La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/12/2018 | FRANCE | N°17/009768

France | France, Cour d'appel de Versailles, 21, 20 décembre 2018, 17/009768


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

21e chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 20 DÉCEMBRE 2018

No RG 17/00976 -

AFFAIRE :

Antoine X...

C/
SA COLAS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 février 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
No Chambre : 0
No Section : E
No RG : 15/01743

Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :

à :
Me Monique Y... de l'ASSOCIATION AVOCALYS, avocat au barreau de VERSAILLES - Me Frédéric Z...,

avocat au barreau de PARIS
Me Annick A... de la SCP A... F... KHANNA ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS - Me Mélina B..., avocat au barreau de VERSAILLES...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

21e chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 20 DÉCEMBRE 2018

No RG 17/00976 -

AFFAIRE :

Antoine X...

C/
SA COLAS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 février 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
No Chambre : 0
No Section : E
No RG : 15/01743

Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :

à :
Me Monique Y... de l'ASSOCIATION AVOCALYS, avocat au barreau de VERSAILLES - Me Frédéric Z..., avocat au barreau de PARIS
Me Annick A... de la SCP A... F... KHANNA ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS - Me Mélina B..., avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DÉCEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur Antoine X...
[...]

Monsieur X... : comparant
Représentant : Me Monique Y... de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES,
vestiaire : 620 - No du dossier 003185 -
Représentant : Me Frédéric Z..., Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0001

APPELANT
****************

SA COLAS inscrite au RCS de NANTERRE sous le no 552 025 314, prise en la personne de son Président en exercice domicilié [...]

Représentant : Me Annick A... de la SCP A... F... KHANNA ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0312 -
Représentant : Me Mélina B..., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : V 626

INTIMÉE
****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 30 octobre 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe FLORES, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe FLORES, Président,
Madame Florence MICHON, Conseiller,
Madame Bérénice HUMBOURG, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Christine LECLERC,

M. Antoine X... a été engagé le 10 septembre 2007 en qualité de chef de service juridique RH par la société Colas selon lettre d'engagement du 26 juin 2007.

L'entreprise, qui exerce une activité de travaux publics emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective des cadres des travaux publics.

A compter d'avril 2015, les bulletins de paie mentionne dans l'intitulé de ses fonctions : "chef de services innovation RH et responsabilité sociale".

Le 15 octobre 2015, M. X... a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Par requête du 15 octobre 2015, M. X... a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne Billancourt afin de solliciter la condamnation de la société Colas à lui verser les sommes suivantes : 131 159,82 euros au titre des heures supplémentaires effectuées, 13 115,60 euros au titre des congés payés afférents aux heures supplémentaires, 62 837,64 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé, 14 986,67 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 1 498,66 euros au titre des congés payés afférents au préavis, 25 134,96 euros à titre d'indemnité de licenciement, 125 675,28 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 15 000 euros au titre de la prime bénévole et exceptionnelle pour l'année 2015, 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il a également demandé au conseil de :
- fixer sa rémunération brute mensuelle de référence à la somme de 10 472,94 euros ;
- ordonner la remise des documents sociaux rectifiés (certificat de travail, attestation Pôle Emploi) sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document manquant à compter de la notification de la décision à intervenir ;
- se réserver la liquidation de l'astreinte ;
- ordonner la capitalisation des intérêts légaux à compter du jour de l'introduction de l'instance,
- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir en application de l'article 515 du code de procédure civile.

La société Colas a demandé au conseil de :
- dire et juger irrecevables les pièces versées au débat par M. X... le 25 novembre 2016 sous les numéros 42 et 50 et en conséquence les en écarter ;
- fixer la rémunération brute moyenne de M. X... à 10 133,61 euros par mois ;
- dire et juger que M. X... ne rapporte pas la preuve de manquements graves de sa part de nature à empêcher la poursuite de son contrat de travail et à justifier la prise d'acte,
- dire et juger qu'elle a exécuté de façon parfaitement loyale le contrat de travail de M. X..., contrairement à ce dernier ;
- dire et juger M. X... mal fondé en sa demande de nullité de convention de forfait jours annuel, alors qu'aucune clause de forfait n'a été contractualisée ;
- dire et juger dès lors que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail notifiée par M. X... est imputable au salarié, s'analyse et produit les effets d'une démission ;
- débouter M. X... de ses demandes formées à titre d'indemnité de licenciement, d'indemnité de préavis et congés payés afférents, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de remise de documents sous astreinte ;
- dire et juger M. X... mal fondé en sa demande de prime exceptionnelle et bénévole (PBE) pour l'année 2015 et l'en débouter ;
- dire et juger en tout état de cause M. X... tant irrecevable que mal fondé en ses demandes de paiement d'heures supplémentaires et congés payés afférents et l'en débouter ;
- dire et juger M. X... tout aussi mal fondé en sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé et l'en débouter ;
- débouter M. X... de ses demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile, d'exécution provisoire du jugement à intervenir et de capitalisation des intérêts de droit ;
- dire et juger la société Colas recevable et bien fondée en ses demandes reconventionnelles ; et en conséquence :
- condamner M. X... à lui verser la somme de 14 986,67 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brusque, correspondant à la période de préavis non effectué du 21 novembre 2015 au 15 janvier 2016 ;
- condamner M. X... à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. X... aux dépens ainsi qu'aux éventuels frais d'exécution du jugement à intervenir.

Par jugement rendu le 9 février 2017, le conseil (section encadrement) a :
- dit recevable la pièce 42 produite par M. X... ;
- dit irrecevable la pièce 50 produite par M. X... et l'a écartée du débat ;
- dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. X... produit les effets d'une démission ;
- débouté en conséquence M. X... de ses demandes relatives à l'indemnité de licenciement, à l'indemnité de préavis et congés payés afférents, à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à la remise de documents sous astreinte ;
- débouté M. X... de sa demande de nullité de la convention de forfait jours annuel ;
- débouté M. X... de sa demande de dommages et intérêts pour inégalité de traitement ;
- débouté M. X... de sa demande au titre de la prime bénévole et exceptionnelle pour l'année 2015 ;
- débouté M. X... de sa demande au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents et du travail dissimulé ;
- débouté M. X... au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. X... à verser à la société SA Colas la somme de 2 000 euros au titre du préavis non effectué ;
- débouté la société Colas du surplus de ses demandes ;
- condamné M. X... aux éventuels dépens.

Le 22 février 2017, M. X... a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Le 2 mars 2017, la société Colas a constitué avocat.

Une médiation a été proposée, en vain, aux parties.

Par ordonnance rendue le 2 mai 2017, l'affaire a été fixée selon les dispositions de l'article 905 du code de procédure civile.

Par courrier du 17 juillet 2018, les parties ont été avisées de ce que, compte tenu de la nature des demandes et de l'effectif de l'entreprise et dans l'hypothèse où le licenciement serait jugé sans cause réelle et sérieuse, la cour envisageait de relever d'office les dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, prévoyant, dans les hypothèses légalement prévues, le prononcé par le juge du remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié et les a invitées à faire part de leurs éventuelles observations sur ce point.

Par courrier du 3 août 2018, la société Colas a présenté des observations concernant l'éventuelle application de l'article L. 1235-4 du code du travail.

Par ordonnance rendue le 5 septembre 2018, le conseiller de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 30 octobre 2018.

Par dernières conclusions écrites du 4 septembre 2018, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties conformément à l'article 455 du code de procédure civile, M. X... demande à la cour de :
- fixer sa rémunération mensuelle moyenne de référence à la somme de 10 472 ,94 euros,
- dire et juger que les manquements de la société Colas justifient la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur laquelle emporte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la société Colas à lui payer les sommes suivantes : 125 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 25 134,96 euros à titre d'indemnité de licenciement, 31 418,82 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 3 141,88 euros au titre des congés payés afférents, 52 410 euros à titre de dommages et intérêts pour inégalité de traitement, 6 148,33 euros au titre de la prime bénévole et exceptionnelle pour l'année 2015, 614,83 euros au titre des congés payés afférents.

- dire et juger que le forfait en jours est nul,
- condamner la société Colas à lui payer les sommes suivantes : 163 451,80 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires sur la période non prescrite, 16 345,18 euros au titre des congés payés afférents, 30 000 euros au titre des repos compensateurs, 62 800 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé (L. 8221-5 du code du travail) ;
- dire que les sommes ci dessus porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de céans,
- ordonner la capitalisation des dits intérêts légaux à compter du jour de l'introduction de l'instance sur tous les chefs de demande,
- condamner la société à verser lui verser 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner la remise des documents sociaux rectifiés (certificat de travail, attestation Pôle Emploi, solde de tout compte) sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document manquant à compter de la notification de la décision à intervenir.
- condamner la société Colas aux entiers dépens.

Par dernières conclusions écrites du 24 août 2018, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société Colas demande à la cour de :
- dire et juger M. X... mal fondé en son appel et en l'ensemble de ses demandes, y compris en ses demandes nouvelles,
- confirmer le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions,
- dire et juger irrecevable la pièce versée au débat par M. X... le 25 novembre 2016 sous le numéro 50 et en conséquence l'en écarter,
- Fixer la rémunération brute moyenne de M. X... à 10 133,61 euros par mois,
- dire et juger que M. X... ne rapporte pas la preuve de manquements graves de sa part de nature à empêcher la poursuite de son contrat de travail et à justifier la prise d'acte de rupture par l'intéressé,
- dire et juger qu'elle a exécuté de façon parfaitement loyale le contrat de travail de M. X..., contrairement à ce dernier,
- dire et juger M. X... mal fondé en sa demande de nullité de la convention de forfait jours annuel, alors qu'aucune clause de forfait n'a été contractualisée,
- dire et juger dès lors que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail notifiée par M. X... à la société Colas SA le 15 octobre 2015 est imputable au salarié, s'analyse et produit les effets d'une démission,
- débouter en conséquence M. X... de ses demandes formées à titre d'indemnité de licenciement, d'indemnité de préavis et congés payés afférents, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse et de remise de documents sous astreinte,
- dire et juger inapplicables en l'espèce les dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail,
- dire et juger M. X... mal fondé en sa demande de dommages et intérêts pour inégalité de traitement et l'en débouter,
- dire et juger M. X... mal fondé en sa demande de prime exceptionnelle et bénévole (PBE) pour l'année 2015 et l'en débouter,
- dire et juger en tout état de cause M. X... tant irrecevable que mal fondé en ses demandes de paiement d'heures supplémentaires, repos compensateurs et congés payés afférents et l'en débouter,
- dire et juger M. X... tout aussi mal fondé en sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé et l'en débouter,
- débouter M. X... de ses demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de capitalisation des intérêts de droit,
- la dire et juger recevable et bien fondée en ses demandes reconventionnelles,
- condamner M. X... à lui verser la somme 2 000 euros à titre dommages et intérêts pour brusque rupture de la période de préavis, non exécuté du 21 novembre 2015 au 15 janvier 2016,
- condamner M. X... à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. X... en tous les dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'aux éventuels frais d'exécution de l'arrêt à intervenir.

Motifs de la décision

Sur le forfait en jours :

Quant à la régularité de convention de forfait en jours :

Le salarié souligne qu'il a été soumis à une convention de forfait en jours, ainsi qu'il résulte des mentions portée sur son bulletin de salaire, alors qu'aucune convention individuelle de forfait en jours n'avait été signée. Il ajoute que l'accord collectif conclu au sein de la société Colas le 21 mars 2000 ne contenait pas de garantie suffisante pour qu'il puisse répondre aux exigences légales de validité. Il indique que l'employeur n'a pas satisfait à ses obligations de suivi de la charge de travail dans le cadre du forfait en jours et n'a pas tenu les entretiens prévus par l'article L. 3121-46 du code du travail. Le salarié en déduit qu'il a été soumis à tort à un régime de forfait en jours dont il soulève la nullité.

L'employeur expose que, persuadé de ce qu'un contrat de travail écrit avait été formalisé, le service paie a fait figurer sur tous les bulletins de paie le nombre de jours devant être travaillés dans le cadre du forfait en jours en application de l'accord RTT du 21 mars 2000. L'employeur stigmatise le comportement du salarié qui n'a jamais signalé l'absence de contrat de travail écrit et ne s'en était jamais plaint auparavant. L'employeur soutient que cette absence d'écrit constitue une omission parfaitement regrettable. Il en déduit que le salarié n'était donc pas lié par une convention de forfait en jours, de sorte qu'il n'est pas fondé à en solliciter la nullité.

Conformément aux dispositions des articles L. 3121-39 et L. 3121-40 du code du travail, la conclusion d'une convention individuelle de forfait en jours requiert l'accord du salarié et doit être établie par écrit.

L'employeur reconnaît que par suite d'une omission, aucune convention individuelle écrite n'a été formalisée entre les parties. Pour autant, les bulletins de paie du salarié font mention d'une telle convention de forfait en jours, l'employeur ajoutant que le salarié a bénéficié des jours de RTT afférents au forfait en jours. Il apparaît donc au vu des éléments du dossier que le salarié a bien été soumis à un forfait en jours de façon irrégulière puisqu'aucune convention écrite n'a été signée.

Par ailleurs, le recours au forfait en jours était fondé sur un accord d'entreprise du 21 mars 2000 qui prévoit :
"conformément au titre 3 de l'accord nationale du BTP du 6 novembre 1998 et à l'exclusion des cadres dirigeants qui feront l'objet de dispositions individuelles contractuelles, le personnel d'encadrement (J.A.C.) bénéficiera d'une réduction effective de son temps de travail apprécié en jours par année civile.
Ce forfait annuel de jours travaillés est fixé en fonction de l'ancienneté dans la profession et des congés d'ancienneté dans l'entreprise (appréciée au 1er avril) à :
- moins de cinq ans : 215 jours annuels travaillés,
- de cinq à dix ans : 213 jours annuels travaillés,
- de dix à vingt-cinq ans : 212 jours annuels travaillés,
- de vingt-cinq à tente ans : 211 jours annuels travaillés,
- plus de trente ans : 210 jours annules travaillés.
Chaque mois, le personnel d'encadrement concerné par ces dispositions établira un décompte d'activité mensuelle auto-déclaratif précisant le nombre de jours de travail effectués dans le mois.
Ce document devra être transmis au directeur hiérarchique.
Tout dépassement du nombre de jours travaillés prévus dans cet accord devra faire l'objet d'un accord préalable de la hiérarchie.
Cette réduction du temps de travail avec maintien de la rémunération brute de base antérieure fera l'objet d'un avenant au contrat de travail".

Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles. Il résulte des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur. Enfin, conformément à l'article L. 3121-45 du code du travail, dans sa rédaction

applicable à la cause, toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

Ni les dispositions du titre III de l'accord national du 6 novembre 1998 relatif à la durée du travail dans les entreprises de bâtiment et travaux publics ni les stipulations de l'accord d'entreprise du 21 mars 2000 qui ne contiennent aucune mesure de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié.

La fragilité de l'entreprise au regard de ses obligations en matière de forfait en jours était connue de l'employeur ainsi qu'il résulte d'un mail de Mme Gisèle Carbonell-Tissot, conseiller pour les relations sociales de l'EGF-BTP, diffusé ensuite auprès de cadres de la société Colas, dont M. C... directeur du développement social et humain, qui, le 3 octobre 2011 attirait l'attention sur la nécessité de vérifier si les accords collectifs répondaient aux exigences légales et jurisprudentielles, et qu'à défaut il fallait modifier l'accord collectif. Elle relevait qu'à défaut de nouvelle négociation il pouvait être décidé de s'en tenir au statut quo après pesée des avantages et inconvénients, mais que dans ce cas un suivi du forfait en jours devait obligatoirement être mis en oeuvre. Du reste, dans un mail du 27 juillet 2011, M. D... indiquait à M X... qu'il avait "bien en tête le renforcement de l'obligation des entreprises en matière de contrôle des temps de travail des cadres en convention de forfait et l'obligation d'aborder le sujet "charge de travail" dans des entretiens obligatoires", que le renforcement des obligations de contrôle du temps de travail doit logiquement conduire à un suivi "objectif" des temps de travail, mais "qu'il n'y a pas de vérité définitive dans ce domaine" et que "rien n'empêche quiconque de faire valoir ses arguments".

Il en découle que la convention de forfait en jours à laquelle le salarié a été soumis est nulle.

Par ailleurs, selon l'article L. 3121-46 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.

Les règles relatives au forfait en jours étant d'ordre public, l'employeur ne saurait s'abriter derrière le comportement du salarié qui n'aurait pas dénoncé cette situation irrégulière pendant l'exécution du contrat, pour s'exonérer des conséquences de ses manquements.

De surcroît, alors que dans les faits le salarié a été soumis à une convention de forfait en jours, fût-elle irrégulière, l'employeur ne justifie pas avoir tenu ces entretiens annuels, lesquels participent pourtant au respect de l'obligation de sécurité qui pèse sur lui. Cette abstention a, en toute hypothèse, pour conséquence de priver d'effet la convention de forfait en jours.

Quant aux heures supplémentaires :

Le salarié, qui produit un tableau récapitulatif de ses horaires et son agenda électronique, soutient avoir accompli 2 166 heures supplémentaires dont il demande le paiement, outre une indemnité au titre des repos compensateurs.

L'employeur relève que pendant l'exécution du contrat de travail, le salarié n'a jamais prétendu effectuer des heures supplémentaires ni réclamé le paiement de telles heures. Il ajoute que le décompte établi par le salarié est totalement fantaisiste et qu'il ne verse aux débats aucun justificatif probant de ses heures de début et de fin de journée de travail pour les jours concernés. L'employeur affirme que les pièces produites ne démontrent pas la réalisation des heures supplémentaires invoquées. Il conclut au débouté de la demande en paiement.

En l'absence de convention individuelle de forfait en jours régulière, le salarié est soumis aux règles de droit commun de calcul de la durée du travail. Il peut dons solliciter le paiement des heures supplémentaires qu'il aurait accomplies.

Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Il appartient, cependant, au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement exécutés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Le salarié produit un certain nombre de mails professionnels, des attestations relatives à son implication dans le travail, à l'importance de son activité, à ses déplacements et à sa disponibilité au travail, ainsi qu'un tableau quotidien reprenant entre 2012 et 2015 les horaires de travail qu'il a prétend avoir suivis. Ces documents sont suffisamment précis pour que l'employeur puisse répondre en fournissant ses propres éléments. La demande du salarié est donc étayée.

Force est de constater que si l'employeur critique les éléments avancés par le salarié il n'en fournit aucun de nature à justifier les horaires qui, selon lui, auraient réellement été appliqués M. X....

La charge de travail confiée dans le cadre du forfait en jours irrégulièrement mis en place, étant connue de l'employeur, les heures de travail exécutées pour y faire face répondent à sa commande, fût-elle implicite.

Les éléments soumis à la cour par l'une et l'autre des parties permettent de retenir la réalité de l'accomplissement d'heures supplémentaires, mais d'un nombre nettement inférieur à celui invoqué par le salarié et sans que leur nombre ne puisse dépasser le contingent annuel. La créance en résultant doit être fixée à la somme de 47 597,95 euros bruts, outre 4 759,79 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Le nombre des heures supplémentaires dont l'existence a été retenue n'ayant jamais dépassé le contingent annuel, la demande au titre des repos compensateurs doit être rejetée.

Quant à l'indemnité pour travail dissimulé :

Le seul fait d'avoir soumis à tort un salarié à une convention de forfait nulle ou privée d'effet ne suffit pas, en soi, à caractériser l'intention d'une dissimulation d'emploi salarié.

Toutefois, en l'espèce, il apparaît que le salarié a été soumis à un forfait en jours, sans conclusion d'une convention écrite, en application d'accords collectifs de branche et d'entreprise ne contenant pas les garanties suffisantes pour répondre aux impératifs de santé et de sécurité au travail auxquels le recours au forfait en jours est subordonné, étant précisé que si l'employeur n'avait aucune prise sur l'accord de branche, il ne peut s'exonérer des insuffisances de l'accord d'entreprise, et sans qu'il soit procédé aux entretiens annuels prévus par l'article L. 3121-46 du code du travail, alors que ceux-ci ont également pour objet de satisfaire aux exigences de santé et de sécurité. Il découle de ces éléments que l'invalidité du dispositif du forfait en jours ne pouvait échapper à l'employeur et que, du fait de la persistance pendant huit ans de son application irrégulière, la mention sur les bulletins de paie d'un forfait en jours au lieu des heures supplémentaires qui auraient dû être payées apparaît intentionnelle.

Le salarié est donc en droit de prétendre au paiement de l'indemnité prévue par l'article
L 8223-1du code du travail, soit 62 800 euros.

Sur la demande au titre de la différence de traitement :

Le salarié soutient que l'association AUV a été créée en 1973 dans le seul but de permettre aux collaborateurs cadres dirigeants du groupe de bénéficier de véhicules de fonctions, tout en faisant en sorte que le groupe ne supporte pas de charges sociales importantes et que cette association n'est qu'une émanation de la société Colas. M. X... explique que lorsqu'il a sollicité le renouvellement de son véhicule de fonction, il lui a été attribué un véhicule utilitaire aménagé Berlingo au lieu de l'équivalent du grand C4 Picasso 7 places qui a été attribué à d'autres salariés d'un rang comparable ou inférieur. Le salarié souligne qu'ayant quatre enfants il a besoin d'un véhicule de grande capacité et réclame une indemnité de 52 410 euros au titre de la disparité de traitement.

L'employeur soutient que le salarié n'a jamais bénéficié d'un véhicule de fonction fourni par la société Colas, mais que , comme tous les salariés de l'entreprise, il a simplement la faculté, d'adhérer à l'Association Centrale des Utilisateurs de Véhicules (AUV) qui, en contrepartie d'une cotisation individuelle annuelle, met à disposition un véhicule avec une carte de carburant en vue de son utilisation tant professionnelle que personnelle. L'association facture les kilomètres professionnels parcourus par chaque adhérent collaborateur de la société Colas. Les adhérents choisissent le véhicule dans le cadre d'une grille prenant en compte leur niveau hiérarchique.

Le véhicule, dont M. X... réclamait la mise à disposition, est fourni par l'association AUV, selon des modalités qui permettent d'éviter la qualification d'avantage en nature soumis à cotisation sociale. Si les dirigeants de cette association sont, par ailleurs, des cadres dirigeants de la société Colas, le salarié n'apporte aucun élément susceptible de démontrer que cette association serait, en réalité, une personne morale fictive et une émanation de l'employeur.

Dès lors que l'avantage contesté est fourni par une personne morale distincte de l'employeur et que le salarié ne démontre pas que cette attribution est en réalité prise par l'employeur et non par l'AUV qui fournit les véhicules, la disparité de traitement n'est pas imputable à l'employeur et la demande n'est donc pas fondée. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le rappel au titre du rappel de prime bénévole et exceptionnelle pour l'année 2015 :

Considérant que les objectifs ont été atteints, le salarié réclame le paiement de la somme de 6 148,33 euros au titre de la prime bénévole outre 614,83 euros au titre des congés payés afférents.

L'employeur soutient que cette prime avait un caractère aléatoire et que son versement ne constituait ni un droit acquis ni un usage.

La lettre d'engagement du 26 juin 2007 stipulait :
"par ailleurs, à cette rémunération fixe s'ajoute une partie variable sous forme de gratification bénévole et exceptionnelle qui tient compte de la qualité de votre collaboration et des résultats du groupe. Pour 2007, nous vous assurons une prime bénévole et exceptionnelle correspondant à un quatorzième mois, au prorata temporis. Pour 2008, cette prime bénévole et exceptionnelle, représentera au moins un mois de salaire".

Bien que cette prime soit qualifiée de "bénévole et exceptionnelle" la lettre d"engagement précise qu'elle "s'ajoute" à la rémunération fixe, ce qui signifie qu'il s'agit d'un élément contractuel et obligatoire de la rémunération du salarié. Du reste, elle a été versée chaque année, ce qui confirme ce caractère obligatoire.

L'employeur ne justifie pas des objectifs à atteindre de sorte qu'il incombe au juge de fixer le montant de la rémunération variable en fonction des prévisions contractuelles et des éléments de la cause. L'employeur sera donc condamné au paiement de la somme de 6 148,33 euros bruts outre 614,33 bruts au titre des congés payés afférents.

Sur la rupture du contrat de travail :

Quant à la prise d'acte de la rupture du contrat de travail :

M. X... soutient que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail est justifiée par les manquements de l'employeur à ses obligations, à savoir la nullité du forfait en jours, le non-respect des obligations liées au suivi de l'amplitude des horaires et de la charge de travail et sa mise à l'écart sciemment organisée (attribution d'un véhicule de fonction de catégorie inférieure, difficultés d'accès à la formation, disparition progressive de la mission "diversité").Le salarié considère que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail est justifiée et doit avoir les effets d'un licenciement.

L'employeur conteste l'existence de manquements justifiant la prise d'acte de la rupture. S'agissant du forfait en jours, l'employeur considère que le salarié, spécialiste en droit social, manque à son obligation de loyauté en mettant à exécution des menaces qu'il avait proférées lors d'entretiens avec M. E... et M. C.... L'employeur souligne que des faits anciens ne sauraient caractériser le manquement grave, lesquels supposent une réaction immédiate du salarié. Or, M. X..., qui est titulaire d'un doctorat en droit social, a enseigné cette matière, a été auditeur à la Cour de cassation et a exercé des fonctions de juriste en droit social, s'est tu, en toute connaissance de cause et n'a jamais prétendu pendant huit ans que l'absence de convention de forfait en jours était de nature à empêcher la poursuite de son contrat de travail. L'employeur en déduit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail doit avoir les effets d'une démission.

La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail. Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

La lettre de prise d'acte de M. X... est ainsi rédigée :
" Votre courrier du 6 octobre est une telle dénaturation de la réalité qu'il constitue un agissement vexatoire supplémentaire à tous ceux que je subis depuis de nombreux mois au sein de la société.
Mettre en cause, par ailleurs, ma prétendue qualité d'expert alors que mon supérieur hiérarchique, Michel C..., Directeur du développement social, est supposé détenir encore davantage de compétences et de connaissances que moi sur le droit social constitue une talent littéraire certain mais bien insuffisant pour faire oublier l'entière responsabilité de la société sur ce point crucial qui est, vous l'avez compris, celui du prétendu statut forfait- jour qui me serait appliqué alors qu'il n'a pas lieu de l'être.
Je relève d'ailleurs que les dernières mesures prise en interne abondent dans le sens de ce que je dénonce depuis un bon moment, à savoir que ce régime est actuellement défaillant et en particulier inapplicable à ma situation, compte tenu de l'absence de tout contrat de travail et de stipulations particulières conformes. Je ne reviens pas sur les autres éléments de votre lettre qui s'assied littéralement sur l'examen objectif de ma situation, tels que mes titres, mes fonctions, mes missions, mon véhicule de fonction, mon évolution salariale et les petites humiliations régulièrement vécues.
Ce dossier se trouve donc être directement orienté vers le Conseil de Prud'hommes par le biais d'une saisine, dont vous trouverez ci-joint la copie; saisine qui est déposée ce jour et qui exprime naturellement le fait qu'il m'est impossible de poursuivre mon contrat de travail, compte tenu de l'ensemble de ces manquements et de votre attitude.
Cette prise d'acte prend donc effet dès la présentation de cette lettre.
De manière ultime, il me faut préciser que j'escompte bien retrouver un autre emploi rapidement dans une autre société. Il ne faut pas se tromper dans la lecture de ce souhait. Ce sont bien votre comportement et vos carences qui me poussent à chercher et regarder ailleurs pour me libérer d'une situation qui m'est devenue insupportable. Prétendre l'inverse, c'est faire preuve d'un aveuglement qui ne résistera pas longtemps à l'examen des éléments de mon dossier ».

Il résulte des développements ci-dessus, que l'employeur a soumis le salarié à une convention de forfait en jour sans conclure de convention individuelle écrite, alors que ni l'accord de branche, ni l'accord d'entreprise ne contenaient les mesures de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié et sans réaliser les entretiens annuels, portant sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié, prescrits par l'article L. 3121-46 du code du travail. La nullité du forfait auquel le salarié était soumis a été retenue. Il a également été relevé ci-dessus que MM. E... et C... avaient été informés en 2011, de la situation de l'entreprise au regard des dispositions applicables en matière de forfait en jours, lesquelles sont d'ordre public.

Le fait que l'illicéité de la situation remonte à l'origine de la relation contractuelle, ne saurait affaiblir la nature du manquement imputable à l'employeur, dès lors que celui-ci a, en toute connaissance de cause, maintenu cette situation jusqu'à ce que le salarié prenne acte de la rupture.

Par ailleurs, dans sa décision du 29 juillet 2005 (no 2005-523 DC), le Conseil constitutionnel a précisé que l'accord individuel écrit du salarié participait aux garanties permettant le respect des exigences constitutionnelles relatives au droit à la santé et au droit au repos résultant du onzième alinéa du Préambule de 1946. Il en va de même pour les conditions de validité d'un accord collectif dont les stipulations doivent assurer la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires. Dès lors, le respect des règles de conclusion et d'exécution d'une convention de forfait en jours participent à l'exécution par l'employeur, de son obligation de sécurité telle qu'elle résulte des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. Or, conformément à l'article L. 4122-3 alinéa 3 du code du travail, le comportement du salarié, tel qu'il est défini par les deux premiers aliéna de ce texte, est sans incidence sur le principe de responsabilité de l'employeur.

En toute hypothèse, les éventuelles compétences en droit social du salarié ne sauraient dispenser l'employeur de son obligation de sécurité de sécurité ou d'en atténuer la portée, ni lui permettre d'ignorer la nécessité dans laquelle il se trouve de mettre en place un dispositif de forfait en jours conformes aux dispositions d'ordre public applicables et de faire cesser toute situation irrégulière.

L'employeur, qui, d'une part s'est affranchi des règles gouvernant le forfait en jours alors que celles-ci ont pour objet de satisfaire aux exigences de santé au travail et de repos, et, d'autre part, a maintenu en place une situation irrégulière en s'abstenant de mettre en oeuvre les mesures correctives qui s'imposaient, a manqué à ses obligations. Ces faits justifient à eux seuls la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs avancés par le salarié. La prise d'acte a donc les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et le jugement sera infirmé en conséquence.

Quant aux conséquences indemnitaires de la rupture :

S'appuyant sur un salaire de référence de 10 472,94 euros, le salarié réclame une indemnité conventionnelle de licenciement de 25 134,96 euros et une indemnité de préavis de 31 418,82 euros. Il évalue à l'équivalent de douze mois de salaire, soit 125 000 euros, l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'employeur considère que le salarié ne justifie pas du quantum de sa demande et souligne que le salaire moyen est de 10 133,61 euros et non de 10 472,90 euros. Il ajoute que le salarié avait manifestement organisé cette prise d'acte puisqu'il a rejoint la société Hermès dès le début du mois de décembre 2015. Il souligne à cet égard que le salarié n'a perçu aucune indemnité de chômage de sorte que l'article L. 1235-4 du code du travail est inapplicable.

Il résulte des bulletins de paie que sur les douze derniers mois, M. X... a perçu la somme de 127 413,33 euros et celle de 55 040,16 euros sur les six derniers mois de la relation de travail. Le salarié doit également percevoir la somme de 6 148,33 euros bruts au titre de la prime exceptionnelle et bénévole pour l'année 2015, outre 614,33 bruts au titre des congés payés afférents, ainsi qu'il a été dit ci-dessus.

Le salarié est en droit de prétendre à une indemnité conventionnelle de licenciement d'un montant de 25 134,96 euros bruts et à une indemnité de préavis de 3 141,88 euros bruts.

Conformément à l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance no 2017-1387 du 22 septembre 2017, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure au six derniers mois de salaire.

Au regard de l'ancienneté du salarié (huit ans), de son âge, des conditions de son éviction de l'entreprise et du fait qu'il a retrouvé un emploi en décembre 2015, le préjudice résultant de la rupture du contrat de travail doit être arrêté à la somme de 63 000 euros bruts. L'employeur sera condamné à payer cette somme.

Sur les intérêts légaux :

Conformément aux articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances de nature contractuelle porteront intérêt au taux légal à compter de la convocation devant le conseil de

prud'hommes, soit le 9 février 2017, alors que les créances de nature indemnitaires porteront intérêt au taux légal à compter de la présente décision.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil.

Sur la remise des documents sociaux :

L'employeur est tenu de remettre au salarié des documents sociaux conformes à la présente décision. En l'état, il n'apparaît pas nécessaire d'assortir cette décision d'une astreinte.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

L'employeur, qui succombe, doit supporter les dépens de première instance et d'appel.

Il paraît inéquitable de laisser à la charge du salarié l'intégralité des sommes avancées par lui et non comprises dans les dépens. Il lui sera en conséquence alloué la somme de 3 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme, sauf en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande au titre de l'inégalité de traitement, le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt le 9 février 2017,

Statuant de nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que la convention de forfait en jours à laquelle le salarié a été soumis est nulle,

Dit que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Colas à payer à M. X..., avec les intérêts légaux à compter du 9 février 2017 :
- 25 134,96 euros bruts à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 31 418,82 à titre d'indemnité de préavis, outre 3141,88 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 6 148,33 euros bruts au titre de la prime exceptionnelle et bénévole pour l'année 2015, outre 614,33 bruts au titre des congés payés afférents,
- 47 597,95 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre 4 759,79 euros bruts au titre des congés payés afférents,

Condamne la société Colas à payer à M. X..., avec les intérêts légaux à compter de ce jour :
- 62 800 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
- 63 000 euros bruts à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne à la société Colas de remettre à M. X... un bulletin de paie, une attestation Pôle emploi et un solde de tout compte conformes à la présente décision,

Dit que les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

Déboute M. X... de ses autres prétentions,

Déboute la société Colas de ses demandes,

Condamne la société Colas à payer les dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Philippe FLORES, Président et par Madame LECLERC, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 21
Numéro d'arrêt : 17/009768
Date de la décision : 20/12/2018
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Analyses

Arrêt rendu le 20 décembre 2018 par la 21ème chambre de la cour d‘appel de Versailles RG 17/00976 Contrat de travail - Durée du travail - Cadres - Articles L. 3121-39 et L. 3121-40 du code du travail -Conventiondeforfaitenjours - Validité - Conditions - Protection de la sécurité et de la santé du salarié - Défaut - Effets – nullité de la convention – conséquences - Prised'actede la rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelleetsérieuse. La Cour prononce la nullité de la convention de forfait à laquelle l’employeur a soumis le salarié sans conclure de convention individuelle écrite, alors que ni l’accord de branche, ni l’accord d’entreprise ne contenaient les mesures de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié. L’employeur qui s’est ainsi affranchi des règles gouvernant le forfait en jours alors que celles-ci ont pour objet de satisfaire aux exigences de santé au travail et de repos, et, a maintenu en place une situation irrégulière en s’abstenant de mettre en œuvre les mesures correctives qui s’imposaient, a manqué à ses obligations. Ces faits justifient à eux seuls la prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2018-12-20;17.009768 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award