COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
19e chambre
ARRET N°
contradictoire
DU 19 DECEMBRE 2018
N° RG 16/04570 - N° Portalis DBV3-V-B7A-RAQV
AFFAIRE :
[G] [S]
C/
SARL M.A.M.
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Septembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES
Section : E
N° RG : 14/01094
Expéditions exécutoires
Expéditions
délivrées le :
à :
Me Grégory MENARD
Me Catherine CIZERON de la SELARL CABINET DE L'ORANGERIE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX NEUF DECEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [G] [S]
né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 1]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Grégory MENARD, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 242
APPELANT
****************
SARL M.A.M.
N° SIRET : 389 51 7 8 633
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Catherine CIZERON de la SELARL CABINET DE L'ORANGERIE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.404 - substituée par Me Liora MIZRAHI, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 518
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Novembre 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Luc LEBLANC, président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Luc LEBLANC, Président,
Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller,
Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Gaëlle POIRIER,
FAITS ET PROCÉDURE :
Aux termes d'un contrat de travail à durée indéterminée, M. [G] [S] a été engagé à compter du 13 janvier 2014 par la société M.A.M. en qualité de directeur d'exploitation avec le statut cadre CA1.
Les relations de travail étaient soumises à la convention collective des entreprises de propreté.
M. [S] a été licencié le 14 novembre 2014 pour faute grave après avoir été mis à pied à titre conservatoire à compter du 3 octobre 2014. Il lui était reproché diverses négligences et fautes professionnelles ainsi qu'un comportement de nature à déstabiliser l'entreprise et le fait d'avoir saisi le conseil de prud'hommes après sa convocation à l'entretien préalable.
Au moment de la rupture du contrat de travail, la rémunération mensuelle brute de M. [S] s'élevait à la somme de 3 250 €.
Il a contesté son licenciement devant le conseil de prud'hommes de Versailles.
Par jugement du 12 septembre 2016, auquel il convient de se reporter pour l'exposé des faits, prétentions et moyens soutenus devant eux, les premiers juges ont décidé que le licenciement n'était pas fondé sur une faute grave mais reposait sur une cause réelle et sérieuse.
En conséquence, ils ont :
- débouté M. [S] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamné la société M.A.M. à verser à M. [S] les sommes suivantes :
- 9 750 € d'indemnité de préavis et 975 € correspondant aux congés payés y afférents,
- 4 341,69 € à titre de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire et 434,17 € correspondant aux congés payés y afférents,
- 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- constaté que l'exécution provisoire était de droit,
- débouté le demandeur du surplus de sa demande,
- débouté la société M.A.M. de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société M.A.M. aux éventuels dépens.
Aux termes de conclusions écrites pour l'audience du 6 novembre 2018, M. [S] demande à la cour d'appel d'infirmer cette décision en ce qu'elle le déboute de sa contestation du licenciement et, statuant à nouveau, de :
- A titre principal, annuler son licenciement,
- A titre subsidiaire, dire son licenciement abusif,
- En tout état de cause, condamner la société M.A.M. à lui verser la somme de 19 500 € à titre d'indemnité pour licenciement nul, ou subsidiairement, abusif,
- Confirmer le jugement pour le surplus,
- Condamner la société M.A.M. à lui payer la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société M.A.M. aux dépens,
En réplique, aux termes de conclusions écrites pour l'audience du 6 novembre 2018, la société M.A.M. demande à la cour de la recevoir en son appel incident, d'infirmer le jugement en ce qu'il rejette la qualification de faute grave et, statuant à nouveau, de :
- Juger que le licenciement est fondé sur une faute grave,
- Condamner M. [S] à lui rembourser la somme versée en exécution de la décision infirmée,
- En tout état de cause, débouter M. [S] de ses demandes,
- Subsidiairement, juger que le licenciement repose sur un motif réel et sérieux,
- Confirmer le jugement de ce chef et rejeter intégralement la demande de dommages-intérêts,
- Plus subsidiairement, juger cette demande dépourvue de tout fondement et la rejeter intégralement,
- Condamner M. [S] à lui verser la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Le condamner aux entiers dépens,
MOTIFS :
Vu la lettre de licenciement,
Vu les conclusions des parties,
Sur la demande d'annulation du licenciement :
Considérant que l'instance ayant été introduite avant le 1er août 2016, date de l'entrée en vigueur des dispositions modifiant la procédure prud'homale en supprimant la règle de l'unicité de l'instance, M. [S] est recevable à présenter, pour la première fois en cause d'appel, une demande d'annulation de son licenciement ;
Considérant qu'il soutient qu'en lui reprochant expressément d'avoir saisi le conseil de prud'hommes avant la notification de son licenciement, son employeur porte directement atteinte à l'exercice de sa liberté d'ester en justice et que la méconnaissance de ce droit fondamental est sanctionnée par la nullité de la rupture du contrat de travail ;
Considérant que la société MAM prétend ne pas avoir reproché au salarié la saisine de la juridiction prud'homale mais critiqué seulement son attitude belliqueuse l'ayant conduit à contester une mesure de licenciement avant même que celle-ci ne lui soit notifiée ;
Considérant cependant que la lettre de licenciement du 14 novembre 2014 fait grief à M. [S] 'd'avoir engagé des manoeuvres visant à faire pression sur son employeur et à influer sur la procédure engagée' en lui reprochant explicitement d'avoir 'd'ores et déjà saisi le conseil de prud'hommes d'une procédure de contestation du licenciement qui n'avait pas même été prononcé' ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient l'employeur, il s'agit bien d'un véritable motif du licenciement du salarié qui lui est annoncé, dans la phrase venant immédiatement après l'énoncé de ce motif, avec la formule 'Par conséquent, votre licenciement prendra effet à compter de la première présentation de cette lettre.' ;
Considérant que la société M.A.M. fait valoir que la raison du licenciement de M. [S] est principalement d'avoir manqué de manière répétée à ses obligations contractuelles et fait observer qu'à l'époque de sa convocation à l'entretien préalable assortie d'une mise à pied conservatoire, il n'était question que des manquements du salarié tenant à l'absence de visite et de contrôle des sites, à un défaut d'encadrement, à une carence dans l'organisation des remplacements et au refus de rendre des comptes ;
Considérant toutefois que seule la lettre de licenciement qui comporte l'énoncé des motifs invoqués par l'employeur fixe les limites du litige et le fait pour l'employeur de reprocher, dans la lettre de licenciement, d'avoir d'ores et déjà saisi la juridiction prud'homale constitue une atteinte à la liberté fondamentale d'ester en justice entraînant à elle seule la nullité du licenciement ;
Considérant qu'il n'y a donc pas lieu d'examiner les autres griefs invoqués par l'employeur pour vérifier l'existence d'une cause réelle et sérieuse et a fortiori d'une faute grave ;
Considérant que, dans ces conditions, le licenciement de M. [S] sera annulé et l'appel incident rejeté ;
Que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il juge que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
Sur les conséquences financières du licenciement nul :
Considérant que le salarié victime d'un licenciement nul et qui ne demande pas sa réintégration, a droit, quelles que soient son ancienneté et la taille de l'entreprise, aux indemnités de rupture et à une indemnité au moins égale à 6 mois de salaire pour réparer le préjudice résultant du caractère illicite de son licenciement ;
Considérant qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il condamne la société M.A.M. à verser à M. [S] une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents ;
Considérant qu'en revanche, le jugement sera infirmé en ce qu'il déboute le salarié de sa contestation du bien-fondé du licenciement indemnitaire et il lui sera alloué la somme de 19 500 € en réparation du préjudice résultant du caractère illicite de ce licenciement ;
Sur les autres demandes :
Considérant que le jugement sera confirmé en ce qu'il condamne la société M.A.M. à payer à M. [S] le montant du salaire dont il a été injustement privé pendant la période de mise à pied soit 4341,69 € et 434,17 € au titre des congés payés y afférents ;
Considérant qu'enfin, il convient de condamner la société M.A.M à verser à M. [S] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de la débouter de sa propre demande à ce titre ; que la condamnation prononcée sur ce point par les premiers juges sera confirmée ;
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire ;
Rejette l'appel incident ;
Infirme le jugement sauf en ce qu'il condamne la société M.AM. À verser à M. [G] [S] la somme de 9 750€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis, celle de 4 341,69 € au titre du salaire de la période de mise à pied ainsi que les congés payés afférents à ces deux créances et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés :
Prononce la nullité du licenciement notifié à M. [G] [S] ;
Condamne la société M.A.M. à verser à M. [G] [S] la somme de 19 500 € à titre de dommages-intérêts pour réparer le préjudice résultant du caractère illicite de son licenciement ;
Condamne cette société à payer à M. [G] [S] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa propre demande à ce titre ;
La condamne aux dépens ;
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Luc LEBLANC, président et par Madame POIRIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,