COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 4IA
13e chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 13 NOVEMBRE 2018
No RG 18/02009 - No Portalis DBV3-V-B7C-SIP2
AFFAIRE :
E... F...
C/
O... A... pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la Sté RISC GROUP
Z... L...
Z... I...
B... T...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Mars 2018 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
No chambre :
No Section :
No RG : 2016L02301
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 13/11/2018
à :
Me Oriane DONTOT
Me Patricia MINAULT
TC NANTERRE
MP
POLE-ECOFIREPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE TREIZE NOVEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur E... F...
né le [...] à FIGEAC (46100)
de nationalité Française
[...]
Représenté par Maître Oriane DONTOT de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633 - No du dossier 20180284, et par Maître Mathieu MIEULLE, avocat plaidant au barreau de PARIS
APPELANT
****************
Maître O... A... pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la Sté RISC GROUP
[...]
Représenté par Maître Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT Patricia, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - No du dossier 20180114 et par Maître Isilde QUENAULT, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIME
****************
- Monsieur Z... L...
né le [...] à SAINT GIRONS
de nationalité Française
[...]
- Monsieur Z... I...
né le [...] à UCCLE (BELGIQUE)
de nationalité Belge
[...]
Représentés par Maître Oriane DONTOT de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633 - No du dossier 20180284, et par Maître Mathieu MIEULLE, avocat plaidant au barreau de PARIS
Monsieur B... T...
né le [...] à PARIS
de nationalité Française
[...]
Représenté par Maître Oriane DONTOT de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633 - No du dossier 20180284, et par Maître Thierry MONTERAN, avocat plaidant au barreau de PARIS
PARTIES INTERVENANTES
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Septembre 2018, Madame Sophie VALAY-BRIERE, présidente, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,
Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,
Madame Delphine BONNET, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER
En la présence du Ministère Public, représenté par Monsieur Fabien BONAN, Avocat Général dont l'avis du 27 avril 2018 a été transmis le 3 mai 2018 au greffe par la voie électronique.
La société anonyme STS Group (SA STS), créée en 2000, a développé une activité d'éditeur et de fournisseur de logiciels de confiance numérique.
En suite de son développement et de sa prise de participation dans le groupe Risc, elle est devenue une société holding détenant sept filiales dont deux françaises, les sociétés Deal It (100%), et Risc group (29%).
La société Risc group, cotée au marché Euronext Paris, exploitait une activité d'installation de logiciels et de matériels ainsi que la réalisation de prestations informatiques et disposait de plusieurs établissements secondaires.
Elle avait elle-même cinq filiales, parmi lesquelles la société Risc Group it solutions (ITS), détenue à 99%, cotée au marché libre qui exploitait une activité de gestion de réseaux informatiques et d'hébergement sécurisé de données informatiques.
La société Deal It, qui commercialisait la solution informatique acquise auprès de la société Risc group, et la société ITS intervenaient de manière complémentaire et avaient recours à la société Locam pour le financement des contrats.
Après avoir mis en place un plan de sauvegarde de l'emploi au sein des sociétés STS Group et Risc group puis sollicité l'ouverture de procédures amiables qui ont échoué, la société Risc group a déposé une déclaration de cessation des paiements le 11 octobre 2013.
Par jugement du 24 octobre 2013, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Risc group, fixé la date de cessation des paiements au 1er octobre 2013, désigné Me D... en qualité d'administrateur judiciaire et Me A... en qualité de mandataire judiciaire. Le 18 décembre 2013, le tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la société et autorisé une poursuite d'activité jusqu'au 10 janvier 2014 afin de permettre une cession, laquelle a eu lieu le 20 décembre 2013.
Considérant que des fautes de gestion avaient été commises, Me A... , ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Risc Group, a saisi le tribunal de commerce de Nanterre qui par jugement contradictoire en date du 7 mars 2018 assorti de l'exécution provisoire a notamment :
- condamné M. E... F... à contribuer partiellement à l'insuffisance d'actif à hauteur de 500 000 € ,
- débouté Me A... de ses demandes à l'encontre de MM. Z... L..., Z... I... et B... T...,
- condamné M. E... F... à payer à la SARL de Keating (sic), ès qualités, la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Le tribunal a retenu la faute de non respect des obligations sociales et fiscales à l'encontre de M. E... F... mais non celle relative à la poursuite d'une activité déficitaire à l'encontre de MM. E... F..., Z... L..., Z... I... et B... T....
M. F... a interjeté appel le 22 mars 2018.
Selon exploits d'huissier en date du 25 mai 2018, Me A... a formé un appel provoqué à l'encontre de MM. Z... L..., Z... I... et B... T....
Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 31 juillet 2018, MM. E... F..., Z... L... et Z... I... demandent à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a écarté toute responsabilité et toute condamnation à l'égard de MM. L... et I...,
- à défaut et à titre subsidiaire, juger qu'aucune responsabilité ne peut être retenue à leur encontre au titre du grief de non paiement des cotisations sociales et fiscales,
- dire que la poursuite d'une activité déficitaire n'est pas en soi constitutive d'une faute de gestion dès lors que les perspectives de redressement existent,
- dire que MM. L... et I... n'ont commis aucune faute de gestion consistant en la poursuite d'une activité déficitaire,
- dire qu'en tout état de cause le lien de causalité entre cette prétendue faute et l'insuffisance d'actif n'est pas rapporté,
- confirmer le jugement en ce qu'il a écarté toute responsabilité et toute condamnation à l'égard de M. F... au titre de la poursuite d'une activité déficitaire,
- à défaut et à titre subsidiaire, juger qu'aucune responsabilité ne peut être retenue à son encontre au titre de la poursuite d'une activité déficitaire,
- dire qu'en tout état de cause, le lien de causalité entre cette prétendue faute et l'insuffisance d'actif n'est pas rapporté,
- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. F... au titre du non paiement des cotisations sociales et fiscales,
- juger qu'il n'a pas commis de faute de gestion au titre du non paiement des cotisations sociales et fiscales,
- dire qu'en tout état de cause le lien de causalité entre cette prétendue faute et l'insuffisance d'actif n'est pas rapportée,
- débouter Me A... de l'ensemble de ses demandes,
- condamner Me A... à payer à chacun des appelants la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec droit de recouvrement au profit de Me DONTOT, avocat, pour les frais dont il aurait fait l'avance, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 21 juin 2018, M. B... T... sollicite de :
- dire que l'article L. 651-2 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi no2016-1691 du 9 décembre 2016 est moins sévère que l'ancien texte ;
- dire en conséquence que c'est l'article L. 651-2 dans sa rédaction issue de la loi no2016-1691 du 9 décembre 2016 qui est applicable au cas d'espèce ;
- dire en conséquence que les circonstances du mandat d'administrateur indépendant de Monsieur T... et les efforts déployés par ses soins excluent sa responsabilité pour insuffisance d'actif ;
- dire qu'en sa qualité d'administrateur non exécutif, il n'a commis aucune faute de gestion; - dire qu'en tout état de cause, le grief de non-paiement des cotisations sociales et fiscales ne peut être retenu à son égard, simple administrateur indépendant, sans aucune fonction de direction ou opérationnelle ;
- dire qu'il a exercé son mandat d'administrateur avec assiduité, diligence et indépendance et n'a pas été passif ;
- dire que la poursuite d'une activité déficitaire n'est pas, en soi, constitutive d'une faute de gestion ;
- dire qu'il n'a tiré aucun profit personnel de la poursuite d'activité, mais a, au contraire, tout mis en œuvre pour restructurer la société ;
- dire qu'aucune faute de gestion constituée par la poursuite d'une activité déficitaire ne peut lui être reprochée alors que son mandat d'administrateur indépendant s'est exercé exclusivement lorsque la société était placée sous la protection du tribunal ;
- dire qu'aucune faute de gestion ne peut être retenue à son encontre ;
de tout ce qui précède,
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 7 mars 2018 en ce qu'il a écarté sa responsabilité pour insuffisance d'actif et débouté Maître A... de ses demandes formées à son encontre ;
- débouter Maître A... de son appel incident et provoqué et de toutes ses demandes ;
- condamner Maître A... à lui payer une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure, ainsi qu'aux entiers dépens dont le recouvrement sera effectué, pour ceux la concernant, par l'AARPI JRF Avocats représentée par Me Oriane DONTOT, avocat au barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 17 juillet 2018, comportant appels incident et provoqué, Me A... , ès qualités, demande à la cour de ;
- le recevoir en ses appels incident et provoqué,
- rectifier l'erreur matérielle figurant dans le « Par ces Motifs » du jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 7 mars 2018 en ce qu'il a prononcé la condamnation au paiement des frais irrépétibles au profit de la SELARL de Keating, ès qualités, et indiquer que cette condamnation est prononcée au bénéfice de Me A... , ès qualités;
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande liée à la poursuite abusive d'une activité déficitaire, en ce qu'il a écarté la responsabilité des administrateurs et sur le quantum de la condamnation ;
En conséquence,
- condamner MM. E... F..., Z... L..., Z... I... et B... T... à lui payer la somme de 6 348 000,31 € au titre de l'insuffisance d'actif ;
- dire que les intérêts se capitaliseront en application de l'article 1154 du code civil, étant précisé que la capitalisation était sollicitée dès l'assignation ;
- débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes ;
- condamner MM. E... F..., Z... L..., Z... I... et B... T... à lui payer la somme de 8 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec droit de recouvrement au profit de Me MINAULT, avocat, pour les frais dont elle aurait fait l'avance, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Selon avis du 27 avril 2018, communiqué aux parties le 03 mai suivant, le ministère public sollicite la confirmation en tous points du jugement considérant que la faute de non respect des obligations fiscales et sociales est constituée et la condamnation justifiée, étant rappelé que l'insuffisance d'actif s'élève à 6 348 000,31 €.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 septembre 2018.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
Aucun moyen n'étant soulevé susceptible d'être relevé d'office, il convient de déclarer les appels incident et provoqué formés par Me A... recevables.
1- Sur la direction de la société Risc group
Aux termes de l'article L.651-1 du code de commerce, les dispositions relatives à la responsabilité pour insuffisance d'actif s'appliquent aux dirigeants d'une personne morale de droit privé soumise à une procédure collective.
La société Risc group est une société anonyme avec conseil d'administration dont le président et directeur général est depuis le mois de février 2010 M. E... F....
MM. Z... L..., Z... I... et B... T... en sont devenus administrateur à compter du mois de février 2010 pour le premier, du mois de novembre 2010 pour le deuxième et du mois de février 2012 pour le troisième.
Il est constant que dans une société anonyme le directeur général et le président du conseil d'administration sont des dirigeants de droit au sens de l'article L651-1 du code de commerce.
La responsabilité de M. E... F... est donc susceptible d'être engagée.
Qu'ils assument ou non la direction générale de la société, les administrateurs ont également la qualité de dirigeant de droit.
En l'espèce, les appelants ne contestent pas leur qualité de dirigeant de droit de la société Risc group.
2- Sur l'insuffisance d'actif
Me A... , ès qualités, indique d'une part que l'actif réalisé s'élève à la somme de 743 934,42 € correspondant pour l'essentiel au solde du compte bancaire et d'autre part que le passif définitif est de 6 348 000,31 €, soit une insuffisance d'actif de 6 247 321,50 €.
Dans leurs écritures les appelants et M. T... indiquent que l'existence de l'insuffisance d'actif n'est pas contestée, "même si son quantum peut l'être à la marge" sans toutefois justifier d'explications supplémentaires. A titre d'exemple, ils prétendent que l'ensemble des actifs n'aurait pas été cédé ou recouvré mais n'en justifient pas.
L'insuffisance d'actif est égale à la différence entre le montant du passif antérieur admis définitivement et le montant de l'actif réalisé de la personne morale débitrice. Elle s'apprécie à la date à laquelle le juge statue.
Il convient de déduire du passif retenu par le liquidateur judiciaire la somme de 470 056,83 € due au titre du super privilège des salaires, née postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective, en sorte que l'insuffisance d'actif s'élève à la somme de 5 777 264,67 €.
3- Sur les fautes
Les appelants soutiennent à titre préalable, d'une part que la faute de gestion ne peut pas consister en une simple négligence en application de l'article L.651-2 du code de commerce, dans sa version atténuée par la loi du 9 décembre 2016, d'autre part, qu'il doit être tenu compte des mesures de restructuration mises en oeuvre ainsi que des mesures de prévention sollicitées et obtenues afin de restructurer le groupe dans un cadre sécurisé, lesquelles peuvent permettre d'écarter la responsabilité des dirigeants poursuivis, enfin que le liquidateur n'a pas entendu engager une action en report de la date de cessation des paiements ce qui caractérise son acquiescement sur celle-ci.
M. T... ajoute que pendant la totalité de son mandat d'administrateur indépendant, la société Risc group, qui n'était pas en cessation des paiements, était en procédure de prévention sous l'égide du président du tribunal de commerce de Nanterre, accompagnée par Me Q... mandataire ad hoc/conciliateur et sous la période d'intervention du cabinet BMetamp;A, expert-comptable indépendant. Il précise également que lors du conseil d'administration du 13 août 2013 il s'est opposé à la continuité de l'exploitation.
Me A... réplique que l'absence d'engagement d'une action en report de la date de cessation des paiements fixée dans le jugement d'ouverture n'est due qu'à un concours de circonstances lié à un revirement de jurisprudence de la Cour de cassation et non à un acquiescement de sa part, qu'à supposer que la nouvelle rédaction de l'article L.651-2 du code de commerce soit applicable aux procédures en cours, ce qui n'est pas à ce jour le sens de la jurisprudence, le fait de ne pas respecter la loi ne peut correspondre à une simple négligence comme le fait d'avoir multiplié les mesures de prévention n'est pas exonératoire de responsabilité.
L'article L. 651-2 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 9 décembre 2016, est applicable immédiatement aux procédures collectives et aux instances en responsabilité en cours. Il dispose notamment que lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.
Il est constant que M. F..., assisté des membres du conseil d'administration, a engagé des démarches afin de restructurer la société. Parmi les mesures prises, il a sollicité et obtenu du président du tribunal de commerce de Nanterre le bénéfice de trois mandats ad hoc et de deux conciliations pour la société Risc group entre le 10 avril 2012 et le 13 juin 2013.
Outre que les ordonnances sont démunies de toute motivation de sorte qu'il est impossible de déterminer si la société Risc group était ou non en cessation des paiements depuis plus de 45 jours aux dates d'ouverture des deux conciliations, voire de prorogation de la seconde, la désignation d'un mandataire puis d'un conciliateur comme en l'espèce n'exonère pas les dirigeants de leurs fautes dès lors que ces procédures ne les privent pas de l'exercice de leurs pouvoirs ni ne les dispensent de leurs obligations.
Enfin la cour constate que Me A... , ès qualités, n'a pas engagé d'action en report de la date de cessation des paiements dans le délai d'un an prévu par l'article L.631-8 du code de commerce, lequel expirait le 24 octobre 2014, soit avant le revirement de jurisprudence invoqué, sans que cette inaction emporte de conséquence au regard des seules fautes reprochées.
Il convient par suite d'examiner chacun des griefs formulés par le liquidateur judiciaire à l'encontre de chacun des dirigeants.
* Le non paiement des cotisations fiscales et sociales
Me A... soutient que les déclarations de créances du Trésor public, de Réunica et des Urssaf montrent que la société Risc group n'a pas respecté ses obligations fiscales et sociales, que les cotisations impayées représentent près de 35% de l'insuffisance d'actif, que régler un moratoire sans s'acquitter des cotisations courantes est constitutif d'un système de cavalerie, que les prétendus retard de paiement subis par la société ne sont pas exonératoires, que le non paiement des cotisations fiscales et sociales est une faute de gestion, que cette faute a eu une influence sur l'insuffisance d'actif et qu'elle est imputable à M. F..., président du conseil d'administration et directeur général.
MM. F..., L..., I... et T... relèvent que cette faute n'est reprochée qu'au premier d'entre eux, expliquent que la Commission des chefs des services financiers (CCSF) des Hauts de Seine a accepté un échéancier pour les cotisations et impôts dus sur la période de mars à décembre 2012, que l'ensemble du passif public antérieur au mois de février 2013 a fait l'objet de délais de paiement acceptés par les pouvoirs publics, que le moratoire a été exécuté jusqu'en septembre 2013, que la création d'un nouveau passif est due à l'absence de règlement par l'Etat de ses créances et au retard de signature de certains marchés, que le 9 juillet 2013 ils ont, sous l'égide du conciliateur, saisi une nouvelle fois la CCSF qui a refusé la mise en oeuvre d'un nouveau moratoire sans pour autant remettre en cause le premier moratoire en cours, qu'ils ont entamé le remboursement du passif non moratorié dès les premières rentrées d'argent et ont tout mis en oeuvre de manière transparente et loyale pour tenter de résorber le passif résiduel dans les meilleurs délais, que l'information reçue par les Urssaf, le Trésor public et les caisses de retraite les a conduits soit à ne pas prendre d'inscription de privilèges soit à ne pas engager de voies d'exécution et à accepter tacitement de suspendre l'exigibilité de leur créance, qu'il ne peut leur être reproché un passif qui n'a pas créé d'état de cessation des paiements, enfin qu'ils n'ont donc commis aucune faute à ce titre.
M. T... ajoute que l'administrateur qui ne fait aucun acte de gestion ne peut pas commettre de faute de gestion notamment au titre d'un prétendu non-paiement de cotisations dont il n'avait pas la charge.
Il est établi que le 12 février 2013 la CCSF a écrit à M. F... pour lui faire part de sa décision d'accorder à son "groupe" un plan de règlement de son passif fiscal et social d'une durée de 24 mois, sous condition d'un accord avec les créanciers d'obligations à bons de souscription d'actions remboursables, soit pour la société Risc group la somme de 1 370 709,43 € arrêtée au 31 janvier 2013, la première échéance de 142 285 €, due pour l'ensemble des sociétés, étant exigée dès le mois de février 2013. Si l'attestation établie le 19 juin 2018 par le cabinet BMetamp;A, expert-comptable, à la demande des anciens dirigeants de la société STS, indique que le moratoire CCSF a été respecté en 2013, il précise également que dans l'intervalle un passif courant a été constitué à hauteur d'un million d'euros.
De fait, le message adressé le 9 juillet 2013 par Me Q..., mandataire ad hoc puis conciliateur, à l'Urssaf témoigne de ce que la société avait cessé de payer ses cotisations sociales courantes (parts patronales et salariales) et qu'un nouveau passif de l'ordre de 1 500 000 € avait été créé par les entités du groupe sur le premier semestre 2013.
Par la suite, le SIE de Boulogne Billancourt a déclaré une créance de 50 081,47 € correspondant notamment aux cotisations foncières 2012 et 2013, les SIE de Lyon, Orléans et Toulouse ont déclaré leur créance respective de 9 632 €, 123 126 € et 2 026 € correspondant notamment aux cotisations foncières des entreprises 2013, l'Urssaf d'Ile de France a déclaré pour différents établissements une créance globale de 900 732,94 € pour des cotisations dues de mars 2012 à octobre 2013, et les caisses de retraite Réunica ont déclaré une créance de 459 412,07 € au titre de cotisations impayées depuis le deuxième trimestre 2011 et jusqu'à l'ouverture de la procédure collective. En l'absence de réponse à la lettre de Me Q... en date du 11 octobre 2012 sollicitant un gel du paiement des cotisations pour les quatre trimestres 2012 assorti d'un plan de remboursement en 24 mois à compter du 30 janvier 2013, il n'est justifié d'aucun échéancier écrit avec les caisses de retraite Réunica. L'accord tacite allégué, dont la preuve n'est au demeurant pas rapportée, est insuffisant à justifier du caractère non exigible du passif litigieux.
Enfin, il ressort du procès-verbal des délibérations du conseil d'administration du 13 août 2013 de la société Risc group que le 25 juillet 2013 la CCSF a rejeté la demande de réaménagement sollicitée (remboursement sur 30 mois à compter du 1er janvier 2014).
L'existence d'une créance de 2 200 000 € sur l'Etat, alléguée par les appelants, pour tenter de s'exonérer n'est pas démontrée alors que la déclaration de cessation des paiements établie par M. F... ne mentionne qu'un crédit d'impôt recherche de 93 902 € et un crédit de TVA + TVA déductible de 1 063 706 € et que le liquidateur judiciaire a indiqué dans ses rapports des 10 avril 2014 et 25 juillet 2016, n'avoir reçu que les documents relatifs à la première de ces sommes.
Le non paiement des cotisations sociales est une faute de gestion qui a nécessairement contribué à l'insuffisance d'actif alors au demeurant que l'actif n'a pas été renforcé dans le même temps.
Il ne peut pas s'agir d'une simple négligence, le procès-verbal des délibérations du conseil d'administration du 13 août 2013 de la société Risc group démontrant que les dirigeants étaient, au regard des sommes en jeu, parfaitement informés des risques encourus par la société.
Le grief est donc caractérisé.
Cette faute est imputable à M. F... dirigeant de droit, comme retenu par le tribunal.
Elle ne l'est pas aux administrateurs faute de reproche en ce sens de la part du liquidateur judiciaire.
* Sur la poursuite abusive d'une activité déficitaire
Me A... prétend que la société Risc group a poursuivi à compter de l'année 2012 et en toute connaissance de ses dirigeants une activité déficitaire ayant abouti à l'état de cessation des paiements constaté par le tribunal et à une insuffisance d'actif représentant une année du dernier chiffre d'affaires de la société au préjudice des créanciers, et ce même s'il est vrai que les pertes ont été moindres en 2013 qu'en 2012. Il rappelle que l'intérêt personnel n'est pas exigé pour que la poursuite d'une activité déficitaire constitue une faute de gestion, laquelle est imputable au président directeur général et aux administrateurs restés passifs. Il ajoute que ces derniers ne peuvent pas se dédouaner en alléguant des moratoires non respectés qui ont creusé le déficit finalement supporté par les créanciers, du coût d'une restructuration mal évaluée et des apports faits sans financement.
S'agissant de M. T..., il considère que ce dernier ne s'est pas opposé à la poursuite de l'activité déficitaire mais qu'il a seulement voté tardivement contre la continuité d'exploitation.
MM. F..., L... et I... répliquent que la poursuite d'une activité déficitaire n'est pas en soi une faute, que si la société a présenté des pertes pour les exercices 2012 et 2013, elle a toujours conservé des capitaux propres positifs, que les exercices ont été impactés par les coûts importants du plan de sauvegarde de l'emploi et les coûts de restructuration mais que les mesures prises ont permis de réduire les pertes, que la faute de gestion ne peut être constatée que si les dirigeants ont volontairement poursuivi une activité sans espoir de redressement, outre le fait d'en retirer un intérêt personnel direct ou indirect, qu'ils ont cessé de percevoir toute rémunération dès 2012 et l'apparition des difficultés, enfin, qu'ils ont apporté au groupe une somme de 1 700 000 € dans le cadre des procédures de prévention.
M. T... ajoute aux arguments précédents qu'il reprend à son compte que la société Risc group ne se trouvant pas en état de cessation des paiements, il ne peut pas lui être reproché de ne pas avoir sollicité des dirigeants le dépôt de la déclaration de cessation des paiements. Il conteste avoir été passif, rappelant qu'il a interpellé le dirigeant à plusieurs reprises, participé à des réunions de travail et qu'il a été le seul à s'opposer à la continuité d'exploitation.
Il sera rappelé à titre liminaire que la faute de gestion consistant pour un dirigeant social à poursuivre une exploitation déficitaire, susceptible d'engager sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif , n'est subordonnée ni à la constatation d'un état de cessation des paiements ni à l'existence d'un intérêt personnel.
Il résulte du bilan communiqué pour l'exercice 2013, sans qu'il puisse être tenu compte du retraitement opéré en 2018 par le cabinet BMetamp;A, qu'au 30 juin 2012 le résultat de la société Risc group était déficitaire de 4 187 119 € et qu'au 30 juin 2013 la perte était de 5 345 589 €, étant toutefois précisé que les capitaux propres sont restés positifs à hauteur de 36 565 298 € et de 31 089 071 €. Il n'est pas contesté que cette activité déficitaire s'est poursuivie, comme le démontre le compte de résultat provisoire au 30 septembre 2013 (8 569 000 €) repris par l'administrateur judiciaire dans son rapport du 9 décembre 2013.
En outre, la durée et le nombre des mesures préventives auxquelles les dirigeants ont eu recours démontrent que dès la fin de l'année 2012 la perspective d'un redressement n'était plus sérieusement envisageable. Constatant que les mesures de restructuration commerciales et sociales prises, notamment la baisse des charges d'exploitation, ne permettaient pas une amélioration suffisante du résultat d'exploitation (passé de -4 411 330 € au 30 juin 2012 à -1 228 181 € au 30 juin 2013), ils auraient dû mettre fin à l'activité.
La production des procès-verbaux des assemblées générales du 17 décembre 2012, 9 avril 2013, 30 mai 2013, 13 août 2013 et 10 octobre 2013 démontrent que les administrateurs étaient parfaitement informés de la situation d'endettement de la société, des mesures de prévention en cours et de la recherche d'accords.
La faute est donc caractérisée sans qu'il puisse s'agir d'une simple négligence. Elle a nécessairement contribué à l'insuffisance d'actif et ce au détriment des créanciers.
Elle est imputable au président directeur général et aux administrateurs qui on laissé l'activité se poursuivre pendant de nombreux mois dans de telles conditions.
Cependant la responsabilité de M. T... ne sera pas retenue dès lors que les procès-verbaux produits montrent qu'il a interpellé la présidence sur le recouvrement de la créance due par la société mère STS et qu'il a voté même tardivement contre la continuité de l'exploitation.
Il convient dans ces conditions d'infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas retenu cette faute.
4- Sur les sanctions financières
Les fautes retenues à l'encontre de M. F..., L... et I... justifient leur condamnation à supporter une partie de l'insuffisance d'actif.
M. F... est âgé de 64 ans. Son avis d'imposition 2017, sur les revenus 2016, dont seule la première page est versée aux débats, mentionne un revenu fiscal de référence de 24 561 €.
M. L... est âgé de 66 ans. Son avis d'imposition 2017, sur les revenus 2016, fait état de revenus salariaux à hauteur de 33 859 € outre des revenus fonciers nets de 19 659 €.
M. I... est âgé de 57 ans, de nationalité belge, il réside en Belgique. Son avis d'imposition belge, sur les revenus 2016, indique des rémunérations de dirigeant d'entreprise de 12 545,45 €.
Outre qu'ils n'ont pas actualisé leur situation, aucun élément sur la consistance de leur patrimoine n'est produit.
S'agissant de M. F..., il résulte néanmoins du courrier de M. H..., daté du 12 décembre 2012, que pour tenter d'obtenir un financement bancaire celui-ci s'est appuyé sur son patrimoine personnel en donnant un mandat de vente sur un immeuble exploité en activité d'hôtellerie pour un prix de présentation de 12 250 000 €.
Il y a lieu, en conséquence de les condamner à supporter une partie de l'insuffisance d'actif à hauteur de 700 000 € pour M. F... et de 30 000 € chacun pour MM. L... et I... ainsi qu'une indemnité procédurale.
La capitalisation des intérêts demandée pour la première fois dans l'assignation est due par application de l'article 1154 devenu1343-2 du code civil.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt contradictoire,
Déclare recevables les appels incident et provoqué formés par Me A... ;
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné M. F... à supporter une partie de l'insuffisance d'actif avec capitalisation des intérêts ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne M. E... F..., de nationalité française, né le [...] à Figeac (46 100), domicilié [...] , à payer à Me A... , ès qualités, au titre de sa contribution à l'insuffisance d'actif la somme de 700 000 € ;
Condamne M. Z... L..., de nationalité française, né le [...] à Saint Girons (09 200), domicilié [...] à payer à Me A... , ès qualités, au titre de sa contribution à l'insuffisance d'actif la somme de 30 000 € ;
Condamne M. Z... I..., de nationalité belge, né le [...] à Uccle (Belgique), domicilié [...] à payer à Me A... , ès qualités, au titre de sa contribution à l'insuffisance d'actif la somme de 30 000 € ;
Ordonne la capitalisation des intérêts ;
Déboute Me A... ès qualités de ses demandes à l'encontre de M. B... T... ;
Déboute M. B... T... de sa demande d'indemnité procédurale ;
Condamne in solidum MM. F..., L... et I... à payer à Me A... la somme de 8 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum MM. F..., L... et I... aux dépens des procédures de première instance et d'appel avec droit de recouvrement au profit de Me MINAULT, avocat, pour les frais dont elle aurait fait l'avance, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
Dit qu'en application des articles 768 et R.69-9o du code de procédure pénale, la présente décision sera transmise par le greffier de la cour d'appel au service du casier judiciaire après visa du ministère public ;
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente et par Monsieur MONASSIER greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, La Présidente,