COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
VM
Code nac : 30Z
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 15 JANVIER 2019
N° RG 18/00890 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SFCW
AFFAIRE :
Lucien X...
C/
Jean, Pierre Y...
...
Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 20 Juin 2013 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES
N° Chambre : 3
N° Section :
N° RG : 11/10409
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Fabrice E...
Me Christophe Z...,
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE QUINZE JANVIER DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:
DEMANDEUR devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation du 7 décembre 2017 cassant et annulant l'arrêt rendu par la cour d'appel de versailles le 25 novembre 2014
Monsieur Lucien X...
né le [...] à F... EL KABIR (MAROC)
de nationalité Française
[...]
assisté de Me Fabrice E... de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - N° du dossier 003685, Me Philippe RAYER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1250
****************
DEFENDEURS DEVANT LA COUR DE RENVOI
Monsieur Jean, Pierre Y...
né le [...] à VERSAILLES
de nationalité Française
[...]
assisté de Me Christophe Z..., Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 18084
Me Géraldine MACHINET, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1701,
Madame A..., Iris, Clémence Y... épouse B...
née le [...] à VERSAILLES
de nationalité Française
[...]
assisté de Me Christophe Z..., Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 18084
Me Géraldine MACHINET, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1701,
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 Novembre 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique MULLER, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Thérèse ANDRIEU, Président,
Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,
Mme Véronique MULLER, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 17 septembre 2002, Jean Y... et A... Y..., épouse B..., ont donné à bail commercial aux époux C... [...] , pour une durée de 9 ans à compter du 1er avril 2001, pour l'exercice d'une activité de "charcuterie fine, comestibles, traiteur, plats cuisinés, vins fins et alcools à emporter", le bail prévoyant que le preneur pourra avoir un rayon crémerie et conserves en activité annexe, sans que cette dernière soit considérée comme activité principale, à l'exclusion de toute autre utilisation des lieux.
Par acte authentique du 6 avril 2009, les époux C... ont conclu avec Lucien X... une promesse de cession du fonds de commerce sous conditions suspensives, notamment celle de l'agrément du bailleur et de son accord exprès au renouvellement du bail.
Par acte d'huissier du 29 mai 2009, les consorts Y... ont fait notifier aux époux C... un congé pour le 31 mars 2010 avec refus de renouvellement du bail et offre de paiement d'une indemnité d'éviction de 20.000 euros.
Par acte notarié du 23 juin 2009, les époux C... ont réitéré la promesse de cession de leur fonds de commerce pour un prix principal de 20.000 euros hors frais d'acquisition et honoraires, au profit de Lucien X... qui a déclaré avoir pris connaissance du congé avec refus de renouvellement et en faire son affaire personnelle.
Par ordonnance de référé du 8 juillet 2010, Florence D... a été désignée en qualité d'expert pour donner son avis sur le montant de l'indemnité d'éviction à laquelle pourrait prétendre le preneur ainsi que l'indemnité d'occupation qui serait due depuis le 1er avril 2010 jusqu'à la libération des lieux.
Cet expert a clos son rapport le 15 juillet 2011.
Par acte d'huissier en date du 30 novembre 2011, les consorts Y... ont fait assigner Lucien X... devant le tribunal de grande instance de Versailles aux fins principalement de voir dire que le congé a régulièrement mis fin au bail pour le 31 mars 2010 et que Lucien X... ne peut prétendre au paiement d'une indemnité d'éviction, sollicitant son expulsion et le paiement d'une indemnité d'occupation.
Puis, par acte d'huissier en date des 16 et 19 mars 2012, Lucien X... a fait assigner devant ce même tribunal Jean Y... et A... Y..., épouse B... aux fins de voir condamner ces derniers au paiement d'une indemnité d'éviction.
Ces affaires ont été jointes par ordonnance du 11 avril 2012.
Par jugement du 20 juin 2013, le tribunal de grande instance de Versailles a :
- condamné in solidum les consorts Y... à payer à M. X... une somme de 20.000 euros à titre d'indemnité d'éviction,
- fixé à 18.164,70 euros le montant annuel de l'indemnité d'occupation à compter du 1° avril 2010, outre les charges, cette indemnité devant être indexée chaque année et pour la première fois le 1° avril 2011 selon l'indice du coût de la construction,
- rejeté le surplus des demandes,
- condamné M. et Mme Y... aux dépens.
Par arrêt du 25 novembre 2014, la cour d'appel de Versailles a confirmé le jugement du tribunal de Versailles en toutes ses dispositions, condamnant M. X... aux dépens d'appel.
Par arrêt du 7 décembre 2017, la cour de cassation a :
- cassé et annulé l'arrêt du 25 novembre 2014, mais seulement en ce qu'il condamne in solidum les bailleurs à payer à M. X... la somme de 20.000 euros à titre d'indemnité d'éviction, renvoyant sur ce point la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu la déclaration de saisine par M. Lucien X... en date du 8 février 2018.
Vu les dernières conclusions notifiées le 6 avril 2018 par lesquelles Lucien X... demande à la cour de :
- réformer le jugement du 20 juin 2013,
Statuant à nouveau:
- condamnerin solidum les consorts Y... au paiement de la somme de 100.000 euros au titre de l'indemnité principale d'éviction,
- condamnerin solidum les consorts Y... au paiement de la somme de 10.000 euros au titre des indemnités accessoires,
- débouter les consorts Y... de leurs demandes, fins et prétentions
- condamner les consorts Y... au paiement d'une indemnité de 5.000 euros au titre de l'article 700 CPC
- condanmer les consorts Y... aux dépens dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 CPC.
Vu les dernières conclusions notifiées le 6 juillet 2018 au terme desquelles les consorts Y... demandent à la cour de :
- débouter Monsieur X... de l'ensemble de ses demandes, celles-ci se heurtant à l'autorité de la chose jugée,
- fixer l'indemnité de remploi au montant de 1.375 euros,
Dans l'hypothèse où la Cour de céans se prononcerait sur le montant de l'indemnité principale :
- fixer à 19.000 euros le montant de l'indemnité d'éviction due à Monsieur Lucien X..., soit à la somme de 20.375 euros en incluant l'indemnité pour trouble commercial.
- condamner Monsieur Lucien X... au paiement d'une somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner Monsieur Lucien X... en tous les dépens qui devront comprendre les honoraires de l'expert dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 11 octobre 2018.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement dont appel.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1 - Sur le périmètre de saisine de la cour de renvoi
Il résulte de l'article 624 du code de procédure civile que la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
En l'espèce, le précédent arrêt de cette cour est cassé: «seulement en ce qu'il condamne in solidum les bailleurs à payer à M. X... la somme de 20.000 euros à titre d'indemnité d'éviction». La cour de cassation reproche à cette cour d'avoir retenu que M. X... ne pouvait prétendre: «à l'indemnisation d'un trouble commercial dès lors qu'il avait connaissance, en procédant à l'achat du fonds de commerce, du refus de renouvellement du bail par le bailleur», alors que « le cessionnaire d'un fonds de commerce a droit à la réparation du trouble commercial que lui cause l'éviction.»
Le seul reproche ainsi adressé à l'arrêt précédent est d'avoir écarté l'indemnisation du trouble commercial de M. X... pour un motif erroné, à savoir sa connaissance du refus de renouvellement du bail.
Comme le font justement observer les consorts Y..., la cour de renvoi n'est ainsi saisie que de l'indemnisation du «trouble commercial» subi par M. Y..., et non pas des autres composantes de l'indemnité d'éviction qui ne peuvent être remises en cause (notamment l'indemnité principale d'éviction, mais également les indemnités accessoires relatives à aux frais de remploi et de déménagement sur lesquels la cour d'appel a statué, sans encourir de cassation sur ces points).
La demande de M. X... en fixation de l'indemnité principale d'éviction à hauteur de 100.000 euros ne peut dès lors aboutir, de même que la demande relative aux frais accessoires autres que le trouble commercial, dont la cour de renvoi est exclusivement saisie.
2 ' sur le trouble commercial
Les consorts Y... offrent de régler à ce titre une somme de 1.375 euros correspondant à la demande que M. X... avait formulée initialement devant la cour, correspondant selon lui à 3 mois de bénéfices.
M. X... affirme avoir subi un trouble commercial du fait de la perturbation née de la décision d'éviction du bailleur. Il sollicite paiement d'une somme globale de 10.000 euros pour l'ensemble des indemnités accessoires, dont on a déjà vu que certaines ne pouvaient plus être remises en cause.
Il ne précise nullement à quoi correspondrait le chiffre de 10.000 euros qu'il invoque.
Force est ici de constater que M. X... avait lui-même indiqué, devant la première cour d'appel, que son trouble commercial s'élevait à la somme de 1.375 euros. Il ne produit aucun élément qui permettrait de fixer ce trouble à une somme supérieure, de sorte qu'il convient de faire droit à cette demande et de condamner les consorts Y... au paiement de cette somme au titre du trouble commercial.
Le jugement du tribunal de grande instance de Versailles du 20 juin 2013 sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté l'indemnité au titre du trouble commercial et limité l'indemnité globale d'éviction à la somme de 20.000 euros. La cour fixera ainsi l'indemnité d'éviction à la somme totale de 21.375 euros (soit 19.000 euros au titre de l'indemnité principale, 1.000 euros au titre des frais de déménagement et 1.375 euros au titre du trouble commercial).
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Les consorts Y... seront condamnés aux dépens de la présente instance. Il sera alloué à M. X... la somme de 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Vu l'arrêt de la cour de cassation du 7 décembre 2017,
Infirme le jugement du 20 juin 2013 du tribunal de grande instance de Versailles du seul chef de la condamnation des bailleurs au paiement de la somme de 20.000 euros à titre d'indemnité d'éviction,
Statuant à nouveau de ce chef,
Condamne in solidum M. Jean Pierre Y... et Mme A... Y... à payer à M. Lucien X... la somme de 21.375 euros au titre de l'indemnité d'éviction,
Y ajoutant,
Condamne in solidum M. Jean Pierre Y... et Mme A... Y... aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne in solidum M. Jean Pierre Y... et Mme A... Y... à payer à M. Lucien X... la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
signé par Madame Thérèse ANDRIEU, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,