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24/01/2019 | FRANCE | N°16/05861

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 24 janvier 2019, 16/05861


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



5e Chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 24 JANVIER 2019



N° RG 16/05861 - N° Portalis DBV3-V-B7A-RGFO



AFFAIRE :



Yoann X...





C/

SA PAGES JAUNES





Décision déférée à la cour: Jugement rendu(e) le 29 Novembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : 15/00091>


Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Claude Y...



Me Christophe Z...







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT QUATRE JANVIER DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel d...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

5e Chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 24 JANVIER 2019

N° RG 16/05861 - N° Portalis DBV3-V-B7A-RGFO

AFFAIRE :

Yoann X...

C/

SA PAGES JAUNES

Décision déférée à la cour: Jugement rendu(e) le 29 Novembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : 15/00091

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Claude Y...

Me Christophe Z...

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT QUATRE JANVIER DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:

Monsieur Yoann X...

né le [...] à NOISY-LE-SEC (93130)

de nationalité Française

[...]

Représentant : Me Claude Y..., Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0043

APPELANT

****************

SA PAGES JAUNES

204 Rond-Point du Pont de Sèvres

[...]

Représentant : Me Hortense A... de la SELARL LUSIS AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0081 - Représentant : Me Christophe Z..., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 17178

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Novembre 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant MadameCarineTASMADJIAN, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller,

Madame Caroline B..., Vice présidente placée,

Greffier, lors des débats : Madame Florence PURTAS,

Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 2 mai 2000, M. Yoan X... a été embauché par la société Pages Jaunes en qualité de 'télévendeur prospects .

Plusieurs avenants ont modifié son contrat de travail initial de sorte que, au terme de celui signé le 17juin 2013, il occupait le poste ' conseiller commercial spécialiste le faisant relever de la convention collective des VRP ainsi que des dispositions des articles L.7311-1 et suivants du code du travail.

Sa rémunération brute mensuelle était constituée d'une partie fixe d'un montant de 3056 euros et d'une partie variable représentant 67% de sa rémunération annuelle fixe à objectifs atteints.

La société Pages Jaunes est une filiale détenue à 100 % par le groupe Solocal, lui-même composé de plusieurs entreprises intervenant principalement dans le secteur d'activité de la publicité. Elle assure trois métiers principaux : l'édition de contenu et de services locaux, le média local et le conseil en communication locale.

La Société intervient, d'une part, sur le marché de la publicité sur les supports de presse, magazines, télévision, radio, cinéma et affichage (dit 'marché offline') et, d'autre part, sur le marché de la publicité sur internet fixe et mobile pour les annonceurs locaux et nationaux (dit 'marché online'). Elle emploie plus de 4000salariés.

L'activité de la société Pages Jaunes la fait relever de la convention collective nationale de la publicité française mais elle applique également celle des VRP pour les personnels concernés ainsi qu'une convention d'entreprise dite ' Pages Jaunes .

A compter du 2 février 2013, la société Pages Jaunes a initié un processus d'information et de consultation de son comité d'entreprise au sujet de la transformation envisagée de son modèle économique. Elle souhaitait, notamment, modifier les critères d'attribution des portefeuilles clients, modifier les systèmes de rémunération des commerciaux, représentant environ 1645salariés, et procéder à 22 licenciements. La négociation portait, d'une part, sur la conclusion d'un accord de méthode et de moyens en application de l'article L.1233-21 du code du travail et, d'autre part, sur la conclusion d'un accord de mesures sociales d'accompagnement déterminant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi (aussi désigné 'PSE').

Le 2 juillet 2013, la Société a engagé une négociation avec les instances représentatives du personnel, laquelle aboutissait à la signature, le 20 novembre 2013, par trois des cinq organisations syndicales, la CFE-CGC, le Syndicat autonome et Force Ouvrière, d'un accord collectif portant plan de sauvegarde de l'emploi (ci-après désigné PSE).

Le 1er décembre 2013, la société Pages Jaunes a adressé ce plan à la DIRECCTE qui le validait par décision du 2janvier2014.Cette réorganisation engendrait, au final, 281 licenciements économiques, de nombreux salariés ayant refusé la modification de leur contrat de travail.

C'est dans ce contexte que, par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 janvier 2014, la Société a proposé à M. X... la modification de son contrat de travail. Etaient ainsi envisagés:

- la poursuite de l'exercice de ses fonctions commerciales au sein de l'agence de Paris Nord sous l'intitulé « conseiller communication digitale spécialiste »;

- le bénéfice d'un statut de cadre, catégorie 3, niveau 2, selon les dispositions de la convention collective de la publicité;

- une rémunération composée d'un salaire fixe mensuel de 3189,70euros et d'une prime variable représentant, à objectifs atteints, 60% de sa rémunération annuelle fixe, soit la somme de 22965euros bruts;

-et une durée annuelle de 210 jours travaillés.

Elle lui adressait, dans le même temps, une fiche explicative de cette nouvelle fonction, laquelle reprenait les principaux éléments du contrat de travail proposé ainsi qu'un comparatif entre les statuts de VRP et de cadre.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 janvier 2014, M. X... a indiqué la société Pages Jaunes qu'il s'opposait à la modification de son contrat de travail, sans toutefois en indiquer les raisons.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 février 2014, la Société l'a alors informé de l'ouverture, pour une période de deux mois, d'une phase destinée à la recherche de solutions de reclassement en interne (Pages Jaunes et groupe SoLocal) et sur le territoire français, le salarié n'ayant pas donné son accord pour recevoir des offres de reclassement à l'étranger.

Au cours de cette période, M. X... a été dispensé de toute activité professionnelle et a perçu une rémunération mensuelle moyenne de 5620,82euros.

Par deux courriers des 26 février et 28 mars 2014, la société Pages Jaunes a proposé à M.X... plusieurs postes de reclassement en son sein. Il ne donnait suite à aucun d'eux.

Entre temps, par une requête du 3 mars 2014, un salarié protégé de la société Pages Jaunes a saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise aux fins d'obtenir l'annulation du PSE signé le 20novembre2013. Son recours a été rejeté par décision du 22 mai 2014.

En l'absence de toute possibilité de reclassement, la société Pages Jaunes a notifié à M. X..., par lettre recommandée du 30 avril 2014, son licenciement pour motif économique.

Le 5 mai 2014, M. X... a informé son employeur qu'il refusait d'adhérer au congé de reclassement prévu par le PSE.

Par décision du 22 mai 2014, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la requête déposée devant lui aux fins d'annulation du PSE.

Au jour de la rupture de la relation contractuelle, M.X... était âgé de 37 ans et bénéficiait d'une ancienneté de près 14 ans. Son salaire brut moyen mensuel, tant au regard des trois que des 12derniers mois travaillés, s'élevait, selon le salarié, à la somme de 6'781 euros et, selon la Société, à celle de 5620,82 euros.

Par arrêt du 22 octobre 2014, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé la décision du 2janvier 2014 de la DIRECCTE ainsi que le jugement du 22 mai 2014 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, considérant que le caractère majoritaire de l'accord du 20novembre2013 n'était pas établi puisque le signataire au nom du syndicat Force Ouvrière n'avait pas été formellement désigné en qualité de délégué syndical central.

Deux recours ont alors été déposés devant le Conseil d'Etat à l'encontre de cet arrêt, le premier à l'initiative de la Société Pages Jaunes, le 10 novembre 2014 et, le second, par le ministère du travail, le 16 décembre 2014. Par décision du 10 mars 2015, la Société était déboutée de sa demande de suspension de l'exécution provisoire de l'arrêt contesté.

Contestant la régularité de son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, M.X... a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt le 20 janvier 2015 afin d'obtenir la condamnation de la société Pages Jaunes à lui verser, en retenant un salaire brut moyen mensuel de 6'781 euros, les sommes suivantes:

.284802euros d'indemnité pour irrégularité de son licenciement ;

.103 262 euros au titre de son indemnité de clientèle ;

. 12 440 euros de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement en application de la convention collective nationale de la publicité ;

.5000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par décision du 22 juillet 2015, le Conseil d'Etat a confirmé l'arrêt rendu le 22 octobre 2014 par la cour administrative d'appel de Versailles.

Par arrêt du 24 mars 2016, la Cour de cassation a rejeté la question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions de l'article L.1235-16 du code du travail qui lui avait été soumise à l'initiative de la Société Pages Jaunes.

Par jugement du 29 novembre 2016, le conseil de prud'hommes a partiellement fait droit aux demandes de M. X... et, retenant un salaire de 6781 euros, a condamné la société Pages Jaunes à verser à ce dernier les sommes suivantes:

. 47500euros d'indemnité au visa de l'article L.1235-16 du code du travail;

. 12440euros bruts de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement,

ces sommes portant intérêts légaux calculés conformément à l'article L.1153-1du code civil ;

. 1000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il a en outre ordonné à la société Pages Jaunes la remise, à M. X..., d'un certificat de travail, d'une attestation pour le Pôle Emploi et d'un bulletin de paie conformes aux dispositions de son jugement et dit qu'il n'y avait lieu d'ordonner l'exécution provisoire au-delà des dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail. Il a enfin condamné la Société à supporter les dépens.

M. X... a interjeté appel partiel de cette décision par déclaration au greffe du 27décembre2016 et, après une procédure de mise en état, les parties ont été convoquées à l'audience du 20novembre2018 pour plaidoirie.

Reprenant oralement ses conclusions écrites auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, M. X... demande à la cour de confirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a :

- fixé son salaire à la somme de 7430,40 euros ;

- condamné la SA Pages Jaunes à lui verser les sommes suivantes :

.12440 euros, à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

. 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Y ajoutant, il sollicite la condamnation de la société Pages Jaunes à lui verser les sommes de:

. 284802 euros de dommages et intérêts en réparation de son licenciement économique irrégulier;

. 103262 euros d'indemnité de clientèle,

l'ensemble de ces condamnations devant porter intérêt au taux légal,

. 5000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour sa part, la société Pages Jaunes, relevant appel incident, reprend oralement ses écritures et demande à la cour, à titre principal, d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. X... :

- 47500 euros bruts d'indemnité sur le fondement de l'article L.1235-16 du code du travail,

- 12440 euros bruts de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

et, statuant à nouveau, de :

- limiter l'indemnité allouée à M. X... en application de l'article L.1235-16 du code du travail au plancher légal, c'est-à-dire au montant des six derniers mois de salaire ce qui, selon l'attestation remise au Pôle Emploi, représente la somme de 37657,86 euros bruts,

- débouter le salarié de ses autres demandes.

A titre subsidiaire, la Société sollicite :

- d'ordonner à M. X... de rembourser l'indemnité de licenciement qu'il a perçue au titre de la rupture du contrat de travail, si la cour lui accordait une indemnité de clientèle ;

- et de limiter le rappel de l'indemnité conventionnelle de licenciement qui serait allouée à M.X... à la somme de 7 227,44 euros.

En tout état de cause, la société Pages Jaunes sollicite la condamnation de M. X... aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Christophe Z..., avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.

MOTIFS DE LA COUR

Au préalable, la cour indique que, sur son interrogation, M. X... a confirmé l'existence d'une erreur de plume dans le dispositif de ses conclusions qui demandent la confirmation du jugement entrepris s'agissant du salaire (soit 6 781euros), alors qu'elles mentionnent la somme de 7430,40euros. Il précise que le montant à retenir est celui du conseil de prud'hommes.

Sur les conséquences de l'annulation de la validation de l'accord collectif du 20novembre2013

M. X... soutient que l'annulation de la décision de validation d'un accord collectif portant PSE, au motif qu'il ne résulte d'aucun accord majoritaire, équivaut à son absence au sens de l'article L.1233-24-1 du code du travail et qu'elle doit donc être sanctionnée comme telle. En conséquence, le conseil de prud'hommes ne pouvait écarter l'application des dispositions des articles L. 1235-10 et 11ducode du travail.

Pour sa part, la Société estime que l'annulation de l'accord collectif n'a remis en cause ni l'existence ni le contenu du PSE de sorte que, d'une part, son invalidation ultérieure n'entraîne pas la nullité du licenciement de M. X... et, d'autre part, que l'indemnisation qui lui est due doit se faire au regard exclusif de l'article L. 1235-16 du code du travail. Elle explique que l'annulation de la décision de validation de l'accord collectif relatif au PSE est la conséquence d'une négligence de l'administration qui n'a pas vérifié le mandat d'un des signataires et non d'une erreur de sa part. Elle souligne que si elle avait refusé au délégué syndical central FO le droit de participer aux négociations et à la conclusion de l'accord litigieux au seul motif de l'absence de mandat écrit, alors qu'il avait fait l'objet de désignations successives dans l'entreprise depuis 1996, qu'il était notoirement reconnu dans son mandat et qu'il avait signé plusieurs accords collectifs depuis la tenue des dernières élections professionnelles, on lui aurait reproché un délit d'entrave. Enfin, la Société relève que M.X... ne justifie pas d'un préjudice lié à cette annulation, rappelant qu'il n'existe plus de préjudice automatique.

Sur ce,

L'adoption, la validation et l'annulation d'un PSE étaient régies, à l'époque du licenciement, par les dispositions du code du travail suivantes

- l'article L.1233-57-2 aux termes duquel

L'autorité administrative valide l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 dès lors qu'elle s'est assurée de :

1° Sa conformité aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-3 ;

2° La régularité de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise et, le cas échéant, du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et de l'instance de coordination mentionnée à l'article L. 4616-1 ;

3° La présence dans le plan de sauvegarde de l'emploi des mesures prévues aux articles L.1233-61 et L. 1233-63.

- l'article L.1233-24-1 qui dispose

Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, un accord collectif peut déterminer le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63 ainsi que les modalités de consultation du comité d'entreprise et de mise en 'uvre des licenciements. Cet accord est signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 50% des suffrages exprimés en faveur d'organisations reconnues représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants. L'administration est informée sans délai de l'ouverture d'une négociation en vue de l'accord précité.

- l'article L.1235-10 qui prévoit

Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, le licenciement intervenu en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation ou alors qu'une décision négative a été rendue est nul.

En cas d'annulation d'une décision de validation mentionnée à l'article L. 1233-57-2 ou d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-3 en raison d'une absence ou d'une insuffisance de plan de sauvegarde de l'emploi mentionné à l'article L. 1233-61, la procédure de licenciement est nulle.

Les deux premiers alinéas ne sont pas applicables aux entreprises en redressement ou liquidation judiciaires

- et enfin l'article L. 1235-11 qui se lit ainsi

Lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle, conformément aux dispositions des deux premiers alinéas de l'article L. 1235-10, il peut ordonner la poursuite du contrat de travail ou prononcer la nullité du licenciement et ordonner la réintégration du salarié à la demande de ce dernier, sauf si cette réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible.

Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque la réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois.

Il résulte de la combinaison de ces textes, issus de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, qu'il existe deux modes d'élaboration d'un PSE :

- la conclusion d'un accord majoritaire validé par l'administration dans le cadre du contrôle limité de L. 1233-57-2 du code du travail ;

- l'établissement d'un document unilatéral (ou non majoritaire) soumis à homologation et au contrôle renforcé de l'administration prévu à l'article L.1233-57-3 du code du travail.

De même, il s'induit de ces textes que la nullité des licenciements n'est encourue que dans trois hypothèses :

-lorsque l'employeur a procédé à la rupture des contrats de travail avant la notification de la décision d'homologation ou de validation ou avant l'expiration des délais valant décision implicite d'homologation ou de validation ;

- lorsque le licenciement est intervenu en l'absence de toute décision de validation ou d'homologation;

- lorsque l'homologation a été ultérieurement annulée en raison d'une absence ou insuffisance de PSE.

Enfin, s'induit également de ces textes que les conséquences de l'annulation de la décision administrative sont déterminées au seul regard du motif retenu par le juge administratif. S'il s'agit d'un motif tiré de l'absence ou de l'insuffisance de plan, s'appliquent les dispositions de l'article L.1235-10 du code du travail. Le cas échéant, il doit être fait application des dispositions de l'article L. 1235-16 du même code.

La question qui se pose à la cour est donc de savoir si l'annulation de la décision administrative au motif que l'accord collectif n'est pas un accord majoritaire pouvant donner lieu à validation d'un PSE équivaut, ou non, à une absence de plan.

Contrairement à l'argumentation soutenue par la société Pages Jaunes, et même si aucun contrôle du contenu ni de la suffisance du plan n'intervient lorsqu'il est présenté à l'administration sous couvert d'un accord majoritaire, l'annulation de celui-ci en raison de son absence de caractère majoritaire ne saurait être considérée comme une irrégularité de pure forme. Il s'agit, au contraire, d'une condition légale de la formation du plan et l'absence de majorité pour son adoption équivaut nécessairement à une absence d'accord. Dès lors, le PSE qu'il instituait ne peut plus être juridiquement regardé comme existant au sens des dispositions de l'article L.1233-24-1 du code du travail et il a dégénéré en accord collectif minoritaire insusceptible d'organiser la rupture collective de contrats de travail. Il ne peut pas davantage être considéré comme un document unilatéral puisqu'il n'a pas été soumis au contrôle renforcé de l'administration prévu à l'article L.1233-57-3 du code du travail. L'accord litigieux n'a donc ni la valeur ni les effets d'un accord collectif et son contenu n'est alors pas opposable aux salariés.

En l'espèce, il est constant que le licenciement de M. X..., notifié le 5 mai 2014, est intervenu dans le cadre d'un PSE déterminé par un accord collectif dont la validation par la DIRECCTE a été ultérieurement annulée par un arrêt du 22 octobre 2014 de la cour administrative appel de Versailles, confirmé par le Conseil d'Etat le 22juillet 2015. L'accord collectif ayant été annulé pour un motif relevant des dispositions de l'article L.1235-10 alinéa 2, ce sont donc exclusivement les dispositions de l'article L.1235-11du code du travail qu'il convient d'appliquer au présent litige.

En considération de ces observations, la cour juge le licenciement de M. X... nul et dit qu'il doit percevoir une indemnité calculée conformément aux seules dispositions de l'article L.1235-11du code du travail.

Le jugement entrepris doit être infirmé en ce sens.

Sur le solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement

La Société conteste la décision du conseil de prud'hommes en ce qu'elle a fait application de la convention collective de la publicité. Elle estime que seule la convention collective des VRP est applicable puisque c'est celle qui régit les relations entre les parties conformément au contrat de travail de l'intéressé. Elle indique, par ailleurs, que la convention collective de la publicité n'a pas entendu que ses dispositions soient applicables aux VRP et que l'accord d'entreprise ne s'applique qu'aux personnels sédentaires de l'entreprise.

La société soutient en outre, s'agissant du salaire de référence à retenir pour le calcul de cette indemnité, que ne doit être prise en compte que la rémunération mensuelle moyenne du salarié sur les douze derniers mois de travail effectif précédant la notification du licenciement et que doivent être exclus de cette assiette le montant des frais professionnels. Elle estime ainsi que la rémunération de référence à retenir est celle perçue entre les mois de janvier à décembre 2013 soit 67449,80 euros, ce qui représente un salaire moyen mensuel de 5620,82 euros.

M. X... sollicite la confirmation de la décision entreprise à ce sujet mais ne formule aucune observation sur les arguments développés par la Société qui demande l'infirmation.

Sur ce,

La cour rappelle que la convention collective applicable se détermine par référence à l'activité principale de l'entreprise lorsque ses autres activités, relevant de conventions différentes, ne constituent pas des activités autonomes auxquels on puisse appliquer distributivement des conventions dont elles relèveraient exclusivement. La convention collective correspondant à l'activité principale doit s'appliquer à l'ensemble des activités et accessoires de l'entreprise.

Par ailleurs, l'accord ou la convention de droit privé prime sur la convention choisie pour toutes ses dispositions plus favorables. Dès lors qu'elle constitue un avantage non prévu par la loi, la convention collective est totalement libre d'en fixer les conditions. Au contraire, en cas de concours entre des dispositions légales ou conventionnelles et les avantages prévus par ces dernières, aucun cumul n'est possible, sauf dispositions contraires. Les comparaisons s'effectuent individuellement et pour chaque avantage.

Il sera également rappelé qu'un accord de niveau inférieur (convention de branche ou accord professionnel ou interprofessionnel) peut déroger à un accord de niveau supérieur tant s'agissant du champ territorial que s'agissant du champ professionnel, dès lors que les signataires de l'accord n'ont pas expressément exclu cette possibilité. Il appartient donc aux signataires de celui-ci de déterminer, clause par clause, quelle est la portée de cet accord par rapport à celle du niveau supérieur. En cas de silence, les nouvelles clauses ont un caractère supplétif. Il en est de même pour les adaptations des normes de rang inférieur aux évolutions de celle de rang supérieur.

Enfin, au regard de l'article L.2253-3 du code du travail, en matière de salaires minima, de classifications, de garanties collectives complémentaires mentionnées à l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale, de prévention de la pénibilité prévue au titre VI du livre Ier de la quatrième partie, d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes mentionnée à l'article L. 2241-3 et de mutualisation des fonds de la formation professionnelle, une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ne peut comporter de clauses dérogeant à celles des conventions de branche ou accords professionnels ou interprofessionnels. Dans les autres matières, la convention ou l'accord d'entreprise ou d'établissement peut comporter des stipulations dérogeant en tout ou en partie à celles qui lui sont applicables en vertu d'une convention ou d'un accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large, sauf si cette convention ou cet accord en dispose autrement.

En l'espèce, il est constant que la société Pages Jaunes applique deux conventions collectives, celle des VRP et celle de la Publicité et qu'elle dispose par ailleurs, depuis le 1er janvier 2004, d'un accord d'entreprise particulier.

La convention collective nationale de travail des cadres, techniciens et employés de la publicité française du 22 avril 1955 telle que modifiée par additif du 14 mars 1975 et étendue par arrêté du 17juillet 1975, dispose, en son article premier

La présente convention nationale a pour objet de régler les conditions générales de travail et les rapports entre les employeurs et les cadres, techniciens, agents de maîtrise et employés des entreprises de la publicité et assimilées, telles que définies aux groupes 77-10 et 77-11 des nomenclatures d'activités et de produits, établies par l'INSEE, décret du 9 novembre 1973, et ressortissant aux organisations syndicales ci-dessus énoncées (1).

Elle ne peut être l'occasion de restrictions aux avantages acquis antérieurement, de quelque nature qu'ils soient.

Aux termes de son article 2, modifié par avenant n° 10 du 7 juin 1974 et en vigueur étendu par arrêté du 17 juillet 1975

Le personnel administratif employé des organismes ressortissant à la confédération de la publicité française et aux parties signataires de la présente convention bénéficiera de la présente convention.

Les salariés des différentes professions étrangères à la publicité qui exercent leur activité à temps complet dans les entreprises de publicité et assimilées, ressortissant aux organisations syndicales ci-dessus énoncées, bénéficieront de la présente convention, sans que leur rémunération puisse être inférieure à celle que leur assuraient les conventions régissant leurs professions.

Exception est faite pour les entreprises appliquant à une partie de leur personnel les dispositions d'autres conventions collectives. La direction précisera, par écrit et à l'embauche, à chacun des membres de son personnel, de quelle convention il relève. (Souligné par la cour)

Pour sa part, aux termes du 3° du préambule de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975, étendu par arrêté du 20 juin 1977 et élargi par arrêté du 28juin 1989

Considérant que l'article L. 751-9 (dernier alinéa) du code du travail ouvre aux représentants de commerce le droit à une indemnité conventionnelle de licenciement ou de mise à la retraite, décident, en conséquence, d'instaurer ces indemnités par la présente convention collective qui sera seule applicable aux représentants de commerce, sauf dans le cas où une autre convention collective liant l'entreprise comporterait des dispositions plus favorables expressément applicables aux représentants de commerce (gras et souligné par la cour),

dispositions qui sont également reprises à l'article 19 qui dispose

La présente convention collective s'applique aux contrats de travail conclus entre les employeurs et les représentants de commerce visés et s'impose aux rapports nés de ces contrats, sauf dispositions conventionnelles plus favorables expressément applicables aux représentants de commerce. (gras et souligné par la cour)

Il se déduit de ces dispositions que la convention collective des VRP doit s'appliquer aux contrats de travail conclus entre les employeurs et les représentants de commerce et qu'elle s'impose aux rapports nés de ces contrats, sauf dispositions conventionnelles plus favorables expressément applicables aux représentants de commerce.

Or, les dispositions de la convention collective de la publicité, telles que rappelées ci-dessus, sont sans ambiguïté ni contradiction en ce qu'elles ne prévoient pas son applicabilité aux représentants ayant le statut de VRP, lesquels relèvent de la convention collective des VRP.

D'ailleurs, le contrat de travail de M. X..., employé comme VRP, ainsi que les bulletins de salaire qui lui ont été délivrés, font expressément mention de l'application, à la relation de travail, de cette dernière convention. Il n'a jamais contesté son application au cours de la relation de travail.

En conséquence, M. X... ne peut revendiquer l'application de la convention collective de la publicité et le jugement entrepris sera réformé en ce sens.

Par contre, la convention d'entreprise du 1er janvier 2004 prévoit spécifiquement une indemnité conventionnelle de rupture pour les bénéficiaires de l'accord interprofessionnel VRP. C'est ainsi que

Sauf licenciement pour insuffisance ou faute professionnelles, l'indemnité conventionnelle de rupture prévue par l'accord national interprofessionnel des VRP donne lieu à un double calcul:

a) celui défini en son article 13,

b) celui dont l'assiette et constituée par la moyenne mensuelle de la meilleure des cinq années civiles précédant le départ, sous déduction des frais professionnels, après revalorisation selon l'évolution de l'indice INSEE,

le montant le plus favorable étant retenu.

Aux termes des dispositions de l'article 13 de la convention collective des VRP

Lorsque, après 2 ans d'ancienneté dans l'entreprise, le représentant de commerce se trouve dans l'un des cas de cessation du contrat prévus à l'article L. 751-9, alinéas 1er et 2, du code du travail (1) alors qu'il est âgé de moins de 65 ans et qu'il ne rentre pas dans le champ d'application de l'article 15 du présent accord, l'indemnité à laquelle l'intéressé peut prétendre en vertu des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 751-9 précité est fixée comme suit, dans la limite d'un maximum de 6 mois et demi (2):

- pour les années comprises entre 0 et 3 ans d'ancienneté : 0,15 mois par année entière ;

- pour les années comprises entre 3 et 10 ans d'ancienneté : 0,20 mois par année entière ;

- pour les années comprises entre 10 et 15 ans d'ancienneté : 0,25 mois par année entière ;

- pour les années au-delà de 15 ans d'ancienneté : 0,30 mois par année entière.

Cette indemnité conventionnelle de rupture, qui n'est cumulable ni avec l'indemnité légale de licenciement ni avec l'indemnité de clientèle, sera calculée sur la rémunération moyenne mensuelle des douze derniers mois, déduction faite des frais professionnels.

Toutefois, cette indemnité sera calculée sur la seule partie fixe convenue de cette rémunération lorsque l'intéressé bénéficiera également de l'indemnité spéciale de rupture prévue à l'article 14 ci-dessous. (Souligné par la cour)

Pour sa part, l'article L.7313-17 du code du travail prévoit

Lorsque l'employeur est assujetti à une convention ou accord collectif de travail ou à une décision unilatérale de sa part ou d'un groupement d'employeurs, le voyageur, représentant ou placier peut, dans les cas de rupture du contrat de travail mentionnés aux articles L. 7313-13 et L. 7313-14, bénéficier d'une indemnité.

L'indemnité est égale à celle à laquelle le voyageur, représentant ou placier aurait pu prétendre si, bénéficiant de la convention ou du règlement il avait, selon son âge, été licencié ou mis à la retraite.

Cette indemnité n'est pas cumulable avec l'indemnité de clientèle. Seule la plus élevée est due.

Les pièces produites aux débats permettent donc de retenir les dispositions de la convention collective des VRP comme étant celles les plus favorables pour M. X....

Au regard des dispositions applicables, et contrairement à ce que soutient l'employeur, il doit être retenu, à défaut de dispositions légales ou conventionnelles dérogatoires plus favorables, pour déterminer le salaire de base sur lequel est calculée l'indemnité de licenciement, la période de rémunération correspondant aux 12 mois précédant l'envoi de la lettre de licenciement, en dehors de toute période de suspension du contrat de travail.

Si par lettre du 24 février 2014, l'employeur a notifié à M. X... qu'il entrait dans une période consacrée à la recherche de solutions de reclassement interne, qu'il était dispensé d'activité, tout en demeurant intégralement rémunéré, il n'en demeure pas moins que le contrat de travail n'étant pas suspendu, la période durant laquelle il a été dispensé de travailler, mais rémunéré, entre dans l'assiette de calcul servant à la détermination du salaire de base pour déterminer le montant de l'indemnité de licenciement.

La période de référence est donc celle débutant le 1er mai 2013 et se terminant le 30 avril 2014.

S'agissant du salaire de référence, ne doivent être totalisés que les éléments correspondant à la notion de salaire, c'est-à-dire ceux qui sont la contrepartie d'un travail effectif ou assimilé comme tel. Doivent ainsi être incluses :

- toutes les primes perçues par le salarié au cours des 12derniers mois ayant la nature de salaire;

- les heures supplémentaires ;

- les indemnités de congés payés versées par l'employeur ou par des caisses de congés payés ;

- ainsi que la part de rappel de salaire correspondant à la période de référence au titre de laquelle l'employeur a été condamné.

Doivent à l'inverse être exclus :

- le remboursement des frais professionnels réellement exposés pour l'exécution du travail (qu'ils soient définis forfaitairement ou au réel) ;

- l'indemnité compensatrice de congés payés, qui n'est pas un élément de salaire se rapportant à la période de référence;

- les commissions et l'intéressement perçus pendant la période de référence mais relatifs à des affaires antérieures;

- et les sommes correspondant à l'indemnisation du congé de reclassement dès lors qu'elles n'ont pas été versées en remplacement ou en complément du salaire habituellement perçu par le salarié.

En l'espèce, sur la période de référence retenue, aucun élément ne permet de considérer qu'une partie des commissions due à M. X... n'aurait pas été prise en compte. Au contraire, les bulletins de salaire de l'intéressé font apparaître qu'elles ont été versées chaque mois, y compris durant la période de dispense d'activité et celle du congé de reclassement. D'ailleurs, aucune des parties ne démontre, ni ne chiffre, quelles seraient les commissions qui relèveraient d'une autre période que celle de référence, et qui devraient donc être exclues du salaire de référence, ni celles qui n'auraient pas été intégrées.

De même, la cour constate que les parties n'ont formulé aucune remarque sur la nature des diverses primes perçues par le salarié au cours de la relation de travail de sorte qu'elles seront considérées comme étant la contre partie d'un travail effectif et intégrées au salaire de référence.

Par contre, la lecture des bulletins de salaire enseigne que M. X... a perçu, entre février et avril 2014, en sus de son salaire dont le niveau a été maintenu à son niveau antérieur, une indemnité pour reclassement. Prévue de surcroît par un PSE ultérieurement annulé, cette indemnité, qui n'est pas la contrepartie d'un travail effectif ou considéré comme tel, devra être déduite du salaire de référence.

Aux termes de l'article 13 de la convention collective applicable, l'indemnité conventionnelle de rupture est calculée sur la base de la rémunération moyenne mensuelle des 12 derniers mois après déduction des frais professionnels évalués forfaitairement à 30% si le VRP ne percevait aucun remboursement de frais ou sans tenir compte de ces remboursements dans le cas contraire.

En l'occurrence, le contrat de travail de M. X..., applicable jusqu'au 17 juin 2013, prévoyait que les commissions incluaient le remboursement forfaitaire de ses frais professionnels. A compter du 17juin 2013, le contrat n'a plus prévu cette intégration des frais professionnels aux commissions versées et l'examen de ses bulletins de salaire démontre qu'il a été remboursé de ces frais, mensuellement, au réel. Dés lors, il y a lieu de calculer le montant de l'indemnité conventionnelle de rupture en procédant à l'abattement forfaitaire uniquement pour le mois de mai 2013 puis à la déduction des seuls frais effectivement remboursés.

La rémunération ainsi perçue par M. X..., sur la période de référence, s'est élevée à la somme de 73988,25 euros. Une fois les frais professionnels retranchés soit 832 euros au titre du remboursement forfaitaire et 2070 euros de remboursement au réel, sa rémunération annuelle brute s'est élevée à la somme de 71086,25 euros, soit une moyenne de 5923,85 euros.

Embauché le 2 mai 2000 et le contrat de travail ayant pris fin le 30 avril 2014 M. X... justifiait d'une ancienneté de 14 ans.

La cour constate que M. X..., qui revendiquait l'application de la convention collective de la publicité, n'a fait aucune observation sur les modalités de calcul de l'indemnité de licenciement au regard de la convention collective des VRP. Pour autant, au regard de ce qui précède, l'indemnité de licenciement doit s'établir ainsi

- pour la période d'ancienneté entre 0 et 3 ans (0,15%): 2665,73 euros ;

- pour la période d'ancienneté entre 3 et 10 ans (0,20%): 8293,39 euros ;

- pour la période d'ancienneté entre 10 et 15 ans (0,25%) : 5923,85 euros,

soit la somme totale de 16882,97euros.

La société Pages Jaunes, bien qu'ayant retenu une période et un salaire de référence erronés, lui a versé la somme de 19204,47 euros, ce qui est supérieur aux dispositions conventionnelles. M.X... a donc été rempli de ses droits, la cour constatant que la Société ne sollicite pas le remboursement de la différence.

Sa demande de complément d'indemnité sera donc rejetée.

Sur l'indemnité de clientèle

M. X... estime que la Société lui est redevable d'une indemnité de clientèle pour un montant représentant deux ans de commissions.

Pour sa part, la société Pages Jaunes affirme que M. X...ne peut valablement solliciter une indemnité de clientèle puisqu'il ne démontre pas avoir généré ou accru en nombre les portefeuilles qui leur étaient confiés pas plus qu'il ne justifie en avoir augmenté la valeur. Elle rappelle qu'il appartient au VRP qui sollicite le paiement d'une indemnité de clientèle, de justifier d'un préjudice, ce que M.X... échoue à faire.

Sur ce,

Aux termes de l'article L.7313-13 du code du travail

En cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l'employeur, en l'absence de faute grave, le voyageur, représentant ou placier a droit à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui.

Le montant de cette indemnité de clientèle tient compte des rémunérations spéciales accordées en cours de contrat pour le même objet ainsi que des diminutions constatées dans la clientèle préexistante et imputables au salarié.

Ces dispositions s'appliquent également en cas de rupture du contrat de travail par suite d'accident ou de maladie entraînant une incapacité permanente totale de travail du salarié.

Pour sa part, l'article L.7313-16 du même code précise que

L'indemnité de clientèle ne peut être déterminée forfaitairement à l'avance.

Et enfin, il sera rappelé que l'article L.7313-17 dispose

Lorsque l'employeur est assujetti à une convention ou accord collectif de travail ou à une décision unilatérale de sa part ou d'un groupement d'employeurs, le voyageur, représentant ou placier peut, dans les cas de rupture du contrat de travail mentionnés aux articles L. 7313-13 et L. 7313-14, bénéficier d'une indemnité.

L'indemnité est égale à celle à laquelle le voyageur, représentant ou placier aurait pu prétendre si, bénéficiant de la convention ou du règlement il avait, selon son âge, été licencié ou mis à la retraite.

Cette indemnité n'est pas cumulable avec l'indemnité de clientèle. Seule la plus élevée est due.

Il résulte de cette disposition que pour pouvoir bénéficier d'une indemnité de clientèle, le VRP doit justifié qu'il a personnellement apporté, créé ou développé une clientèle, en nombre et en valeur. Il doit de même apporter la démonstration d'un lien entre son activité personnelle et l'augmentation du chiffre d'affaires éventuellement constaté.

Il ressort de la combinaison de ces dispositions que le représentant relevant de l'accord du 3octobre1975, ce qui est le cas en l'espèce, peut bénéficier, en cas de licenciement, de trois séries d'indemnités, non cumulables entre elles:

- une indemnité de clientèle, qui est une indemnité de premier rang;

- une indemnité conventionnelle, autrement appelée indemnité spéciale de rupture ou indemnité conventionnelle de rupture, indemnité de deuxième rang, que le représentant perçoit uniquement s'il renonce à la l'indemnité de clientèle;

- l'indemnité légale de licenciement qui est l'indemnité minimale que le représentant doit en tout état de cause percevoir.

L'indemnité de clientèle représente la part qui revient personnellement au représentant dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui. Cet apport doit au demeurant être réel et stable, ce qui implique un lien de fidélité entre l'acheteur et l'entreprise ainsi que la constitution d'un courant d'affaires entre eux. Cette indemnité est destinée à réparer le préjudice subi par le représentant du fait de la perte, pour l'avenir, du bénéfice de cette clientèle.

Il appartient au représentant de justifier de l'apport, de la création ou du développement d'une clientèle. Il lui appartient également de démontrer l'existence d'un préjudice.

En l'espèce, la cour constate que M. X... ne produit que son contrat de travail et reprend à son compte les comptes de courtage individuels pour les éditions 2010 à 2014 produits par l'employeur. Il produit également un récapitulatif chiffré de son action commerciale sur cette même période.

Or, il ne peut être déduit d'aucun de ces éléments, faute de toute analyse, qu'il a personnellement apporté à son employeur une clientèle, soit au moment de son embauche, soit pendant l'exécution de son contrat de travail.

M. X... peut d'autant moins le prétendre, qu'il résulte de la lecture du contrat de travail, dont il ne conteste pas qu'il s'est appliqué, que c'est son employeur qui lui a fourni un portefeuille de clients et de prospects à démarcher pour chaque campagne de prospection. Ainsi, l'article 2 de son contrat de travail stipulait

La Société PAGES JAUNES s'engage à confier à l'intéressé(e) un portefeuille de clients et de prospects à prospecter constitué de professionnels issus d'un ou plusieurs secteurs d'activité spécifiques tels que définis chaque édition par la Direction.

ce que confirmait l'article 12 de son contrat qui stipulait également

L'intéressé(e) reconnaît qu'il ne possède aucune clientèle dans le secteur de prospection géographique qui lui est confié et que la société lui a remis une liste de clients.

La mission de M. X...consistait donc essentiellement à renouveler et à développer les commandes des clients existants que la S.A. Pages Jaunes lui avait préalablement confiés. Or, les pièces produites permettent à la cour de constater que, M.X... a été indemnisé, jusqu'en juin 2013, pour la part qu'il a apporté dans ce développement par le versement d'une rémunération spéciale. En effet, en raison de la nature de l'activité de la Société et parce que la composition des portefeuilles confiés aux représentants variait chaque année, la Société n'aurait pu procéder à une évaluation classique de l'indemnité de clientèle. Elle a donc mis en place un système de rémunération spéciale qui permettait, chaque année, d'indemniser le salarié de la part qu'il avait pris dans le développement de la clientèle qui lui avait été confiée. Ce système, conforme à l'article L.7313-13 du code du travail, a été porté à la connaissance et accepté par M.X...dans le cadre des contrats de travail applicables depuis qu'il a occupé le poste de conseiller commercial, soit depuis le 17 juin 2002, et jusqu'au 17 juin 2013. L'article 6 stipule ainsi

En raison de la nature du portefeuille confié à l'intéressé(e), dont la composition varie selon chaque édition, l'évaluation d'une indemnité de clientèle classique ne peut être mesurée. C'est pourquoi, Pages Jaunes a mis en place un système de rémunération spéciale permettant édition après édition d'indemniser l'intéressé(e) de la part prise par lui (elle) dans le développement de la clientèle qui lui est confiée.

Contrairement à ce que soutient M. X..., la cour constate que la Société lui a bien remis, chaque mois, un compte de courtage qui reprenait non seulement le nom des clients qu'elle lui confiait avec la valeur du portefeuille mais également la rémunération spéciale qu'il percevait, au taux de 12% hors produits spéciaux.

Si, lors de la conclusions du contrat de travail du 17 juin 2013, il n'était plus fait référence à une rémunération spéciale mais au ' versement de commissions prenant en compte la part que M.X... apportait dans le développement de la clientèle , il n'en demeure pas moins que, concrètement, cette rémunération spéciale a été maintenue. M. X... peut d'autant moins soutenir qu'il ne l'a pas perçue puisqu'il est versé aux débats ses précomptes de commissions mensuels sur la période de juillet 2013 à mars 2015, qui font apparaître leur versement sous le sigle 'RS'. La cour relève que cette rémunération a été versée pour chaque prospect dont la valeur avait augmenté et que M. X... n'a jamais émis la moindre critique à ce sujet au cours de la relation de travail.

Aucune des pièces produites par M. X... ne permet d'établir qu'une part d'augmentation la clientèle n'aurait pas été prise en compte dans le calcul de cette indemnité spéciale étant rappelé que cette part était également prise en compte dans le versement de ses commissions. En effet, l'article 5-2 de son contrat de travail stipulait que « la part variable a pour objet de rémunérer l'atteinte des objectifs commerciaux et la création de clientèle », ce que précise également l'annexe 2 du contrat.

M. X... ne justifie pas davantage qu'il n'a pas été suffisamment rémunéré pour la part qu'il a prise dans l'augmentation de la valeur de la clientèle de sorte que serait justifié le versement d'un complément d'indemnité de clientèle. Il ne verse d'ailleurs aucune pièce précisant la part exacte qu'il aurait personnellement prise dans le développement de chacun des prospects et qui n'aurait pas fait l'objet d'une compensation financière.

Enfin, la cour relève que M. X... ne démontre ni que son travail de prospection aurait créé un lien de fidélité entre le client et l'entreprise ni la constitution d'un courant d'affaires entre eux, conditions pourtant essentielles afin de pouvoir bénéficier de l'indemnité sollicitée.

En conséquence, M. X..., qui a accepté les dispositions de son contrat de travail et qui a perçu tout au long de la relation contractuelle une rémunération spéciale dont il n'a pas été démontré son insuffisance, ne justifie pas avoir apporté ou développé personnellement une clientèle. Il ne justifie pas davantage avoir subi un préjudice lié à la perte du portefeuille clients. Il n'est donc pas fondé à solliciter une indemnité de clientèle.

Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur l'indemnisation réparant le préjudice lié à la nullité du licenciement.

M. X... sollicite le paiement de la somme de 284802euros, invoquant son âge au moment de son licenciement (37 ans), son ancienneté au sein de l'entreprise (14 ans), ses charges de famille et la difficulté dans laquelle il se trouve encore actuellement pour retrouver un emploi stable.

Conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article L.1235-11 du code du travail, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail, comme c'est le cas en l'espèce, le juge lui octroie une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois. Néanmoins, M. X... peut solliciter une indemnisation supérieure, dès lors qu'il justifie d'un préjudice plus important que celui réparé par le montant minimal légal.

Au préalable, il sera indiqué que la rémunération perçue par M. X... sur la période de référence, s'établie ainsi:

- sur les douze derniers mois, soit de mai 2013 au 30 avril 2014: 71086,25 euros, ce qui représente un salaire moyen de 5923,85 euros;

- sur les trois derniers mois, soit du 1erfévrier au 30 avril 2014 : 14815,02euros, ce qui représente un salaire moyen de 4938,34euros.

Son salaire moyen doit donc être fixé à la somme de 5923,85euros.

S'agissant des éléments à prendre en compte pour estimer le préjudice subi par M. X..., il sera rappelé qu'il a été licencié à la suite de son refus de voir modifier son contrat de travail. Il lui était pourtant proposé le bénéfice du statut de cadre et une durée annualisée du temps de travail.

De même, sa rémunération, était composée d'une partie fixe de 3052 euros bruts par mois payable en 13mensualités et d'une partie variable représentant, à objectifs atteints, 67% de sa rémunération annuelle fixe. Le nouveau contrat prévoyait une partie fixe d'un montant de 3189,70euros, payable en 12 mensualités, 13ème mois inclus, et une partie variable correspondant à 60% du salaire brut annuel fixe / 1,10 (correspondant aux congés payés) à objectifs atteints, soit 22 966 euros bruts. Son salaire pouvait donc atteindre, ce qu'il ne conteste pas, la somme de 61242,24 euros par an, à objectifs atteints et hors remboursement de frais, soit une somme équivalente à celle qu'il percevait. En outre, il doit être précisé qu'en cas de dépassement de ses objectifs, sa rémunération variable aurait augmenté en conséquence et sans plafonnement.

Si M. X... indique dans ses conclusions que son contrat, « en substance, se traduisait par une diminution significative de sa rémunération », il ne verse aucun élément en ce sens, n'effectuant d'ailleurs aucun comparatif entre les deux contrats. Aucune des pièces produites ne permet en outre de considérer que les nouvelles modalités d'exercice de la relation de travail auraient été moins favorables ni que les conditions de fixation des objectifs auraient rendu leur réalisation impossible.

De même, dans le cadre de la recherche de poste de reclassement, M. X... a refusé plusieurs postes de 'conseiller communication digitale spécialiste au sein de plusieurs agences de la société Pages Jaunes, dont celle au sein de laquelle il travaillait, postes pourtant de catégorie égale à celui qu'il occupait et assortis d'une rémunération au moins équivalente. Il n'a pas davantage donné de suite aux autres postes de reclassement interne qui lui ont été proposés (postes de conseiller communication digitale).

M. X... a également refusé de bénéficier du congé de reclassement qui lui a été proposé à l'occasion de la notification de son licenciement. Il n'a pas davantage utilisé les compétences du cabinet F/I/E pour bénéficier d'un accompagnement, y compris en dehors du congé de reclassement.

Au jour de l'audience M. X... justifie avoir perçu, entre janvier et avril 2016, des indemnités chômages pour un montant mensuel moyen de 3547,57euros, sans justifier de sa situation depuis le mois de mai 2014, date de son licenciement. A l'audience du 20 novembre 2018, il ne fournit aucun renseignement sur sa situation personnelle et professionnelle depuis avril 2016.

Au regard des éléments ainsi produits aux débats la cour est en mesure d'estimer le préjudice subi par M. X..., du fait de ce licenciement, à la somme de72000 euros.

Le jugement est infirmé en ce sens.

Sur la remise des documents de fin de contrat

Les termes du présent arrêt modifiant les éléments ayant présidé à l'établissement des documents de fin de contrat, il convient d'ordonner à la société Pages Jaunes, la remise, à M.X..., d'un certificat de travail, d'une attestation destinée au Pôle Emploi et d'un bulletin de salaire récapitulatif conformes au présent arrêt, notamment s'agissant de la période de référence et du salaire, sans qu'il ne soit nécessaire de recourir à une astreinte.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La société Pages Jaunes et M. X... succombant chacun pour partie à l'instance, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions l'article 700 du code de procédure civile. Pour la même raison, les parties supporteront la charge des dépens qu'elles auront engagés en cause d'appel.

Par ailleurs, la cour ne fera pas droit à la demande de distraction des dépens au profit de MaîtreChristopheZ..., avocat, la société Pages Jaunes ne justifiant pas que son conseil aurait fait l'avance de frais non compris dans les dépens et dont il n'aurait pas reçu provision.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement rendu le 29 novembre 2016 par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt sauf en ce qu'il a :

- débouté M. Yoan X... de sa demande d'indemnité de clientèle ;

- et a accordé à ce dernier la somme de 1000euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit que le licenciement de M. Yoan X... est nul ;

Décide que la relation de travail est soumise aux dispositions de la convention collective des VRP;

Fixe le salaire moyen de M. X... à la somme de 5923,85euros ;

Condamne la société Pages Jaunes à verser à M. X... la somme de 72000euros d'indemnité pour licenciement nul au visa de l'article L.1235-11du code du travail ;

Déboute M. X... de sa demande de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

Déboute M. X... de ses autres demandes salariales et indemnitaires ;

Rappelle que les sommes ayant un caractère indemnitaire produisent intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Ordonne à la SA Pages Jaunes de délivrer à M. X..., une attestation destinée au Pôle Emploi, un certificat de travail et un bulletin de paye récapitulatif conformes au présent arrêt ;

Déboute les parties de toute demande autre, plus ample ou contraire ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Madame Florence Purtas, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 16/05861
Date de la décision : 24/01/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 05, arrêt n°16/05861 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-24;16.05861 ?
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