COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
VM
Code nac : 56C
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 20 NOVEMBRE 2018
N° RG 17/08589 - N° Portalis DBV3-V-B7B-SAEA
AFFAIRE :
Société MITSUI SUMITOMO INSURANCE COMPANY (EUROPE) LIMITED
SOMPO JAPAN NIPPONKOA MARTIN BOULART SAS,
C/
SA HELVETIA ASSURANCES
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 08 Novembre 2017 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre : 1
N° Section :
N° RG : 2014F02369
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Stéphane CHOUTEAU
Me Olivia AUBERT
Me Martine DUPUIS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT NOVEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Société MITSUI SUMITOMO INSURANCE COMPANY (EUROPE) LIMITED agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés pour les besoins de la présente chez son agent SOMPO JAPAN NIPPONKOA MARTIN BOULART SAS, société par actions simplifiée, dont le siège social est [Adresse 7]
[Adresse 1]
London EC3M 5AD
ROYAUME UNI
Représentant : Me Stéphane CHOUTEAU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - N° du dossier 003597
Représentant : Me Florent VIGNY de la SELARL CAUSIDICOR, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J133 -
Société NIPPONKOA INSURANCE COMPANY (EUROPE) LTD agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés pour les besoins de la présente chez son agent SOMPO JAPAN NIPPONKOA MARTIN BOULART SAS, société par actions simplifiée, dont le siège social est [Adresse 7]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
ROYAUME UNI
Représentant : Me Stéphane CHOUTEAU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - N° du dossier 003597
Représentant : Me Florent VIGNY de la SELARL CAUSIDICOR, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J133 -
APPELANTES
****************
SA HELVETIA ASSURANCES
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1858870
Représentant : Me Olivier GSELL, Plaidant, avocat au barreau de COLMAR
SAS DISTRITEC
N° SIRET : 354 038 820
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentant : Me Olivia AUBERT de la SELARL ASSERT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 86 - Représentant : Me Roger VOYE, Plaidant avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0449
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 Octobre 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique MULLER, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Thérèse ANDRIEU, Président,
Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,
Mme Véronique MULLER, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,
EXPOSÉ DU LITIGE
Selon contrat de prestations logistiques du 1° avril 2006, la société Distritec, assurée par la société Helvetia Assurances (ci-après société Helvetia) s'est engagée à réaliser des prestations de transport et de logistique au profit de la société Toshiba, assurée par les sociétés Mitsui Sumimtomo Insurance (ci-après société Mitsui) et Nipponkoa Insurance (ci-après société Nipponkoa).
Selon lettre de voiture du 19 juillet 2013, la société Toshiba a confié à la société Distritec le transport de 60 colis comprenant des copieurs et trieuses, depuis [Localité 9] (76) jusqu'à [Localité 8] (77), site d'entreposage de la société Distritec. Le tracteur et la remorque contenant les colis, entreposés pour la nuit sur ce site fermé par un portail équipé d'un digicode, avaient intégralement disparu lorsque le personnel de la société Distritec est arrivé sur les lieux le lendemain matin.
Les compagnies d'assurances Mitsui et Nikkonkoa, subrogées dans les droits de la société Toshiba, ont réclamé à la société Distritec remboursement de la somme de 134.378,86 euros correspondant au paiement de l'indemnité versée à leur assurée.
Par actes des 21 et 26 novembre 2014, les sociétés Mitsui et Nikkonkoa ont fait assigner les sociétés Distritec et Helvetia devant le tribunal de commerce de Nanterre aux fins d'obtenir leur condamnation solidaire au paiement de la somme de 134.378,86 euros en principal, outre paiement de frais irrépétibles.
Par jugement du 8 novembre 2017, le tribunal de commerce de Nanterre a:
- déclaré irrecevable, comme étant prescrite, l'action exercée par les sociétés Mitsui et Nipponkoa,
- condamné in solidum les sociétés Mitsui et Nipponkoa au paiement de la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu l'appel interjeté le 7 décembre 2017 par les sociétés Mitsui et Nipponkoa.
Vu les dernières conclusions signifiées le 2 octobre 2018 par lesquelles les sociétés Nipponkoa et Mitsui demandent à la cour de :
- Réformer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,
- Juger non prescrite et dès lors recevable l'action subrogatoire des sociétés Nipponkoa et Mitsui,
- Condamner solidairement la société Distritec et son assureur Helvetia au paiement des sommes de :
o 134.378,86 euros à titre principal.
o 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Dire que les sommes dues porteront intérêt au taux légal depuis la date de l'assignation (article 1154 du code civil désormais article 1343-2 du code civil) et assortir cette condamnation de l'anatocisme.
- Condamner solidairement Distritec et son assureur Helvetia aux dépens comprenant notamment les frais d'expertise amiable, dont distraction en application des articles 699 et suivants du code procédure civile.
Vu les dernières conclusions signifiées le 26 septembre 2018 au terme desquelles la société Distritec demande à la cour de :
A titre principal,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que les sociétés Mitsui et Nipponkoa étaient irrecevables par acquisition de la prescription extinctive, tout report de celle-ci étant inopposable à la société Distritec.
- débouter en conséquence les sociétés Mitsui et Nipponkoa de l'ensemble de leurs demandes,
A titre subsidiaire,
- dire que ne sont pas remplies les conditions cumulatives caractérisant la faute inexcusable imputée à la société Distritec.
- débouter en conséquence les sociétés Mitsui et Nipponkoa de l'ensemble de leurs demandes excédant la limite indemnitaire de 12.783,40 euros telle ressortant de l'application du contrat-type visé par la lettre de voiture du 19 juillet 2013, les en déclarant mal fondées pour le surplus.
- dire inopposable à la société Distritec la limitation de garantie opposée par la société Helvetia,
- condamner en conséquence la société Helvetia à la garantir et relever indemne intégralement en principal, intérêts et frais.
- En tout état de cause,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné les sociétés Mitsui et Nipponkoa au paiement de la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Y ajoutant,
- condamner la partie succombante au paiement de la somme de 4 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens d'appel.
Vu les dernières conclusions signifiées le 19 septembre 2018 au terme desquelles la société Helvetia demande à la cour de :
- écarter des débats la pièce n° 17 produite en langue anglaise par les sociétés Mitsui et Nipponkoa,
- confirmer le jugement le 8 novembre 2017 en ce qu'il a jugé la société Distritec responsable (sic) des conséquences dommageables du sinistre vol survenu le 19 juillet 2013 en qualité de voiturier et au titre de l'exécution d'un contrat de transport routier de marchandises
- dire que les sociétés Mitsui et Nipponkoa ne peuvent se prévaloir du bénéfice des reports conventionnels de prescription consentis les 11 juillet et 19 octobre 2014 par la société Helvetia à la société Sompo Japan Nipponkoa,
En conséquence,
- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé l'action des sociétés Mitsui et Nipponkoa prescrite et, par voie de conséquence, irrecevable
- débouter les sociétés Mitsui et Nipponkoa ainsi que la SAS DISTRITEC, de leurs fins, moyens et conclusions d'appel et d'appel en garantie,
Subsidiairement,
- dire que les conditions cumulatives caractérisant la faute inexcusable au sens des dispositions de l'article L 133-8 du Code de Commerce font défaut,
- dire qu'en vertu de l'article 21 du contrat type général, le recours subrogatoire des sociétés Mitsui et Nipponkoa est plafonné à 12.783,40 euros,
- débouter les sociétés Mitsui et Nipponkoa du surplus de leurs fins, moyens et conclusions d'appel,
Très subsidiairement,
- dire que le recours subrogatoire des sociétés Mitsui et Nipponkoa ne peut excéder la somme de 60.554,67 euros, correspondant aux seuls dommages justifiés,
- dire que, par application de la « clause conventionnelle vol », la garantie due par la société Helvetia, est plafonnée et ne peut excéder 80 % du montant des sommes allouées en principal aux sociétés Mitsui et Nipponkoa,
- débouter les sociétés Mitsui et Nipponkoa et la société Distritec du surplus de leurs prétentions,
- dire opposable aux sociétés Mitsui et Nipponkoa la clause conventionnelle de plafonnement de l'indemnisation des dommages stipulé à l'annexe 1 du contrat de prestation de services,
En conséquence,
- dire le recours subrogatoire des sociétés Mitsui et Nipponkoa dirigé à l'encontre de la société Helvetia plafonné à la somme de 12.783,40 euros,
Très subsidiairement,
- dire le recours subrogatoire des sociétés Mitsui et Nipponkoa et l'appel en garantie de la société Distritec plafonné à 50.000,00 euros,
- débouter pour le surplus, les sociétés Mitsui et Nipponkoa et la société Distritec de leurs demandes,
Sur les frais irrépétibles et les dépens,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés Mitsui et Nipponkoa à payer à la société Helvetia une indemnité de 4.000,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance,
Y ajoutant,
- condamner in solidum les sociétés Mitsui et Nipponkoa au paiement d'une indemnité de 5.000,00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre de la procédure d'appel,
- condamner in solidum les sociétés Mitsui et Nipponkoa aux entiers frais et dépens d'appel.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 4 octobre 2018.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La demande tendant à voir écarter la pièce numéro 17 produite par les sociétés Mitsui et Nipponkoa sera rejetée dès lors que cette pièce, en langue anglaise, est accompagnée d'une traduction qui n'est pas discutée.
1 ' sur la recevabilité de l'action exercée par les sociétés Mitsui et Nipponkoa
Il résulte de l'article L. 133-6 du code de commerce que les actions pour avaries, pertes ou retards, auxquelles peut donner lieu contre le voiturier le contrat de transport, sont prescrites dans le délai d'un an, sans préjudice des cas de fraude ou d'infidélité.
Il résulte de l'article L. 110-4 du code de commerce que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.
En l'espèce, le premier juge a déclaré prescrite l'action exercée par les sociétés Mitsui et Nipponkoa, estimant que l'opération de transport - objet de la lettre de voiture du 19 juillet 2013 - n'était pas achevée lors de la survenance du vol dès lors que les marchandises n'avaient pas été déchargées, de sorte que le sinistre était bien survenu dans le cadre d'un transport routier et non d'une prestation logistique, le délai de prescription annale étant dès lors applicable.
Les sociétés Mitsui et Nipponkoa soutiennent qu'il convient de faire application de la prescription quinquennale, au motif d'une part que le contrat principal porte sur des prestations logistiques, le contrat de transport n'étant qu'accessoire, d'autre part que le contrat de transport a pris fin au terme du déplacement de la marchandise jusqu'à [Localité 8], avant même son déchargement, la prise de possession par le destinataire provisoire de la marchandise (société Distritec), ayant eu lieu au départ.
La société Distritec et son assureur soutiennent pour leur part que l'activité de transport est « largement dominante » dans le contrat de prestations de service, ajoutant que ce transport était toujours en cours au moment de la survenance du dommage et qu'en tout état de cause la phase d'entreposage ne constitue qu'une modalité d'exécution du contrat de transport, de sorte que la prescription annale est seule applicable.
**************************
Le contrat de prestation de services du 1° avril 2006, en son annexe 1, comporte un article intitulé « définition des prestations » ainsi rédigé : « le prestataire assurera les prestations de réceptions, de transports, de manutention, de livraisons, de mises en service, de formations, de reprises, de stockage, de transit des produits et l'ensemble des tâches administrative et informatiques afférentes. Le prestataire s'engage à mettre en place une cellule dédiée à la réalisation des prestations permettant la réception, le stockage ou le transit des matériels, ainsi que la préparation des expéditions et retours. Cet espace devra comprendre tous les moyens informatiques, téléphoniques et techniques propres à permettre au prestataire de parfaitement assurer sa mission (...) ».
Outre cette définition, les autres éléments du dossier permettent de comprendre que la société Distritec prenait livraison des matériels à l'entrepôt de la société Toshiba afin de les acheminer sur sa plate forme de transit située à [Localité 8], avant de les réexpédier quelques jours plus tard vers le client final pour livraison, mise en service et formation des utilisateurs. La société Distritec se chargeait également des éventuels retours.
La lettre de voiture produite aux débats précise que l'expéditeur est la société Toshiba à [Localité 9] (76), le destinataire - mais également transporteur - étant la société Distritec à [Localité 8] (77), ce qui permet d'établir que le premier contrat de transport prend fin à la livraison chez le destinataire Distritec. Il n'est dès lors pas possible de soutenir que les opérations ultérieures de manutention, de tri, de stockage sur le site de [Localité 8] constituent une modalité d'exécution du contrat de transport. Ces opérations constituent des étapes postérieures au premier contrat de transport entre la société Toshiba et la société Distritec, et antérieures au second contrat, entre celle-ci et le client final.
Les prestations de la société Distritec incluaient ainsi, outre les deux opérations de transports - donnant chacune lieu à l'établissement d'une lettre de voiture séparée - à de nombreuses autres prestations de manutention, stockage, tri, livraison, mise en service et formation, les contrats de transport n'étant finalement que des sous-ensembles d'une opération beaucoup plus conséquente comprenant ces prestations logistiques, de sorte qu'il convient de retenir que les deux contrats de transport ne sont que les accessoires du contrat principal de prestation de service.
En tout état de cause, la cour retiendra qu'au moment de la survenance du dommage, le premier contrat de transport était achevé, dès lors que la marchandise transportée était parvenue à destination, que le destinataire mentionné sur la lettre de voiture (Distritec) était en possession de la marchandise transportée, et que ce dernier a lui-même signé la lettre de voiture dans le cadre réservé au déchargement, manifestant ainsi clairement le fait que le contrat de transport avait pris fin, peu important sa décision ultérieure de différer ce déchargement.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient donc de considérer d'une part que le contrat principal est un contrat de prestations de services soumis à la prescription quinquennale, d'autre part que le contrat de transport accessoire au contrat principal avait pris fin ainsi qu'il résulte des mentions portées sur la lettre de voiture par le destinataire de la marchandise.
Contrairement à ce qu'a pu estimer le premier juge, la prescription spéciale attachée au contrat de transport n'est donc pas applicable, et il convient de faire application de la prescription quinquennale. Le jugement dont appel sera infirmé de ce chef, l'action exercée par les sociétés Mitsui et Nipponkoa étant déclarée recevable dès lors qu'elle a été engagée en novembre 2014, soit moins de 5 années après le dommage survenu en juillet 2013.
2 ' sur la responsabilité de la société Distritec en sa qualité d'entreprise de logistique
* les dispositions contractuelles applicables
Il résulte de l'article 11 du contrat de prestations de service que l'ensemble des matériels mis à la disposition du prestataire sera sous l'entière responsabilité de ce dernier qui en deviendra le gardien. Il résulte en outre de l'article « responsabilité en cas de vol, perte ou avarie » que le prestataire n'est : « en tout état de cause, tenu que du montant d'indemnité résultant du présent accord ». Il est ajouté que le prestataire recevra une demande d'indemnisation sur la base de l'article 21 du décret du 6 avril 1999 (conditions générales de transport), cet article prévoyant des limites d'indemnisation. Il est toutefois précisé : « aucune limite ne sera opposée en cas de faute grave du prestataire ».
Les sociétés Mitsui et Nipponkoa recherchent la responsabilité de la société Distritec au titre du seul contrat de prestation de services, et font valoir qu'en laissant la remorque chargée sur un parking non sécurisé, celle-ci a commis une faute grave, de sorte qu'elle ne peut invoquer les limites d'indemnisation de l'article 21 précité, sollicitant dès lors paiement de la somme totale de 134.378,86 euros.
La société Distritec et son assureur soutiennent au contraire que le vol est survenu au cours du transport, de sorte que seule une faute inexcusable ' au sens de l'article L. 133-8 du code de commerce ' pourrait exclure les limites d'indemnisation. Ils soutiennent qu'en l'absence d'une telle faute, l'indemnité due ne peut excéder la somme de 12.783,40 euros.
Rien ne s'opposait à ce que, dans le contrat de prestations de services, les parties prévoient de faire application des limites d'indemnisation des contrat-types de transport en faisant référence à l'article 21 du décret de 1999. Toutefois , dès lors que le dommage est survenu alors que le contrat de transport avait pris fin, les dispositions légales sur le contrat de transport - et notamment l'article L. 133-8 précité définissant la faute inexcusable susceptible de faire échec aux limites d'indemnisation - ne sont pas applicables.
Il convient en conséquence de faire application des dispositions du contrat de prestation de services, et de rechercher si la société Distritec a commis une faute grave, permettant d'exclure les limites d'indemnisation.
* l'existence d'une faute grave
L'article 8 du contrat de prestation de services précise : " la majorité des produits objet des prestations étant des produits électroniques, le prestataire s'engage, sous sa responsabilité, à assurer leur stockage et leur transport dans le respect des règles de l'art, applicables à ce type de produits."
La société Distritec connaissait la valeur des marchandises transportées et leur caractère convoité, ce qui résulte notamment de l'audition de son responsable d'agence qui déclare que toutes les remorques sont habituellement déchargées et les marchandises entreposées dans les locaux sécurisés, ajoutant qu'il n'y a jamais une seule remorque chargée durant la nuit, et que ce n'est que de manière exceptionnelle que la remorque litigieuse n'a pas été déchargée le jour du sinistre.
Particulièrement consciente du risque encouru, la société Distritec se devait d'assurer le stockage en toute sécurité. Force est toutefois de constater qu'elle s'est abstenue de décharger, laissant les marchandises dans une remorque qui n'était fermée que par un simple cadenas, sans prendre la précaution de plaquer la remorque contre un mur pour empêcher son ouverture. Il est constant en outre que le site n'était ni éclairé, ni protégé par un système de télésurveillance, seul un portail muni d'un digicode empêchant l'entrée sur le site.
L'ensemble des négligences commises par la société Distritec alors qu'elle avait conscience du risque de vol de la marchandise suffit à caractériser l'existence d'une faute grave.
La société Distritec doit ainsi indemniser les sociétés Mitsui et Nipponkoa, sans pouvoir prétendre à aucune limitation d'indemnisation.
3 - la demande d'indemnisation formée par les sociétés Mitsui et Nipponkoa
3 -1 ' sur la garantie due par la société Helvetia
La société Helvetia soutient qu'elle ne peut être tenue au-delà du plafond de garantie de 50.000 euros par sinistre, tel qu'il résulte des termes du contrat la liant à la société Distritec (conditions particulières - clause relative à l'activité d'entrepositaire et de gestionnaire de stock et logistique).
La société Distritec s'oppose à l'application de ce plafond au motif que le vol est survenu durant l'exécution du contrat de transport, le plafond applicable étant alors de 310.000 euros et non pas 50.000 euros.
La cour ayant retenu que le sinistre était survenu après l'exécution du contrat de transport, c'est bien le plafond applicable à l'activité d'entrepositaire qui est applicable.
Il convient dès lors de faire droit à la demande de la société Helvetia et de dire qu'elle est fondée à opposer son plafond de garantie à hauteur de 50.000 euros.
3-2- sur le quantum de l'indemnisation
La société Distritec ne forme aucune observation quant à l'évaluation du préjudice. La société Helvetia soutient pour sa part que le quantum de l'indemnisation sollicitée est injustifié, en ce que, d'une part, les sociétés Mitsui et Nipponkoa ont valorisé le dommage selon un prix moyen pondéré, alors qu'il était prévu au contrat une valorisation selon un prix de revient, d'autre part les montants seraient injustifiés pour 20 positions sur 37.
Contrairement à ce qui est soutenu, les sociétés Mitsui et Nipponkoa ont bien produit aux débats les justificatifs correspondant aux 37 copieurs et trieuses transportés, à savoir d'une part les commandes de transport adressées par Toshiba, d'autre part les procès-verbaux de livraison envisagés, et enfin les facturations adressées par Toshiba aux clients. Ces documents ont été validés tant par l'expert désigné par les sociétés Mitsui et Nipponkoa que par l'expert désigné par la société Distritec, de sorte que la contestation de la société Helvetia n'est pas fondée.
S'agissant de l'évaluation des dommages, il ressort des explications des parties que les deux experts ont en réalité retenu un "prix de revient moyen pondéré", de sorte que les dispositions contractuelles ont été respectées.
Il convient dès lors de faire droit à la demande d'indemnisation du préjudice à hauteur de la somme de 134.378,86 euros, la société Distritec étant condamnée au paiement de cette somme, dont une somme de 50.000 euros solidairement avec la société Helvetia, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 21 novembre 2014, et capitalisation des intérêts.
Il convient en outre de faire droit à l'appel en garantie formé par la société Distritec à l'encontre de son assureur, dans la limite toutefois du plafond de garantie.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Les sociétés Distritec et Helvetia seront condamnées aux dépens de première instance et d'appel, sans qu'il y ait lieu toutefois d'y inclure les frais d'expertise, dès lors qu'il s'agit d'une expertise amiable. Il est équitable d'allouer aux sociétés Mitsui et Nipponkoa une indemnité de procédure de 5.000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 8 novembre 2017,
Déclare recevable l'action exercée par les sociétés Mitsui Sumitomo Insurance Company et Nipponkoa Insurance Company,
Condamne la société Distritec, in solidum avec la société Helvetia à hauteur de la somme de 50.000 euros, à payer aux sociétés Mitsui Sumitomo Insurance Company et Nipponkoa Insurance Company la somme de 134.378,86 euros, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 21 novembre 2014, et capitalisation des intérêts,
Condamne la société Helvetia à relever et garantir la société Distritec de la condamnation prononcée à son encontre à hauteur de la somme de 50.000 euros,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne in solidum les sociétés Distritec et Helvetia à payer aux sociétés Mitsui Sumitomo Insurance Company et Nipponkoa Insurance Company la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum les sociétés Distritec et Helvetia aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l'article 699 du code de procédure civile.
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
signé par Madame Thérèse ANDRIEU, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,