COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 78K
16e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 08 NOVEMBRE 2018
N° RG 16/09114 - N° Portalis DBV3-V-B7A-RFY3
AFFAIRE :
SAS AJAG IMMO ...
C/
SA SOCIETE GENERALE....
Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 13 Décembre 2016 par le Juge de l'exécution du TGI de VERSAILLES
N° Chambre :
N° Section : /
N° RG : 16/06651
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
SELARL ALEXANDRE-BRESDIN-CHARBONNIER, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Anne-laure X..., avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT, après prorogation,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:
SAS AJAG IMMO prise en la personne de son représentant légal.
N° SIRET : 489 956 193
[...]
Représentant : Me Marc BRESDIN de la SELARL ALEXANDRE-BRESDIN-CHARBONNIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 003 - N° du dossier 160196
APPELANTE
****************
SA SOCIETE GENERALE agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
N° SIRET : 552 120 222
[...]
Représentant : Me Anne-laure X..., Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 - N° du dossier 42016
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 Mai 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Patricia Y..., Président et Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Patricia Y..., Président,
Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller,
Madame Ghislaine SIXDENIER, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Bernadette RUIZ DE CONEJO,
FAITS ET PROCEDURE,
Selon protocole d'accord en date du 23 février 2009, la SA SociétéGénérale a consenti à MM. Valerio Z... et A... B... D... , un prêt conjoint et solidaire d'un montant de 1.600.000 € ; il était convenu que le prêt puisse être remboursé par anticipation, notamment par la vente de biens appartenant à la SCI Ajag Immo.
Ce protocole prévoyait exactement que :
'S'agissant de la SCI AjagImmo qui a mis en vente le bien immobilier d'Epône, le prix de vente servira à rembourser les prêts immobiliers accordés à la société en vertu des hypothèques prises.
S'il existe un surplus, la société l'affectera au compte courant d'associés de MM. Valerio Z... E... et A... B... D... Jose, et la somme sera versée sur un compte spécial en remboursement partiel du présent crédit. Il en ira de même si d'autres biens lui appartenait sont vendus.'
Me C..., notaire devant lequel le protocole avait été réitéré par acte authentique le 8 avril 2009, a avisé la banque par lettre du 9 mars 2016, de ce qu'il était chargé de la vente du bien situé à Epône, appartenant à la société Ajag Immo.
Par ordonnance en date du 22 mars 2016, la société anonyme (SA) Société Générale a été autorisée à pratiquer une saisie conservatoire de créances à l'encontre de la société Ajag Immo, pour sûreté d'une créance de 1.000.000 € .
La mesure provisoire a été diligentée le 6 avril 2016,entre les mains de Me C..., notaire, sur les fonds devant revenir à la société AjagImmo lors de la vente d'un bien immobilier sis [...] , et a été dénoncée le 12 avril 2016 à la société Ajag Immo.
Par acte d'huissier en date du 28 juillet 2016, la société AjagImmo a fait citer la SA Société Générale devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Versailles, aux fins d'obtenir principalement la mainlevée de la saisie conservatoire et la condamnation de la Société Générale au paiement de dommages-intérêts.
Par jugement rendu le 13 décembre 2016, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Versailles a :
-débouté la société Ajag Immo de toutes ses demandes ;
-condamné la société Ajag Immo à payer à la Société Générale la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné la société Ajag Immo aux dépens,
-rappelé que la décision bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire.
Le 22 décembre 2016, la société Ajag Immo a interjeté appel de la décision.
Dans ses conclusions transmises le 20 mars 2017, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Ajag Immo, appelante, sollicite l'infirmation de la décision entreprise, et demande à la cour, statuant à nouveau,de :
-débouter la Société Générale de toutes ses demandes ;
-ordonner la mainlevée pure et simple de la saisie conservatoire ;
-condamner la Société Générale à payer à la société Ajag Immo la somme de 60.000 € de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L 512-2 du code des procédures civiles d'exécution,
-condamner la Société Générale à payer à la société Ajag Immo la somme de 50.000 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile,
A titre infiniment subsidiaire,
-substituer une hypothèque judiciaire provisoire à la saisie du bien immobilier de la requérante pratiquée le 6 avril 2016 ;
-condamner la SA Société Générale à payer à la société Ajag Immo la somme de 3.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
-condamner la Société Générale aux dépens d'instance et d'appel.
Dans ses conclusions transmises le 22 mai 2017,et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la SA Société Générale, intimée, demande à la cour de :
-confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions ;
En conséquence, débouter la société Ajag Immo de l'ensemble de ses demandes ;
-dire valable et régulière la saisie conservatoire pratiquée entre les mains de Me C..., notaire, le 6 avril 2016,
-condamner la société Ajag Immo à payer à la Société Générale la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 27 mars 2018.
L'audience de plaidoiries a été fixée au 23 mai 2018.
MOTIFS DE LA DECISION :
La société Ajag Immobilier conteste la saisie pratiquée le 6 avril 2016, au motif que d'une part la société Générale ne disposerait d'aucune créance à son encontre, etd'autre part, subsidiairement, que la prétendue créance serait prescrite.
Sur l'inexistence de la créance de la Société Générale :
La société Ajag Immo ne conteste pas qu'aux termes du protocole du 23 février 2009, auquelelle était partie, le surplus du prix de vente du bien d'Epône dont elle était propriétaire ou de celui de tout autre bien lui appartenant qui serait vendu ensuite, devait être affecté au remboursement partiel du prêt accordé le 23 février 2009 à MM. Valerio Z... et A... B... D... .
En effet, selon protocole d'accord en date du 23 février 2009, la Société Générale a consenti à M. Valerio Z... et à M. A... B... D... un prêt conjoint et solidaire d'un montant de 1,6 M d'une durée de un an, au taux Eonia 1 mois + 5%, les intérêts étant prélevés mensuellement, prêtdestiné au remboursement de divers comptes professionnels et de comptes de sociétés animées par les emprunteurs, au nombre desquelles figurait la société Ajag Immo.
Ce protocole prévoyait que :
'S'agissant de la société Ajag Immo qui a mis en vente le bien immobilier d'Epône, le prix de vente servira à rembourser les prêts immobiliers accordés à la société en vertu des hypothèques prises.
S'il existe un surplus, la société l'affectera au compte courant d'associé de MM. Valerio Z... E... et A... B... D... Jose, et la somme sera versée sur le compte spécial en remboursement partiel du présent crédit. Il en ira de même si d'autres biens lui appartenant sont vendus.'
Le remboursement du prêt in fine devant s'effectuer à l'échéance du 27 février 2010, un avenant au protocole a été signé entre les parties le 11 mars 2010, qui a reporté le terme du prêt au 10 octobre 2010.
Cependant au lieu de rembourser le prêtà la date ainsi fixée, MM. Valerio Z... et A... B... D... ont assigné la Société Générale en nullité du protocole d'accord et des cautionnements conférés, pour cause de violence ayant entaché leur consentement. Le jugement du 4 octobre 2011 du tribunal de grande instance de Versailles qui a débouté les requérants de l'ensemble de leurs demandes, a été confirmé par arrêt du 18 avril 2013 de cette cour, consacrant la validité du protocole d'accord.
Sila cour d'appel a fait droit à la demande subsidiaire en responsabilité de certains dessignataires du protocole du 23 février 2009, condamnant la banque à leur payer la somme de 600.000 € à titre de dommages-intérêtsen raison de la perte de chance occasionnée de ne pas souscrire un emprunt personnel très lourd, cette condamnation ne concernait aucunement la société Ajag Immo, qui ensa qualité de garant sous condition suspensive de vente de ses biens, avait contracté un engagement séparé et irrévocable envers la banque dans le protocole de février 2009, tenant lieu de loi à ses co-signataires.
La société AjagImmo reconnaît d'ailleurs avoir vendu dans un premier temps, en octobre 2009, un bien immobilier et assure avoir donné l'ordre aunotaire de payer la somme de 420.336,53 € soit l'intégralité du reliquat de cette vente, à la Société Génarale : toutefois il est démontré que cette somme a en réalité été créditée sur le compte de Ajag Immo à la Société Générale, et que l'ordre de virement du 7 octobre 2009 dont Ajag Immo fait état, n'a été que de 220.000 € au lieu de l'intégralité du solde.
Ce seul règlementn'exonère donc pas la société Ajag Immo de la totalité de son engagement, qui portait sur le règlement de l'intégralité du solde disponible de la vente, et surtout portait sur tous les biens lui appartenant et susceptibles d'être vendus à l'avenir. L'obligation de payer contractée par la société AjagImmo dans le protocole litigieux, trouve naissance dès que la société appelante vend l'un de ses biens immobiliers et ce, tant que la créance principale n'est pas éteinte.
Le protocole indiquait également que MM. Valerio Z... et A... B... D... et 'les sociétés susmentionnées' ( dontAjag Immobilier) 's'engagent à informer la Société Générale de la vente des biens desdites sociétés'. Or la société appelante s'est abstenue d'informer la banque de ce qu'elle avait trouvé acquéreur et vendait son bien situé à Epône : il s'en déduit qu'elle n'entendait pas respecter l'engagement pris à l'article 3 du protocole du 23 février 2009.
D'une part, contrairementaux affirmations de la société appelante, il n'existe aucun doute sur le sens desdites dispositions du protocole qui ne nécessitent pas interprétation du fait de leur clarté et précision,l'article 1162 ancien du code civil ne trouvant pas à s'appliquer en l'espèce.
D'autre part, la société Ajag Immo ne saurait invoquer sa nature de SCI pour alléguer qu'elle ne pouvait donner en garantie le seul bien immobilier lui appartenant et que son engagement était contraire à son objet social, dès lors qu'au moment de la signature du protocole et de son avenant de 2010, elle possédait plusieurs biens immobiliers, que le prêt litigieux était destiné en partie à combler le découvert de son compte professionnel, et qu'elle est devenue société par actions simplifiée le 31 décembre 2013, bien avant la vente de son immeuble d'Epône en 2016.
En outre dans son assignation elle indique elle-même disposer d'autres biens qu'elle peut vendre, et notamment un immeuble situé [...] , sur lequel elle demande que soit prise une hypothèque en substitution de la saisie conservatoire réalisée.
La Société Générale dispose donc d'une créance à l'encontre de l'appelante.
Sur la prescription de la créance :
La société Ajag Immo soutient que le premier acte interruptif du délai de la prescription quinquennale applicable était la saisie conservatoire critiquée du 6 avril 2016, alors que plus de sept ans se sont écoulés depuis la signature du protocole du 23 février 2009, plus de sept ans depuis son premier paiement d'octobre 2009, et plus de six ans depuis la signature de l'avenant du 11 mars 2010 reportant d'un an le terme du remboursement du prêt.
En l'espèce l'exigibilité de la créance principale résultant du prêt de 1.600.000 euros est acquise depuis le 10 octobre 2010, faute de paiement intervenu à l'échéance prorogée à cette date par l'avenant au protocole du 10 mars 2010.
L'action principale au fondà l'encontre des emprunteurs, MM Valerio Z... et A... B... D... a été introduite le 27 août 2015, dans le délai de la prescription quinquennale en vigueur, puisqu'antérieurement au 10 octobre 2015.
S'agissant de la société AjagImmo, c'est à bon droit que le premier juge a rappelé que la prescription ne court pas à l'encontre d'une créance à terme, jusqu'à ce que ce terme advienne, conformément aux dispositions de l'article 2233 1° du code civil, selon lequel :
'(la prescription ne court pas): 1°-A l'égard d'une créance qui dépend d'une condition, jusqu'à ce que la condition arrive ; ...'
La clause issue de l'article 3 du protocole faisait dépendre l'obligation mise à la charge de la société Ajag Immo, signataire, d'une condition suspensive tenant à la survenue d'un événement futur et incertain : la vente d'un de ses biens immobiliers.
Dès lors que l'engagement principal n'est pas prescrit, et que la condition suspensive de son engagement corollaire au principal se réalise, la société Ajag Immo n'est pas fondée à invoquer la prescription de l'action engagée à son encontre. La notification par le notaire de la vente de l'immeuble d'Epône en 2016, quilève la condition suspensive de son obligation, donnant naissance à celle-ci, constitue en effetle point de départ de la prescription de l'action de la banque à son encontre.
En conséquence, la Société Générale, qui détient un principe de créance à l'encontre de la société Ajag Immobilier et démontre que celle-ci faisait en gardant le silence sur la vente de mars 2016, peser une menace sur son recouvrement, est recevable et fondée en sa demande de rejet des moyens et prétentions au soutien de l'appel. Le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de mainlevée de la saisie.
Sur lademande de substitution :
La société appelante sollicite à titre subsidiaire la substitution à la présente saisie d'une inscription d'hypothèque judiciaire sur son bien situé [...] , au visa de l'article 1512-1 du code des procédures civiles d'exécution.
Toutefois, le juge de l'exécution conserve l'appréciation souveraine de l'opportunité de cette mesure, au regard de la bonne foi de la partie qui la demande. En l'espèce, la société Ajag Immo qui s'est bien gardée d'informer la société Générale de la vente de son immeuble d'Epône, et a adopté un comportement déloyal au moment de la mise en oeuvre du protocole, verra rejeter cette demande.
Sur les demandes de dommages-intérêts :
Au vu de la solution du litige, les demandes de dommages-intérêts de la société Ajag Immo, fondées tant sur l'article L 512-1 du code des procédures civiles d'exécution, -qui permet la réparation du préjudice causé par la mesure conservatoire lorsqu'il en est donné mainlevée par le juge - que sur l'article 32-1 du code de procédure civile - alors que c'est la société Ajag Immo qui a pris l'initiative d'un recours dont elle est déboutée, et qu'en tout état de cause l'amende civile ne peut faire l'objet d'une demande chiffrée d'une partie - ne peuvent qu'être rejetées.
Par ailleurs,la société Ajag Immo ne peut se prévaloir de la déloyauté de son adversaire qui serait manifestée par une concomitance de la saisie conservatoire en cause avec la période de retrait du rôle de l'instance au fond devant le tribunal de grande instance de Versailles pour négociations en cours, la saisie conservatoire ayant été pratiquée le 6 avril 2016, alors que dix-huit mois s'étaient écoulés depuis le retrait de l'affaire du rôle du tribunal de grande instance de Versailles, retrait effectifentre mars 2014 et le 31 octobre de la même année.
Sur les demandes accessoires :
L'équité et les circonstances de la cause commandent d'allouer à la Société Généraleune somme ainsi qu'il sera dit au dispositif au titre des frais irrépétibles de procédure qu'elle a été contrainte d'exposer en défense à l' appel à ce jour rejeté.
Succombant en son recours, la société Ajag Immo supportera les dépens d'appel comme de première instance.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Déboute la SAS Ajag Immo de l'intégralité de ses demandes ;
Condamne la SAS Ajag Immo à payer à la SA Société Générale une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; déboute la Société Générale du surplus de sa demande ;
Condamne la SAS Ajag Immo aux entiers dépens de première instance et d'appel.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Patricia Y..., Président et par Madame RUIZ DE CONEJO, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,