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22/11/2018 | FRANCE | N°16/05083

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 22 novembre 2018, 16/05083


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre







ARRÊT N° 00658



CONTRADICTOIRE



DU 22 NOVEMBRE 2018



N° RG 16/05083



N° Portalis : DBV3-V-B7A-RCX4







AFFAIRE :



[Y] [M]



C/



Association LEVALLOIS SPORTING CLUB











Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Octobre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départag

e [Localité 1]

N° Section : Activités diverses

N° RG : 14/03811







Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 23 Novembre 2018 à :

- Me Lionel PARIENTE

- Me Jean-Claude CHEVILLER

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





LE VINGT DEU...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRÊT N° 00658

CONTRADICTOIRE

DU 22 NOVEMBRE 2018

N° RG 16/05083

N° Portalis : DBV3-V-B7A-RCX4

AFFAIRE :

[Y] [M]

C/

Association LEVALLOIS SPORTING CLUB

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Octobre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage [Localité 1]

N° Section : Activités diverses

N° RG : 14/03811

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 23 Novembre 2018 à :

- Me Lionel PARIENTE

- Me Jean-Claude CHEVILLER

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX NOVEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 20 septembre 2018 puis prorogé au 22 novembre 2018, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Madame [Y] [M]

née le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 2]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Lionel PARIENTE de la SELARL PARIENTE & Associés, constitué/plaidant, avocat au barreau [Localité 4], vestiaire : B0372

APPELANTE

****************

L'Association LEVALLOIS SPORTING CLUB

N° SIRET : 334 655 453

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Evelyne SINTES-LAVIALLE de la SELARL ARES INTER BARREAUX, plaidant, avocate au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 162 ; et par Me Jean-Claude CHEVILLER, constitué, avocat au barreau [Localité 4], vestiaire : D0945

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 29 Mai 2018, Monsieur Patrice DUSAUSOY, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,

Madame Sylvie BORREL, Conseiller,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Nicolas CAMBOLAS

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [Y] [M] (escrimeuse de haut niveau - championne du monde 2010 à l'épée en individuel - [Localité 4]) a été embauchée par contrat à durée déterminée d'usage le 1er janvier 2011, par l'association LEVALLOIS SPORTING CLUB (LSC) en qualité d'escrimeuse, pour un salaire brut moyen en dernier lieu de 2 940,08 euros. La convention collective applicable est la convention collective du sport.

En décembre 2013, conformément au contrat, une discussion sur le renouvellement du contrat est intervenue, notamment en considération de la suspension de celui-ci pour blessures du 23 décembre 2013 au 31 mars 2014.

Ce contrat a pris fin le 31 août 2014.

Le 16 décembre 2014, Mme [Y] [M] a saisi le CPH [Localité 1] pour obtenir que la requalification du contrat en contrat de travail à durée indéterminée avec condamnation de l'association aux sommes suivantes :

'' 2 940 euros à titre d'indemnité de requalification,

'' 5 880 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

'' 588 euros au titre des congés payés y afférents,

'' 6 615 euros au ittre de l'indemnité conventionnelle,

'' 70 560 euros au titre de l'indemnité pour licenciement abusif,

'' 17 640 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

'' 2 000 euros pour l'indemnité de procédure.

Par jugement de départage du 11 octobre 2016, le conseil de prud'hommes a débouté Mme [Y] [M] de toutes ses demandes.

Mme [Y] [M] a formé régulièrement appel de la décision.

Par conclusions, notifiées par voie électronique le 13 janvier 2017, l'appelante sollicite l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de l'association aux sommes suivantes dont le quantum a augmenté au regard des demandes de première instance :

'' 3 162,06 euros à titre d'indemnité de requalification,

'' 6 324,12 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

'' 632,41 euros au titre des congés payés y afférents,

'' 7 714,64 euros au titre de l'indemnité conventionnelle,

'' 75 889,44 euros au titre de l'indemnité pour licenciement abusif,

'' 18 972 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

'' 2 500 euros pour l'indemnité de procédure, et aux dépens.

Par conclusions, notifiées par voie électronique, le 8 février 2018, l'association sollicite la confirmation du jugement et le débouté de l'intégralité des demandes de l'appelante ainsi que sa condamnation à 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au visa de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour plus ample exposé.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'existence d'un contrat de travail antérieurement au contrat de travail à durée déterminée du 1er janvier 2011

Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération.

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail.

L'existence d'un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties ou de la dénomination de la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur.

La qualification de l'existence d'un contrat de travail est objective. Elle suppose la réunion de trois critères : une rémunération, une prestation de travail et un lien de subordination, ce dernier critère étant décisif.

En l'absence d'écrit ou d'apparence de contrat, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d'en rapporter la preuve.

De ce qui précède, il résulte que Mme [M] qui ne soutient pas spécialement l'existence d'un contrat de travail apparent ou la présomption de salariat tirée de l'article L.7121-3 ou L.7123-3 du code du travail, supporte la charge de la preuve.

L'appelante fait valoir qu'elle percevait une rémunération depuis 2004 et qu'elle recevait des directives depuis cette période de sorte qu'elle était liée par un contrat de travail par l'association.

Il résulte des pièces versées aux débats que Mme [M] a perçu régulièrement pendant cette période (1er janvier 2004 au 31 décembre 2010) une rémunération mensuelle de l'association, progressive d'une année à l'autre. Le versement mensuel de cette rémunération était accompagnée de la remise d'une « attestation de rémunération » également mensuelle, qualifiant la rémunération d' « indemnité » laquelle était soumise aux cotisations sociales, avec la mention AHN (Athlète Haut Niveau), et référence à la convention collective nationale du sport à compter du mois de décembre 2006.

Peu important la qualification donnée à cette rémunération (« indemnité ») et son montant, Mme [M] établit l'existence d'une rémunération régulière sur la période concernée.

Mme [M] fait valoir qu'en contrepartie de cette rémunération, elle devait se tenir à disposition de l'association en étant obligée de participer aux événements suivants : participation le 14 octobre 2009, 22 octobre 2009, 3 décembre 2009 à des animations événementielles à l'occasion du retour des championnats du monde (courrier du 9 octobre 2009 de M. [D], manager de la section escrime de l'association ; présence requise à un événement VIPING ) ; participation à une soirée VIPING le 8 avril 2010 avec relance le 5 avril 2010 de M. [D] ; séance de photos le 15 septembre 2010 à la suite du courriel du 8 septembre 2010 de M. [D] ; invitation à une réception organisée le 1er décembre 2010 par l'association et le 8 décembre 2010 par la mairie de Levallois pour accueillir les athlètes ayant participé au championnat du monde [Localité 4] ; participation à une émission télévisée le 17 novembre 2010 avec M. [I] [C].

Mme [M] se réfère également aux dispositions de l'article 12.3 de la convention collective nationale du sport du 7 juillet 2005 étendue par arrêté du 21 novembre 2006. Cet article intitulé définition du contrat de travail précise quel est l'objet du contrat travail s'agissant des sportifs (article 12.3.1.1.Sportif ), : « Le sportif professionnel mettra à disposition de son employeur, contre rémunération, ses compétences, son potentiel physique et ses acquis techniques et tactiques, le temps de préparer et de réaliser une performance sportive dans le cadre d'une compétition ou d'un spectacle sportif, de façon régulière ou occasionnelle, ainsi que, accessoirement, les activités de représentation qui en découlent ».

À la lumière de cette disposition, il apparaît que Mme [M], certes rapporte la preuve d'une prestation mais exclusivement liée à l'activité de représentation, en participant à des opérations de relations publiques, que la convention collective considère comme accessoire à l'activité principale. Cette dernière se caractérisant par le fait de mettre à disposition de son employeur ses compétences, son potentiel physique et ses acquis techniques et tactiques. Mme [M] ne fournit pas d'éléments sur cette activité principale durant la période concernée (ex : obligation de participer aux entraînements hebdomadaires, selon quels horaires et quelle fréquence, individuels ou par équipe, obligation de participer aux compétitions, nationales ou internationales, transmission de son savoir- faire par l'enseignement ). Elle ne fournit pas d'éléments qui pourraient distinguer son activité, revendiquée comme professionnelle, de celle de l'escrimeur amateur, membre d'une association sportive, qui peut librement participer, ou non, aux compétitions. Il n'apparaît pas en outre que la rémunération servie sous forme d'indemnité soit corrélée avec les opérations de représentation. Mme [M] ne rapporte pas la preuve que cette rémunération soit versée en contrepartie de ces opérations.

L'existence d'un contrat de travail suppose enfin la démonstration d'un lien de subordination.

Mme [M] fait à cet égard valoir qu'elle était tenue de participer aux événements sportifs selon un calendrier remis par son entraîneur. Elle expose qu'elle était tenue de respecter les directives de l'association relative à sa tenue vestimentaire (logo de l'association ; port de la « maskcam », caméra embarquée sur le masque). Elle rappelle que sa pratique sportive était soumise à un plan de saison, comprenant le tableau des primes aux résultats, le planning et le règlement intérieur contenant des dispositions contraignantes (exemples : « tout retard ou annulation répété aux séances d'entraînement ou aux leçons entraînera la non prise en charge par le club des déplacements en circuit national et en coupe du monde » « toute non-participation une compétition devra être signalée ... au plus tard le mardi qui précède l'épreuve » ; « vous êtes priés de respecter les horaires des rendez-vous lors des déplacements compétition » ; « toute personne se déplaçant en compétition aux frais du club se doit de porter le survêtement de la ville de Levallois » ; « tout athlète sélectionné pour participer à des épreuves sera dans l'obligation de porter le matériel ALLSTAR ou UHLMAN ».

Tout pratiquant d'un sport, membre d'une association sportive, se soumet volontairement, par essence, au règlement intérieur de l'association, rendu nécessaire par le but poursuivi par l'association sportive, sans que cela puisse caractériser des directives données en vue d'accomplir un travail, d'en vérifier l'exécution, et d'en sanctionner le non-respect, le cas échéant. Le port de signes distinctifs d'appartenance à l'association sur la tenue de l'escrimeur participe du même esprit d'adhésion à cette association. Il ne saurait caractériser une instruction en vue de l'accomplissement d'un travail à l'instar du port d'un vêtement professionnel identifiant, tel un uniforme, le salarié comme appartenant à une entreprise.

Enfin, l'assujettissement de l'indemnité aux cotisations sociales dans le cadre du "forfait social" afin de permettre à Mme [M] de bénéficier d'une couverture sociale, n'emporte pas reconnaissance de l'existence d'un contrat de travail, le juge prud'homal étant libre de son appréciation au regard de l'existence d'un lien de subordination.

Des constatations qui précèdent, il se déduit que la preuve n'est pas rapportée de l'existence d'un lien de subordination entre Mme [M] et l'association, pour la période considérée.

L'appelante sera déboutée de sa demande à ce titre.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la requalification du contrat de travail à durée déterminée du 1er janvier 2011 ayant expiré le 31 août 2014, en contrat de travail à durée indéterminée

Les parties ont signé un contrat de travail à durée déterminée le 1er janvier 2011, prévoyant l'embauche de Mme [M] en qualité d'escrimeuse professionnelle pour une durée de trois saisons sportives le terme du contrat étant fixé au 31 août 2014. Le contrat se référe expressément aux dispositions des articles (anciens) L.122-1-1- 3° et D.121-2 du code du travail et de l'article 12.3.2.1 de la convention collective nationale du sport autorisant le recours à un contrat de travail à durée déterminée par usage.

Mme [M] soutient la requalification du contrat, au visa de l'article L.1242-1 du code du travail, selon lequel un contrat de travail, quelque soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, sur le seul fondement de l'existence préalable d'un contrat de travail à durée indéterminée, sans évoquer d'autres dispositions légales qui, en cas de violation, seraient susceptibles de conduire à une requalification.

La cour n'ayant pas reconnu l'existence préalable d'un contrat à durée indéterminée, Mme [M] sera déboutée de sa demande de requalification et de ses demandes financières subséquentes.

Le jugement entrepris sera confirmé.

Sur la demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé

Mme [M] sollicite la condamnation de l'association pour travail dissimulé au visa de l'article L.8221-3 du code du travail au motif que l'association avait intentionnellement (courriel du 3 juin 2010 de l'association) cherché à s'exonérer de charges en requalifiant les primes perçues au cours de compétition en frais de déplacement.

Le courriel du 3 juin 2010 est explicite : « Afin que vous n'ayez pas charges à payer de charges sur les primes perçues pour la coupe de France par équipe, je vous remercie de scanner la carte grise de votre véhicule et de me la faire parvenir le plus rapidement que possible afin que cette somme soit indiquée en frais de déplacement. ».

Mme [M] réclame l'indemnité de six mois de salaire prévue par l'article L.8223-1 de code du travail.

Dans sa version alors en vigueur au moment des faits, cet article stipulait « Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° soit de ce soustraire intentionnellement à l'accomplissement de formalités prévues à l'article L.1221'10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L.3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie. ».

Or, Mme [M] n'est pas parvenue à démontrer l'existence d'un contrat de travail pour la période précédant le 1er janvier 2011 de sorte qu'il ne peut y avoir dissimulation d'un emploi salarié au regard de l'un ou l'autre des cas visés par l'article L.8223-1 dans sa version applicable aux faits.

Mme [M] sera déboutée de sa demande et le jugement confirmé sur ce point.

Sur les demandes accessoires

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu'elle a exposés tant en première instance qu'en appel.

L'appelante, succombant, supportera la charge des dépens de première instance d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

CONFIRME le jugement entrepris ;

DÉBOUTE chacune des parties de leur demande au titre de leur frais irrépétibles d'appel ;

DIT que Mme [M] supportera la charge des dépens d'appel ;

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président, et par Monsieur Nicolas CAMBOLAS, Greffier.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 16/05083
Date de la décision : 22/11/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°16/05083 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-22;16.05083 ?
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