COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
VM
Code nac : 31A
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 11 DECEMBRE 2018
N° RG 17/08105 - N° Portalis DBV3-V-B7B-R6TC
AFFAIRE :
Claude X...
C/
Société LE GRILL 92
Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 15 Mai 2014 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre : 2
N° Section :
N° RG : 2013F19
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Claire Y...,
Me Franck Z...,
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE ONZE DECEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:
DEMANDEUR devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation () du 13 septembre 2017 cassant et annulant l'arrêt rendu par la cour d'appel de VERSAILLES le 14 novembre 2015
Monsieur Claude X...
né le [...] à
de nationalité Française
[...]
représenté par Me Claire Y..., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 - N° du dossier 2017340,
représenté par Me Carine AIT-SAID et Me Claire OLDAK, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
****************
DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI
Société LE GRILL 92
N° SIRET : 423 465 095
[...]
représenté par Me Franck Z..., avocat Postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20170481
représenté par Me Marc SPORTES de la SELARL S.P.A.D.A, Plaidant, , avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0023, substitué par Me A...
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Novembre 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique MULLER, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Thérèse ANDRIEU, Président,
Mme Véronique MULLER, Conseiller,
Madame Dominique ROSENTHAL, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,
EXPOSÉ DU LITIGE
Selon promesse synallagmatique de vente du 10 août 2012, la société Le Grill 92 (ci après le Grill), représentée par son gérant M. B..., a promis de vendre à M. Claude X... un fonds de commerce de café-restaurant-hôtel 'Le Félix C...', situé [...] pour un prix de 204 500 euros sous les conditions suspensives suivantes :
- obtention par le bénéficiaire au plus tard le 15 octobre 2012 d'un prêt bancaire d'un montant maximum de 150.000 euros en vue de financer l'acquisition,
- constatation de la libération des locaux de toute occupation, au plus tard le 31 octobre 2012,
- renonciation par la commune de Chatillon à l'exercice de son droit de préemption, au plus tard le 31 octobre 2012.
Après que M. B... a informé le 19 octobre 2012 M. X... de ce qu'il ne pourrait libérer les locaux de toute occupation et qu'il lui a indiqué être délié de tout engagement au titre de la promesse de vente, M. X... a fait répondre par son avocat dans une lettre recommandée du 25 octobre 2012 que les conditions suspensives relatives au prêt et à la renonciation de la commune de Chatillon à son droit de préemption étaient réalisées dans le délai convenu, qu'il renonçait expressément à la condition relative à la libération des locaux et qu'il confirmait la convocation au 31 octobre 2012 pour la signature de l'acte de cession du fonds de commerce dans le cabinet de son avocat. M. B... s'est rendu le jour convenu au cabinet du conseil de Monsieur X... et a refusé de signer l'acte de vente.
Le 5 décembre 2012, Monsieur X... a fait assigner la société Le Grill en réalisation forcée de la vente devant le tribunal de commerce de Nanterre.
PROCÉDURE
Vu le jugement du 15 mai 2014 du tribunal de commerce de Nanterre qui a:
- rejeté la demande de la société Le Grill d'annulation de la promesse de vente et d'achat du 10 août 2012,
- débouté la société Le Grill de sa demande de dommages et intérêts,
- ordonné au mandataire dûment autorisé par la société Le Grill, de signer l'acte de cession du fonds de commerce qui aurait dû être signé chez Me D... le 31 octobre 2012, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la date de la signification du jugement à intervenir,
- réservé la liquidation de l'astreinte et dit qu'au-delà d'un délai de deux mois à compter du 30° jour suivant la date de la signification du jugement à intervenir, il sera de nouveau fait droit,
- dit que le prix de cession sera séquestré entre les mains du séquestre juridique de l'ordre des avocats de Paris,
- rejeté la demande de M. X... de condamnation de la société Le Grill à des dommages et intérêts,
- condamné la société Le Grill à payer à M. X... la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté du surplus des demandes,-
- ordonné l'exécution provisoire de ce jugement, nonobstant appel et sans caution,
- condamné la société Le Grill à supporter les dépens.
Vu l'arrêt de cette cour du 24 novembre 2015 qui a confirmé le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation des honoraires de courtier en prêt, et statuant à nouveau de ce chef a condamné la société Le Grill 92 à payer à M. X... la somme de 8.084,96 euros, ordonnant l'exécution de l'arrêt sous astreinte, et condamnant la société Le Grill 92 au paiement de frais irrépétibles.
Vu l'arrêt du 13 septembre 2017 par lequel la cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt du 24 novembre 2015, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de dommages-intérêts de M. X... au titre d'une perte d'exploitation, renvoyant la cause et les parties sur ce point devant la présente cour, autrement composée.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu la déclaration de saisine régularisée le 17 novembre 2017 par M. X....
Vu les dernières conclusions notifiées le 24 septembre 2018 par lesquelles M. X... demande, pour l'essentiel, à la cour de :
- dire le caractère parfait de la vente, et le transfert de propriété au 31 octobre 2012, date butoir prévue dans la promesse,
- dire l'autorité de force jugée quant à l'existence du lien de causalité entre la faute de la société Le Grill et les préjudices subis par M. X...,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. X... de ses demandes en dommages et intérêts autres que celles relatives aux honoraires de courtier en prêt,
Et, statuant à nouveau,
- condamner la société Le Grill 92 à verser à M. Claude X... les sommes suivantes :
- 11.000 euros, en remboursement des intérêts du prêt consenti par Mme E...,
- la somme de 12.964 euros TTC au titre de la perte d'économie d'échelle,
- à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de sa perte d'exploitation, une somme de 357.912 euros, au 31 décembre 2017, à parfaire à la date de l'arrêt à venir,
- à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la perte de valeur du fonds de commerce, la somme de 77.710 euros, au 31 décembre 2017, à parfaire à la date de l'arrêt à venir,
- Réserver à la cour la liquidation de l'astreinte,
- liquider l'astreinte fixée en appel à la somme de 676.000 euros courus entre le 10 mars 2016 et le 15 janvier 2018, à parfaire à la date de l'arrêt à venir,
- dire que les sommes qui seront allouées à M. Claude X..., aux termes de l'arrêt à intervenir, devront être séquestrées entre les mains du séquestre juridique de l'ordre des avocats qui exécutera sa mission de séquestre dans les conditions des articles 1956 et suivants du code civil,
- prononcer la compensation desdites sommes avec le prix de vente,
- débouter la société Le Grill de l'ensemble de ses demandes et particulièrement de sa demande de dommage et intérêts pour procédure abusive et de sa demande sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile ;
A titre reconventionnel :
- dire que la clause de réitération de la promesse potestative est nulle et non avenue,
- En conséquence, dire le transfert de propriété du fonds de commerce au 31 octobre 2012, et dire la nullité du renouvellement du bail,
- dire la résistance abusive de la société Le Grill et la condamner à payer à titre de dommage et intérêts la somme de 488.000 euros à M. X...,
A titre subsidiaire,
- Dire qu'à défaut, pour la société Le Grill 92, d'avoir signé l'acte définitif de cession de fonds commerce que ledit arrêt à venir vaudra vente aux conditions définies dans la promesse, dès lors que la décision rendue sera revêtue de l'autorité de la chose jugée,
En tout état de cause,
- condamner la société Le Grill 92 au paiement d'une somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Le Grill 92 aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions notifiées le 21 septembre 2018 au terme desquelles la société Le Grill 92 demande à la cour de :
- déclarer M. Claude X... irrecevable en toutes ses demandes, sauf celle de dommages-intérêts au titre de la perte d'exploitation alléguée ;
- débouter M. Claude X... de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner M. Claude X... à payer la société Le Grill 92 la somme de 50.000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
- condamner M. Claude X... à payer la société Le Grill 92 la somme de 15.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. Claude X... à aux entiers dépens de l'instance dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 11 octobre 2018.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement dont appel.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1 - Sur le périmètre de saisine de la cour de renvoi et la recevabilité des demandes formées par M. X...
Il résulte de l'article 624 du code de procédure civile que la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
En l'espèce, la société Le Grill soutient que la cassation ne porte que sur la demande de dommages et intérêts au titre d'une perte d'exploitation, et qu'il n'existe aucune indivisibilité entre cette demande et les autres demandes indemnitaires formées par M. X..., de sorte que ces dernières sont irrecevables, de même que la demande de liquidation d'astreinte, la demande indemnitaire pour résistance abusive, et la demande de compensation.
M. X... fait valoir qu'il avait initialement présenté à la cour d'appel une demande globale d'indemnisation de son préjudice, de sorte qu'il existait un lien d'indivisibilité entre les différentes demandes indemnitaires, et que celles-ci sont toutes recevables.
Si M. X... a effectivement présenté sa demande de manière globale à la cour d'appel initialement saisie, celle-ci a cependant statué sur chaque chef de préjudice de manière indépendante, faisant droit au préjudice relatif aux honoraires du courtier, mais rejetant les autres demandes. Il ressort clairement de l'arrêt du 13 septembre 2017 que la cassation ne porte que sur le rejet de la demande de dommages et intérêts au titre de la perte d'exploitation, les autres postes de préjudice sur lesquels la cour d'appel a statué ne donnant pas lieu à cassation. Il n'est pas en outre justifié du lien d'indivisibilité qui existerait entre les différents postes de préjudice, de sorte que la cour retiendra que seule la demande en réparation de la perte d'exploitation est recevable.
Il en résulte que M. X... est irrecevable en ses autres demandes indemnitaires relatives au remboursement des intérêts du prêt consenti par Madame E..., au titre de la perte d'économie d'échelle, et à la perte de valeur du fonds de commerce.
S'agissant de la demande tendant à la liquidation de l'astreinte prononcée par l'arrêt du 24 novembre 2015, la cour avait indiqué qu'elle ne se réservait pas une telle liquidation, de sorte que cette demande est également irrecevable.
S'agissant des demandes nouvelles présentées par M. X... pour la première fois dans la présente instance, il sera statué plus avant sur leur recevabilité.
2 - Sur la demande en réparation de la perte d'exploitation
M. X... reproche à la société Le Grill un manquement à ses obligations contractuelles, à savoir le refus initial de signer l'acte de cession du fonds de commerce, outre les retards dans la signature de cet acte après les décisions l'y contraignant. Il soutient en outre que ces manquements sont à l'origine du préjudice qu'il subit du fait de l'impossibilité d'exploiter le fonds, justifiant sa demande indemnitaire pour perte d'exploitation.
M. X... soutient que l'existence des manquements a été jugée de manière définitive par les juges du fond, ajoutant que l'arrêt de la cour de cassation a sur ce point "autorité de la force jugée".
La société Le Grill soutient pour sa part que la cassation ne laisse rien subsister du chef de dispositif qu'elle atteint, de sorte qu'il appartient à la présente cour de renvoi d'apprécier le principe même de sa responsabilité. Elle admet sa responsabilité quant au refus initial de signature de l'acte de cession, contestant cependant toute responsabilité ultérieure, estimant avoir fait preuve de diligence, et soutenant que le défaut de régularisation de l'acte serait dû aux seuls atermoiements de M. X.... Elle soutient qu'aucune obligation de délivrance du fonds ne pèse sur elle dès lors que M. X... s'oppose à la signature de l'acte de cession, contestant ainsi tout manquement pouvant lui être imputé. Elle ajoute que l'éventuel préjudice de M. X... n'est pas en lien de causalité avec son seul refus initial de signer l'acte de cession. Elle fait enfin valoir le caractère hypothétique du préjudice allégué en ce qu'il n'est pas démontré que M. X... aurait exploité le fonds dans les mêmes conditions que celles des autres établissements qu'il exploite, ajoutant que les caractéristiques de ces différents établissements ne sont pas comparables.
Dans son précédent arrêt du 24 novembre 2015, la cour d'appel a retenu l'existence d'une faute imputable à la société Le Grill (refus puis retards que la société Le Grill a opposés à la signature de la cession du fonds de commerce), en lien de causalité avec le seul préjudice résultant des honoraires de courtier en prêt que M. X... avait dû exposer en vain du fait que la cession n'avait pu intervenir. Ce chef de dispositif de l'arrêt n'est pas atteint par la cassation de sorte qu'il est irrévocable, d'une part en ce qu'il a alloué à M. X... des dommages et intérêts, mais également en ce qu'il a retenu comme fautifs le refus puis les retards opposés par la société Le Grill à la signature de la cession du fonds, la réparation du préjudice impliquant nécessairement la reconnaissance préalable de la faute.
Il convient cependant de noter que, dans son précédent arrêt, la cour a circonscrit de manière précise les contours de la faute, relevant qu'après le jugement du 15 mai 2014, M. X... n'avait non seulement pas convoqué la société Le Grill pour signer l'acte de cession du fonds, mais qu'il avait: «en outre décliné la sommation de signer que l'appelante (La société Le Grill) avait fait délivrer à cette fin le 12 novembre 2014».
S'il est ainsi définitivement établi que la société Le Grill a manqué à ses obligations contractuelles du fait du refus initial de signer l'acte de cession en octobre 2012 et du retard opposé ultérieurement jusqu'au jugement du 15 mai 2014, en revanche celle-ci n'est pas responsable du défaut de signature de l'acte postérieurement à cette date puisque M. X... a décliné la sommation reçue le 12 novembre 2014, et qu'il a en outre indiqué qu'il ne souhaitait pas poursuivre la tentative de conciliation mise en oeuvre en mars 2015 après que la société Le Grill l'ait assigné en référé aux fins, toujours, de signature de la vente.
La responsabilité de la société Le Grill quant à la perte d'exploitation ne peut dès lors porter que sur la période de novembre 2012 à mai 2014, soit sur une période de 19 mois.
M. X... fait valoir que son préjudice résulte du fait qu'il n'a pu exercer l'activité escomptée, et qu'il a ainsi été privé d'un gain certain. Il fait valoir qu'en sa qualité d'exploitant hôtelier, il avait déjà fait l'acquisition d'autres établissements similaires, à des fins d'hébergement social, affirmant qu'il disposait d'un taux de remplissage de 100 % sur toute l'année. Il argue d'un chiffre d'affaires prévisionnel de 190.000 euros par an, et d'un bénéfice prévisionnel avant impôt de 99.101 euros la première année et 108.774 euros les années suivantes, soit un bénéfice total après impôt de 357.912 euros sur 5 années.
Si l'on peut admettre l'existence d'une perte de chance de M. X... de réaliser un bénéfice du fait de l'acquisition envisagée, il convient toutefois de relever que les chiffres fournis par M. X... - outre qu'ils portent sur 5 années alors que l'on vient de voir que le préjudice ne pouvait excéder 19 mois ' sont tout à fait incertains.
M. X... affirme en effet avoir réalisé son budget prévisionnel à partir des trois autres établissements qu'il gère, sans toutefois produire la comptabilité de ces établissements, l'attestation de l'expert comptable ne portant que sur le prévisionnel du nouvel établissement, sans aucune certification des éléments comptables des trois autres établissements. Ces documents comportent en outre plusieurs incohérences, et notamment le fait que l'établissement de Bagnolet ne supporte aucune charge de personnel.
Si l'on devait suivre les évaluations de M. X..., cela signifierait en outre que le bénéfice annuel serait de l'ordre de 50% du chiffre d'affaires, ce qui est manifestement surévalué dans le domaine de l'hôtellerie, un taux de marge de 30 à 35 % étant plus vraisemblable.
Si l'on retient un chiffre d'affaires moyen de 80.000 euros par an, tel que cela résulte - après correction notamment du fait de charges de personnel non comptabilisées - des chiffres produits par M. X... sur ses trois établissements, et que l'on applique un taux de marge de 32%, on aboutit à un bénéfice annuel de 25.600 euros, soit 40.533 euros sur 19 mois, représentant la perte d'exploitation subie par M. X....
La société Le Grill sera condamnée au paiement de cette somme à titre de dommages et intérêts. Il convient d'ordonner la compensation entre cette dette de la société Le Grill et la dette de M. X... correspondant au prix de vente du fonds de commerce, à hauteur de leurs quotités respectives. Il n'y a pas lieu d'ordonner le séquestre de ces sommes.
3 - Sur les demandes nouvelles formées par M. X...
3-1- sur la demande tendant à la nullité de la clause de réitération de la promesse de vente, qui aurait pour conséquence le constat du transfert de la propriété du fonds de commerce au 31 octobre 2012 et la nullité du renouvellement du bail
Il résulte de l'article 1170 du code civil, dans sa version applicable au présent litige, que la condition potestative est celle qui fait dépendre l'exécution de la convention d'un événement qu'il est au pouvoir de l'une ou de l'autre des parties contractantes de faire arriver ou d'empêcher.
En l'espèce, la promesse synallagmatique de vente contient une clause ainsi rédigée : " en cas de réalisation, l'acte définitif sera établi par Maître Philippe D..., et le prix sera séquestré conformément à la loi entre les mains de Maître Philippe D..., avec mission d'usage et de droit".
M. X... soutient que cette clause de réitération de la vente a été privée d'effet par le seul fait de la société le Grill, de sorte qu'elle doit être déclarée nulle en ce qu'il s'agit d'une condition potestative. Il demande dès lors à la cour de constater le transfert de propriété au 31 octobre 2012, et la nullité du renouvellement du bail.
La société Le Grill soulève l'irrecevabilité de ces demandes, d'une part en ce qu'elles se heurtent à l'autorité de chose jugée attachée au jugement de mai 2014 et à l'arrêt de novembre 2015, d'autre part en ce qu'il s'agit de prétentions nouvelles. Elle conclut à titre subsidiaire que la clause de réitération ne peut être qualifiée de potestative dès lors qu'elle dépend de la volonté des deux parties. Elle rappelle enfin la défaillance de M. X... pour signer l'acte de vente, depuis le jugement de mai 2014.
Si, comme le soutient la société Le Grill, les prétentions formées par M. X... sont nouvelles, il ne peut, bien évidemment, être argué d'aucune autorité de chose jugée.
Pour justifier de la recevabilité de ses demandes nouvelles, M. X... argue de l'existence de faits nouveaux révélés postérieurement à l'arrêt du 24 novembre 2015, et notamment l'acquisition des murs par l'épouse du gérant de la société le Grill et le renouvellement de bail par cette dernière avec un loyer déplafonné supérieur aux dispositions légales, ce qui modifierait les conditions initiales de la cession.
Au regard de la survenance de ces faits nouveaux, les demandes nouvelles seront déclarées recevables en application de l'article 564 du code de procédure civile.
La clause selon laquelle l'acte définitif sera établi en cas de réalisation de la cession et donc des conditions suspensives, n'est pas une condition potestative, dès lors que l'exécution de la convention dépend de plusieurs événements, dont l'obtention d'un prêt et la renonciation d'une municipalité à l'exercice d'un droit de préemption, événements qui ne dépendent pas de la volonté d'une des parties. Il convient au surplus de rappeler que le refus de signature a été opposé successivement par le cédant, puis par le cessionnaire.
La demande de nullité de cette clause sera donc rejetée, de même que celles tendant, par voie de conséquence, d'une part à constater le transfert de propriété au 31 octobre 2012, d'autre part à prononcer la nullité du renouvellement du bail au motif que la société Le grill n'était plus locataire au moment où elle a accepté ce renouvellement.
3-2- sur la demande subsidiaire tendant à dire que l'arrêt à intervenir vaudra transfert de propriété du fonds de commerce
S'agissant de la demande subsidiaire tendant à dire que l'arrêt à intervenir vaudra vente aux conditions définies dans la promesse, la société Le Grill ne forme aucune observation.
Cette demande permettra enfin de parvenir au transfert de propriété que les parties se sont montrées incapables de réaliser jusqu'à ce jour, de sorte qu'il convient d'y faire droit.
Il convient donc de dire qu'à défaut de comparution des parties pour signer l'acte de cession devant Maître Philippe D... dans les deux mois de la signification du présent arrêt, et sur justification du paiement du prix de 204.500 euros par M. X..., le présent arrêt vaudra vente du fonds de commerce dans les termes définitifs plus avant.
3-3- sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive
M. X... sollicite paiement d'une somme de 488.000 euros correspondant à "la perte de chance d'obtenir la liquidation de l'astreinte que la société Le Grill aurait dû régler en exécution du jugement de première instance, et à l'état de fait actuel de ne toujours pas avoir pu prendre possession de son fonds de commerce, malgré un jugement et un arrêt d'appel exécutoire".
Comme le fait justement observer la société Le Grill, il ne peut être invoqué une perte de chance de liquider une astreinte, d'autant que l'absence de liquidation de cette astreinte est uniquement due au fait que M. X... n'a pas fait signifier le jugement de première instance.
Il a également été démontré que l'absence de prise de possession du fonds de commerce n'était pas uniquement due à la carence de la société Le Grill, de sorte que la demande formée à ce titre sera rejetée.
4 - sur la demande reconventionnelle pour procédure abusive
La procédure diligentée par M. X... ne peut être considérée comme abusive dès lors qu'il est fait droit, au moins partiellement, à ses demandes. La demande de la société Le Grill sera donc rejetée.
5 - sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile:
Il a déjà été statué sur les dépens de première instance, sans qu'il y ait lieu de revenir sur cette décision. La société Le Grill 92, qui succombe, sera condamnée aux dépens de la présente instance.
Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Vu l'arrêt de la cour de cassation du 13 septembre 2017,
Déclare M. X... irrecevable en ses demandes indemnitaires relatives au remboursement des intérêts du prêt consenti par Madame E..., au titre de la perte d'économie d'échelle, et à la perte de valeur du fonds de commerce,
Infirme le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 15 mai 2014 en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire du fait d'une perte d'exploitation sur la période de novembre 2012 à mai 2014,
Et statuant à nouveau de ce chef,
Condamne la société Le Grill 92 à verser à M. X... la somme de 40.533 euros à titre de dommages et intérêts,
Ordonne la compensation entre cette dette de la société Le Grill et la dette de M. X... correspondant au prix de vente du fonds de commerce, à hauteur de leurs quotités respectives,
Y ajoutant,
Dit qu'à défaut pour les parties de procéder à la régularisation de la cession du fonds de commerce de "café- restaurant- hôtel" situé [...] par acte signé devant Maître Philippe D... dans le délai de 2 mois suivant la signification de la présente décision, et sur justification du paiement du prix de 204.500 euros par M. X..., le présent arrêt vaudra vente aux conditions définies dans la promesse ;
Rejette toutes autres demandes,
Condamne Le Grill 92 aux dépens de la présente instance, avec droit de recouvrement direct, par application de l'article 699 du code de procédure civile.
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
signé par Madame Thérèse ANDRIEU, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,