COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 53B
16e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 25 OCTOBRE 2018
N° RG 16/08950 - N° Portalis DBV3-V-B7A-RFHA
AFFAIRE :
SA HSBC FRANCE
C/
[R] [J]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Novembre 2016 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES
N° Chambre : 02
N° Section : 00
N° RG : 15/03450
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Jean-marie ALEXANDRE de la SELARL ALEXANDRE - BRESDIN - CHARBONNIER, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT CINQ OCTOBRE DEUX MILLE DIX HUIT, après prorogation
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SA HSBC FRANCE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité de droit audit siège
Société Anonyme au capital de 337.189.135,00 Euros inscrite au RCS de PARIS su sle n° B 775 670 284
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20160496
Représentant : Me Elise NIVAUD-PELLETIER de l'AARPI L.N AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0071
APPELANTE
****************
Monsieur [R] [J]
né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 1] (TURQUIE)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Jean-marie ALEXANDRE de la SELARL ALEXANDRE-BRESDIN-CHARBONNIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 03 - N° du dossier 150164
Madame [P] [J]
née le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 1] (TURQUIE)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Jean-marie ALEXANDRE de la SELARL ALEXANDRE-BRESDIN-CHARBONNIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 03 - N° du dossier 150164
Monsieur [Q] [J]
né le [Date naissance 3] 1987 à [Localité 1] (TURQUIE)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Jean-marie ALEXANDRE de la SELARL ALEXANDRE-BRESDIN-CHARBONNIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 03 - N° du dossier 150164
INTIMES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 Avril 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Patricia GRASSO, Président,
Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller,
Madame Ghislaine SIXDENIER, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Bernadette RUIZ DE CONEJO,
FAITS ET PROCEDURE,
Suivant offre préalable acceptée le 21 décembre 2011, la société HSBC France a consenti à M. [R] [J], Mme [P] [J] son épouse et M. [Q] [J] un prêt immobilier d'un montant de 240.000 €, remboursable en deux cent quarante mensualités d'un montant de 1.520,30 € chacune et moyennant un taux d'intérêts nominal de 4 % l'an, destiné à financer l'achat d'une résidence principale située [Adresse 2].
Les mensualités de remboursement du prêt étaient prélevées sur un compte ouvert depuis le 9 novembre 2011 par les consorts [J] dans les livres de la société HSBC France.
Par lettres recommandées avec accusé de réception en date du 10 septembre 2014, la banque a informé les consorts [J] qu'elle allait procéder à la clôture du compte.
Par lettres recommandées avec accusé de réception du 22 octobre 2014, la banque a fait part aux consorts [J] de sa décision de rendre exigible le prêt immobilier en raison de la découverte de faux justificatifs de leurs situations financières affectant leur dossier de crédit.
Par exploit en date du 20 mars 2015, la société HSBC France a fait assigner les consorts [J] devant le tribunal de grande instance de Versailles afin principalement d'obtenir leur condamnation solidaire à lui payer la somme de 235.217,85 € en principal, majorée des intérêts au taux conventionnel de 4% à compter du 22 octobre 2014.
Par jugement rendu le 29 novembre 2016, le tribunal de grande instance de Versailles a:
-débouté la banque de ses demandes,
-débouté les consorts [J] de leurs demandes reconventionnelles,
-condamné la banque aux dépens,
-condamné la banque à verser aux consorts [J], ensemble, la somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
-dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire.
Le 16 décembre 2016, la société HSBC France a interjeté appel de la décision.
Dans ses conclusions transmises le 29 juin 2017, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société HSBC France, appelante, demande à la cour de :
-débouter purement et simplement les consorts [J] de leurs demandes,
-déclarer nul le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Versailles le 29 novembre 2016 faute pour les premiers juges d'avoir respecté le principe du contradictoire,
-infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Versailles le 29 novembre 2016,
Statuant à nouveau,
-constater que la banque a une créance certaine, liquide et exigible à l'encontre des consorts [J],
-condamner solidairement les consorts [J] à payer à la banque HSBC France la somme de 235.217,85 € en principal, à majorer des intérêts au taux conventionnel de 4 % à compter du 22 octobre 2014,
À titre subsidiaire,
-prononcer le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale conformément à l'article 378 du code de procédure civile,
-condamner solidairement les consorts [J] à payer à la banque la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me Franck Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, la société HSBC France fait valoir :
-que le jugement encourt la nullité, sur le fondement de l'article 16 du code de procédure civile troisième alinéa, dès lors qu'il s'est fondé sur le fait que la banque n'explique pas comment elle est parvenue à lire les codes-barres critiqués, moyen qui n'a jamais été relevé par les consorts [J] ;
-que le jugement doit être infirmé ; que la déchéance du terme était justifiée car les avis d'imposition fournis par les consorts [J], documents déterminants pour l'octroi du prêt, étaient falsifiés ;
-que subsidiairement, la banque sollicite un sursis à statuer dans l'attente des suites de la plainte qu'elle a déposée le 20 novembre 2014, sur le fondement de l'article 378 du code de procédure civile.
Dans leurs conclusions transmises le 5 mai 2017, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. [R] [J], Mme [P] [J] son épouse et M. [Q] [J], intimés, demandent à la cour de :
-déclarer irrecevable la banque en son appel et dans tous les cas non fondée
-l'en débouter,
-confirmer le jugement dont appel,
Y ajoutant,
-condamner la banque pour appel abusif à une amende civile de 3.000 €, outre à verser à chacun des intimés la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts.
Au soutien de leurs demandes, M. [R] [J], Mme [P] [J] son épouse et M. [Q] [J] font valoir :
-que la demande en nullité du jugement de l'appelante est mal fondée car le tribunal ne s'est prononcé que sur des éléments de fait relatifs aux documents communiqués à l'appui de la demande, et n'avait pas pour cela besoin de provoquer les explications des parties ;
-que la demande d'infirmation de l'appelante est mal fondée, car celle-ci se contente d'affirmer que la lecture des codes-barres des avis d'imposition révélerait une numérotation non conforme, et que la numérotation résultant de la lecture des codes-barres se retrouverait sur les avis de différents contribuables ; que, ce faisant, l'appelante n'explique pas comment elle est parvenue à lire les codes-barres critiqués.
La clôture a été prononcée le 13 février 2018.
L'audience de plaidoirie a été fixée au 12 avril 2018.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la demande de nullité du jugement :
Il résulte de l'examen du jugement entrepris que les premiers juges n'ont fait qu'estimer non rapportée la preuve de l'existence des falsifications dont se prévalait la société HSBC France et qui étaient bien soumises au débat contradictoire, les consorts [J] contestant pour leur part que ces falsifications, dont ils n'ont pas dénié l' existence, puissent constituer une cause de résolution par déchéance du terme du contrat de prêt.
En conséquence, il n'y a lieu à statuer ni sur un moyen non invoqué contradictoirement, ni sur une demande qui n'aurait pas été présentée contradictoirement, la prétention à nullité, sans objet, devant être rejetée.
Sur la déchéance du terme du contrat de prêt :
Quelque soit le sort fait à la demande de nullité du jugement, la cour est tenue de statuer sur le fond, la société HSBC France sollicitant, pour le cas où la cour ne prononcerait pas la nullité l'infirmation de la décision entreprise sur d'autres moyens, tels que la déchéance du terme dûe au manquement des consorts [J] à leurs obligations contractuelles d'emprunteurs.
Il résulte de l'article 8 des conditions générales paraphées et signées par les intimés que 'le prêteur pourra rendre exigible la totalité du prêt huit jours après une mise en demeure par lettre recommandée, restée sans effet, dans les cas suivants : (notamment)
'si les renseignements, déclarations et documents de toute nature fournis par l'emprunteur viennent à se révéler faux ou inexacts alors qu'ils étaient déterminants pour l'octroi du prêt'.
En l'espèce, il est évident que les avis d'imposition fournis par les consorts [J] constituaient des éléments déterminants pour l'octroi du prêt, s'agissant du type de documents permettant d'évaluer de la façon la plus adaptée et actualisée l'état des ressources de toute nature des demandeurs au contrat de prêt bancaire. Communément, pour l'octroi de prêts immobiliers d'un certain montant, les établissements de prêt requièrent la communication des avis d'imposition pour s'assurer de la capacité financière des emprunteurs.
La cour relève que les consorts [J] n'ont jamais contesté la réalité des falsifications invoquées par la société HSBC France en première instance.
Il est constant que les avis d'imposition 2010 et 2011 fournis par M. [Q] [J] comportaient une anomalie caractérisée par une différence entre les numéros d'avis d'imposition et la lecture du code-barre devant révéler ce même numéro, de telle manière que leur authenticité est remise en cause.
En outre, la lecture du code-barre de l'avis d'imposition sur les revenus 2011 fourni par M. [Q] [J] fait apparaître le même numéro d'avis d'imposition que celui figurant sur l'avis d'imposition 2011 de M. et Mme [R] [J], sachant que ce même numéro figure également sur les avis d'imposition de parfaits tiers au dossier de prêt des consorts [J], M. et Mme [Y] [M] et M. [E] [P].
Le fait que les consorts [J] se prévalent d'avoir eu recouru aux services d'un courtier n'est pas de nature à les exonérer de leur responsabilité civile personnelle et contractuelle, en tant que demandeurs puis titulaires du prêt litigieux.
Tant M. et Mme [R] [J] que M. [Q] [J] ne pouvaient ignorer que leur dossier comporterait des pièces falsifiées, ce qu'ils ont accepté quelque soit le rôle pris par le courtier dans la réalisation de la falsification.
Il n'est donc pas nécessaire d'attendre l'issue de la plainte pénale déposée par la banque HSBC France, la banque étant fondée, au vu du doute occasionné dans ses services quant à la capacité des intimés à honorer au-delà des premières années le contrat de prêt concerné, à prononcer la déchéance du terme rendant immédiatement exigible la totalité du prêt de 240.000 € consenti sur une durée de vingt ans, et ce même en présence d'un prêt dont les échéances étaient jusqu'alors réglées.
Il y a lieu en conséquence de faire droit à la demande en paiement de la banque, dont la créance est certaine, liquide et exigible. .
Les consorts [J] en raison de la solution du litige verront rejeter leurs demandes de dommages-intérêts et d'amende civile pour appel abusif, étant relevé que cette dernière demande est irrecevable, la décision de recourir à l'amende civile et son montant étant l'apanage de la juridiction, à laquelle peut seule être soumise la situation caractérisant un abus de l'appel.
Le jugement entrepris est infirmé en toutes ses dispositions.
Sur les demandes accessoires :
L'équité commande d'allouer à la SA HSBC France une somme ainsi qu'il sera dit au dispositif au titre des frais irrépétibles de procédure qu'elle a été contrainte d'exposer en appel pour la préservation de ses droits.
Les consorts [J] qui sont condamnés par le présent arrêt infirmatif, supporteront les dépens d'appel comme de première instance.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Déboute la SA HSBC France de sa demande de nullité du jugement ;
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Condamne solidairement M. [R] [J], Mme [P] [J] son épouse et M. [Q] [J] à payer à la SA HSBC France une somme de 235.217,85 €, avec intérêts au taux contractuel de 4 % à compter de la mise en demeure portant déchéance du terme du 22 octobre 2014, au titre du solde du prêt immobilier de 240.000 € conclu le 21 décembre 2011 ;
Déboute la SA HSBC France du surplus de ses demandes ;
Rejette l'ensemble des prétentions reconventionnelles des consorts [J] ;
Condamne in solidum M. [R] [J], Mme [P] [J] son épouse et M. [Q] [J] à verser à la SA HSBC France une somme de 3.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum M. [R] [J], Mme [P] [J] son épouse et M. [Q] [J] aux entiers dépens, qui pourront être directement recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Patricia GRASSO, Président et par Madame RUIZ DE CONEJO, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,