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20/12/2018 | FRANCE | N°18/018818

France | France, Cour d'appel de Versailles, 05, 20 décembre 2018, 18/018818


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

5e Chambre

Renvoi après cassation

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 20 DECEMBRE 2018

No RG 18/01881

No Portalis DBV3-V-B7C-SJ6W

AFFAIRE :

SA P... Y...

C/

Y... J...

Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 31 Mars 2016 par le Cour d'Appel de VERSAILLES

No Section :

No RG : 14/05264

Copies exécutoires délivrées à :

la SELARL LAFARGE ASSOCIES

Me Jean-charles BEDDOUK

Copies certifiées conformes délivré

es à :

SA P... Y...

Y... J...

le : REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT DECEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

5e Chambre

Renvoi après cassation

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 20 DECEMBRE 2018

No RG 18/01881

No Portalis DBV3-V-B7C-SJ6W

AFFAIRE :

SA P... Y...

C/

Y... J...

Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 31 Mars 2016 par le Cour d'Appel de VERSAILLES

No Section :

No RG : 14/05264

Copies exécutoires délivrées à :

la SELARL LAFARGE ASSOCIES

Me Jean-charles BEDDOUK

Copies certifiées conformes délivrées à :

SA P... Y...

Y... J...

le : REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT DECEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDERESSE ayant saisi la cour d'appel de Versailles par déclaration enregistrée au greffe social le 12 avril 2018 en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation du 20 décembre 2017 cassant et annulant l'arrêt rendu le 31 mars 2016 par la cour d'appel de Versailles

SA P... Y...

[...]

représentée par Me Arnaud CLERC de la SELARL LAFARGE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : T10 - No du dossier J...

****************

DEFENDEUR DEVANT LA COUR DE RENVOI

Monsieur Y... J...

né le [...] à

[...]

représenté par Me Jean-charles BEDDOUK, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0631 substitué par Me Stéphane ANDREO de la SCP AVALON AVOCATS, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 2194

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 25 Octobre 2018, devant la cour composée de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller,

Madame Caroline BON, Vice présidente placée,

et que ces mêmes magistrats en ont délibéré conformément à la loi

Greffier, lors des débats : Madame Florence PURTAS

M. R... J... a été embauché par la société P... Y... SA (ci-après, la ‘Société'), dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 3 juillet 2013, en qualité d'approvisionneur/acheteur, niveau V, échelon 2, coefficient 335, catégorie agent de maîtrise.

La rémunération était fixée à la somme totale de 2 850 euros dont 146,02 euros représentant 6,66 heures supplémentaires.

La convention collective applicable est la convention des industries métallurgiques et connexes de la région parisienne du 16 juillet 1954 (ci-après, la ‘convention régionale').

Le contrat de travail de M. J... prévoyait une période d'essai de trois mois.

Par avenant en date du 3 octobre 2013, cette période d'essai a été « renouvelée pour une période équivalente à courir jusqu'au 3 janvier 2014 ».

Par courrier remis en mains propres le 29 novembre 2013, la Société a mis fin à la période d'essai.

Le 12 décembre 2013, M. J... a saisi le conseil de prud'hommes d'Argenteuil (ci-après, le ‘CPH') qui, par jugement de départage en date du 5 décembre 2014, a notamment :

. condamné la Société à payer à M. J... les sommes de :

2 600 euros de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

5 320,50 euros au titre de l'indemnité de préavis, en outre celle de 532,05 euros au titre des congés payés y afférents

1 000 euros au titre de l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement

1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

. dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire ;

. mis les dépens à la charge de la Société.

La Société a relevé appel le 9 décembre 2014.

Par arrêt en date du 31 mars 2016, la cour de céans, autrement composée, a infirmé le jugement du CPH et :

. débouté M. J... de l'ensemble de ses demandes ;

. débouté la Société de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

. condamné M. J... aux dépens de première instance et d'appel.

M. J... s'est pourvu en cassation.

Par arrêt en date du 20 décembre 2017, la Cour de cassation, après avoir retenu que, d'une part, « l'accord national du 10 juillet 2010 dispose en son article 4 qu'il ne s'applique qu'à défaut d'une convention collective ou d'un avenant applicable aux Etam ou ouvriers d'un établissement parce que celui-ci ne se trouve pas dans le champ d'application territorial d'une convention territoriale, d'autre part, que la convention collective régionale des industries métallurgiques, mécaniques et connexes de la région parisienne du 16 juillet 1954, applicable au contrat de travail, dont les dispositions ne prévoyant pas de renouvellement de la période d'essai doivent primer sur celles, moins favorables, du contrat de travail, ce dont il résultait que la clause contractuelle prévoyant le renouvellement de la période d'essai était nulle », a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 16 mars 2016 et renvoyé les parties devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

C'est dans ces conditions que l'affaire a été appelée à l'audience collégiale de la cour en date du 25 octobre 2018.

La société Y... SA demande à la cour de :

. infirmer le jugement et débouter M. J... de ses demandes ;

. dire et juger que les dispositions de l'article L. 1221-22 ont un caractère impératif, de sorte que les accords et conventions antérieurs de la métallurgie sont devenus caducs au 1er juillet 2009 ;

. dire et juger que la société a normalement respecté l'avenant du 21 juin 2010 à l'accord national de la métallurgie ;

. condamner M. J... à la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

. le condamner aux entiers dépens.

M. J... sollicite pour sa part la cour de :

. confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré abusive la rupture du contrat de travail et en ce qu'il a condamné la Société à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

. réformer le jugement pour le surplus ; et statuant à nouveau,

. condamner la Société à lui payer les sommes de :

5 890,11 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

589,01 euros au titre des congés payés y afférents

2 850 euros à titre de dommages intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement

8 550 euros à titre de dommages intérêts pour rupture abusive

. dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la convocation de la Société devant le bureau de conciliation du CPH ;

. condamner la Société à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

. la condamner aux entiers dépens.

Vu les conclusions déposées tant pour la société P... Y... SA que pour M. R... J..., ainsi que les pièces y afférentes respectivement, auxquelles la cour se réfère expressément, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties,

Vu les explications et les observations orales des parties à l'audience du 25 octobre 2018,

MOTIFS

Sur le droit applicable

Il n'est pas contesté que le contrat de travail en cause entre la Société et M. J... vise expressément la convention collective régionale des industries métallurgiques et connexes de la région parisienne ; que le contrat a été interrompu après la fin d'une période d'essai de trois mois qui avait été renouvelée.

La question principale est de savoir si, comme le soutient la Société, la réforme opérée par la loi du 25 juin 2008, qui a modifié les dispositions de l'article L. 1221-22 du code du travail, « rendent caduques les dispositions de la convention collective nationale et territoriale sur les préavis » (en gras et souligné dans l'original des conclusions) ou si les relations contractuelles restaient « régies par la convention collective des Industries Métallurgiques de la région parisienne, le renouvellement de la période d'essai de Monsieur J... réalisé suivant avenant en date du 3 octobre 2013 ne saurait être opposable à Monsieur J... puisque ladite convention collective ne prévoit pas la possibilité de renouveler la période d'essai ».

A l'appui de ses prétentions, la Société relève que l'article 2.II de la loi du 25 juin 2008 a, de droit, abrogé les dispositions de l'article 2 de la convention régionale.

Dès lors, l'avenant du 21 juin 2010 de la convention collective de la métallurgie « autorise le renouvellement de la période d'essai » (en gras dans les conclusions), dans la limite d'une période ne pouvant être supérieure à cinq mois.

Le contrat a été rompu le 5ème mois, « avant l'expiration maximale de renouvellement ».

A titre subsidiaire, la Société soutient que l'application de la loi de 2008 « rend sans objet le caractère plus ou moins favorable de la convention collective avant Juin 2008 qui est devenue caduque ». Selon la Société, la Cour de cassation, à l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité, a « confirmé que l'effet impératif de la loi de 2008 et l'application au 1er juillet 2009 des nouvelles durées de périodes d'essai, peu importe les accords antérieurs, était conforme à la (C)onstitution ».

M. J... conteste l'analyse faite par la Société et fait valoir, notamment, que si l'article 2 de l'avenant du 21 juin 2010 à l'accord national du 10 juillet 1970 (ci-après, ‘l'Accord') prévoit la possibilité de renouveler la période d'essai pour les agents de maîtrise, cette disposition n'est applicable qu'à défaut d'accord territorial.

Mais, en l'espèce, un tel accord existe, qui n'envisage pas le renouvellement de la période d'essai.

La circonstance que l'article 4 ter de l'Accord confère à ce dernier un aspect impératif ne permet pas de conclure comme le fait la Société. Cette disposition a pour conséquence qu'un accord collectif de niveau inférieur ne peut pas déroger à l'Accord « en défaveur des salariés », tandis que, c'« est l'application du principe de faveur », « toute disposition conventionnelle dite impérative peut faire l'objet d'une dérogation par un accord collectif d'un niveau inférieur à condition que cette dérogation soit plus favorable au salarié ».

La défense de M. J... relève qu'une « documentation émanant de l'Union des Industries et Métiers de la Métallurgie (UIMM) » indique que « (c)es conventions territoriales ou ces accords d'entreprise ne peuvent prévoir dans ce domaine que des dispositions au moins aussi favorables que celles prévues par cet article 4 Ter ».

Enfin, la défense de M. J... souligne que les travaux de la commission des affaires sociales « portent uniquement sur la question de la durée de la période d'essai, et non sur la question de son renouvellement », d'où il résulte qu'il ne saurait être considéré que la loi de 2008 concerne cette question du renouvellement.

Sur ce

La cour doit tout d'abord observer que la distinction que fait M. J... entre ‘durée de période d'essai' et ‘renouvellement de la période d'essai' est quelque peu spécieuse, dans la mesure où les deux notions sont intimement liées, les dispositions pertinentes du code du travail se lisant :

. article L. 1221-19 : « Le contrat de travail à durée indéterminée peut comporter une période d'essai dont la durée maximale est :

1o Pour les ouvriers et les employés de deux mois ;

2o Pour les agents de maîtrise et les techniciens, de trois mois ;

3o Pour les cadres, de quatre mois » ; (souligné par la cour)

. article L. 1221-20 : « La période d'essai permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent » ;

. article L. 1221-21 : « La période d'essai peut être renouvelée une fois si un accord de branche étendu le prévoit. Cet accord fixe les conditions et les durées de renouvellement.

La durée de la période d'essai, renouvellement compris, ne peut pas dépasser :

1o Quatre mois pour les ouvriers et employés ;

2o Six mois pour les agents de maîtrise et techniciens ;

3o Huit mois pour les cadres » ; (souligné par la cour)

. article L. 1221-22 : « Les durées des périodes d'essai fixées par les articles L. 1221-19 et L. 1221-21 ont un caractère impératif, à l'exception :

- de durées plus longues fixées par les accords de branche conclus avant la date de publication de la loi no2008-596 du 25 juin 2008 précitée ;

- de durées plus courtes fixées par des accords collectifs conclus après la date de publication de la loi no2008-596 du 25 juin 2008 précitée ;

- de durées plus courtes fixées dans la lettre d'engagement ou le contrat de travail » (souligné par la cour ; cet article, qui renvoie expressément aux dispositions relatives à la période d'essai et à celles relatives à son renouvellement, démontre que la période d'essai, au sens strict, et son renouvellement éventuel doivent être appréciés de manière globale). ;

. article L. 1221-23 : « La période d'essai et la possibilité de la renouveler » (même observation) « ne se présument pas. Elles sont expressément stipulées dans la lettre d'engagement ou le contrat de travail ».

Aux termes de l'article 2.II de la loi du 25 juin 2008, les « stipulations des accords de branche conclus avant la publication de la présente loi et fixant des durées d'essai plus courtes que celles fixées par l'article L. 1221-19 restent en vigueur jusqu'au 30 juin 2009 ».

En l'espèce, le contrat de travail de M. J..., signé le 3 juillet 2013, prévoyait une « période d'essai de 3 mois renouvelable une fois d'un commun accord expressément écrit de chacune des parties conformément à la convention collective ».

La période d'essai de M. J... a été renouvelée par avenant en date du 3 octobre 2013.

Il n'est pas contesté que la convention régionale, dans sa version applicable à l'époque des faits, ne prévoyait pas de renouvellement de la période d'essai.

En revanche, l'article 4 de l'Accord se lit :

A défaut d'une convention collective ou d'un avenant applicable aux ETAM et aux ouvriers d'un établissement parce que celui-ci ne se trouve pas dans le champ d'application territorial d'une convention collective territoriale, les dispositions de l'accord national du 10 juillet 1970 modifié s'appliqueront aux ETAM et aux ouvriers de cet établissement jusqu'à ce qu'ils soient soumis à une convention collective sous réserve de l'article 15.

L'article 4 ter, de l'Accord, se lit notamment :

3. Durée de la période d'essai

Les signataires rappellent qu'aucun lien n'existe – ni ne doit être établi – entre les catégories servant à la détermination de la durée des périodes d'essai et la composition des collèges sur la base desquels sont organisées les élections professionnelles.

La durée de la période d'essai est librement fixée de gré à gré par les parties au contrat de travail, sous les réserves suivantes :

– la durée maximale de la période d'essai du contrat de travail à durée déterminée est fixée conformément à la loi ;

– la durée maximale initiale de la période d'essai du contrat de travail à durée indéterminée ne peut être supérieure aux durées suivantes :

– 2 mois pour les salariés classés aux niveaux I à III (coefficients 140 à 240), tels que définis par l'accord national du 21 juillet 1975 sur la classification ;

– 3 mois pour les salariés classés aux niveaux IV et V (coefficients 255 à 365), tels que définis par l'accord national du 21 juillet 1975 sur la classification.

(

)

4. Renouvellement de la période d'essai

La période d'essai du contrat de travail à durée déterminée n'est pas renouvelable.

La période d'essai du contrat de travail à durée indéterminée des salariés classés aux niveaux I et II (coefficients 140 à 190), tels que définis par l'accord national du 21 juillet 1975 sur la classification, n'est pas renouvelable.

Sans préjudice de l'alinéa précédent, la période d'essai du contrat de travail à durée indéterminée peut être renouvelée une fois, du commun accord des parties et pour une durée librement fixée de gré à gré entre elles. Toutefois, la durée du renouvellement de la période d'essai ne peut excéder celle de la période d'essai initiale. En tout état de cause, la durée totale de la période d'essai, renouvellement compris, ne peut être supérieure à :

– 3 mois pour les salariés classés au niveau III (coefficients 215 à 240), tel que défini par l'accord national du 21 juillet 1975 sur la classification ;

– 4 mois pour les salariés classés au niveau IV (coefficients 255 à 285), tel que défini par l'accord national du 21 juillet 1975 sur la classification ;

– 5 mois pour les salariés classés au niveau V (coefficients 305 à 365), tel que défini par l'accord national du 21 juillet 1975 sur la classification.

(

)

La cour note que c'est à juste titre que la défense de M. J... fait valoir que l'UIMM a considéré, dans son bulletin ‘Informations Sociales' du 21 décembre 2010, qu'il fallait déduire, s'agissant « de l'appréciation du caractère plus ou moins ‘favorable' des clauses relatives à la période d'essai » que « sont ‘plus favorables' aux salariés (

) la période d'essai non renouvelable par rapport à celle qui est renouvelable » (page 19 du bulletin).

Cela étant, la loi du 25 juin 2008 est, comme il a pu être relevé par M. U..., rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, particulière en ce qu'elle « transcrit un accord arrêté le 11 janvier 2008 et signé par la majorité des organisations nationales interprofessionnelles représentatives des salariés et des employeurs ou plutôt, plus exactement, celles des stipulations de cet accord qui exigent une transposition législative ». Le rapporteur précise, dans son exposé, que le ‘principe de faveur' a été retenu, qui conduit à ne pas retenir les durées ‘plancher' de renouvellement des périodes d'essai, afin de ne pas « prohiber des options éventuellement plus favorables pour eux inscrites dans un accord collectif ou le contrat de travail, voire décidées unilatéralement par l'employeur ».

Le rapporteur poursuit : « Enfin, après des consultations complémentaires, le gouvernement a estimé que les signataires de l'ANI avaient en revanche entendu remettre en cause les accords de branche en vigueur (antérieurs à la nouvelle loi) qui prévoiraient des périodes d'essai plus courtes que celles définies par l'accord interprofessionnel. Il propose donc que ces accords de branche soient considérés comme caducs (

) mais seulement au 30 juin 2009, ce terme correspondant approximativement au délai légal de quinze mois pendant lequel une convention collective dénoncée continue à produire ses effets (délai de renégociation) ; la question des accords d'entreprise qui se trouveraient dans la même situation n'est par contre pas traitée. On peut observer qu'un tel principe de caducité, s'il a un sens dans le cadre de l'ANI qui fixe des plafonds mais aussi des planchers pour les durées de période d'essai des grandes catégories de salariés, a une portée moins évidente dans le projet de loi, dès lors que celui-ci n'a formellement repris que les durées « plafond » (la même remarque valant au demeurant pour les alinéas 15 et 16 susmentionnés : il peut sembler inutile de préciser que des périodes d'essai « plus courtes » sont autorisées dès lors que l'on ne fixe en tout état de cause que des durées maximales de période d'essai). Pour autant, le texte proposé correspond à un équilibre entre deux positions qu'il convient de respecter : une majorité d'organisations signataires de l'ANI souhaitent une remise à plat des conventions de branche existantes ; pour l'avenir, tous sont attachés au principe de faveur et donc à la possibilité de périodes d'essai raccourcies ».

M. Y..., rapporteur pour la commission des affaires sociales du Sénat, a pour sa part notamment retenu que : « L'article L. 1221-21 précise les conditions dans lesquelles ces nouveaux maxima légaux s'articulent avec les durées fixées par la voie conventionnelle.

Il pose d'abord un principe : ces durées sont impératives, ce qui signifie qu'un accord collectif ne peut prévoir de durée plus longue. Des exceptions à ce principe sont cependant mentionnées :

- en premier lieu, une durée plus longue prévue par un accord de branche conclu antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi pourra toujours continuer à s'appliquer. L'intention des partenaires sociaux étant d'autoriser des périodes d'essai plus longues, il convient d'éviter que l'entrée en vigueur de la loi ne produise l'effet inverse dans certaines branches ;

- en second lieu, il est indiqué qu'un accord conclu après l'entrée en vigueur de la loi peut prévoir une durée plus courte. Il en est de même de la lettre d'engagement du salarié ou de son contrat de travail. Ces dispositions peuvent être jugées superfétatoires, dans la mesure où le fait de prévoir une durée maximale dans la loi n'interdit évidemment pas de retenir une durée plus courte dans une convention collective ou dans la loi » (en gras comme dans l'original ; souligné par la cour).

Il résulte de ce qui précède que la loi du 25 juin 2008 a envisagé de réorganiser l'ensemble des dispositions relatives, notamment, à la période d'essai et à son renouvellement, avec l'esprit non seulement que les salariés puissent être soumis à une période d'essai mais aussi que, sauf nouvel accord, les durées des périodes d'essai, envisagées globalement comme la période d'essai au sens strict et le renouvellement de cette période, soient plus longues.

La convention collective régionale des industries métallurgiques, mécaniques et connexes de la région parisienne du 16 juillet 1954, qui ne prévoyait pas de période d'essai ni de renouvellement de période d'essai, se trouve ainsi inapplicable, faute d'avoir été renouvelée ou modifiée avant le 1er juillet 2009. La cour note que ces dispositions ne seront introduites dans l'Accord que par avenant en date du 21 septembre 2015.

Le principe de faveur ne peut trouver à s'appliquer que dans l'hypothèse où une convention collective est applicable, pas dans l'hypothèse où la loi a expressément disposé que les durées des périodes d'essai qu'elles fixent ont un caractère impératif, à l'exception des accords collectifs conclus après la date de publication de la loi, étant souligné que, quoi que chacun puisse en penser par ailleurs, l'intention du législateur, reprenant, selon le rapporteur cité plus haut, l'intention des partenaires sociaux, était d'autoriser des périodes d'essai plus longues.

En revanche, l'accord national du 10 juillet 1970, tel qu'amendé le 21 juin 2010, trouve à s'appliquer puisque postérieur à l'entrée en vigueur de la loi du 25 juin 2008, en l'espèce, aux termes de l'article 2.II de cette loi, rappelé plus haut, au 30 juin 2009.

Comme l'a retenu la cour d'appel de céans, autrement composé, cet accord prévoit expressément la possibilité de renouveler la période d'essai pour une durée maximale, renouvellement compris, de cinq mois pour des salariés classés à un coefficient situé entre 305 et 365.

Tel est bien le cas de M. J..., classé au coefficient 335.

Aucune des parties ne discute la circonstance que la période d'essai a été renouvelée pour trois mois, portant ainsi la durée totale à six mois.

Les parties s'accordent à considérer que la période d'essai a été rompue dans le délai de cinq mois prévu par la convention collective.

M. J... n'invoquant pas d'autre argument que la durée de la période d'essai pour contester la rupture intervenue, la cour, infirmant le jugement entrepris, dira la rupture du contrat de travail intervenue dans des conditions régulières.

Il en résulte que M. J... doit être débouté de l'ensemble de ses demandes.

Sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

M. J..., qui succombe, sera condamné aux entiers dépens.

Compte tenu des circonstances particulières de l'espèce, la cour déboutera les parties de leur demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par décision contradictoire,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Déboute M. R... J... de l'intégralité de ses demandes ;

Condamne M. J... aux entiers dépens ;

Déboute la société P... Y... SA et M. R... J... de leur demande respective d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toute autre demande plus ample ou contraire ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Madame Florence Purtas, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 05
Numéro d'arrêt : 18/018818
Date de la décision : 20/12/2018
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Analyses

Arrêt rendu le 20 décembre 2018 par la 5ème chambre de la Cour d’appel de Versailles RG 18/01881 Contrat de travail – formation - Période d'essai - Durée - Fixation - Accords ou conventions collectifs de branche fixant des durées d'essai plus courtes que celles fixées par les dispositions législatives - Accords ou conventions collectifs de branche conclues antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 - Application dans le temps - Détermination. La Cour, statuant comme juridiction de renvoi, considère que la loi du 25 juin 2008 a envisagé de réorganiser l'ensemble des dispositions relatives, notamment, à la période d'essai et à son renouvellement, avec l'esprit non seulement que les salariés puissent être soumis à une période d'essai mais aussi que, sauf nouvel accord, les durées des périodes d'essai, envisagées globalement comme la période d'essai au sens strict et le renouvellement de cette période, soient plus longues. En l’espèce, la convention collective régionale des industries métallurgiques, mécaniques et connexes de la région parisienne du 16 juillet 1954, qui ne prévoyait pas de période d'essai ni de renouvellement de période d'essai, se trouve ainsi inapplicable, faute d'avoir été renouvelée ou modifiée avant le 1er juillet 2009. Le principe de faveur ne peut trouver à s'appliquer que dans l'hypothèse où une convention collective est applicable, et non dans l’hypothèse où la loi a expressément disposé que les durées des périodes d’essai qu’elle fixe ont un caractère impératif, à l'exception des accords collectifs conclus après la date de publication de la loi, étant souligné que l'intention du législateur était d'autoriser des périodes d'essai plus longues. En revanche, l'accord national du 10 juillet 1970, tel qu'amendé le 21 juin 2010, trouve à s'appliquer puisque postérieur au 30 juin 2019, date d'entrée en vigueur de la loi du 25 juin 2008 (art. 2.II de la loi). Cet accord qui prévoit expressément la possibilité de renouveler la période d'essai pour une durée maximale, renouvellement compris, de cinq mois pour des salariés classés à un coefficient situé entre 305 et 365 est applicable au salarié, classé au coefficient 335. Aucune des parties ne discute la circonstance que la période d'essai a été renouvelée pour trois mois, portant ainsi la durée totale à six mois. Les parties s'accordant à considérer que la période d'essai a été rompue dans le délai de cinq mois prévu par la convention collective, le salarié n'invoquant pas d'autre argument que la durée de la période d'essai pour contester la rupture intervenue, la cour, infirmant le jugement entrepris, considère que la rupture du contrat de travail est intervenue dans des conditions régulières.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2018-12-20;18.018818 ?
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