déclaration ni éventuellement par le débiteur saisi, le procès-verbal de saisie est valide.
Sur l'absence de décompte régulier de la dette :
M. [C] allègue que l'annexion au procès-verbal comportant un montant global de créance sans précision des intérêts et accessoires, ni même de l'unité de monnaie employée alors que le jugement de condamnation de 1999 et que l'arrêt confirmatif de la cour d'appel de Versailles de 2000 portaient des sommes libellées en francs, n'est pas régularisé par l'adjonction au procès-verbal d'un autre décompte plus précis. Le procès-verbal de saisie-attribution se borne à porter en ligne 1 du décompte de la dette en première page, sous l'intitulé 'principal selon décompte arrêté au 31/12/2014", une somme de 864.412,86 € regroupant principal et intérêts, le calcul de ces derniers, non plus que leurs taux et point de départ, ne sont pas précisés. Et l'absence sur le procès-verbal de saisie-attribution d'un décompte de la dette énumérant distinctement les sommes réclamées en principal, intérêts et accessoires, est susceptible d'entraîner la nullité de l'acte de saisie. Toutefois, le jugement a relevé à juste titre que le décompte arrêté au 31 décembre 2014, joint au procès-verbal et dont les pages ont été incluses dans l'acte par l'huissier, précise bien le détail des sommes dues, avec les montants en débit et les règlements portés au crédit, et détermine le montant des sommes dues au titre des intérêts, ainsi que le périodes de leur capitalisation.
Ce décompte mentionne également que les sommes indiquées sont exprimées en euros.
Les parties convergent pour reconnaître que le décompte détaillé de la dette inclus à la saisie est arrêté au 31 décembre 2014, n'a été depuis modifié que par un versement correspondant à des droits successoraux de M. [C], dont la part s'est élevée à la somme de 8.333,33 € enregistré le 11 mai 2005 par la SNC Prifinance.
M. [C] qui par ailleurs ne conteste pas le montant de sa dette, ne démontre aucunement le grief que lui aurait occasionné la présentation d'un second décompte annexé au procès-verbal et reprenant l'ensemble des opérations de crédit effectuées initialement avec la société B.I.M.P. Le jugement est confirmé en ce qu'il a là encore rejeté l'exception de nullité de la mesure d'exécution.
Sur la prescription de l'action en recouvrement :
Il a été justement rappelé par le jugement entrepris que l'exécution de l'arrêt rendu le 2 novembre 2000 par la cour d'appel de Versailles était soumis à la prescription trentenaire. Cette prescription étant toujours en cours lors de l'entrée en vigueur de la loi sur la réforme de la prescription civile, le 19 juin 2008, a été remplacée par un nouveau délai de prescription décennale de l'action en exécution des décisions judiciaires, qui en vertu des dispositions transitoires applicables à la réduction des délais de prescription, qui a couru à compter du 19 juin 2008, date de la promulgation de la loi, pour se terminer le 19 juin 2018.
Le raisonnement adopté par M. [C] dans ses écritures consistant à faire courir le nouveau délai à compter de l'année 2000 au plus tard, enfreint les dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008 et doit donc être rejeté.
Sur l'intérêt à agir de l'intimée, cessionnaire de la créance :
M. [C] fait reproche à la société Prifinance de ne pas justifier de son intérêt à agir ; il prétend que la cession de créance de la SA Dexia Banque privée France, anciennement dénommée Banque industrielle immobilière privée ( B.I.M.P.) à la société Prifinance, présentée comme intervenue en 1999, saurait faire foi dès lors que la cédante était toujours considérée comme partie à l'instance ayant abouti à l'arrêt au fond du 2 novembre 2000, et dès lors que la cession qui lui a été signifiée n'était pas signée.
Par acte d'huissier du 29 janvier 2006, la société Prifinance a signifié à M. [C] un extrait de la convention de cession de créances. C'est seulement à compter de cette signification que la cession est devenue opposable au tiers débiteur, et que la société dernière cessionnaire en date a pu recouvrer auprès du débiteur cédé l'intégralité de la créance depuis son origine.
Par ailleurs la jurisprudence n'exige que la communication des éléments d'identification de la créance cédée ainsi que des parties à la cession et du débiteur cédé, la notification d'un extrait de la cession étant suffisante si l'extrait contient les éléments requis, peu important que l'extrait de la convention de cession ne soit pas signé dès lors que la transmission de l'acte complet n'est pas exigée.
Sur la demande de délais de paiement
Le jugement entrepris a utilement rappelé que d'une part, en raison de l'effet attributif immédiat de la saisie--attribution, le juge de l'exécution ne peut accorder des délais de paiement que sur la fraction de la créance cause de la saisie qui n'est pas couverte par la somme saisie-attribuée de 3.083,97 €, et que d'autre part, le juge de l'exécution ne pouvant modifier le dispositif de la décision qui sert de fondement aux poursuites, ne peut accorder de délais en vertu de l'article 1244-1 ancien du code civil, ici applicable, lorsque la décision judiciaire au fond a rejeté une telle demande, sauf à prouver la survenance d'éléments nouveaux postérieurs. Or dans son arrêt du 2 novembre 2000, cette cour d'appel avait refusé l'octroi de délais de paiement en soulignant que l'appelant ne justifiait pas d'une situation financière lui permettant d'apurer sa dette dans le délai légal de 24 mois.
M. [C] ne justifiant pas davantage qu'en première instance de la survenance d'éléments nouveaux quant à sa situation économique, être en mesure de respecter même les plus larges délais de règlement de l'article 1244-1 du code civil, le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande.
Sur les demandes accessoires :
L'équité et les situations économiques respectives des parties commandent d'allouer à la SA Prifinance une somme ainsi qu'il sera dit au dispositif au titre des frais irrépétibles de procédure qu'elle a été contrainte d'exposer en défense à un appel injustifié.
Succombant en son recours, M. [C] supportera les dépens d'appel comme de première instance.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Déboute M. [K] [C] de l'ensemble de ses demandes ;
Condamne M. [K] [C] à verser à la SA Prifinance une somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [K] [C] aux entiers dépens, qui pourront être directement recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Patricia GRASSO, Président et par Madame RUIZ DE CONEJO, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,