COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 53A
16e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 29 NOVEMBRE 2018
N° RG 16/08542 - N° Portalis DBV3-V-B7A-REDO
AFFAIRE :
SA MY MONEY BANK nouvelle dénomination de la SCPA GE MONEY BANK...
C/
[N] [X]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Novembre 2016 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° chambre : 6
N° Section :
N° RG : 15/02769
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
SELARL [V] [I] & ASSOCIÉS, avocat au barreau de VERSAILLES -
l'AARPI MVA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE VINGT NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT, après prorogation,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SA MY MONEY BANK nouvelle dénomination de la SCPA GE MONEY BANK Société en commandite par actions au capital social de 594.078.024 euros, immatriculée au RCS de Nanterre sous le n°784 393 340,agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Adresse 2]
Représentant : Me Gilles-antoine [V] de la SELARL [V] [I] & ASSOCIÉS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C 189 - N° du dossier 1606041 -
Représentant : Me François VERRIELE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0421
APPELANTE
****************
Monsieur [N] [X]
né le [Date naissance 1] 1959 à ANGOULEME (16000)
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentant : Me Julien MALLET de l'AARPI MVA AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0905
Madame [S] [K] épouse [X]
née le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 2] ([Localité 2])
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentant : Me Julien MALLET de l'AARPI MVA AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0905
INTIMES
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 Avril 2018, Madame Marie-Christine MASSUET, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Patricia GRASSO, Président,
Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller,
Madame Ghislaine SIXDENIER, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Bernadette RUIZ DE CONEJO
FAITS ET PROCEDURE,
Suivant offre de prêt du 2 décembre 2011 acceptée le 26 décembre 2011, M. [N] [X] et Mme [S] [K] épouse [X] ont souscrit un prêt immobilier auprès de la société GE Money Bank, d'un montant de 268.000 € en principal, destiné à financer l'acquisition d'une maison individuelle à usage de résidence principale.
Ce prêt dénommé 'Crédit Profil'Immo' était amortissable sur une durée prévisionnelle de 240 mois. Il était remboursable au taux annuel fixe de 3,6 % hors assurance, appliqué sur les 84 premiers mois, puis à un taux constitué d'un élément variable, exprimé en un taux annuel par la capitalisation de l'EURIBOR un mois, et d'un élément fixe égal à 1,8 % sur les 156 mois restants.
Les termes de l'offre de prêt acceptée par les époux [X] ont été repris par acte authentique du 27 mars 2012.
En garantie du remboursement du prêt, l'offre a prévu un privilège de vendeur par subrogation et un privilège de prêteur de deniers de premier rang.
Invoquant le caractère erroné du taux effectif global ( TEG) mentionné dans l'offre de prêt, les époux [X] ont fait citer par acte d'huissier du 4 février 2015 la banque à comparaître devant le tribunal de grande instance de Nanterre aux fins d'obtenir à titre principal la nullité de la stipulation d'intérêts contenue dans l'acte de prêt, et à titre subsidiaire la déchéance totale du droit aux intérêts.
Par jugement rendu le 4 novembre 2016, le tribunal de grande instance de Nanterre a :
-prononcé la nullité de la stipulation conventionnelle d'intérêts du prêt litigieux ;
-condamné la banque à substituer le taux légal au taux conventionnel depuis la première échéance d'amortissement du prêt, étant précisé que ce taux subira les modifications successives que la loi lui apporte, et qu'elle devra fournir un tableau d'amortissement concordant, pour la période écoulée et semestriellement jusqu'au terme du prêt, sans qu'il y ait lieu à astreinte ;
-condamné la banque à restituer aux époux [X] les intérêts trop-perçus, avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2014, date de la mise en demeure, tant pour la période écoulée au jour du prononcé du présent jugement, que semestriellement, en tant que de besoin, dans l'hypothèse où le taux d'intérêt applicable au cours d'un semestre serait inférieur au taux légal du semestre précédent ;
-condamné la banque à verser aux époux [X] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
-ordonné l'exécution provisoire du jugement, et condamné la banque aux dépens,
-rejeté les autres demandes.
Le 2 décembre 2016, la société My Money Bank a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions transmises le 7 février 2018, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société My Money Bank demande à la cour de :
-réformer le jugement du 4 novembre 2016 en ce qu'il a jugé le TEG irrégulier, et qu'il a prononcé la substitution du taux d'intérêt légal avec toutes les modifications successives que la loi lui apporte,
-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts, au titre d'un manquement de sa part au titre de ses devoirs d'information, de loyauté et d'honnêteté,
-débouter les époux [X] de l'ensemble de leurs prétentions et demandes ;
-condamner solidairement les époux [X] à payer à la société My Money Bank une somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile
-les condamner solidairement aux dépens qui seront recouvrés par Me [O] [V] de la SELARL [V] [I] et Associés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans leurs conclusions récapitulatives transmises le 5 février 2018, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. et Mme [X], intimés, demandent à la cour de :
-dire que l'offre de prêt émise par la banque ne respecte pas les dispositions légales et réglementaires visées,
-confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 4 novembre 2016 en l'ensemble de ses dispositions,
-débouter la banque de l'intégralité de ses demandes ;
-condamner la banque à payer aux époux [X] la somme de 15.000 € à titre de dommages-intérêts pour manquement à ses obligations d'information, de loyauté et d'honnêteté,
-condamner la banque à payer aux époux [X] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première Instance, et de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'appel,
-condamner la banque aux entiers dépens de l'instance.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 13 mars 2018.
L'audience de plaidoiries a été fixée au 11 avril 2018.
MOTIFS DE LA DECISION :
A titre liminaire, il est rappelé que, conformément aux dispositions de l'article L.313-2 (ancien) du code de la consommation, devenu article L 314-5, le taux effectif global (TEG ) doit être mentionné dans tout écrit constatant un prêt, même à taux variable.
Cette exigence, combinée avec les dispositions de l'article 1907 alinéa 2 du code civil, suppose l'indication par écrit du taux d'intérêt conventionnel, élément majeur du taux effectif global.
Dans tout prêt, l'exigence d'un écrit mentionnant le TEG est une condition de validité de la stipulation d'intérêt et, à défaut d'une telle mention, il convient de faire application du taux d'intérêt légal à compter de la date du prêt.
Ces dispositions sont d'ordre public et édictées dans le seul intérêt de l'emprunteur ayant la qualité de consommateur ou non-professionnel.
Sur le fondement de l'article 1304 du code civil, la jurisprudence sanctionne, lorsque le TEG est erroné, par la nullité la stipulation du taux de l'intérêt conventionnel et en ordonne la substitution par le taux légal.
De même pour tous les crédits à la consommation, le défaut de mention du TEG, élément obligatoire de l'offre de prêt au regard de l'article L 312-8 ancien du code de sa consommation,- applicable en l'espèce au moment de l'offre de prêt présentée aux époux [X] - dans l'offre préalable de crédit est sanctionnée par la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts contractuels conformément à l'article L 312-33 ancien du code de la consommation, auxquels se substituent les intérêts au taux légal.
En l'espèce, l'offre de prêt n'intègre dans la détermination du TEG que les frais de dossier et ne procède qu'à une évaluation des frais d'acte, qui sont expressément exclus du taux annoncé, au motif que 'seul le notaire peut en indiquer le montant exact'.
Par ailleurs, un rapport de la société Humania Consultants détermine l'existence d'une erreur dans le calcul du TEG tel que fixé par la banque, étant rappelé que la formule mathématique du taux figurant en annexe de l'article R313-1 ancien du code de la consommation ne souffre qu'un seul résultat.
La simple lecture du paragraphe 'renseignements financiers' figurant sur les offres de prêt litigieux permettait à l'emprunteur de comprendre que les frais de l'assurance-décès invalidité assortissant obligatoirement le prêt immobilier souscrit, et qui devaient comme tels être intégrés dans le calcul du TEG, ne l'ont pas été.
Le coût de l'assurance déléguée souscrite par les emprunteurs auprès de la société GEMB n'a pas été inclus dans le calcul du TEG affiché, alors que la mention de l'identité de l'assureur délégué dans l'offre de prêt atteste de la connaissance par la société GE Money Bank des démarches accomplies par les époux [X] auprès de cet assureur afin d'obtenir une proposition d'assurance des risques des emprunteurs.
Ainsi que l'ont justement souligné les premiers juges, l'établissement prêteur ne pouvait justifier le défaut d'intégration dans le TEG des frais d'assurance par l'impossibilité de connaître le montant précis des cotisations d'un contrat non encore conclu.
La banque ne peut en effet s'abstenir d'inclure dans le calcul du taux effectif global exact du prêt consenti auquel elle est tenue par les dispositions d'ordre public de l'article L 313-1 du code de la consommation, le coût d'une charge obligatoire conditionnant l'octroi de tout prêt immobilier, constituant le premier élément du TEG venant s'ajouter au taux nominal des intérêts, au seul motif que le candidat à l'emprunt n'a pas pris l'initiative de lui fournir les justificatifs de ces charges.
Il incombait alors à la société GE Money Bank, en possession du nom de l'assureur choisi par les emprunteurs, de s'adresser à ce dernier pour obtenir le montant exact des cotisations qui seraient dues dès la mise en oeuvre du prêt.
Il y a lieu d'ajouter que M. et Mme [X] ont effectivement conclu le contrat d'assurance du prêt avec la société GEMB, et ont transmis à la société GE Money Bank les conditions particulières de leur police le 21 mars 2012.
C'est à bon droit que le tribunal a estimé que GE Money Bank était en mesure de déterminer le coût de l'assurance des risques de l'emprunteur lorsqu'elle a émis l'offre de prêt le 2 décembre 2011.
Le taux effectif global affiché dans l'offre de prêt est donc erroné.
Les intimés, dont la qualité de consommateurs n'est pas contestée, concentrant tout leur raisonnement sur la clause d'intérêts figurant à l'offre de prêt, la cour par infirmation très partielle du jugement fera droit à leur demande subsidiaire et prononcera la déchéance totale du droit aux intérêts pour défaut d'intégration du coût de l'assurance-décès obligatoire, de la société My Money Bank succédant à la société GE Money Bank, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens de nullité du taux effectif global ou de déchéance du droit aux intérêts invoqués par les intimés.
Le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a statué sur l'erreur dans le taux effectif global de l'offre de prêt et l'a sanctionnée.
Il est infirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de nullité de la stipulation d'intérêts, l'accueil par la cour de l'action subsidiaire exercée par les époux [X] étant au demeurant sans incidence sur les droits de ces derniers.
Sur la demande de dommages-intérêts de M. et Mme [X] :
Les intimés reprennent la demande de 15.000 € de dommages-intérêts présentée en première instance et dont ils ont été déboutés, pour manquement de la banque à ses obligations d'information, de loyauté et d'honnêteté.
Pas davantage que devant le tribunal, M. et Mme [X], qui obtiennent gain de cause quant au taux effectif global de leur prêt, ne démontrent avoir subi un préjudice distinct de l'obligation de régler des intérêts conventionnels supérieurs ou distincts de ceux réellement dûs ; ce préjudice étant déjà réparé par le présent arrêt au moyen des sanctions spécifiques au droit de la consommation, leur prétention à dommages-intérêts supplémentaires est rejetée.
Sur les demandes accessoires :
L'équité et les circonstances de la cause commandent d'allouer à M. et Mme [X] deux sommes ainsi qu'il sera dit au dispositif au titre des frais irrépétibles de procédure qu'ils ont été contraints d'exposer en première instance et en appel pour défendre à l'appel de la banque. Le jugement est réformé sur le montant de la condamnation prononcée en première instance sur ce point.
Succombant en son recours, la société My Money Bank supportera les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a fait droit à la demande principale en nullité de la stipulation des intérêts, et en ce qu'il a statué sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau de ces chefs :
Faisant droit à la demande subsidiaire de M. et Mme [X] :
Prononce la déchéance totale du prêteur de son droit aux intérêts conventionnels ;
Condamne la SCPA My Money Bank à verser à M. [N] [X] et à Mme [S] [K] épouse [X] une somme de 2.000 € au titre de l'article 700 en première instance, et celle de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ; rejette la prétention du même chef de la société intimée ;
Déboute la SCPA GE Money Bank de ses demandes ;
Condamne la SCPA My Money Bank aux entiers dépens.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Patricia GRASSO, Président et par Madame RUIZ DE CONEJO, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,