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20/12/2018 | FRANCE | N°17/01031

France | France, Cour d'appel de Versailles, 16e chambre, 20 décembre 2018, 17/01031


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 53A



16e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 20 DECEMBRE 2018



N° RG 17/01031 - N° Portalis DBV3-V-B7B-RJGJ



AFFAIRE :





[B] [J]



C/



Société MY MONEY BANK nouvelle dénomination de la SCPA GE MONEY BANK





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Janvier 2017 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 6

N° Sectio

n :

N° RG : 15/04776



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Julien MALLET de l'AARPI MVA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS



Me Gilles-antoine SILLARD de la SELARL SILLARD CORDIER & ASSOCIÉS, ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 53A

16e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 DECEMBRE 2018

N° RG 17/01031 - N° Portalis DBV3-V-B7B-RJGJ

AFFAIRE :

[B] [J]

C/

Société MY MONEY BANK nouvelle dénomination de la SCPA GE MONEY BANK

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Janvier 2017 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 6

N° Section :

N° RG : 15/04776

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Julien MALLET de l'AARPI MVA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

Me Gilles-antoine SILLARD de la SELARL SILLARD CORDIER & ASSOCIÉS, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DECEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT, après prorogation

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [B] [J]

né le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Julien MALLET de l'AARPI MVA AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0905

APPELANT

****************

Société MY MONEY BANK nouvelle dénomination de la SCPA GE MONEY BANK

Société en commandite par actions au capital social de 594.078.024 euros, immatriculée au RCS de Nanterre sous le n°784 393 340, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 784 39 3 3 400

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Gilles-antoine SILLARD de la SELARL SILLARD CORDIER & ASSOCIÉS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C 189 - N° du dossier 1700981

Représentant : Me François VERRIELE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0421

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 Juin 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Patricia GRASSO, Président,

Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller,

Madame Ghislaine SIXDENIER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Bernadette RUIZ DE CONEJO,

FAITS ET PROCEDURE,

Suivant offre de prêt émise le 11 août 2006, reçue le 14 août 2006 et acceptée le 31 août 2006,

la société GE Money Bank a consenti à M. [B] [J] un prêt immobilier « Evoluto » d'un montant de 116.670 € d'une durée prévisionnelle de 324 mois, au taux nominal de 3,80 % l' an pendant les 24 premiers mois puis révisable à l'issue de cette première période.

Par acte d'huissier en date du 30 mars 2015, M. [J] a fait assigner la société GE Money Bank devant le tribunal de grande instance de Nanterre afin d'obtenir, principalement, la nullité de la stipulation d'intérêts, subsidiairement la déchéance du droit aux intérêts conventionnels de la banque.

Par jugement rendu le 13 janvier 2017, le tribunal de grande instance de Nanterre a :

-déclaré prescrites les demandes de nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel fondées sur le défaut de prise en compte, dans la détermination du TEG, des frais d'assurance, et sur le défaut de mention de la date de mise à disposition des fonds dans l'offre de prêt,

-déclaré prescrites les demandes de nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel fondées sur les autres moyens,

-débouté M. [J] de sa demande de nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel,

-déclaré prescrite l'action de M. [J] tendant à voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts,

-rejeté la demande de dommages et intérêts de M. [J] ;

-condamné M. [J] à payer à la société GE Money Bank la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement,

-condamné M. [J] aux dépens, qui pourront être recouvrés par Me Cécile Turon conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le 3 février 2017, M. [J] a interjeté appel de la décision.

Dans ses conclusions transmises le 3 février 2017, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [J], appelant, demande à la cour de :

-le déclarer recevable et bien fondé en l'ensemble de ses demandes,

-dire et juger que l'offre de prêt émise par la SA GE Money Bank ne respecte pas les dispositions légales et réglementaires visées,

-confirmer le jugement du tribunal de grande instance du 13 janvier 2017 en ce qu'il a déclaré l'action recevable en ce qui concerne l'égalité des flux, l'absence de proportionnalité, le défaut de prise en compte de l'année civile pour calculer les intérêts et l'absence d'intégration des taux d'incidence des frais de dossiers et de commission de caution,

-infirmer le jugement du tribunal de grande instance du 13 janvier 2017 pour le surplus,

Statuant à nouveau,

À titre principal,

-prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts contenue dans l'acte de prêt liant les parties,

-condamner la société GE Money Bank au remboursement de l'excédent d'intérêts indus, à savoir la somme de 22.000 € à parfaire au jour de la décision à intervenir, avec intérêt légal à compter du 25 novembre 2014, date de la mise en demeure,

-fixer le taux applicable au contrat à hauteur du taux d'intérêt légal pour la période restant à courir à compter de la décision à intervenir,

-condamner la SA GE Money Bank à produire un nouvel échéancier pour le contrat de prêt en cause, sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,

À titre subsidiaire,

-prononcer la déchéance du droit aux intérêts conventionnels en application de l'article L 312-33 dernier alinéa (ancien) du code de la consommation,

-condamner la SA GE Money Bank au remboursement de l'excédent d' intérêts indus, à savoir la somme de 22.000 € à parfaire au jour de la décision à intervenir, avec intérêt légal à compter du 25 novembre 2014, date de la mise en demeure,

-fixer le taux applicable au contrat de prêt à hauteur du taux d'intérêt légal pour la période restant à courir à compter de la décision à intervenir,

-condamner la SA GE Money Bank à produire un nouvel échéancier pour le contrat de prêt en cause, sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,

En tout état de cause,

-condamner la SA GE Money Bank à payer à M. [J] la somme de 15.000 € à titre de dommages-et intérêts pour manquement à ses obligations d'information, de loyauté et d 'honnêteté,

-débouter la SA GE Money Bank de l'ensemble de ses demandes,

-condamner la SA GE Money Bank à payer à M. [J] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance, et de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'appel,

-condamner la société GE Money Bank aux entiers dépens de l'instance.

Dans ses conclusions transmises le 14 mai 2018, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société My MONEY Bank venant aux droits de la SA GE Money Bank, intimée, demande à la cour de :

-réformer le jugement du 13 janvier 2017 en ce qu'il a déclaré non prescrites les demandes de nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel fondées sur le non-respect du principe d'égalité des flux, l'absence de proportionnalité entre le taux de période et le TEG, et le défaut de prise en compte de l'année civile,

-réformer le jugement du 13 janvier 2017 en ce qu'il a déclaré non prescrite la demande de dommages et intérêts de M. [J],

-confirmer le jugement pour le surplus,

-condamner M. [J] à payer à la société My Money Bank une indemnité de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-le condamner aux dépens qui seront recouvrés par Me Gilles-Antoine Sillard dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 12 juin 2018.

L'audience de plaidoirie a été fixée au 21 juin 2018

MOTIFS DE LA DECISION :

A titre liminaire, il est rappelé que, conformément aux dispositions de l'article l.313-2 (ancien) du code de la consommation, devenu article L 314-5, le taux effectif global (TEG) doit être mentionné dans tout écrit constatant un prêt.

Cette exigence, combinée avec les dispositions de l'article 1907 alinéa 2 du code civil, suppose l'indication par écrit du taux d'intérêt conventionnel, élément majeur du taux effectif global. Dans tout prêt, l'exigence d'un écrit mentionnant le TEG est une condition de validité de la stipulation d'intérêt.

Sur la prescription de l'action en nullité de la stipulation d'intérêts (ou subsidiairement en déchéance du prêteur de son droit aux intérêts contractuels) :

Le point de départ de la prescription quinquennale de l'action est la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur, ou, lorsque tel n'est pas le cas, la date de révélation de celle-ci à l'emprunteur.

* Sur l'action fondée sur le défaut d'intégration dans le TEG des frais de dossier, de commission, de caution, du coût de l'assurance déléguée et du défaut de mention de la date de mise à disposition des fonds :

En l'espèce, le tribunal a affirmé que la simple mention, au paragraphe « renseignements financiers », de « l'incidence en taux des frais de dossier », de « l'incidence en taux de la commission de caution », et du « coût de l'assurance déléguée obligatoire ( évaluation) » figurant sur l'offre de prêt litigieuse, permettait à un emprunteur normalement diligent de comprendre qu'aucun de ces frais n'avaient en réalité été inclus dan le taux effectif global, qui demeurait à 3,942 %, soit la même évaluation que le 'taux du prêt sans assurance' ou taux nominal, alors qu'il aurait dû être affiché à 4,914 % (3,942+0,052+ 0,090 + 0,830 %).

Les erreurs et omissions invoquées auraient été ainsi révélées à M. [J], au jour de l'acceptation de l'offre, soit le 31 août 2006 et sa demande fondée sur une partie des éléments du taux effectif global a été déclarée prescrite.

Or, il y a lieu de rappeler que le prêteur doit démontrer que l'emprunteur a été en mesure de déterminer par lui-même l'erreur affectant le taux effectif global et le taux de période.

Il ne suffit pas de constater que l'offre contenait tous les éléments permettant à l'emprunteur de vérifier sa régularité, encore faut-il que la banque établisse que l'emprunteur présentait les compétences nécessaires pour prendre connaissance de l'erreur au moment de la réception de l'offre de prêt. M.[J] devait ainsi comprendre que le taux effectif global était stipulé 'hors frais d'acte', et que les mentions relatives à l'assurance et aux frais d'acte qui doivent toujours être intégrées au TEG, ne portaient qu'une évaluation, non intégrée au TEG. De même, il appartenait à la société GE Money Bank, au plus tard dans l'acte de prêt notarié, de préciser le taux effectif global réel. Tant les frais d'acte que d'assurances, par nature déterminables, étaient au plus tard au jour de la rédaction de l'acte authentique, déterminés.

La banque n'apportant pas la démonstration de la lisibilité de ses actes relativement au taux effectif global, sans qu'il soit nécessaire de rechercher si l'emprunteur avait pu ignorer l'irrégularité consistant par ailleurs à ne pas préciser la date de mise à disposition des fonds, le point de départ du nouveau délai de la prescription quinquennale se situe à la date à laquelle M. [J] a pris connaissance du défaut de prise en considération des éléments susvisés dans le taux effectif global. Cette prise de conscience a eu lieu lors de la remise du rapport de l'expertise du taux effectif global confiée par l'appelant à la société Humania Consultants, intervenue le 20 novembre 2014. M. [J] ayant introduit son action par conclusions du 3 juin 2015, son action en nullité fondée sur le défaut de précision des frais d'acte et des frais d'assurance obligatoire, ne peut qu'être, par extension à l'ensemble des éléments du taux effectif global n'ayant pas abouti à une véritable fixation de ce taux, déclarée non prescrite.

* Sur l'action fondée sur l'absence d'égalité des flux, l'absence de proportionnalité taux de période/TEG, le défaut de prise en compte de l'année civile :

Le tribunal a estimé non prescrite l'action fondée sur l'absence d'égalité des flux dans le calcul du taux effectif global réalisé par la banque, du fait que la simple lecture de l'offre de prêt ne permettait pas de déceler l'erreur.

Il est rappelé que les juges du fond doivent rechercher si l'emprunteur, quoique non professionnel, comme c'est le cas en l'espèce, disposait des compétences financières nécessaires lui permettant de déceler par lui- même, à la simple lecture de l'acte de prêt, les erreurs affectant le calcul financier du TEG au moment ou dans un temps voisin de la signature du contrat. Cette position jurisprudentielle est conforme à l'article 1304 du code civil qui précise que le délai de prescription pour contester un contrat est de cinq ans à compter du moment où l'erreur est découverte.

En l'espèce, il n'est ni allégué ni établi par le prêteur que l'emprunteur disposerait des compétences financières en la matière lui permettant de s'interroger sur ou de vérifier le calcul mathématique du taux effectif global au moment de la réception par lui de l'offre de prêt.

Dès lors, le point de départ du délai de prescription se situe à la date à laquelle l'emprunteur a pris effectivement connaissance de la méthode de calcul des intérêts proportionnels prescrite par les dispositions de l'article R.313-1 ancien du code de la consommation, soit à la date du dépôt de son rapport d'analyses mathématiques par la société Humania Consultants, expert saisi amiablement par lui, le 20 novembre 2014.Le jugement est confirmé en ce qu'il a estimé non prescrite l'action en nullité de la stipulation d'intérêts engagée par M. [J].

 

* Sur l'action en déchéance du droit de la banque aux intérêts conventionnels :

Le jugement ne peut davantage être suivi en ce qu'il affirme que l'action tendant au prononcé de la déchéance du droit aux intérêts du prêteur se prescrit par cinq ans à compter de la signature de l'offre préalable de crédit, dès lors que le seul point de départ du délai de prescription qui peut être retenu quant à l'erreur mathématique affectant la formule du taux effectif global portée à l'offre de prêt est la prise de connaissance effective par l'intermédiaire d'un expert saisi par l'emprunteur profane, du taux effectif global réel de la convention souscrite.

 

Sur l'action en nullité de la stipulation d'intérêts et le calcul du taux de période obligatoirement affiché dans le prêt immobilier souscrit :

 

D'une part en vertu de l'article 1907 alinéa 2 du code civil, le prêteur doit impérativement fixer par écrit le taux effectif global dans tout acte de prêt quelque soit sa nature, ainsi que la qualité de l'emprunteur.

D'autre part il est constant que les parties se sont soumises aux dispositions d'ordre public des articles L 312-1 et suivants (anciens) du code de la consommation, qui trouvent application en l'espèce.

Le prêt consenti à M. [J] étant un prêt immobilier soumis à l'article L 312-2 ancien du code de la consommation, son taux effectif global se détermine par rapport au taux de période et est proportionnel à ce taux, ainsi qu'il est précisé à l'article R 313-1 du code de la consommation ancien, pris dans sa rédaction en vigueur au moment de la conclusion du prêt en cause, qui dispose :

'Sauf pour les opérations de crédit mentionnées au 3° de l'article L 311-3" ( crédits professionnels ) 'et à l'article L 312-2 du présent code' ( crédits immobiliers), 'pour lesquelles le taux effectif global est un taux annuel, proportionnel au taux de période, à terme échu et exprimé pour cent unités monétaires, le taux effectif global d'un prêt est un taux annuel, à terme échu, exprimé pour cent unités monétaires et calculé selon la méthode d'équivalence définie par la formule figurant en annexe au présent code. Le taux de période et la durée de la période doivent être expressément communiqués à l'emprunteur.

'Le taux de période est calculé actuariellement,à partir d'une période unitaire correspondant à la périodicité des versements effectués par l'emprunteur.

Il assure,selon la méthode des intérêts composés, l'égalité entre, d'une part, les sommes prêtées et, d'autre part, tous les versements dus par l'emprunteur au titre de ce prêt, en capital,intérêts et frais divers, ces éléments étant, le cas échéant, estimés.(.....)

Pour les opérations mentionnées au 3°de l'article L 311-3 3° et à l'article L 312-2, lorsque les versements sont effectués avec une fréquence autre qu'annuelle, le taux effectif global est obtenu en multipliant le taux de période par le rapport entre la durée de l'année civile et celle de la période unitaire. Le rapport est calculé le cas échéant, avec une précision d'au moins une décimale.'

L'annexe à cet article énonce que :

'c)L'écart entre les dates utilisées pour le calcul est exprimé en années ou fraction d'année. Une année compte 365 jour ou, pour les années bissextiles, 366 jours, 52 semaines ou 12 mois normalisés. Un mois normalisé compte 30,4166 jours, que l'année soit bissextile ou non.

d)Le résultat du calcul est exprimé avec une exactitude d'au moins une décimale. Lorsque le chiffre est arrondi à une décimale particulière, la règle suivante est d'application : si le chiffre de la décimale suivant cette décimale particulière est supérieur ou égal à 5, le chiffre de cette décimale particulière sera augmenté de 1.'

En cause d'appel, M. [J] soutient que le taux de période, élément de base du calcul du TEG du prêt immobilier litigieux, est erroné, dès lors que le TEG mentionné dans le contrat de prêt, de 3,942 %, n'est pas proportionnel au taux de période affiché, soit 0,329 %.

Outre que le paragraphe 'renseignements financiers' apparaît contenir une première erreur en ce qu'il affiche la même hauteur de taux pour le taux nominal hors assurances et pour le taux effectif global, il est relevé que la société My Money Bank a présenté un taux de période arrondi, à trois décimales -0,329-, qui ne permet pas de parvenir au taux annuel indiqué par la méthode proportionnelle applicable aux prêts immobiliers;

Il ressort du rapport de la société Humania Consultants produit par M. [J] et soumis au débat contradictoire, que le taux de période affiché n'était pas celui exact, qui serait de 0,38189 %.

Le tribunal ne pouvait valider le calcul du taux effectif global annuel en partant du taux 'réellement appliqué' par la société de prêt, puisque ce taux prétendu exact, comportant quatre décimales selon les affirmations de l'intimée -0,3285- n'est pas celui affiché au contrat : 0,329.

La société Humania Consultants effectuant un calcul sur la base des éléments affichés au contrat -sans préjudice du coût de l'assurance déléguée qui devait être intégré au taux effectif global et ne l'a pas été en violation des dispositions légales, a précisé que le taux de période actuariellement défini est en réalité de 0,38189, soit supérieur à celui consigné par la société de prêt. Par ailleurs l'expert en mathématiques financières a bien tenu compte de la franchise totale de paiement sur les 24 premiers mois du crédit, puisqu'il a, à l'instar de la société My Money Bank, effectué ses calculs sur un prêt effectivement remboursable sur 300 mois, alors que la durée contractuelle totale est de 324 mois.

Il en résulte que le total des remboursements supportés par l'emprunteur est supérieur au capital disponible, à savoir la différence entre le capital emprunté et les charges (frais de dossier, assurance, caution etc...).

Si la société Humania Consultants n'a pris en considération que les frais de dossier, et non la commission de caution, c'est que ce sont les seuls frais qui sont évalués au contrat. Le montant de l'erreur commise au détriment de l'emprunteur est donc de 7.853,29 €.

Le jugement entrepris apparaît avoir opéré une confusion entre l'arrondi du résultat du rapport entre le taux de période et le taux effectif global annuel, qui est le seul arrondi admis par la loi, et l'arrondi opéré par la société My Money Bank à la fois du taux de période déterminé par elle, et du taux effectif global affiché, arrondis qui ne sont autorisés par aucun texte.

Il y a lieu de rappeler que l'article R313-1, II, alinéa 2 du code de la consommation, applicable à la cause, précise en ce qui concerne le taux de période : 'Il assure, selon la méthode des intérêts composés, l'égalité entre d'une part les sommes prêtées, et d'autre part, tous les versements dûs par l'emprunteur...'

En indiquant expressément que le taux de période 'assure' l'égalité des flux, le législateur affirme que le calcul actuariel légal de ce taux n'admet mathématiquement qu'une solution.

Sur le respect par le prêteur de la durée de la période unitaire :

M. [J] invoque l'absence de respect par le prêteur de la durée de la période unitaire, découlant de l'application de l'article R 313-1 II al.2 du code de la consommation selon lequel :'Le taux de période est calculé ... à partir d'une période unitaire correspondant à la périodicité des versements effectués par l'emprunteur.'

Le rapport complémentaire portant spécifiquement sur le calcul de la durée de période par la société Humania Consultants révèle que la périodicité des échéances de remboursement étant mensuelle, la durée de la période retenue par le prêteur n'est pas celle d'un mois normalisé de 30,41666 jours pour une année civile de 365 jours, mais, celle d'un mois de 30,463 jours, pour une année civile de 365,56 jours, ce qui revient encore pour l'établissement de prêt à exclure du TEG affiché le coût de 15,0022 jours sur la durée totale de 324 mois avec franchise d'intérêt du prêt litigieux.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le taux de période affiché est bien erroné et, partant, le taux effectif global annuel également.

Sur l'erreur dans le taux effectif global :

Les analyses mathématiques effectuées par la société Humania Consultants démontrent outre l'absence d'égalité entre, d'une part, les sommes prêtées et, d'autre part, tous les versements dus par l'emprunteur , le caractère erroné du taux et de la durée de période, et conséquemment du TEG stipulé au prêt consenti à M. [J].

Le taux effectif global du prêt immobilier litigieux est un taux annuel, proportionnel au taux de période, qui s'écrit ainsi :

TEG = 0,38189 % x365/ (365/12)= 4,5827 % et non 3,942 % tel qu'inscrit au contrat.

Selon les conclusions du rapport d'Humania Consultants, le total des remboursements supportés par l'emprunteur (123.763,29 € ) est supérieur au capital disponible, lequel consiste lui-même en la différence entre le montant du capital emprunté et les charges affichées et intégrées par le prêteur au taux effectif global. (116.570 € - 760 € ) = 115.910 €.

Il apparaît ainsi que le prêteur perçoit en exécution du tableau d'amortissement établi par lui, une somme de 7.853,29 € excédentaire par rapport au résultat de l'équation dérivée figurant à l'article R 313-1 ancien du code de la consommation, et que cet excédent pourrait être supérieur si l'on avait tenu compte des entières charges du prêt.

Le calcul réalisé par la société Humania Consultants, démontrant l'erreur dans le taux de période et partant dans le taux effectif global annuel, est validé en tant que de besoin par les rapports détaillés d'un expert-comptable et d'un mathématicien reconnus, MM. [W] et [H].

Sur la sanction du taux de période et du taux effectif global erroné :

Sur le fondement des articles 1304 et 1907 du code civil, la jurisprudence sanctionne, lorsque le TEG est erroné, par la nullité la stipulation du taux de l'intérêt conventionnel dans tous les prêts et en ordonne la substitution par le taux légal.

La nullité de la stipulation d'intérêts est également encourue par les stipulations d'intérêts inscrites aux actes authentiques de prêt immobilier, dès lors que le TEG annuel n'est pas proportionnel au taux de période. Peu importe que le code de la consommation ne prévoit aucune sanction de l'erreur dans la détermination du taux de période, celle-ci dans un prêt immobilier déterminant le taux annuel, et non l'inverse. La mention d'un taux de période exact étant une condition de validité de la stipulation d'intérêts, l'inexactitude de cette mention, comme son absence, vicie la stipulation d'intérêts tout entière.

De même pour tous les crédits à la consommation, le défaut de mention du TEG dans l'offre préalable de crédit est sanctionné par la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts contractuels conformément à l'article L 312-33 ancien du code de la consommation, auxquels se substituent les intérêts au taux légal.

La cour dispose ainsi des éléments suffisants pour faire droit à la demande de nullité de la stipulation d'intérêts présentée par M. [J], dire que le taux d'intérêts légal se substituera au taux conventionnel stipulé à l'acte de prêt, condamner la société intimée à restituer les intérêts trop-perçus depuis la signature du contrat, ordonner la production par la SA My Money Bank d'un nouvel échéancier pour le contrat de prêt en cause, sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir.

En conséquence, le jugement entrepris est infirmé en toutes ses dispositions sur le fond.

Sur la demande de dommages-intérêts :

L'appelant, soulevant le manquement de la banque à ses obligations contractuelles d'information et de loyauté, réclame encore une somme de 15.000 € à titre de dommages- intérêts en réparation du préjudice occasionné par ces manquements.

 

M. [J], qui obtient gain de cause, ne démontre pas avoir subi un préjudice distinct de l'obligation de régler des intérêts conventionnels supérieurs ou distincts de ceux réellement dûs; ce préjudice étant déjà réparé, sa prétention à dommages-intérêts supplémentaires est rejetée.

Sur les demandes accessoires :

L'équité et les circonstances de la cause commandent d'allouer à M. [J] deux sommes ainsi qu'il sera dit au dispositif, au titre des frais irrépétibles de procédure qu'il a été contraint d'exposer tant en première instance qu'en appel pour la préservation de ses droits.

Succombant en la majeure part de son argumentation et de ses demandes, la société My Money Bank supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré non prescrite la demande en nullité de la stipulation d'intérêt conventionnel fondée sur l'erreur dans le taux et la durée de la période, ainsi que dans le calcul du taux effectif global annuel du prêt consenti à M. [B] [J] ;

L'INFIRME pour le surplus et, statuant à nouveau :

PRONONCE la nullité de la stipulation d'intérêts contenue dans l'acte de prêt liant les parties, et dit que les intérêts au taux légal, suivant les modifications que la loi apporte à ce taux, sont substitués au taux d'intérêts conventionnel prévu au prêt pendant toute la durée de celui-ci ; 

CONDAMNE la SA My Money Bank à rembourser à M. [B] [J] le montant des intérêts prélevés indûment depuis la signature du prêt, jusqu'à la date du présent arrêt, avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2014, date de la mise en demeure ;

FIXE le taux applicable au contrat de prêt à hauteur du taux d'intérêt légal pour la période restant à courir à compter du présent arrêt ;

CONDAMNE la SA My Money Bank à produire un nouvel échéancier conforme pour le contrat de prêt en cause, sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

REJETTE le surplus des demandes de M. [J] ;

DÉBOUTE la SA My Money Bank de l'ensemble de ses demandes ;

CONDAMNE la SA My Money Bank à verser à M. [B] [J] les sommes de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance, et de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

CONDAMNE la SA My Money Bank aux entiers dépens de l'instance.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Patricia GRASSO, Président et par Madame RUIZ DE CONEJO, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 16e chambre
Numéro d'arrêt : 17/01031
Date de la décision : 20/12/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 16, arrêt n°17/01031 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-12-20;17.01031 ?
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