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15/11/2018 | FRANCE | N°17/00244

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 15 novembre 2018, 17/00244


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 82E



6e chambre







ARRÊT N° 00640



CONTRADICTOIRE



DU 15 NOVEMBRE 2018



N° RG 17/00244



N° Portalis : DBV3-V-B7B-RHM2







AFFAIRE :



COMITE CENTRAL D'ENTREPRISE DE LA SOCIETE IBM FRANCE



L'INSTANCE DE COORDINATION DES COMITES D'HYGIENE ET DE SECURITE ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL (IC-CHSCT) DE LA SOCIETE IBM FRANCE



C/



Société IBM FRA

NCE



Syndicat UNSA IBM



SAS MANPOWERGROUP SOLUTIONS



SAS MANPOWERGROUP SOLUTIONS ENTERPRISES









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Janvier 2017 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

Pôle : Social

N° RG...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 82E

6e chambre

ARRÊT N° 00640

CONTRADICTOIRE

DU 15 NOVEMBRE 2018

N° RG 17/00244

N° Portalis : DBV3-V-B7B-RHM2

AFFAIRE :

COMITE CENTRAL D'ENTREPRISE DE LA SOCIETE IBM FRANCE

L'INSTANCE DE COORDINATION DES COMITES D'HYGIENE ET DE SECURITE ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL (IC-CHSCT) DE LA SOCIETE IBM FRANCE

C/

Société IBM FRANCE

Syndicat UNSA IBM

SAS MANPOWERGROUP SOLUTIONS

SAS MANPOWERGROUP SOLUTIONS ENTERPRISES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Janvier 2017 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

Pôle : Social

N° RG : 16/11801

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 15 Novembre 2018 à :

- Me Sophie REGNIER

- Me Thierry VOITELLIER

- Me Christophe DEBRAY

- Me Valérie YON

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE NOVEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 30 janvier 2018, puis prorogé au 06 mars 2018, au 14 juin 2018, au 27 septembre 2018, au 25 octobre 2018 et au 15 novembre 2018, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Le COMITE CENTRAL D'ENTREPRISE DE LA SOCIETE IBM

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentés par Me Juliette GOLDMANN de la SCP GOLDMANN ET ASSOCIES, plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE ; et par Me Sophie REGNIER, constituées, avocate au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 191

L'INSTANCE DE COORDINATION DES COMITES D'HYGIENE ET DE SECURITE ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL (IC-CHSCT) DE LA SOCIETE IBM FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentés par Me Juliette GOLDMANN de la SCP GOLDMANN ET ASSOCIES, plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE ; et par Me Sophie REGNIER, constituées, avocate au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 191

APPELANTES

****************

La Société IBM FRANCE

N° SIRET : 552 11 8 4 655

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Joël GRANGÉ de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0461 ; et par Me Thierry VOITELLIER de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52

Le Syndicat UNSA IBM

[Adresse 3]

[Localité 3]

Représenté par Me Michèle ARNAUD, plaidant, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : A0177 ; et par Me Christophe DEBRAY, constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627

La SAS MANPOWERGROUP SOLUTIONS

N° SIRET : 484 765 698

[Adresse 4]

[Localité 4]

Représentée par Me Nuno DE AYALA BOAVENTURA de la SELEURL AMELIE LIEVRE-GRAVEREAUX, plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : T01 ; et par Me Valérie YON, constituée, avocate au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C511

La SAS MANPOWERGROUP SOLUTIONS ENTERPRISES

N° SIRET : 821 560 133

[Adresse 4]

[Localité 4]

Représentée par Me Nuno DE AYALA BOAVENTURA de la SELEURL AMELIE LIEVRE-GRAVEREAUX, plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : T01 ; et par Me Valérie YON, constituée, avocate au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C511

INTIMÉS

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 Octobre 2017, Madame Sylvie BORREL, Président, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Sylvie BORREL, Président,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Conseiller,

Conseiller Olivier GUICHAOUA, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE

****************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société IBM France développe et commercialise des solutions globales couvrant l'ensemble des besoins de ses clients, principalement dans les secteurs d'activité des Services Informatiques (conseil, intégration informatique), des Matériels Informatiques (serveurs, hardware), et des Logiciels (développement et vente de logiciels d'exploitation).

Elle accompagne les entreprises privées et publiques dans l'évolution et la transformation de leurs systèmes d'information.

Elle compte plus de 7 000 salariés répartis sur six établissements régionaux, dont le siège social situé à [Adresse 5].

Le 24 avril 2015, la société IBM FRANCE signait avec quatre organisations syndicales, un accord d'entreprise de type GPEC « sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, de l'anticipation, des flux d'emplois et de l'employabilité des salariés ».

Le 7 avril 2016, elle présentait un "plan prévisionnel triennal 2015/2018" annonçant un plan d'optimisation de la qualité et des coûts de gestion "en standardisant et optimisant des processus de supports au niveau mondial capitalisant ainsi sur les meilleures pratiques IBM, en regroupant les ressources administratives dans des centres d'excellence opérant à un niveau européen ou mondial ".

S'agissant de l'activité "Global Administration" regroupant les assistantes administratives d'IBM France, la direction précisait que "les secrétaires doivent se recentrer le plus rapidement possible sur les activités citées dans le contrat de prestations de services internes. L'évolution des besoins du business ainsi qu 'une révision au niveau global d'une catégorie de personnel pouvant bénéficier des prestations de l'équipe "Global Administration " pourrait nous amener à revoir à la baisse le nombre d'assistantes. La décroissance du nombre d'assistantes est en ligne avec la stratégie annoncée depuis plusieurs années pour les fonctions support." étant précisé que le tableau de synthèse de l'impact sur l'emploi pour ces fonctions support faisait état de 13 réductions de postes d'assistantes entre fin 2015 et fin 2018.

Le 20 avril 2016, la société IBM France présentait le projet Gallium au comité central d'établissement (CCE) , visant à céder l'intégralité de l'activité Global Administration (GA) et le transfert des 102 assistantes dédiées à cette activité à la société Manpower Group Solutions Enterprise (MGSE) alors en cours de création, laquelle devait poursuivre l'activité pour réaliser des prestations de secrétariat pour le compte d'IBM France et, à long terme et en complément, pour d'autres clients.

Cette activité GA consistait à fournir à certains cadres de la société IBM France des secrétaires qui géraient leur agendas, organisaient leurs déplacements, traitaient leurs notes de frais, effectuaient pour certains clients internes le traitement partiel de leurs courriels.

Le projet Gallium en partenariat avec le groupe Manpower visait à transférer la totalité des 102 assistantes à effet du 1er octobre 2016.

A la suite de la consultation, le CCE de la société IBM France adoptait une résolution le 20 juillet 2016, considérant que les dispositions de l'article L.1224-1 n'étaient pas remplies et que bien au contraire, le transfert de 102 salariés était une façon d'éviter un plan de sauvegarde de l'emploi et constituait un détournement de la loi.

Ainsi, les élus du CCE décidaient de saisir le juge des référés aux fins d'obtenir la suspension du projet de cession, puis le juge du fond sur l'applicabilité des dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail.

Par ordonnance de référé du 28 septembre 2016, le tribunal de grande instance de Nanterre, saisi le 12 juillet 2016 par les syndicats, le CCE et l'IC-CHSCT IBM, faisait droit à leur demande de suspension du projet Gallium dans l'attente de la décision du juge du fond sur l'applicabilité des dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail relatif au transfert du personnel.

En parallèle, le 3 octobre 2016, le CCE, l'IC-CHSCT IBM et quatre syndicats assignaient la société IBM France à jour fixe au fond devant le tribunal de grande instance de Nanterre, priant le tribunal de :

- juger inapplicables et inopposables les dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail au projet de transfert des assistantes intitulé Gallium vers la société MGSE,

- juger que les contrats de travail des salariés ne peuvent pas être considérés comme transférés de plein droit,

-faire interdiction à la société IBM France de transférer les contrats de travail visés par le projet intitulé Gallium en application de l'article L.1224-1 du code du travail sous astreinte de 100.000 euros par infraction constatée et par salarié et se réserver la liquidation de l'astreinte.

Le syndicat UNSA , les sociétés ManpowerGroup Solutions (MGS) et ManpowerGroup Solutions Enterprise (MGSE) intervenaient à titre volontaire dans le cadre de cette procédure.

Par jugement du 3 janvier 2017, le tribunal de grande instance de Nanterre :

- déclarait recevable l'intervention volontaire du syndicat UNSA IBM,

- déclarait le CCE de la société IBM FRANCE et le syndicat UNSA IBM irrecevables à agir pour faire défense à la société IBM FRANCE de transférer ou rompre les contrats de travail de l'ensemble des salariées concernées par le projet Gallium,

- déclarait l'IC CHSCT irrecevable en sa demande,

- déclarait recevable l'action des syndicats requérants et du syndicat UNSA IBM,

- condamnait la société IBM FRANCE à payer à la Fédération Générale des Mines et de la Métallurgie CFDT, à la Fédération de la Métallurgie CFE-CGC, au syndicat CFTC Métallurgie des Hauts de Seine, au syndicat UFICT CGT Paris Banlieue et au syndicat UNSA IBM, chacun, la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts, outre celle de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 10 janvier 2017, le CCE de la société IBM FRANCE ainsi que l'IC-CHSCT interjetaient régulièrement appel de ce jugement.

Le jugement au fond ayant mis fin à la suspension ordonnée en référé du projet de transfert des 20 salariées à la société MGSE, la société IBM FRANCE mettait en oeuvre ce transfert de 95 salariées à compter du 1er mars 2017, signant avec la société MGSE un contrat de services organisant l'externalisation de son activité de secrétariat pour une période minimale garantie de 4 ans 3 mois.

A l'audience de la cour le 24 octobre 2017, les parties concluaient aux termes de leurs écritures, auxquelles la cour se réfère en application de l'article 145 du code de procédure civile, comme suit :

Le CCE de la société IBM FRANCE, ci-après le CCE, et l'IC-CHSCT demandent à la cour de :

- infirmer le jugement en ce que le tribunal a déclaré irrecevable le CCE et l'IC-CHSCT à agir,

- juger que l'article L.1224-1 du code du travail est inapplicable à la cession intitulée « projet Gallium » intervenue entre la société IBM France et la société Manpower Group Solutions,

- dire inopposable aux salariés le changement d'employeur auquel ils n'ont pas consenti, et ce avec toutes les conséquences de droit.

- dire et juger que les prérogatives de l'IC-CHSCT ont été violées dans le cadre du processus d'information/consultation,

- condamner la société IBM France à payer à l'IC-CHSCT la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner la société IBM France à payer au CCE la somme de 7 000 euros et celle de 5 000 euros à l'IC-CHSCT sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.

Le syndicat Unsa IBM demande à la cour de confirmer le jugement, en ce que le tribunal a constaté la faute commise par la société IBM France à l'égard du syndicat UNSA IBM relative à la violation de l'accord GPEC du 24 avril 2015, dont le syndicat UNSA IBM est signataire ainsi que du plan triennal subséquent du 7 avril 2016, engagement unilatéral de ne pas procéder à plus de 13 licenciements au sein de l'entité GLOBAL ADMINISTRATION avant le 31 décembre 2018.

Il sollicite la condamnation de la société IBM France à lui verser la somme de 25 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait de la violation de ces engagements.

Il sollicite l'infirmation du jugement pour le surplus des demandes, priant la cour :

- de le déclarer recevable en ses demandes,

- de constater que le transfert des assistantes administratives de la société IBM France au groupe Manpower constitue une fraude aux dispositions régissant les licenciements économiques collectifs régis par les articles L.1233-61 et suivants du code du travail, par conséquent de dire les dispositions de l'article L.1224-1 inopposables aux salariées,

- d'annuler le transfert des contrats de travail de l'ensemble des salariées concernées par le projet Gallium et de procéder à leur réintégration au sein de la société IBM France sous astreinte de 100 000 euros par infraction constatée et par salariée,

- de condamner la société IBM France à lui payer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de la condamner aux dépens, avec distraction au profit de Maître Christophe Debray en application de l'article 699 du code de procédure civile.

La société IBM France demande à la cour de confirmer le jugement en ce que le tribunal a déclaré le CCE, l'IC-CHSCT et l'UNSA irrecevables à faire valoir une inapplicabilité des dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail concernant le projet Gallium et une irrégularité de la procédure d'information et de consultation de l'IC-CHSCT et de débouter le CCE, l'IC-CHSCT et l'UNSA de l'ensemble de leurs demandes.

Elle demande la condamnation du CCE et du syndicat UNSA IBM à lui payer chacun la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés MANPOWER GROUP SOLUTIONS, ci-après MGS et MANPOWERGROUP SOLUTIONS ENTERPRISES, ci-après MGSE, sollicitent la confirmation du jugement, en ce que le tribunal a déclaré le CCE, l'IC-CHSCT et l'UNSA irrecevables à faire valoir une inapplicabilité des dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail.

Elles concluent au débouté des mêmes en toutes leurs demandes, et à la condamnation du CCE et du syndicat UNSA IBM à payer à chacune la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes du CCE

- Sur la recevabilité de l'action du CCE tendant à contester l'opération de transfert des salariés de l'entité GA

Le CCE soutient la recevabilité de sa demande relative à l'irrégularité des conditions d'application de l'article L.1224-1 du code du travail, précisant qu'il a un intérêt à agir dans la mesure où il a été saisi d'une procédure d'information et consultation portant sur le transfert d'une partie du personnel et que ce sont ses droits propres et de son intérêt d'assurer l'expression collective des salariés et la défense des intérêts du personnel de l'entreprise.

Il invoque son intérêt direct et personnel à agir eu égard à la nature du litige, à savoir l'appréciation des conditions dans laquelle la société IBM a procédé au transfert d'une activité dans le cadre des dispositions de l'article L.1224-1 et des effets d'une opération pour laquelle il a été informé et consulté de manière insuffisante et qui a une incidence sur la gestion ainsi que l'évolution de l'entreprise.

Il fait état de la jurisprudence : Cass 10 novembre 2005 n°04-10.978 ; cour d'appel de Paris 18 décembre 2008 ; dans un arrêt du 15 octobre 2009 n° 08/10335, la cour d'appel de Paris prononçait au fond la nullité du transfert des contrats de travail à la demande du comité d'entreprise et des syndicats, et confirmait la recevabilité du comité d'entreprise à statuer « sur les effets juridiques au regard de l'article L 1224-1 du code du travail des transferts, des activités et donc des contrats de travail ».

La société IBM oppose que le CCE n'a ni qualité ni intérêt à agir, et qu'il ne tient d'aucune disposition légale le pouvoir d'exercer une action en justice au nom des salariés (Cass. soc., 28 mai 1991, n° 90-83.957 ; Cass. soc., 18 mars 1997, n° 93-43.989, 93-43.991, 93-44.297 ; Cass. soc., 14 mars 2007, n° 06-41.647 ; Cass. soc., 13 juillet 2016, n° 15-14.801) et que la Cour de Cassation a exclu encore récemment toute recevabilité de l'action du comité d'entreprise relative à l'application de l'article L.1224-1 du code du travail (Cass. soc., 9 mars 2016, n° 14-11.837 et 14-11.862).

Or, les dispositions de l'article L.2323-1 du code du travail dans sa version alors en vigueur (entre janvier 2016 et le 31 décembre 2017) définit les attributions seulement consultatives du comité d'entreprise (CE) ainsi :

" Le comité d'entreprise a pour objet d'assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l'évolution économique et financière de l'entreprise, à l'organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production.

Il est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise, notamment sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail ou les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle, lorsque ces questions ne font pas l'objet des consultations prévues à l'article L. 2323-6.

Il formule, à son initiative, et examine, à la demande de l'employeur, toute proposition de nature à améliorer les conditions de travail, d'emploi et de formation professionnelle des salariés, leurs conditions de vie dans l'entreprise ainsi que les conditions dans lesquelles ils bénéficient de garanties collectives complémentaires mentionnées à l'article L. 911-2 du code de la sécurité sociale.

Il exerce ses missions sans préjudice des dispositions relatives à l'expression des salariés, aux délégués du personnel et aux délégués syndicaux."

Selon l'article L.2327-2 du code du travail, dans sa version alors en vigueur, le comité central d'entreprise exerce les attributions économiques qui concernent la marche générale de l'entreprise et qui excèdent les limites des pouvoirs des chefs d'établissement, et il est informé et consulté sur tous les projets économiques et financiers importants concernant l'entreprise.

Il est de jurisprudence constante (Cass soc 14 mars 2007- 0641647, 13 juillet 2016 - 1514801) que le CE et le CCE ne peuvent exercer une action de justice en contestation de l'application de l'article L 1224-1 du code du travail, action personnelle qui appartient seulement aux salariés, éventuellement soutenus par des syndicats.

En effet, aucun texte spécial ne permet au CE et au CCE d'agir en justice à ce sujet au nom des salariés ou aux côtés de ces derniers, et le CCE ne justifie par d'un intérêt direct et personnel à agir, selon les dispositions de l'article 31 du code de procédure civile ; juger l'inverse reviendrait à permettre ici au CCE de contester une décision de gestion, ce qui ne rentre pas dans les attributions du CCE, le rôle de ce dernier en cette matière de transfert d'une activité n'étant que consultatif.

En l'espèce le CCE ne peut remettre en question le projet de transfert mais seulement contester les conditions de son information-consultation à son sujet, son action étant alors en lien direct avec ses attributions, ce qu'il ne soutient pas, contrairement à l'IC- CHSCT.

Dès lors, la cour confirmera le tribunal en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action du CCE.

Sur les demandes de l'IC- CHSCT

L'IC-CHSCT invoque une violation de ses prérogatives dans le cadre de la procédure d'information et de consultation, et soutient que le CCE est recevable à invoquer l'irrégularité de la procédure de consultation préalable du CHSCT. (Cass.soc., 4 juillet 2012, n° 11-19.678).

Elle estime que les délais préfix prévus dans l'article L.2323-4 du code du travail pour le comité d'entreprise, ne concernent pas le CHSCT ou l'IC- CHSCT.

Elle soutient que la société ne lui a pas transmis d'informations sur l'organisation du travail des managers utilisateurs des secrétaires/assistantes qui allaient être transférées dans le cadre du projet Gallium, alors qu'une dégressivité de 50 % des prestations étaient prévue dès la fin de la première année, et ne lui avait pas communiqué d'étude d'impact sur les risques psycho-sociaux engendrés par ce projet.

La société IBM France soutient que l'IC-CHSCT est irrecevable en ces griefs relatifs à la procédure d'information et de consultation de cette instance, que la procédure de consultation est close bien qu'aucun avis n'ait été rendu par le CHSCT, qu'en l'absence d'avis exprès rendu par l'instance, l'IC-CHSCT est réputée avoir été consultée et avoir rendu un avis négatif à l'expiration d'un délai de trois ou quatre mois à compter de la communication par l'employeur des informations requises qui s'est déroulé le 29 avril 2016 et s'est donc achevé le 29 juillet 2016.

Elle précise que la réunion supplémentaire dans le souci d'un dialogue social fixée le 25 août 2016 pour recueillir de nouveau son avis sur les conséquences du projet Gallium, ne saurait nullement autoriser l'IC-CHSCT et le CCE à soutenir que la procédure de consultation de l'IC-CHSCT ne serait pas close, car une fois le délai de consultation de l'instance représentative du personnel écoulé, aucune irrégularité dans sa procédure de consultation ne peut plus être utilement soulevée et relevée par le juge (Cass. soc., 21 septembre 2016, n° 15-13.363 ).

Elle soutient enfin que le délai préfix de consultation du CCE, soit 4 mois, enfermait nécessairement le délai de consultation de l'IC-CHSCT, comme l'indique l'article L.2323-3.

Sur le non respect de la procédure d'information-consultation de l'IC-CHSCT

- Sur le délai de la saisine du juge des référés puis du juge du fond

Pour rappel : Par ordonnance de référé du 28 septembre 2016, le tribunal de grande instance de Nanterre, saisi le 12 juillet 2016 par les syndicats, le CCE et l'IC-CHSCT IBM, faisait droit à leur demande de suspension du projet Gallium dans l'attente de la décision du juge du fond sur l'applicabilité des dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail relatif au transfert du personnel.

Si dans le cadre de cette procédure de référé, la question des délais de saisine du juge des référés n'avait pas lieu d'être soulevée par la société IBM France, puisque les demandeurs avaient agi manifestement avant l'expiration de la procédure d'information-consultation, cette question des délais pour agir est soulevée par la société dans la présente instance, excipant du fait qu'une fois le délai de consultation écoulé, aucune irrégularité dans la procédure d'information-consultation du CCE et de l'IC-CHSCT IBM ne pouvait être soulevée au fond devant le tribunal, ni aucune demande en dommages et intérêts faite à ce titre.

L'article L.2323-4 du code du travail concernant la consultation du comité d'entreprise, dans sa version alors en vigueur en 2016/2017, dispose :

" Pour lui permettre de formuler un avis motivé, le comité d'entreprise dispose d'informations précises et écrites transmises par l'employeur ou, le cas échéant, mises à disposition dans les conditions prévues à l'article L. 2323-9, et de la réponse motivée de l'employeur à ses propres observations.

Les membres élus du comité peuvent, s'ils estiment ne pas disposer d'éléments suffisants, saisir le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés, pour qu'il ordonne la communication par l'employeur des éléments manquants. Le juge statue dans un délai de huit jours.

Cette saisine n'a pas pour effet de prolonger le délai dont dispose le comité pour rendre son avis. Toutefois, en cas de difficultés particulières d'accès aux informations nécessaires à la formulation de l'avis motivé du comité d'entreprise, le juge peut décider la prolongation du délai prévu à l'article L. 2323-3."

Selon l'article L.2323-3 du code du travail, alors en vigueur en 2016/2017,ces délais de consultation du CE, " qui ne peuvent être inférieurs à quinze jours, doivent permettre au comité d'entreprise ou, le cas échéant, au comité central d'entreprise d'exercer utilement sa compétence, en fonction de la nature et de l'importance des questions qui lui sont soumises et, le cas échéant, de l'information et de la consultation du ou des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. A l'expiration de ces délais ou du délai mentionné au dernier alinéa de l'article L.2323-4, le comité d'entreprise ou, le cas échéant, le comité central d'entreprise est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif...".

La combinaison de ces articles permet de déduire que la consultation du CHSCT et de l'IC-CHSCT doit s'insérer dans le délai de consultation du CCE, d'autant que l'article L.4616-3 du code du travail, dans sa version alors en vigueur, qui décrit l'intervention de l'IC-CHSCT, dispose :

"L'expert mentionné à l'article L.4616-1 est désigné lors de la première réunion de l'instance de coordination.

Il remet son rapport et l'instance de coordination se prononce dans les délais prévus par un décret en Conseil d'Etat. A l'expiration de ces délais, l'instance de coordination est réputée avoir été consultée.

Lorsqu'il y a lieu de consulter à la fois l'instance de coordination et un ou plusieurs comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail un accord peut définir l'ordre et les délais dans lesquels l'instance de coordination et le ou les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail rendent et transmettent leur avis.

A défaut d'accord, l'avis de chaque comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est rendu et transmis à l'instance de coordination des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et l'avis de cette dernière est rendu dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat."

Par ailleurs, le délai maximum de la période d'information-consultation du CE et partant de l'IC-CHSCT (dont l'avis intervient avant celui du CCE) est de 4 mois comme cela ressort des dispositions de l'article R.2323-1-1 du code du travail alors en vigueur jusqu'au 1er juillet 2016 :

" Pour les consultations mentionnées à l'article R. 2323-1, à défaut d'accord, le comité d'entreprise est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date fixée à cet article.

En cas d'intervention d'un expert, le délai mentionné au premier alinéa est porté à deux mois.

Le délai mentionné au premier alinéa est porté à trois mois en cas de saisine par l'employeur ou le comité d'entreprise d'un ou de plusieurs comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et à quatre mois si une instance de coordination des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est mise en place à cette occasion, que le comité d'entreprise soit assisté ou non d'un expert.

L'avis du ou des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et, le cas échéant, de l'instance de coordination est transmis au comité d'entreprise au plus tard sept jours avant l'expiration du délai mentionné au troisième alinéa."

A compter du 2 juillet 2016 a été ajouté le paragraphe suivant à l'article R.2323-1-1 du code du travail pour préciser que les dispositions susvisées sur le CE concernaient aussi le CCE :

" II.-Lorsqu'il y a lieu de consulter à la fois le comité central d'entreprise et un ou plusieurs comités d'établissement en application du troisième alinéa de l'article L.2327-15, les délais prévus au I du présent article s'appliquent au comité central d'entreprise. Dans ce cas, l'avis de chaque comité d'établissement est rendu et transmis au comité central d'entreprise, le cas échéant accompagné de l'avis du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou de l'instance de coordination, au plus tard sept jours avant la date à laquelle le comité central d'entreprise est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif en application du I du présent article. A défaut, l'avis du comité d'établissement est réputé négatif."

En l'espèce, la procédure d'information-consultation de l'IC-CHSCT devait en principe se dérouler sur un délai maximum de 4 mois expirant le 29 août 2016, au vu des dispositions susvisées ; en effet, elle avait débuté le 29 avril 2016 ; toutefois, lors de sa réunion du 20 juillet l'IC-CHSCT a voté une résolution par laquelle elle estimait ne pas pouvoir rendre d'avis motivé en raison d'informations insuffisantes sur l'impact du projet sur les conditions de travail et demandait à la société de suspendre ou annuler le projet de transfert des secrétaires ; lors de la dernière réunion de l'IC-CHSCT le 25 août 2016, au cours de laquelle la société lui demandait une dernière fois de donner son avis, l'IC-CHSCT a confirmé sa résolution du 20 juillet 2016.

Ainsi, la procédure d'information-consultation n'était pas terminée le 22 août 2016, comme le soutient à tort la société IBM France ; en effet, la société a convoqué une dernière fois l'IC-CHSCT pour le 25 août 2016, puis le CCE pour le 2 septembre 2016 pour solliciter leur avis, comme elle l'indique dans ses conclusions et comme cela ressort des pièces produites, de sorte que de fait la société a accordé à l'IC-CHSCT et au CCE un délai supplémentaire de quelques jours ; c'est ainsi que malgré ces deux ultimes réunions, l'IC-CHSCT et le CCE ont refusé de donner un avis, tous deux pour les mêmes raisons.

C'est dans ces circonstances que l'IC-CHSCT et le CCE ont valablement saisi le 12 juillet 2016, dans les délais légaux, soit avant l'expiration du délai maximum de la procédure d'information-consultation et dans le cadre de leurs attributions, le tribunal de grande instance de Nanterre en référé pour demander la suspension du projet de transfert tant que leur information ne serait pas complète.

A la date de la saisine au fond du tribunal le 14 septembre 2016, tribunal qui a rendu le jugement déféré, la procédure d'information-consultation, prolongée de fait par la société jusqu'au 2 septembre 2016, n'a pas été prolongée judiciairement par l'ordonnance de référé du 28 septembre 2016 (ce n'était d'ailleurs pas expressément demandé), laquelle a seulement suspendu le projet Gallium.

ll apparaît donc que certes le 14 septembre 2016, date de saisine du tribunal, la procédure d'information-consultation était close tant pour le CCE que pour l'IC-CHSCT, mais cela ne rend pas irrecevable l'action de l'IC-CHSCT tendant à obtenir des dommages et intérêts pour non respect de la procédure d'information-consultation, dans la mesure où cette action est différente de son action en référé qui tendait à suspendre le projet Gallium tant qu'elle ne serait pas complètement informée.

En effet, cette action en dommages et intérêts n'est pas enfermée dans des délais préfix.

- Sur le manque d'informations de l'IC-CHSCT sur l'impact du projet sur les conditions de travail des salariés concernés

L'IC-CHSCT est recevable et fondée en son action en dommages et intérêts pour non respect de la procédure d'information-consultation, à savoir la communication d'éléments insuffisants pour lui permettre de donner son avis sur l'impact du projet Gallium sur les conditions de travail des salariés concernés.

En effet, la société a certes fourni des éléments suffisants concernant les secrétaires/assistantes transférées et a notamment précisé leur accompagnement très complet, en termes de réunions d'information, de formation, de primes et de suivi médical et psychologique, avec l'assurance de travailler dans le même bassin d'emploi et de ne pas subir de licenciement économique avant 30 mois ; en revanche, elle n'a pas fourni à l'IC-CHSCT des éléments sur les conséquences en termes de risques psycho-sociaux et charge de travail pour les managers (utilisateurs des secrétaires/assistantes qui allaient être transférées) suite à la mise en oeuvre de l'externalisation des services du secrétariat avec une baisse annoncée de 50 % des prestations à la fin de la première année.

Sur ce point, la direction de la société n'a pas répondu à cette demande d'informations dans son document d'information diffusé avant la réunion de l'IC-CHSCT du 25 août 2016, puisqu'elle y indique que " cette réduction progressive des effectifs affectés à la prestation de secrétariat IBM s'appuiera sur les évolutions technologiques et la poursuite de l'évolution du modèle secrétariat incluant le centre d'excellence récemment annoncé."

Lors de la réunion du 25 août 2016, cette présentation d'une conséquence du projet a été traduite par la direction en d'autres termes, la direction annonçant officiellement la création depuis juillet 2016 d'un centre de support mutualisé à Budapest qui est en réalité une plate-forme de secrétaires dédiées ; le compte-rendu de cette réunion fait également état de l'absence d'éléments sur la charge de travail des utilisateurs (managers) des assistantes transférées, notamment après un an (vu la baisse de 50 % annoncée) : les salariés d'IBM France allaient se retrouver confrontés à la mise en oeuvre d'une nouvelle organisation de travail (avec ou sans les anciennes assistantes, ou avec le centre de support mutualisé) avec certainement une augmentation de la productivité voire des outils techniques nouveaux pour substituer le travail fourni par les secrétaires/assistantes.

Par ailleurs, il est indiqué dans ce compte-rendu que la décroissance rapide de l'activité transférée (50 % à la fin de la première année du contrat de prestations de service entre la société IBM France et la société MGSE) interroge sur les critères légaux du transfert, à savoir la poursuite et le maintien de l'activité, la société MGSE n'ayant au départ qu'un seul client la société IBM France.

La société IBM France indique dans ses conclusions qu'aucune étude ne méritait d'être faite puisqu'il n'y avait pas de décroissance brutale des prestations pour IBM France, mais une dégressivité progressive du partenariat avec la société MGSE environ un an après, précisant que la direction avait indiqué à l'IC-CHSCT (lors de la réunion du 25 août 2016) que les bénéficiaires des services de GA transférés ne verraient aucun changement au 1er octobre 2016 (date prévue initialement pour les transferts) et que pour la période transitoire les éventuelles conséquences sur les managers concernés seraient évoquées plus tard dans les CHSCT locaux sans que ces derniers ne puissent donner un avis.

Or, l'IC-CHSCT devait recevoir une information complète, préalablement au transfert, s'appuyant éventuellement sur une enquête ou/et des éléments concrets auprès des managers concernés, et non des informations a posteriori, ce qui n'a pas été le cas.

Dès lors, l'information incomplète de l'IC-CHSCT, malgré la prolongation du délai de la procédure d'information-consultation et ses demandes précises à la direction, lui a causé un préjudice, l'IC- CHSCT n'ayant pas été en mesure de donner un avis et donc d'exercer pleinement ses prérogatives dans l'intérêt des salariés concernés.

Ce non respect des droits de l'IC-CHSCT dans le cadre de la procédure d'information-consultation relative au projet Gallium justifie que la société IBM France soit condamnée à payer à l'IC-CHSCT la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, infirmant ainsi le tribunal de ce chef.

Sur la demande tendant à déclarer inapplicable l'article L.1224-1 du code du travail

Comme indiqué plus haut, l'action en contestation du transfert des contrats de travail n'appartient qu'aux salariés dont le contrat de travail est transféré, de sorte que l'IC-CHSCT est irrecevable en son action, comme le tribunal l'a jugé.

Sur les demandes du syndicat UNSA IBM

- Sur l'application de l'article 1224-1 du code du travail

Le syndicat soutient qu'il est recevable à contester l'irrégularité des conditions d'application de l'article L.1224-1 du code du travail, l'intérêt collectif direct ou indirect de la profession qu'il représente étant menacé ; il demande à la cour de modifier la jurisprudence dans ce sens car il s'agit de protéger les salariés.

Or, comme jugé plus haut, l'action en contestation du transfert des contrats de travail n'appartient qu'aux salariés dont le contrat de travail est transféré, de sorte que le syndicat, à moins d'intervenir au soutien des salariés, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, est irrecevable en son action à titre principal, comme le tribunal l'a jugé.

- Sur la violation des accords GPEC et l'accord triennal

- Le syndicat UNSA IBM sollicite des dommages-intérêts pour violation de l'accord d'entreprise GPEC et du plan prévisionnel triennal, faisant valoir que ces événements sont intervenus dans un contexte de baisse importante des effectifs de la société IBM France (de 25 000 personnes en 1990 à 7500 en 2016) et de la récente annulation d'un PSE par la juridiction administrative, ajoutée à la volonté de la société de rajeunir ses effectifs, expliquant le transfert des secrétaires, dont la moyenne d'âge était de 52 ans avec une grande ancienneté (plus de la moitié ayant plus de 30 ans d'ancienneté).

Il expose que le 24 avril 2015 la société IBM France et certains syndicats dont lui-même, ont signé un accord d'entreprise sur la gestion prévisionnelle des emplois (GPEC), et qu'en application de cet accord, la société avait présenté le 7 avril 2016 un plan prévisionnel triennal, lequel prévoyait de regrouper des ressources administratives dans des centres d'excellence, et de diminuer l'activité GA (Global administration) de 13 postes d'assistantes entre 2015 et fin 2018.

A peine deux semaines plus tard, et en dépit des engagements, la direction présentait le projet de cession Gallium visant à transférer environ 100 secrétaires/assistantes au groupe Manpower dès le 1er octobre 2016.

- La société IBM France réplique que l'accord a écarté de cette gestion les événements exceptionnels et renvoie au chapitre III traitant des événements imprévus, que le projet Gallium n'a nullement porté atteinte à l'accord GPEC d'IBM France du 24 avril 2015, dans la mesure où la GPEC d'une entreprise dont l'objectif est de favoriser, sur le long terme, l'employabilité tant interne qu'externe des salariés, ne peut par hypothèse concerner que les emplois des activités hébergées au sein de l'entreprise, de sorte que les indicateurs et prévisions fournis dans ce cadre ne peuvent être appréhendés qu'à périmètre d'activités constant au sein de l'entreprise, hors cessions ou acquisitions qui pourraient survenir.

Or, dans le cadre du plan triennal annoncé le 7 avril 2016 lors de la réunion de la commission de suivi, pris en application de l'accord GPEC du 24 avril 2015, la société IBM France s'était engagée à ne pas licencier plus de 13 salariés avant le 31 décembre 2018.

Dans l'accord GPEC (page 11) la société s'était engagée à donner aux syndicats une meilleure visibilité au niveau des comités d'établissement des actions prises en central par la commission de suivi de l'accord agissant sur les réaffectations des salariés concernés par les différents projets GPEC, et ce pour tout projet ayant un impact important sur l'emploi et les compétences dans un établissement et/ou une entité donnés ; pour ce faire était constituée une commission paritaire de suivi, qui devait notamment réfléchir sur l'évolution de l'emploi et des différents métiers de l'entreprise ; en page 14 de l'accord, il était prévu que si au cours de la période de 3 ans couverte par l'accord des événements imprévus intervenaient et pouvaient avoir des effets importants sur le plan prévisionnel en cours , la commission devait se réunir dans les 15 jours pour mettre à jour le plan prévisionnel ; un événement imprévu était décrit comme notamment une décision mondiale de se séparer d'une branche d'activité. Il était prévu une articulation entre la commission et le CCE, lequel devait être informé de la réunion de la commission et être éventuellement saisi en cas d'importance des incidences de l'événement imprévu sur l'emploi, de sorte qu'il n'y avait pas de risque d'entrave au CCE, comme la société l'invoquait à tort lors de la réunion du CCE du 20 avril 2016 lorsqu'elle était interpellée par un représentant syndical sur le "manque de fair play" de la société, en ce que le projet Gallium n'avait pas fait l'objet d'un échange lors de la réunion de la commission de suivi du 7 avril 2016 ; en effet, alors que le sujet de l'évolution vers une baisse progressive des effectifs de l'entité GA (dans laquelle travaillaient les assistantes/secrétaires) avait été abordé, il aurait été naturel d'évoquer le projet de cession de cette entité, ce qui n'a pas été fait.

Ainsi, comme l'a jugé le tribunal, il était particulièrement déloyal de signer un accord GPEC le 24 avril 2015 puis un an après de présenter aux syndicats le 7 avril 2016 un plan prévisionnel triennal découlant de cet accord, sans informer les syndicats, et notamment le syndicat UNSA IBM, du projet de cession de l'activité GA dénommé Gallium qui sera annoncé le 20 avril 2016 au CCE et qui aura pour effet de transférer environ 100 assistantes/secrétaires dans une société extérieure au groupe IBM, privant ces dernières d'une chance de conserver leur emploi au sein de la société IBM France.

Par ailleurs, ce projet a nécessairement demandé plus de 6 mois de préparation et devait déjà être en gestation en avril 2015, au vu du contexte de baisse des effectifs âgés rappelé plus haut ; la société ne peut donc soutenir qu'il s'agissait d'un événement imprévu ou exceptionnel, puisqu'au contraire il a été préparé et prévu à l'avance, puisqu'il s'inscrivait dans la stratégie de la société.

En préparant courant 2015/2016 et en annonçant le 20 avril 2016 la cession de l'activité GA incluant une partie du personnel, en violation de l'accord GPEC du 24 avril 2015 et du plan triennal subséquent qui venait d'être signé le 7 avril 2016, la société a manqué à son devoir de loyauté dans le cadre de la négociation avec les syndicats, et notamment le syndicat UNSA IBM.

Cette faute a causé un préjudice aux syndicats signataires de l'accord, et notamment le syndicat UNSA IBM, dont le rôle dans la négociation et dans la représentation des intérêts des salariés a été discrédité auprès des salariés de la société, notamment les salariées concernées par le transfert.

Sans qu'il y ait lieu d'augmenter le montant des dommages et intérêts alloués au syndicat UNSA IBM en première instance, que le tribunal a justement apprécié à la somme de 5 000 euros , la cour confirme le tribunal.

Sur les demandes accessoires

La cour confirme la condamnation de la société IBM France à payer au syndicat UNSA IBM la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance, et juge qu'il n'y a pas lieu, en équité, de faire application de cet article en cause d'appel pour l'ensemble des parties, à l'exception de l'IC-CHSCT, lesquelles seront donc déboutées de leurs demandes à ce titre.

La société IBM France sera condamnée à payer à l'IC-CHSCT la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens d'appel seront mis à la charge du CCE et du syndicat UNSA IBM, avec distraction au profit de la SCP Courtaigne Avocats (avocat de la société IBM France), les dépens de première instance restant à la charge de la société IBM France, la cour confirmant le jugement sur ce point.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre en date du 3 janvier 2017, sauf en ce que le tribunal a déclaré l'IC-CHSCT irrecevable en sa demande de dommages et intérêts relative au non respect de ses prérogatives dans le cadre de la procédure d'information-consultation au sujet du projet de cession de l'activité Global Administration dénommé Gallium ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la société IBM France à payer à l'IC-CHSCT de la société IBM France la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la société IBM France, les sociétés MANPOWER GROUP SOLUTIONS, et MANPOWERGROUP SOLUTIONS ENTERPRISES, le comité central d'entreprise de la société IBM FRANCE et le syndicat UNSA IBM de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

CONDAMNE le comité central d'entreprise de la société IBM FRANCE et le syndicat UNSA IBM aux dépens d'appel, avec distraction au profit de la SCP Courtaigne Avocats avocat de la société IBM France ;

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Sylvie BORREL, Président, et par Monsieur Nicolas CAMBOLAS, Greffier.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 17/00244
Date de la décision : 15/11/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°17/00244 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-15;17.00244 ?
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