COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 88E
1re chambre 2e section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 13 NOVEMBRE 2018
N° RG 17/01058 - N° Portalis DBV3-V-B7B-RJI4
AFFAIRE :
Organisme AG2R REUNICA AGIRC Institution de retraite complémentaire venant aux droits de REUNI RETRAITE CADRES par suite d'une fusion applicable au 1er janvier 2017
C/
Claude X...
Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 08 Décembre 2016 par le Tribunal d'Instance de Courbevoie
N° RG : 11-16-0752
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 13/11/18
à :
Me Florine C...
Me Pascale Y...
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TREIZE NOVEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:
Organisme AG2R REUNICA AGIRC Institution de retraite complémentaire venant aux droits de REUNI RETRAITE CADRES par suite d'une fusion applicable au 1er janvier 2017
[...]
Représenté par Me Florine C..., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 673
Assisté de Me Z..., Avocat collaborateur de Me Jacques A... de la SELEURL Jacques A... Avocat à la Cour, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0546
APPELANTE
****************
Monsieur Claude X...
né le [...] à AUDRUICQ
de nationalité Française
[...]
Représenté par Me Pascale Y..., Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 49 - N° du dossier X...
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Septembre 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle B..., Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Isabelle B..., Président,
Madame Dominique DUPERRIER, Président,
Madame Lucile GRASSET, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Mme Catherine SPECHT,
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte d'huissier de justice en date du 18 août 2015, M. X... qui perçoit une pension de retraite de Reuni Retraite Cadres, a fait délivrer assignation à cette dernière devant le tribunal d'instance de Courbevoie aux fins de la voir condamner à lui verser la somme de 5 075,42 euros au titre de l'allocation du dernier trimestre 2013 qui ne lui a pas été versée, la somme de 3000euros à titre d'indemnisation du préjudice qu'il a subi, la somme de 3 000euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement rendu le 8 décembre 2016, le tribunal d'instance de Courbevoie a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, condamné Reunica Retraite Cadres à payer à M. X... :
- la somme de 5 075,42€ correspondant aux allocations de retraite du 4ème trimestre 2013,
- la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts,
- la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 13 septembre 2018.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
SUR CE
Sur l'appel de AG2R Reunica Agirc.
Au soutien de son appel, AG2R Réunica Agirc reproche au premier juge de l'avoir condamnée à verser à M. X... la somme de 5 075,42 euros correspondant aux allocations du 4ème trimestre 2013, faisant essentiellement valoir que :
- M. X... a bénéficié de sa retraite à compter du 1er avril 1990, la lettre de la CRICA (caisse de Retraite par répartition des ingénieurs, cadres et assimilés) relative à cette notification se réfère expressément aux dispositions de la convention collective nationale du 14 mars 1947.
- les personnes relevant du régime de retraite complémentaire des cadres AGIRC devaient être payés trimestriellement à terme échu, de sorte que le premier versement de retraite complémentaire AGIRC au bénéfice de M. X... n'aurait pas dû intervenir avant le 1er juillet 1990,
- cette règle exposant ses bénéficiaires à se trouver sans ressources pendant une durée pouvant atteindre près de six mois, la commission paritaire du régime a décidé, en 1952, qu'un trimestre supplémentaire d'arrérages calculés sur la base de la valeur du point applicable au trimestre civil
précédent et du dernier salaire de référence connu, serait désormais versé aux retraités,
- le législateur ayant constaté que la perception de ressources mensuelles au moment de la retraite était une attente forte, l'article 10 de la loi du 9 novembre 2010 a fait obligation au régime de l'Agirc comme à celui de l'Arrco d'accepter toute demande de mensualisation présentée,
- c'est dans ces conditions qu'est intervenu l'accord du 18 mars 2011, puis l'avenant du A 270 du 8 mars 2013, entérinant le versement mensuel à terme à échoir à compter du 1er janvier 2014.
- au dernier trimestre de l'année 2013, M. X... percevait au titre de l'ARRCO la somme de 1269,87 euros et au titre de l'AGIRC celle de 3 805,55euros,
- les allocations de l'Arrco ont toujours été versées à terme à échoir alors que celles de l'ARGIC l'étaient initialement à terme échu, de sorte que les sommes versées par l'Arrco ne sont pas concernées par le versement litigieux, en tout état de cause la somme réclamée par M. X... au titre du trimestre dont il prétend qu'elle ne lui aurait pas été versée, ne saurait être supérieur à 3805,55euros.
- le versement intervenu le 1er avril 1990 était un trimestre d'arrérages à part entière, calculé de la même manière qu'un trimestre ordinaire.
- il ne s'agit donc pas d'un versement exceptionnel, ni d'une libéralité ou d'un prêt, un régime contributif par répartition n'ayant pas vocation à pratiquer de telles opérations.
- faire droit à la demande de M. X... conduirait à lui accorder de manière définitive un trimestre supplémentaire pour lequel il n'aurait jamais participé et à l'enrichir sans cause.
M. X... invoque à titre liminaire et principal sur le fondement de l'article 2277 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause, que AG2R REUNICA AGIRC est irrecevable comme étant prescrite à se rembourser d'office fin 2013, l'allocation trimestrielle qui lui a été versée le 1er avril 1990, soit 23 ans après son versement.
M. X... prétend sur le fond que :
- dans la lettre qu'elle lui a adressée le 23 février 1990, la CRICA aux droits de laquelle vient aujourd'hui AG2R REUNICA AGIRC, évoque un trimestre supplémentaire sous forme d'allocation exceptionnelle,
- il n'est nullement précisé que ce versement devait être envisagé comme un trimestre d'avance et ne saurait être par conséquent considéré comme tel,
- il ne lui a pas davantage été précisé que ce versement complémentaire modifierait les modalités de versement de ses allocations, de terme échu à terme à échoir,
- les modalités de versement de ses allocations ont toujours été à terme échu et non à terme à échoir et ce, jusqu'au 31 décembre 2013,
- il suit de là que le dernier trimestre d'allocation retraite pour l'année 2013 concernant les mois d'octobre à décembre 2013 lui est légalement dû.
- l'organisme appelant se fonde sur la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 et des délibérations prises pour son application datant d'une mise à jour du 9 juin 2015, mais il n'est pas justifié qu'ils étaient en vigueur lors de la liquidation de ses droits à la retraite.
- en tout état de cause, l'organisme de retraite n'a pas satisfait à son obligation d'information et de conseil découlant de l'article L 161-17 du code de la sécurité sociale, ce qui lui a causé préjudice, ce manquement ayant eu pour conséquence de le priver du versement du dernier trimestre 2013, le mettant dans des difficultés financières évidentes.
- sur la prescription invoquée par M. X....
L'AG2R REUNICA AGIRC expose que la prescription invoquée par M. X... est inopérante, car contrairement à ce qu'il soutient, le défaut de paiement dont il se prévaut ne revient pas à un auto-remboursement qu'elle lui imposerait d'autorité mais s'explique par l'avance qu'elle lui a consentie dès le 1er avril 1990 pour lui permettre de percevoir ses trimestres de retraite complémentaire, alors que s'agissant d'allocations servies à terme échu, il aurait dû attendre le 1er juillet 1990 pour en bénéficier.
Il résulte d'une jurisprudence aujourd'hui constante que la première allocation trimestrielle versée par les organismes de retraite complémentaire, lors de la mise en place de l'allocation, doit être considérée comme une avance, dès lors que les allocations étaient initialement, et notamment en 1990 lorsque M X... a fait valoir ses droits à la retraite, à terme échu.
L'exception d'irrecevabilité tirée de la prescription soulevée par M. X... doit donc être rejetée.
- sur le fond du litige.
M. X... ne peut sérieusement contester que l'ensemble des allocataires AGIRC payés à terme échu, ont systématiquement reçu, à leur prise de retraite, le versement d'un trimestre supplémentaire destiné à leur permettre de disposer de ressources sans avoir à attendre l'échéance du premier terme échu, ce qui les mettait en pratique dans la situation d'allocataires payés à terme à échoir et non à terme échu et ce, d'autant qu'aux termes d'une jurisprudence récente (arrêt du 27 avril 2017), la cour de cassation a relevé dans une affaire similaire que 'le versement d'un trimestre supplémentaire, représentant en réalité la retraite à échoir lors de la liquidation des droits de la personne admise à faire valoir ses droits à la retraite, avait compensé l'absence du dernier trimestre de l'année 2013 de sorte que l'intéressé n'a pas subi de préjudice'.
Il ressort de la convention collective nationale du 14 mars 1947 produite dans son intégralité que, pour se conformer à la législation ci-dessus visée du 9 novembre 2010, l'article 26 bis a été modifié dès lors qu'il prévoit que les allocations sont versées d'avance (terme à échoir) et mensuellement.
La délibération D61 également versée aux débats, relative à l'application de l'article 26bis de l'annexe I de la convention, prise par les organismes signataires de la convention collective nationale du 14 mars 1947 prévoit les modalités d'application de l'article 26 bis modifié en ces termes :
'Considérant que l'accord du 18 mars 2011 prévoit le versement mensuel des allocations à compter du 1er janvier 2014,
Considérant que pour les titulaires d'allocations liquidées avant 1992, payées à terme échu, la seule voie possible pour que la mensualisation des allocations assure le strict maintien, en termes de nombre de mensualités, des allocations antérieures est le passage à terme à échoir à compter du 1er janvier 2014, sans versement d'allocations trimestrielles après celle du 1eroctobre 2013 et avec versement mensuel à terme à échoir à compter du 1er janvier 2014,
Considérant en effet que les intéressés ont perçu en 2013, 4 versements trimestriels (janvier, avril, juillet et octobre) et percevront 12 mensualités en 2014,
Considérant que cette solution est d'autant plus légitime que les intéressés ont, lors de la liquidation de leur retraite, bénéficié du versement d'une allocation trimestrielle supplémentaire, ce qui les place dans une situation en tous points identiques à celle des allocataires payés à terme à échoir, la solution retenue assurant ainsi la totale égalité de traitement des allocataires du régime'.
Il suit des dispositions précités que les allocataires AGIRC, dont M. X..., ont été placés de fait dans la situation d'allocataires payés à terme à échoir dès l'origine.
Par suite, M. X... ne peut donc qu'être débouté de sa demande en paiement de la somme de 5075,42 euros, le jugement étant infirmé sur ce point.
M. X... ne peut davantage sérieusement reprocher à AG2R REUNICA AGIRC d'avoir manqué à son obligation d'information et prétendre en conséquence être resté dans l'ignorance des réformes intervenues dans la mesure où il s'agit d'une modification législative majeure ayant été largement relayée et explicitée par une vaste campagne de presse et les différents partenaires sociaux.
Il doit donc être également débouté de sa demande de dommages-intérêts et ce, d'autant qu'il ne justifie d'aucun préjudice. Le jugement doit être infirmé en ce qu'il a fait droit à sa demande de dommages-intérêts.
Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
M. X..., partie perdante, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'il a exposés, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant infirmées.
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de AG2R Réunica, au titre des frais de procédure par elles exposés, tant en première instance qu'en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe.
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Déboute M. X... de toutes ses demandes,
Déboute AG2R REUNICA AGIRC de sa demande formée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais de procédure qu'elle exposés tant en première instante qu'en cause d'appel.
Condamne M. X... aux dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel pouvant être recouvrés par Me C... conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Isabelle B..., Président et par Mme SPECHT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,