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18/10/2018 | FRANCE | N°17/00521

France | France, Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 18 octobre 2018, 17/00521


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 59C



3e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 18 OCTOBRE 2018



N° RG 17/00521

N° Portalis DBV3-V-B7B-RH7N



AFFAIRE :



GIE HUMANIS FONCTIONS GROUPE



C/



SARL HAPPY FEW





Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 15 Décembre 2016 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 7

N° RG : 15/03958





Expéditio

ns exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :





à :

Me Véronique E... de la SCP BUQUET-

ROUSSEL-DE CARFORT

Me Henri F... d'Armagnac Société d'Avocat







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX HUIT OCTOBRE DEUX MIL...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 59C

3e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 18 OCTOBRE 2018

N° RG 17/00521

N° Portalis DBV3-V-B7B-RH7N

AFFAIRE :

GIE HUMANIS FONCTIONS GROUPE

C/

SARL HAPPY FEW

Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 15 Décembre 2016 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 7

N° RG : 15/03958

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Véronique E... de la SCP BUQUET-

ROUSSEL-DE CARFORT

Me Henri F... d'Armagnac Société d'Avocat

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX HUIT OCTOBRE DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:

GIE HUMANIS FONCTIONS GROUPE

[...]

Représenté par son Président, Monsieur Philippe X...

Représentant : Me Véronique E... de la Y..., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 - N° du dossier 1717

Représentant : Me Bruno MARTIN de la SCP COURTOIS LEBEL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0044

APPELANT AU PRINCIPAL- INTIME INCIDEMMENT

****************

SARL HAPPY FEW

N° SIRET : 339 006 959

[...]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Henri F... d'Armagnac Société d'Avocat, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0085

INTIMEE AU PRINCIPAL - APPELANTE INCIDEMMENT

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Septembre 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique Z..., Président chargé du rapport, et Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique Z..., Président,

Madame Françoise BAZET, Conseiller,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Lise BESSON,

En décembre 2013, ont débuté des pourparlers, entre le groupement d'intérêt économique Humanis Fonctions Groupe (Humanis), structure ayant pour objet de mutualiser notamment la communication des entités le composant spécialisées dans la protection sociale, et la société Happy Few (Happy Few) qui réalise, par l'intermédiaire de ses filiales, notamment les sociétés Frequencemedicale.com et Pourquoidocteur, des supports multimédia d'information médicale. Ces négociations avaient pour objectif la conclusion d'un partenariat dans le cadre duquel Happy Few devait développer, à compter du 1er janvier 2014, une stratégie de communication et d'information médicale au profit d'Humanis.

Les parties n'ont cependant pu s'accorder sur ce partenariat, et, par acte du 30 septembre 2014, la société Happy Few a assigné Humanis devant le tribunal de commerce de Nanterre, en réparation du préjudice causé par la rupture fautive des pourparlers.

Le tribunal de commerce s'est déclaré incompétent, et, par jugement du 15 décembre 2016, le tribunal de grande instance de Nanterre a :

- condamné Humanis à payer à Happy Few les sommes de :

* 50 000 euros au titre de la perte des frais liés aux pourparlers,

* 150 000 euros au titre de la perte de chance de conclure un partenariat avec un concurrent d'Humanis,

- débouté Happy Few de ses demandes de dommages-intérêts au titre de l'atteinte à son image et à sa réputation commerciale et au titre de la divulgation de son savoir-faire,

- débouté Humanis de toutes ses demandes,

- condamné Humanis à payer à Happy Few la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

Le 18 janvier 2017, Humanis a interjeté appel et prie la cour, par dernières écritures du 14 août 2018, de :

- infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau,

- juger qu'en vertu de la convention du 28 janvier 2014 Happy Few ne saurait rechercher sa responsabilité sur le fondement d'une rupture fautive de pourparlers,

- juger qu'en vertu de la convention du 28 janvier 2014 Happy Few s'est interdit de réclamer une quelconque indemnisation au titre de la rupture des pourparlers avec Humanis,

- débouter Happy Few de ses demandes,

subsidiairement,

- juger que Happy Few est à l'origine de la rupture des pourparlers par l'envoi des courriers du 25 juin et 22 juillet 2014,

- débouter Happy Few de ses demandes au titre d'une rupture fautive des pourparlers,

plus subsidiairement,

- juger que les pourparlers entre Humanis et Happy Few étaient à un stade peu avancé,

- juger que le comportement d'Humanis est exclusif de toute faute,

à titre encore plus subsidiaire,

- déclarer Happy Few irrecevable en ses demandes, faute de qualité pour agir, et au titre d'une perte de chance,

- juger en tout état de cause que Happy Few ne rapporte pas la preuve de la matérialité des préjudices qu'elle invoque.

- déclarer Happy Few mal fondée en son appel incident,

- débouter en conséquence Happy Few de ses demandes,

- juger que l'action deHappy Few est téméraire et procède d'un abus du droit d'ester en justice,

- la condamner à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par cette procédure abusive,

- condamner Happy Few à lui payer la somme de 30 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Par dernières écritures du 22 juin 2018, Happy Few prie la cour de :

- déclarer Humanis irrecevable à invoquer pour la première fois en cause d'appel, une nullité de forme tirée du principe « nul ne plaide par procureur »,

- débouter Humanis de ses demandes,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

constaté que la convention conclue le 28 janvier 2014 par Humanis et Happy Few a un objet restreint à la confidentialité, de sorte qu'il n'a pas vocation à encadrer les pourparlers et à instituer une exonération totale de responsabilité en cas de rupture des pourparlers,

constaté que Humanis est à l'origine d'une rupture tacite des pourparlers, sans aucun motif,

jugé que la rupture des pourparlers à l'initiative d'Humanis est fautive,

débouté Humanis de toutes ses demandes reconventionnelles,

- déclarer Happy Few recevable et bien fondée en son appel incident,

- condamner Humanis à lui payer :

* la somme de 102296 euros au titre de la perte des frais liés aux pourparlers,

* la somme de 1227920 euros au titre de la perte de chance de pouvoir conclure un partenariat avec un concurrent d'Humanis,

* la somme de 150 000 euros au titre de l'atteinte à son image et à sa réputation commerciale,

* la somme de 160 000 euros au titre de la divulgation de son savoir-faire au profit d'Humanis pendant plus de sept mois,

en tout état de cause :

- condamner Humanis à lui payer la somme de 50 000 euros au titre des frais irrépétibles, et aux dépens.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 3 septembre 2018.

SUR QUOI, LA COUR

Le tribunal a rappelé qu'Happy Few a proposé en octobre 2013 à Humanis en la personne de Mme A... un projet détaillé avec budget estimatif, pour lequel Mme A... a manifesté un grand intérêt, et dont elle a indiqué à Happy Few en décembre 2013 qu'il avait reçu un accord de principe du comité exécutif d'Humanis. Plusieurs réunions ont eu lieu et un accord intitulé accord de confidentialité a été signé le 28 janvier 2014, dont l'objet était limité à la confidentialité des informations recueillies par Happy Few sur Humanis. Des missions ponctuelles ont été confiées à Happy Few et ont été exécutées et réglées. Les contacts entre les parties ne donnant plus aucun résultat concret, Happy Few a finalement mis en demeure Humanis de lui faire connaître la suite qu'elle entendait donner au partenariat. Le tribunal en a retenu qu'Happy Few a pu légitimement croire que son investissement dans ce projet porterait ses fruits, et qu'aucun motif ne justifiait le silence soudain d'Humanis fin juin 2014. Ainsi la rupture tacite soudaine des pourparlers par Humanis est fautive et engage sa responsabilité délictuelle vis-à-vis d'Happy Few.

Humanis expose que l'accord du 28 janvier 2014 avait vocation à régir l'ensemble des négociations précontractuelles, et que les parties ont expressément exclu toute indemnisation en cas de rupture des négociations.

Il rappelle qu'après une première commande de deux dossiers éditoriaux, sur la DMLA et Alzheimer, et des interrogations d'Happy Few le 7 mai 2014 sur leur collaboration, il a formulé le 13 mai une demande précise de contenu auprès de M. Jean-François B..., animateur d'Happy Few, sur le développement du site e-coach santé, qui a été satisfaite le 20 mai 2014. Humanis a alors sollicité des précisions, mais n'a reçu qu'une lettre de mise en demeure d'Happy Few, lui reprochant son immobilisme et son désintérêt, et lui demandant de lui faire part de ses intentions sur le partenariat envisagé. Il considère donc que la rupture des pourparlers est imputable à Happy Few et ne saurait engager sa responsabilité, étant en outre observé que le prétendu préjudice serait supporté exclusivement par les filiales d'Happy Few, auxquelles cette dernière ne saurait se substituer pour en demander réparation.

Il ajoute qu'à supposer que la rupture lui soit imputable, son caractère fautif n'est pas démontré, puisque les pourparlers n'avaient aucune perspective d'aboutissement, les parties n'ayant pas défini des éléments essentiels tels que l'objet du partenariat, les volumes, le prix et les clauses essentielles.

Infiniment subsidiairement, il observe que même en considérant la rupture comme abusive, les frais causés par la négociation traduisent la réalisation d'un risque commercial inhérent à l'activité de toute entreprise commerciale, et qu'en outre certains frais revendiqués ne sont pas imputables comme ayant été exposés dans le cadre des autres activités d'Happy Few (notamment ceux afférents au projet 'Femme acteur de santé').

Happy Few fait valoir que la liberté contractuelle trouve sa limite dans l'abus commis lors d'une rupture. Ainsi la rupture constitue une faute, dès lors que, tacite et sans aucun motif légitime, elle est intervenue au cours de pourparlers déjà avancés qui l'avaient conduite à croire légitimement que le projet serait concrétisé. Elle conteste que l'accord du 28 janvier 2014 ait eu vocation à encadrer les pourparlers en leur ensemble, ce qui est démenti tant par son contenu que par les propres assertions d'Humanis.

Elle rappelle qu'aucun motif n'a jamais été avancé par Humanis pour justifier son silence soudain face à ses propositions à compter du 14 avril 2014 et l'absence d'interlocuteurs non décisionnaires, et que, lors de la rupture, les éléments essentiels du contrat étaient déterminés, soit sa durée, son objet, le minimum à réaliser, les volumes et le prix. Elle souligne qu'Humanis a donné son accord de principe sur ces points entre janvier et février 2014 puisqu'on ne trouve aucune réserve dans ses différents courriels.

Elle considère que la bonne foi exigeait qu'Humanis l'informât qu'en dépit de cet accord de principe, la conclusion du partenariat n'était ni certaine ni imminente, afin de ne pas priver Happy Few d'opportunités avec d'autres acteurs, et qu'en poursuivant les négociations alors qu'elle savait qu'une proposition identique avait été formulée auprès de son concurrent Harmonie Mutuelle, puis en les rompant, Humanis savait pertinemment qu'elle lui causait un préjudice commercial et financier.

***

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité d'Happy Few :

Le Kbis d'Happy Few énonce qu'elle a pour activité toutes opérations relatives à la publicité, la presse, aux relations publiques, au conseil en communication, l'organisation de séminaires et d'événements. Ainsi, il n'est pas démontré que son activité serait limitée à celle d'une holding, et que les prestations objet du partenariat auraient été exécutées exclusivement par ses filiales. Le bien fondé de la fin de non recevoir n'est donc pas établi, et cette dernière sera rejetée.

Sur l'imputabilité de la rupture :

L'examen des pièces montre que c'est Happy Few qui, sur le plan formel, en a pris l'initiative.

Ainsi, par courriel du 7 mai 2014, le docteur B... a expressément interpellé ses contacts à Humanis sur l'avenir de leur collaboration, se plaignant de l'absence de perspectives et de résultats concrets des réunions organisées. Happy Few a ensuite, par courrier recommandé du 25 juin 2014, demandé à Humanis de prendre une position claire sur le devenir du partenariat avant le 2 juillet 2014, et son conseil a formulé une mise en demeure le 28 juillet 2014, avant d'assigner le 30 septembre 2014.

Humanis n'a jamais répondu de manière expresse à ces demandes, et n'a pas non plus, y compris dans ses dernières écritures, fourni la moindre explication sur ce silence.

Il est néanmoins évident que l'envoi d'un courrier recommandé exigeant une prise de position sur un partenariat commercial sous huit jours, puis d'une mise en demeure par son avocat, suivies d'une assignation, rendait impossible la conclusion d'un partenariat, et valait de facto rupture des pourparlers.

La rupture de pourparlers est une manifestation fondamentale de la liberté de ne pas contracter et ne peut donc en elle-même constituer une faute. Cette rupture peut seulement le devenir en raison des circonstances dans lesquelles elle intervient. Il appartient par conséquent à celui qui se dit victime d'une rupture abusive de démontrer les circonstances caractérisant l'abus telles que, par exemple, la longueur ou l'état d'avancement des pourparlers, les frais qui ont pu être engagés, la croyance éventuellement suscitée dans l'esprit de l'autre partie quant à la conclusion du contrat, le caractère brutal de la rupture et l'existence ou l'absence d'un motif légitime de rupture.

Les seules questions que la cour doit donc examiner sont l'existence d'une faute d'Humanis, dans le cours des négociations, justifiant les mises en demeure d'Happy Few, et, dans l'affirmative, l'existence et l'étendue du préjudice ainsi causé à Happy Few, à laquelle incombe la preuve de ces deux éléments.

La base de discussion entre les parties était constituée de la proposition d'Happy Few adressée spontanément par Happy Few à Humanis, ainsi qu'à ses concurrents, dont Harmonie Mutuelle. Happy Few y présentait de façon détaillée les prestations de Fréquence médicale, sa filiale, et offrait des services de communication, de formation des médecins et de sensibilisation des patients dans tous les domaines de la santé, affirmant qu'entre autres acteurs, les mutuelles devaient participer à l'épanouissement de ces nouveaux médias digitaux.

Plus précisément étaient proposés, dans l'offre adressée à Humanis, un contenu, et la valorisation de la démarche innovante d'Humanis, se concrétisant par la réalisation d'applications à commercialiser, et d' 'e-mailings' auprès des praticiens. Etait annoncé un coût de réalisation par application de 94 000 euros, et par opération de promotion auprès du corps médical de 47 000 euros, l'exclusivité pouvant se concevoir à partir d'un nombre significatif d'opérations et pour deux ans, avec participation aux bénéfices des ventes des applications. Le partenariat devait durer 2 ans, comporter 5 applications par an, des achats de contenus pour le site Humanis selon un tarif déterminé, et diverses opérations de promotions auprès du corps médical. Il n'est pas contesté que le montant global annuel de ces prestations devait être de l'ordre d'un million d'euros.

Humanis ne peut donc être suivie lorsqu'elle soutient qu'aucun projet structuré et chiffré ne lui a été soumis.

Les membres d'Humanis approchés par Happy Few ont d'emblée manifesté un grand enthousiasme sur le principe de cette collaboration, et ont été informés de ce qu'une offre identique avait été soumise à leur concurrent Harmonie Mutuelle, et qu'Happy Few devrait choisir entre les deux groupes.

Humanis a, par un courriel de son directeur marketing du 9 décembre 2013 informé Happy Few d'un accord de principe de son comité exécutif 'pour avancer sur notre beau projet de partenariat', confirmé par l'envoi, mi-février 2014, d'un compte-rendu de réunion interne à Humanis présentant ce partenariat.

De nombreuses réunions ont été mises en oeuvre, notamment les 8 janvier, 4 et 13 mars, 9 avril (sur le projet 'femme acteur de santé'). Il résulte cependant des comptes-rendus produits qu'elles ont essentiellement porté sur la définition des prestations et leur contenu, et très peu sur l'aspect financier du partenariat.

En dehors de ce partenariat, Humanis a commandé et réglé en avril 2014 deux dossiers éditoriaux pour la somme totale de 15 336 euros, sur la qualité desquels elle n'a jamais émis la moindre réserve.

Le 13 mai 2014, sans répondre à l'interpellation du 7 mai 2014 du docteur B..., Humanis a sollicité Happy Few pour des prestations de développement de son site internet e-coach santé, et demandé un chiffrage financier de ces prestations. Le 20 mai, Happy Few a formulé une proposition sur le contenu des prestations, et leur prix. Humanis a accusé réception et indiqué qu'elle allait l'étudier et reprendre contact, ce qu'elle a fait le 11 juin en sollicitant un rendez-vous téléphonique, lequel, selon les écritures d'Happy Few, a bien eu lieu le lendemain, mais n'a apporté aucune réponse aux interrogations d'Happy Few telles qu'exposées dans son courriel du 7 mai 2014, en raison du fait, selon cette dernière, que ses interlocuteurs n'étaient pas décisionnaires. Pourtant M. C... et Mmes D... Saada et Perrin avaient déjà été associées aux contacts entre les parties.

Un accord de principe n'oblige qu'à négocier et non à aboutir : si l'obligation de négocier peut s'analyser en une obligation de résultat, l'obligation de s'entendre n'est en revanche que de moyens.

Or il résulte des pièces ci-dessus évoquées, que, si les parties ont eu des contacts soutenus entre octobre 2013 et juin 2014, ces derniers ont essentiellement porté sur les contenus à mettre en oeuvre et beaucoup moins sur les modalités techniques et financières. En particulier, il ne résulte pas des pièces produites qu'ait été évoqué un engagement global sur une période de 2 ans et un volume minimal de transactions, postérieurement à l'envoi par Happy Few de sa proposition initiale, qui n'était cependant qu'une base de discussion. Happy Few ne l'évoque d'ailleurs pas dans son courriel du 7 mai 2014. Ainsi, Happy Few, qui, pour des raisons commerciales évidentes, a laissé se dérouler les pourparlers sans aborder ces points, et ce pendant au moins huit mois, et accepté au contraire des prestations ponctuelles, ainsi qu'une réflexion sur une demande distincte (l'enrichissement du site e-coach santé), ne pouvait nourrir aucune illusion sur la volonté d'Humanis de s'engager pour deux ans et pour un volume de prestation contraignant. Elle ne saurait dès lors reprocher à Humanis de ne pas s'être déterminée sur ces aspects de leur collaboration, et ses deux mises en demeure des 25 juin et 22 juillet 2014, qui, elles, reprennent les offres initiales (partenariat de 2 ans et budget annuel d'1 million d'euros HT) n'étaient pas justifiées.

Par ailleurs en ce qui concerne le niveau hiérarchique des interlocuteurs d'Happy Few chez Humanis, la cour ne dispose d'aucun élément pertinent pour considérer qu'ils n'étaient pas décisionnaires.

Force est en outre de constater qu'aucune pièce ne démontre qu'Humanis n'était pas disposée à passer commande de prestations plus limitées que celles proposées au départ par Happy Few, mais cependant consistantes, puisqu'elle a sollicité une étude sur des prestations destinées à son site e-coach santé, étude faite par Happy Few, qui doit dès lors être considérée comme en ayant admis le principe. Néanmoins, au regard du caractère global du coût indiqué pour chaque type de prestations, et des montants annoncés, il ne peut être reproché à Humanis d'avoir sollicité des précisions quelques jours seulement après la réception de cette étude.

Rien n'établit par conséquent la volonté d'Humanis de rompre ses relations avec Happy Few, même si les pièces produites démontrent qu'elle ne souhaitait pas s'engager pour une durée définie, et Happy Few n'a pu s'abuser sur ce point.

Enfin, la longueur des pourparlers ne peut en elle-même être imputée à Humanis, puisqu'Happy Few a accepté le débat sur des prestations distinctes.

Ainsi, Happy Few, ne démontrant pas que le comportement fautif d'Humanis l'ait contrainte à mettre fin aux pourparlers, mais, en ayant pris seule l'initiative, ne peut qu'être déboutée de sa demande tendant à voir juger qu'Humanis aurait pris l'initiative de cette rupture, et ce de façon fautive.

Echouant ainsi à faire la preuve de l'imputabilité de la rupture à Humanis, Happy Few sera déboutée de ses demandes, et le jugement infirmé sur les condamnations prononcées à son profit.

Sur les autres demandes :

Humanis ne caractérise aucunement l'abus de procédure qu'elle reproche à Happy Few, étant rappelé que la simple erreur sur le bien fondé de prétentions ne suffit pas à le constituer, et que l'argumentation développée par Happy Few était suffisamment sérieuse pour avoir convaincu les premiers juges. Le jugement sera confirmé sur le rejet de ces demandes.

Happy Few, qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel, et contribuera aux frais de procédure exposés par Humanis à hauteur de 5 000 euros.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement déféré sur le rejet des demandes de la société Happy Few au titre de ses préjudices d'image et de divulgation de son savoir faire, ainsi que sur le rejet des demandes du GIE Humanis Fonctions Groupe,

L'infirmant sur le surplus, et statuant à nouveau,

Déboute la société Happy Few de ses demandes de dommages et intérêts au titre de la perte des frais occasionnés par les pourparlers, et au titre de la perte de chance de pouvoir conclure un partenariat avec un concurrent d'Humanis,

La condamne à payer au GIE Humanis Fonctions Groupe la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel, avec recouvrement direct.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Véronique Z..., Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 17/00521
Date de la décision : 18/10/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 03, arrêt n°17/00521 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-18;17.00521 ?
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