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05/12/2018 | FRANCE | N°16/01199

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 05 décembre 2018, 16/01199


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



contradictoire



DU 05 DECEMBRE 2018



N° RG 16/01199 - N° Portalis DBV3-V-B7A-QQNW



AFFAIRE :



SASU LUXOTTICA FRANCE





C/



[I] [Y]





POLE EMPLOI





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Février 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ST GERMAIN EN LAYE

Sect

ion : Commerce

N° RG : 14/00537







Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Carole PENARD



SELAS BERTHEZENE NEVOUET RIVET



Me Véronique DAGONET



le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE CINQ DECEMBRE ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

contradictoire

DU 05 DECEMBRE 2018

N° RG 16/01199 - N° Portalis DBV3-V-B7A-QQNW

AFFAIRE :

SASU LUXOTTICA FRANCE

C/

[I] [Y]

POLE EMPLOI

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Février 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ST GERMAIN EN LAYE

Section : Commerce

N° RG : 14/00537

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Carole PENARD

SELAS BERTHEZENE NEVOUET RIVET

Me Véronique DAGONET

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE CINQ DECEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SASU LUXOTTICA FRANCE

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Carole PENARD, avocat au barreau de NICE

APPELANTE

****************

Monsieur [I] [Y]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Assisté de Me Christophe NEVOUET de la SELAS BERTHEZENE NEVOUET RIVET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0106

INTIMÉ

****************

POLE EMPLOI

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Véronique DAGONET, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : PC 003 substituée par Me Christophe NEVOUET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0106

PARTIE INTERVENANTE

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 05 Octobre 2018, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Luc LEBLANC, Président,

Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Gaëlle POIRIER

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [I] [Y] a été embauché selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 septembre 2002 en qualité de voyageur, représentant, placier (ci-après VRP) par la société Luxottica France, ayant une activité de commercialisation de lunettes optiques et solaires.

Le 5 février 2007, les parties ont conclu un nouveau contrat de travail prévoyant l'abandon par M. [Y] de son statut de VRP et son engagement en qualité d'attaché commercial (catégorie employé) à compter du 19 février 2007. Le contrat prévoyait également un forfait annuel de 1 730 heures de travail et le versement d'une rémunération composée d'une partie fixe et d'une partie variable.

Par avenant à effet au 1er avril 2008, les parties sont convenues d'une rémunération fixe d'un montant de 2 500 euros brut mensuel et d'une rémunération variable composée d'une prime trimestrielle sur objectifs quantitatifs d'un montant de 5 000 euros à objectifs atteints à 100 % et d'une prime trimestrielle sur objectifs qualitatifs d'un montant de 1 500 euros brut à objectifs atteints à 100 %.

À compter 1er juillet 2014, la société Luxottica France a affecté M. [Y] à des opérations de commercialisation de lunettes de la marque 'Dolce Gabana', au lieu de la marque 'Ray Ban', et a modifié son secteur de travail.

Du 21 juillet au 18 août 2014, M. [Y] a pris des congés payés annuels.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 23 juillet 2014, la société Luxottica France a convoqué M. [Y] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 27 août suivant et lui a notifié une mise à pied conservatoire à partir du lundi 18 août 2014, date de sa reprise de travail à l'issue de ses congés payés.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 4 septembre 2014, la société Luxottica France a notifié à M. [Y] son licenciement pour faute grave.

Au moment de la rupture du contrat de travail, la société Luxottica France employait habituellement au moins onze salariés.

Le 1er octobre 2014, M. [I] [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye aux fins notamment de se voir appliquer le statut de VRP, de contester son licenciement et d'obtenir l'allocation d'indemnités de rupture et de diverses sommes.

Par jugement du 4 février 2016, auquel il convient de se reporter pour l'exposé des faits, moyens et prétentions des parties, le conseil de prud'hommes (section commerce) a :

- dit que M. [I] [Y] devait bénéficier du statut de VRP ;

- dit que la faute grave est non caractérisée et le licenciement non fondé ;

- fixé la moyenne des salaires à 12 893, 41 euros brut ;

- condamné la société Luxottica France à payer à M. [I] [Y] les sommes suivantes :

* 103 147 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 38 680,23 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 3 868,02 euros à titre de congés payés afférents ;

* 17 750 euros brut à titre de rappel de primes d'objectifs et 1 775 euros brut à titre de congés payés y afférents ;

* 6 876,48 euros à titre de salaire sur mise à pied et 687,64 euros à titre de congés payés afférents;

* 5 000 euros à titre d'indemnité d'occupation professionnelle de domicile ;

* 21 818 euros à titre de rappels de commissions au titre de l'année 2011 calculés sur la base d'un taux de commission des VRP Ray Ban optique de 6% et 2 182 euros brut en paiement des congés payés y afférents ;

* 109 986,30 euros brut à titre de rappels de commissions au titre de l'année 2012 calculés sur la base d'un taux de commission des VRP Ray Ban optique de 6% et 10 986, 30 euros brut en paiement des congés payés y afférents ;

* 125 058 euros brut à titre de rappels de commissions au titre de l'année 2013 calculés sur la base d'un taux de commission des VRP Ray Ban optique de 6% et 12 505,80 euros brut en paiement des congés payés y afférents ;

* 64 773 euros brut à titre de rappels de commissions au titre de l'année 2014 calculés sur la base d'un taux de commission des VRP Ray Ban optique de 6% et 6 477,30 euros brut en paiement des congés payés y afférents ;

* 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné la remise à M. [I] [Y] des bulletins de salaires correspondant aux différents éléments de salaire et une attestation Pôle emploi conforme à la décision ;

- condamné la société Luxottica France à payer les intérêts de droit sur les salaires et les éléments de salaire à compter de la saisine du conseil et du prononcé du surplus ;

- ordonné l'exécution provisoire sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile ;

- ordonné à la société Luxottica France le remboursement aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M. [I] [Y] dans la limite des 6 mois d'indemnité conformément à l'article L.1235-4 du code du travail ;

- débouté la société Luxottica France de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Luxottica France aux dépens.

Le 22 février 2016, la société Luxottica France a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance du 21 juillet 2016, le premier président de la cour d'appel de céans a ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement.

Aux termes de ses conclusions du 4 octobre 2018 soutenues oralement à l'audience, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, la société Luxottica France demande à la cour de :

- infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a dit que M. [Y] devait bénéficier du statut de VRP, que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu'il l'a condamnée à verser diverses sommes, puis statuant à nouveau sur les chefs infirmés, de débouter M. [Y] de ses demandes ;

- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté M. [Y] de ses autres demandes ;

- condamner M. [Y] à lui rembourser une somme de 100'254,16 euros net versée au titre de l'exécution provisoire du jugement déféré ;

- condamner M. [Y] à lui verser une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

- débouter Pôle emploi de ses demandes, le condamner à lui verser une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions du 5 octobre 2018 soutenues oralement à l'audience, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, M. [Y] demande à la cour de :

1°) à titre principal :

- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a dit qu'il devait bénéficier du statut de VRP, a dit son licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société Luxottica France à lui verser les sommes suivantes :

* 17'750 euros brut à titre de rappel de primes sur objectifs et 1 775 euros brut à titre de congés payés afférents ;

* 38'680,23 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 3 868,02 euros brut au titre des congés payés afférents ;

* 6 876,48 euros brut à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et 687,64 euros brut au titre des congés payés afférents ;

* 109 986,30 euros brut à titre de rappels de commissions au titre de l'année 2012 calculés sur la base d'un taux de commission des VRP Ray Ban optique de 6% et 10 986, 30 euros brut en paiement des congés payés y afférents ;

* 125 058 euros brut à titre de rappels de commissions au titre de l'année 2013 calculés sur la base d'un taux de commission des VRP Ray Ban optique de 6% et 12 505,80 euros brut en paiement des congés payés y afférents ;

* 64 773 euros brut à titre de rappels de commissions au titre de l'année 2014 calculés sur la base d'un taux de commission des VRP Ray Ban optique de 6% et 6 477,30 euros brut en paiement des congés payés y afférents ;

- infirmer le jugement attaqué pour le surplus et statuant à nouveau, fixer la rémunération moyenne mensuelle à la somme de 12'893,41 euros et condamner la société Luxottica France à lui verser les sommes suivantes :

* 70'467 euros brut à titre de rappel de commissions au titre de l'année 2010 calculé sur la base d'un taux de commission des VRP Ray Ban optique de 6 % et 7 046,70 euros brut au titre des congés payés afférents ;

* 87'273 euros brut à titre de rappel de commissions au titre de l'année 2011 calculé sur la base d'un taux de commission des VRP Ray Ban optique de 6 % et 8 727,30 euros brut au titre des congés payés afférents ;

* 400'000 euros net à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 250'116 euros net à titre d'indemnité de clientèle sur le fondement de l'article L. 7313-13 du code du travail ;

* 80'529 euros brut à titre d'indemnité de retour sur échantillonnage sur le fondement de l'article L. 7313-11 du code du travail et 8 052,90 euros brut au titre des congés payés afférents ;

* 33'400 euros à titre d'indemnité pour l'occupation professionnelle de son domicile ;

2°) à titre subsidiaire, sur la base d'une rémunération moyenne mensuelle de 6 153,37 euros brut, condamner la société Luxottica France à lui verser les sommes suivantes :

* 155'000 euros net à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 17'147,73 euros brut à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

* 12'306,74 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1 230,67 euros brut au titre des congés payés afférents ;

* 348'771,16 euros brut à titre de rappel d'heures supplémentaires et 34'877,11 euros brut au titre des congés payés afférents ;

* 36'920,22 euros net à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;

* 3 281,79 euros brut à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et 328,17 euros brut au titre des congés payés afférents ;

3°) en tout état de cause :

- dire que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal dans le cadre des dispositions des articles 1153 et suivants du code civil et ordonner la capitalisation des intérêts ;

- condamner la société Luxottica France à lui verser une indemnité de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions du 5 mars 2018 soutenues oralement à l'audience, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, Pôle emploi demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il dit le licenciement de M. [Y] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société Luxottica France à lui verser les sommes suivantes :

* 18'343,78 euros en remboursement des allocations de chômage versées à M. [Y] ;

* 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Luxottica France aux dépens.

Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience ;

Vu la lettre de licenciement ;

SUR CE :

Sur l'application du statut de VRP depuis février 2007 et les demandes afférentes :

Considérant que M. [Y] soutient que, malgré la conclusion d'un contrat de travail en qualité d'attaché commercial à compter du 19 février 2007, il devait continuer à bénéficier du statut d'ordre public de VRP, en ce que il a, depuis cette date, exercé des fonctions, de façon exclusive et constante, de prospection de nouvelle clientèle pour la commercialisation de lunettes 'Ray-Ban' sur un secteur géographique fixe ; qu'il demande en conséquence de la reconnaissance de ce statut de VRP, le paiement des mêmes commissions que celles versées aux autres VRP de la société Luxottica France en application du principe 'à travail égal salaire égal' (sur la période de 2009 jusqu'à la rupture) ainsi qu'une indemnité de clientèle et une indemnité de retour sur échantillonnage, outre les congés payés afférents ;

Que la société Luxottica France soutient que M. [Y] ne pouvait plus bénéficier du statut de VRP, depuis la conclusion de son contrat d'attaché commercial aux motifs qu'il n'exerçait plus d'activité de recherche de nouvelle de clientèle mais se bornait à visiter des clients de l'entreprise selon des listings préétablis qu'elle lui fournissait, qu'il ne procédait pas à l'ouverture de nouveaux comptes de clients et qu'il ne lui était pas attribué un secteur géographique fixe, puisque soumis à une clause de mobilité, ni une marque de lunettes définie ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.7311-3 du code du travail, est voyageur, représentant placier toute personne qui :

- travaille pour le compte d'un ou plusieurs employeurs,

- exerce en fait d'une façon exclusive et constante une profession de représentant,

- ne fait aucune opération commerciale pour son compte personnel,

- est liée à l'employeur par des engagements déterminant la nature des prestations de services ou des marchandises offertes à la vente ou à l'achat, la région dans laquelle il exerce son activité ou les catégories de clients qu'il est chargé de visiter, le taux des rémunérations ;

Que l'activité de VRP consiste donc en la prospection et la recherche d'une clientèle propre, dans une zone géographique déterminée, pour prendre et transmettre des commandes pour le compte de son employeur ; que ce statut d'ordre public de VRP doit s'appliquer dès lors que les conditions d'exercice effectif sont réunies, nonobstant des dispositions contractuelles contraires ; que la charge de la preuve incombe au salarié qui se prévaut de la qualité de VRP ;

Considérant en l'espèce qu'il ressort des débats et des pièces versées que le contrat de travail d'attaché commercial conclu le 5 février 2007 entre M. [Y] et la société Luxottica France stipule que le salarié est chargé de visiter, conformément aux instructions données par la société, la clientèle existante sur le secteur défini par la société sans avoir à prospecter une clientèle nouvelle, de présenter, à l'aide des moyens d'information mis à sa disposition, les produits commercialisés par la société, de se conformer aux listings de clientèle établis par sa hiérarchie, de prendre les commandes chez ses clients prédéterminés et désignés par la société, d'assurer le suivi de sa mission sur le plan administratif et commercial ; que le contrat stipule encore que n'est reconnu à M. [Y] ni secteur géographique, ni clientèle ou secteur de clientèle ;

Que, si de février 2007 jusqu'à la rupture du contrat de travail, M. [Y] a été affecté à des activités de commercialisation de lunettes de la seule marque Ray-Ban et sur un même secteur géographique, l'intimé ne démontre pas que, contrairement aux prévisions contractuelles, il avait en réalité une activité de recherche de nouveaux clients ; qu'en effet, les attestations d'autres salariés de l'entreprise qu'il verse aux débats émanent de salariés en conflit avec l'employeur et ne contiennent pas d'éléments précis sur les fonctions effectivement exercées par M. [Y] ; que de plus, la mention sur certains documents relatifs aux objectifs trimestriels qui lui étaient communiqués d'un nombre de 'clients activés' ne visait pas, aux termes mêmes de ces documents, des ouvertures de comptes de nouveaux clients résultant d'une activité de recherche propre au salarié intimé contrairement à ce qu'il prétend ; qu'à l'inverse, la société Luxottica France verse aux débats des listes de clients de l'entreprise que M. [Y] devait visiter dans l'exercice de ses fonctions ;

Qu'en conséquence, en l'absence de démonstration par M. [Y] qu'il avait une activité de recherche de nouveaux clients, il y a lieu de le débouter de sa demande d'application du statut de VRP ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;

Que par suite également, il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il alloue à M. [Y] des rappels de commissions versés aux VRP de la société Luxottica France en application du principe 'à travail égal salaire égal' et de débouter M. [Y] de l'ensemble de ses demandes à ce titre ; qu'il y a lieu par ailleurs de confirmer le débouté des demandes d'indemnités de clientèle et de retour sur échantillonnage ;

Sur le rappel de primes sur objectifs pour la période courant du quatrième trimestre de 2009 jusqu'au deuxième trimestre de 2014 :

Considérant qu'il ressort des pièces versées aux débats et notamment des lettres de communication des objectifs trimestriels notifiées à M. [Y], que ses objectifs ont été systématiquement communiqués après le début de chacun des trimestres au cours desquels ils devaient être réalisés, et ce avec un retard significatif oscillant entre six jours et un mois et demi ; que M. [Y] est dès lors fondé à réclamer un rappel de primes sur objectifs d'un montant de 17'750 euros brut, correspondant à une atteinte à 100% des objectifs afférents à ses primes qualitatives et quantitatives sur la période en cause, ainsi que les congés payés afférents à hauteur de 1 775 euros brut ; que le jugement attaqué sera donc confirmé sur ces points ;

Sur le rappel d'heures supplémentaires et l'indemnité pour travail dissimulé :

Considérant que M. [Y] soutient qu'il a accompli, du mois d'octobre 2009 jusqu'à son licenciement, des heures de travail au-delà de son forfait annuel de 1730 heures, lesquelles ne lui ont pas été payées ; qu'après avoir réclamé une somme de 229'629,63 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires devant le conseil de prud'hommes, il réclame désormais une somme de 348'771,16 euros brut en appel à ce titre, outre les congés payés afférents ; qu'il réclame également une indemnité pour travail dissimulé ;

Que la société Luxottica France conclut au débouté en faisant valoir notamment que M. [Y] analyse à tort les temps de trajet journalier, entre son domicile et le site de son premier et dernier client, comme du temps de travail ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 3121-4 du code du travail, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif ;

Qu'en l'espèce, il ressort des débats et des pièces versées, et notamment du tableau récapitulatif des heures supplémentaires revendiquées par M. [Y] (pièce numéro 33), que ce dernier a, pour calculer sa demande de rappel d'heures supplémentaires, retenu à tort, eu égard aux dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail, comme temps de travail effectif, le temps de trajet entre son domicile et le site de ses premiers et derniers clients ; qu'il y a donc lieu de le débouter de sa demande de rappel d'heures supplémentaires et de congés payés afférents ainsi que de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé ; que le jugement attaqué sera confirmé sur ces points ;

Sur l'indemnité au titre de l'occupation professionnelle du domicile :

Considérant que l'occupation, à la demande de l'employeur, du domicile du salarié à des fins professionnelles, constitue une immixtion dans la vie privée de celui-ci et n'entre pas dans l'économie générale du contrat de travail ; que si le salarié, qui n'est tenu ni d'accepter de travailler à son domicile, ni d'y installer ses dossiers et ses instruments de travail, accède à la demande de son employeur, ce dernier doit l'indemniser de cette sujétion particulière ainsi que des frais engendrés par l'occupation à titre professionnel du domicile ;

Qu'en l'espèce, il ressort des débats que M. [Y] ne fournit aucune pièce établissant qu'il accomplissait une partie de son travail à domicile, étant précisé que l'attestation de M. [H] qu'il produit sur ce point ne contient aucun élément concernant les conditions de travail personnelles de l'intimé ; qu'il est seulement constant, au terme des débats, que M. [Y] était amené à entreposer à son domicile du matériel professionnel et notamment des lunettes ; que M. [Y] ne fournit aucun élément sur les conditions de stockage de ce matériel et notamment sur le nombre de mètres carrés de son domicile occupés cette fin ; qu'ainsi, faute de justifier du préjudice qu'il allègue, il y a lieu de rejeter la demande de dommages-intérêts formulée à ce titre ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;

Sur le licenciement et ses conséquences :

Considérant que la lettre de licenciement pour faute grave notifiée à M. [Y], qui fixe les limites du litige, lui reproche en substance les faits suivants :

- un refus persistant de se plier à un changement, décidé le 1er juillet 2014 dans le cadre de son pouvoir de direction, de la ligne de lunettes Ray-Ban dont il avait la charge au profit de la ligne Dolce & Gabana et à un simple ajustement de sa zone géographique de travail ;

- la restitution tardive le 17 août 2014, après des demandes réitérées, du matériel professionnel afférent à la ligne de lunettes Ray-Ban qui lui avait été confié ;

Considérant que M. [Y] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse aux motifs que :

- la société Luxottica France ne démontre pas qu'il a refusé de commercialiser la ligne de lunettes Dolce & Gabana et de restituer le matériel professionnel afférent à la ligne de lunettes Ray-Ban, puisqu'il a simplement demandé un avenant à son contrat de travail eu égard à la modification du contrat induite par ce changement ainsi que des précisions sur les conséquences de ce changement et en ce qu'il était en arrêt de travail pour maladie depuis le 1er juillet 2014 ;

- en tout état de cause, la société Luxottica France devait recueillir son accord exprès pour ce changement de ligne de lunettes et de secteur géographique qui constituait une modification de son contrat de travail en ce qu'elle influait sur sa durée de travail, avait nécessairement des conséquences sur sa rémunération, l'obligeait à travailler avec de nouveaux clients et sur une nouvelle collection de lunettes ;

Que la société Luxottica France soutient que le changement de la ligne de lunettes et l'ajustement du secteur géographique décidés le 1er juillet 2014 constituaient une simple modification des conditions de travail à laquelle M. [Y] a opposé un refus injustifié et persistant, ayant désorganisé le service et constitutif d'une faute grave ;

Considérant que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que la charge de la preuve de cette faute incombe à l'employeur qui l'invoque ;

Qu'en l'espèce, il ressort des débats et des pièces versées, et notamment des courriers adressés par M. [Y] à la société Luxottica France les 23 juin, 1er et 16 juillet et 18 août 2014, d'échanges de courriels entre M. [Y] et des responsables de l'entreprise (pièces n° 9-1 à 9-9 versées par l'appelante), du compte-rendu d'entretien préalable au licenciement intervenu le 27 août 2014, que, contrairement à ce qu'il prétend, M. [Y], qui n'était en arrêt de travail pour maladie que du 1er au 4 juillet 2014, a clairement manifesté son refus de commercialisation de lunettes de la ligne Dolce & Gabana en lieu et place de lunettes de la ligne Ray-Ban ainsi que son refus de changement de zone géographique de travail qui lui étaient assignés par son employeur à compter du 1er juillet 2014, en soumettant son acceptation de ces changements à la signature d'un avenant à son contrat de travail y compris lors de l'entretien préalable au licenciement, en refusant le 16 juillet 2017 de recevoir le matériel professionnel afférent à la ligne de lunettes Dolce & Gabana, en refusant clairement de restituer le matériel professionnel afférent à la ligne Ray-Ban dans un courriel du 17 juillet 2014 (pièce n°9-5), et en continuant pendant cette période à commercialiser des lunettes Ray-Ban et à signer ses courriels professionnels en tant que 'représentant Ray Ban Optique' ;

Que M. [Y] ne peut soutenir que le changement de la ligne de lunettes à commercialiser et de zone géographique de travail était constitutif d'une modification de travail qu'il pouvait légitimement refuser en ce que :

- contrairement à ce qu'il soutient, il ne bénéficiait pas du statut de VRP ainsi qu'il a été dit ci-dessus ;

- son contrat de travail d'attaché commercial contenait une clause de mobilité géographique sur le secteur '[Localité 7] - région parisienne', étant précisé qu'il n'est pas contesté que la modification en cause de la zone d'affection entrait bien dans ce périmètre ;

- il se borne à faire valoir que ces changements avaient 'nécessairement' des conséquences sur sa rémunération ainsi que sur la durée du travail sans nullement le démontrer ;

- le travail avec de nouveaux clients et sur une nouvelle collection ne constituait qu'une modification des conditions de travail et était inhérent à l'exercice de ses fonctions d'attaché commercial ;

Que M. [Y] ne peut pas plus soutenir que son refus était légitime à raison d'un défaut d'information de la société Luxottica France sur ses objectifs, puisque ces nouveaux objectifs afférents à la commercialisation de la ligne Dolce & Gabana lui ont été communiqués le 23 juillet 2014, avant l'entretien préalable et qu'il ne les a pas critiqués par la suite ;

Qu'il résulte ainsi de ce qui précède que M. [Y] a opposé, de manière réitérée, un refus injustifié à une simple modification de ses conditions de travail décidée par son employeur dans le cadre de son pouvoir de direction ; qu'il a de plus manifesté un comportement d'insubordination en réitérant ces refus et en s'opposant à la restitution du matériel professionnel afférent à la commercialisation de produits de la ligne Ray-Ban dont il n'avait plus la charge et en continuant de son propre chef à commercialiser ces produits jusqu'à son départ en congés payés le 18 juillet 2014, ce qui a désorganisé le service ; qu'un tel comportement rendait impossible la poursuite du contrat de travail ;

Qu'il s'ensuit que, contrairement à ce qu'a estimé le conseil de prud'hommes, le licenciement de M. [Y] repose sur une faute grave et qu'il y a lieu de débouter ce dernier de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents et de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ces points et sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [Y] de la demande d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

Sur l'application de l'article L. 1235-4 du code du travail :

Considérant que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le licenciement de M. [Y] reposant sur une faute grave, il y a lieu de débouter Pole emploi de sa demande de remboursement des indemnités de chômage versées au salarié ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;

Sur la demande reconventionnelle de la société Luxottica France de remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement :

Considérant que le présent arrêt, en ce qu'il infirme le jugement du conseil de prud'hommes, constitue pour la société Luxottica France un titre suffisant pour obtenir le remboursement par M. [Y] des sommes versées en exécution du jugement ainsi infirmé ; que cette demande de remboursement est donc sans objet ;

Sur les intérêts et la capitalisation :

Considérant qu'il y a lieu de dire que les sommes allouées à M. [Y] par le présent arrêt, qui sont de nature salariale, portent intérêts à compter de la date de réception par son employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et non à compter de la saisine du conseil de prud'hommes contrairement à ce qu'ont dit à tort les premiers juges ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;

Qu'en outre, la capitalisation des intérêts échus, nouvellement demandée en appel, sera ordonnée dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Considérant qu'eu égard à la solution du litige, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il statue sur ces deux points ;

Qu'en outre, il y a lieu de laisser à chacune des parties la charge des frais irrépétibles et des dépens exposés par elles en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il statue sur les demandes d'indemnités de clientèle et de retour sur échantillonnage, de rappel de primes sur objectifs et les congés payés afférents, de rappel d'heures supplémentaires et de congés payés afférents et d'indemnité pour travail dissimulé, d'indemnité conventionnelle de licenciement, sur l'application de article 700 du code de procédure civile et les dépens,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que M. [I] [Y] ne peut revendiquer le statut de voyageur, représentant, placier (VRP) depuis le 19 février 2007,

Dit que le licenciement de M. [I] [Y] est fondé sur une faute grave,

Dit que les intérêts sur les sommes allouées à M. [I] [Y] par le présent arrêt courent à compter de la date de réception par la société Luxottica France de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes,

Ordonne la capitalisation des intérêts échus dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Déclare sans objet la demande formée par la société Luxottica France de remboursement par M. [I] [Y] des sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement attaqué,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens exposés par elles en cause d'appel,

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Luc LEBLANC, président et par Madame POIRIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 16/01199
Date de la décision : 05/12/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 19, arrêt n°16/01199 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-12-05;16.01199 ?
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