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16/10/2018 | FRANCE | N°17/07252

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 16 octobre 2018, 17/07252


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES



DA

Code nac : 57B



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 16 OCTOBRE 2018



N° RG 17/07252 - N° Portalis DBV3-V-B7B-R3YL



AFFAIRE :



Laurent X...

...



C/

SA PROFINA et ayant un établissement secondaire au [...].

...







Décision déférée à la cour: Jugement rendu(e) le 28 Juillet 2017 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 6

N° Sec

tion :

N° RG : 2012F02256



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Mélina Y...

Me Stéphanie Z...

Me Mélina Y...

en tant qu'administrateur de Me A...







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FR...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

DA

Code nac : 57B

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 16 OCTOBRE 2018

N° RG 17/07252 - N° Portalis DBV3-V-B7B-R3YL

AFFAIRE :

Laurent X...

...

C/

SA PROFINA et ayant un établissement secondaire au [...].

...

Décision déférée à la cour: Jugement rendu(e) le 28 Juillet 2017 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 6

N° Section :

N° RG : 2012F02256

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Mélina Y...

Me Stéphanie Z...

Me Mélina Y...

en tant qu'administrateur de Me A...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEIZE OCTOBRE DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:

Monsieur Laurent X...

né le [...] à SAINT MAUR DES FOSSES (94)

de nationalité Française

[...]

Autre(s) qualité(s) : Appelant dans 17/07284 (Fond)

Représentant : Me Mélina Y..., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : V 626 - N° du dossier 23813 - Représentant : Me Marion LAMBERT-BARRET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0030

Madame Emmanuelle B... épouse X...

née le [...] à AUCH (32)

de nationalité Française

[...]

Autre(s) qualité(s) : Appelant dans 17/07284 (Fond)

Représentant : Me Mélina Y..., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : V 626 - N° du dossier 23813 - Représentant : Me Marion LAMBERT-BARRET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0030

Monsieur Jean-Pierre C...

né le [...] à PARIS (75014)

de nationalité Française

[...]

Autre(s) qualité(s) : Appelant dans 17/07284 (Fond)

Représentant : Me Mélina Y..., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : V 626 - N° du dossier 23813 - Représentant : Me Marion LAMBERT-BARRET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0030

Madame Colette D... épouse C...

née le [...] à CAHORS (46)

de nationalité Française

[...]

Autre(s) qualité(s) : Appelant dans 17/07284 (Fond)

Représentant : Me Mélina Y..., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : V 626 - N° du dossier 23813 - Représentant : Me Marion LAMBERT-BARRET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0030

SARL J P F INVEST

N° SIRET : 403 28 0 2 82

[...]

Autre(s) qualité(s) : Appelant dans 17/07284 (Fond)

Représentant : Me Mélina Y..., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : V 626 - N° du dossier 23813 - Représentant : Me Marion LAMBERT-BARRET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0030

APPELANTS

****************

SA PROFINA et ayant un établissement secondaire au [...].

N° SIRET : B 3 93 994 074

[...]

Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 17/07284 (Fond)

Représentant : Me Stéphanie Z..., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 143

Représentant : Me Sébastien DUFAY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0265 -

Société E... G... ASSURANCES MUTUELLES venant aux droits de la société COVEA RISKS

[...]

Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 17/07284 (Fond)

Représentant : Me Mélina Y..., intervenant en qualité d'administrateur provisoire du cabinet Me A... Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : V 626 - N° du dossier 17000342

Représentant : Me Philippe H... VALSAMIDIS AMSALLEM JONATH FLAICHER et ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J010 - substituée par Me F...

SA E... G... venant aux droits de la société COVEA RISKS

[...]

Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 17/07284 (Fond)

Représentant : Me Mélina Y..., intervenant en qualité d'administrateur provisoire du cabinet Me A... Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : V 626 - N° du dossier 17000342

Représentant : Me Philippe H... VALSAMIDIS AMSALLEM JONATH FLAICHER et ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J010 - substituée par Me F...

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Septembre 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Thérèse ANDRIEU, Présidente,

Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,

Mme Véronique MULLER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,

FAITS :

La société Profina, qui a pour activité la réalisation pour le compte d'autrui d'investissements industriels dans les départements d'outremer entrant dans le cadre de la réduction d'impôt de l'article 199 undecies B du code général des impôts, a constitué la société en nom collectif Sirius 22 ('Snc') laquelle, gérée par la société Cofag, filiale de la société Profina, a payé le 12 avril 2007 à la société Car import l'acquisition de deux pelles hydrauliques sur chenilles Komatsu devant être louées à la société Tachi Baka pour l'exploitation du minerai d'or, le tout valorisé pour 282000 euros.

Sur présentation d'un dossier de défiscalisation de la société Profina, M. Jean-Pierre C... et son épouse ont acquis le 25 avril 2007 par le truchement de leur société à responsabilité limitée JPF Invest, 417 parts sociales de la Snc au prix de 72877 euros correspondant au montant de réduction d'impôt, tandis que le 3 mai 2007, M. Laurent X... et son épouse ont acquis 583 parts de la Snc au prix de 101888 euros correspondant au montant de réduction d'impôt.

Après que l'administration fiscale a établi que les pelles hydrauliques n'avaient pas été achetées par le gérant de la société Car import, ni par conséquent été données à la location à la société Tachi Bakka, M. Jean-Pierre C... et son épouse ainsi que M. Laurent X... et son épouse (les investisseurs) se sont vus proposer une rectification des réductions d'impôt imputées sur leurs revenus personnels de 2007 de 85337 euros pour les premiers, et de 119556 euros pour les seconds.

Alors que la Snc représentant les investisseurs a déposé plainte devant le procureur de la République de Fort de France puis s'est constituée partie civile le 18 juin 2012 devant le juge d'instruction saisi des chefs d'escroquerie, de faux et usage de faux en relation avec les opérations de vente et de location des engins, les investisseurs ont acquitté les sommes réclamées par l'administration fiscale puis ils ont assigné les 6 et 8 juin 2012 la société Profina ainsi que son assureur, la société Covea Risks, devant le tribunal de commerce de Nanterre aux fins de voir engager la responsabilité de la première et la garantie de la seconde pour le paiement des sommes de 191556 euros pour les époux X... et la société JPF Invest, et de 85336 euros pour les époux C....

La sociétés Profina et son assureur ont opposé une demande de sursis à statuer puis ont contesté, la première, sa responsabilité, la seconde, sa garantie.

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Vu le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 28 juillet 2017 qui a:

- dit que les sociétés E... ont la qualité de parties à l'instance comme successeurs dans les droits et obligations de la société Covea Risks,

- dit recevable mais mal fondée la demande de maintien du sursis à statuer soulevée par les société E...,

- ordonné la remise au rôle de l'instance,

- dit que la société anonyme Profina n'a pas commis de faute susceptible d'engager sa responsabilité à l'égard de MM. X... et C..., et de la société JPF Invest,

- débouté MM. X... et C..., et la société JPF Invest de toutes leurs demandes à l'encontre de la société anonyme Profina et des assureurs E...,

- dit n'y avoir à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement,

- condamné in solidum MM. X... et C..., et la société JPF Invest aux dépens de l'instance.

Vu l'appel interjeté le 11 octobre 2017 MM. Laurent et Emmanuelle X... et Jean-Pierre et Colette C... et la société JPF Invest;

* *

Vu les conclusions notifiées par le RPVA le 1er juin 2018 pour MM. Laurent et Emmanuelle X... et Jean-Pierre et Colette C... et la société JPF Investaux fins de voir, au visa des articles 1147 et 1149 ancien du code civil, 1103 et 1231-1 et 1231-2 du code civil et L.124-3 du code des assurances:

-infirmer le jugement,

- constater que la société Profina a commis des négligences et erreurs dans le cadre de son activité concernant les investissements faits dans la Snc en s'abstenant de s'assurer de la réalité de l'acquisition et de la mise en location des matériels objets de l'investissement, pendant plus de trois ans,

- constater que les manquements de la société Profina ont eu pour conséquence la notification de la reprise des réductions fiscales par l'administration fiscale, matérialisée par la mise en recouvrement d'une somme de 119556 euros à la charge de M. et Mme X... et d'une somme de 85336 euros à la charge de M. et Mme C...,

en conséquence,

- dire que la société Profina a engagé sa responsabilité civile professionnelle vis-à-vis de MM. X... et C... et de la société JPF Invest, ouvrant droit au profit de ceux-ci à réparation de leur préjudice,

- condamner solidairement la société Profina et les sociétés E..., venant aux droits de la société Covea Risks à payer aux époux X... la somme de 119556 euros, la solidarité jouant sous réserve de la franchise prévue par le contrat d'assurance,

- condamner solidairement la société Profina et les sociétés E..., venant aux droits de la société Covea Risks, à payer aux époux C... et à la société JPF Invest, la somme de 85336 euros, la solidarité jouant sous réserve de la franchise prévue par le contrat d'assurance,

- condamner solidairement la société Profina et les sociétés E... à payer à MM. X... et C... et à la société JPF Invest la somme de 12000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement la société Profina et les sociétés E... aux entiers dépens, dont le montant sera recouvré par Maître Y... conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile;

* *

Vu les conclusions transmises par le RPVA le 18 juin 2018 pour la société Profina en vue de voir:

- recevoir la société Profina en son argumentation et ses prétentions,

- confirmer le jugement dans toutes ses dispositions,

- dire que la société Profina n'a commis aucune faute engageant sa responsabilité à l'égard des investisseurs associés de la Snc,

dans l'hypothèse où la responsabilité de Profina serait retenue et qu'elle se trouverait condamnée au profit des demandeurs,

- condamner solidairement les sociétés E... à garantir la société Profina de l'intégralité des suites de la présente action, et à ce titre de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, de telle sorte qu'elles ne subissent la moindre conséquence contraire à leurs intérêts du jugement à intervenir,

- dire que le montant de la franchise de 22000 euros doit être déduite du montant de l'indemnisation mise à la charge des sociétés E... ne peut s'imputer qu'après avoir été recalculée au prorata des parts détenues par chaque demandeur dans le capital de Sirius 22, et non sur chaque demande formée par ces associés dans le présent contentieux,

- débouter les époux X..., I... et la société JPF Invest et les sociétés E... de toutes prétentions à venir dirigées contre la société Profina,

- condamner celle des parties qui succombera dans ses prétentions, à payer la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

* *

Vu les conclusions transmises par le RPVA le 19 juin 2018 pour les sociétés E... G... et E... G... assurances mutuelles, en vue de voir, au visa de l'article 1231-1 du code civil :

à titre principal, sur l'absence de bien fondé des demandes des investisseurs

- constater que la société Profina n'a commis aucune faute à l'égard des investisseurs,

- constater que le préjudice des investisseurs n'est pas établi,

- constater que la garantie de responsabilité civile au titre du contrat d'assurance souscrit par Profina auprès des sociétés E... ne s'applique pas,

- rejeter l'intégralité des demandes formées à rencontre des sociétés E...,

- confirmer le jugement,

à titre subsidiaire, sur la garantie de responsabilité civile professionnelle,

- juger que toute garantie de responsabilité civile au titre du contrat d'assurance souscrit par Profina auprès des sociétés E... serait exclue, dans le cas où la cour devait relever une faute intentionnelle ou dolosive de la société ou un manquement à une obligation de résultat de la société Profina,

- juger que les sociétés E... assurent la responsabilité civile professionnelle de la société Profina dans la limite globale de la somme de 2000000 euros dans le cadre du sinistre résultant de la souscription à l'opération Sirisus 22 qu'elle a montée et ce après déduction du montant des règlements qui auraient pu être effectués par les sociétés E... au titre des autres réclamations répondant du même sinistre, au sens contractuel, intervenues au jour de ladite condamnation,

- constater qu'une franchise d'un montant de 22000 euros par sinistre est stipulée dans le contrat d'assurance souscrit par la société Profina au profit de la société Covea Risks aux droits de laquelle viennent les sociétés E... et que cette franchise s'applique par sinistre,

en tout état de cause,

- condamner les époux X..., C... et la société JPF Invest à payer la somme de 15000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les époux X..., C... et la société JPF Invest aux entiers dépens de l'instance.

* *

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR,

1. Sur la responsabilité du moteur de l'opération de défiscalisation

Considérant que pour confirmer le jugement qui a écarté la responsabilité de la société Profina, cette dernière prétend, avec ses assureurs, d'une première part, qu'elle a satisfait à ses obligations d'information de monteur d'opérations de défiscalisation consistant dans la constitution de la Snc, dans la recherche des matériels, de leur vendeurs et de leurs loueurs ainsi que dans l'intégration des investisseurs au capital de la Snc;

Que la société Car import a régulièrement adressé à la Snc une facture détaillée pour l'acquisition des machines tandis que la société Tachi Bakka a expressément attesté dans un procès verbal la réception de ceux-ci et qu'en outre, les contrats de vente et de location ont été signés par la société Cofag, représentant la Snc, et non pas par la société Profina;

Que la société Profina n'était ni tenue à une obligation de résultat dans l'opération d'investissementni tenue de répondre du risque général de manoeuvres à la suite desquelles l'investissement n'a pu se matérialiser et sur lequel elle ne pouvait, par nature, délivrer aucune information ni par conséquent être tenueresponsable;

Qu'enfin, aucun lien de causalité ne peut être établi entre les prétendus manquements et la perte du bénéfice du crédit d'impôt;

Mais considérant, en droit, qu'aux termes de l'article L.541-1I4° du code monétaire et financier, sont assimilées à des conseillers en investissements financiers les personnes exerçant à titre de profession habituelle le conseil portant sur la réalisation d'opérations sur biens divers définis à l'article L.550-1I. 1er; qu'il résulte de l'article L. 533-12 du même code applicable à tous les prestataires de services d'investissement que, I. toutes les informations, y compris les communications à caractère promotionnel, adressées par un prestataire de services d'investissement à des clients présentent un contenu exact, clair et non trompeur. Les communications à caractère promotionnel sont clairement identifiables en tant que telles ; que II. les prestataires de services d'investissement communiquent à leurs clients les informations leur permettant raisonnablement de comprendre la nature du service d'investissement et du type spécifique d'instrument financier proposé ainsi que les risques y afférant, afin que les clients soient en mesure de prendre leurs décisions d'investissement en connaissance de cause;

Qu'en application de l'article 199 undecies B du code général des impôts, en vigueur au moment de la souscription des parts de la Snc, la possibilité pour les contribuables domiciliés [...] de bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu, à raison des investissements productifs neufs réalisés dans les départements d'outre-mer dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité industrielle, ne pouvait être exercée avant que l'entreprise ne dispose matériellement de l'investissement productif et ne puisse commencer sa location effective ;

Considérant, en fait, et en premier lieu, que la société Profina, en indiquant dans son dossier commercial communiqué aux investisseurs pour la souscription des parts sociales de la Snc dans la perspective du crédit d'impôt, être spécialisée dans l'activité de 'la vente de produits de défiscalisation dans le cadre de la loi Girardin', 'commercialiser pour plusieurs dizaines de millions d'euros chaque année et gérer 1000 sociétés en nom collectif regroupant environ 6000 contrats de location pour des matériels industriels dans les départements d'outremer', et en assurant ensuite par le biais de sa filiale Cofag, 'un suivi très strict des investissements', il se déduit que la personnalité juridique de la Snc ne déliait, ni la société Profina des obligations qu'elle tenait de sa qualité de conseil en investissement financier, ou assimilé, et de répondre de celles dérivées des investissements dont elle a personnellement doté la Snc, ni la société Cofag dans son obligation de suivre les investissementspour la défiscalisation dont la Snc était l'objet;

Considérant, en second lieu, qu'il est constant que la société Profina a passé par le truchement de sa filiale Cofag les conventions pour l'achat des matériels, avec pour seul objet de faire bénéficier à la Snc la réduction d'impôt précitée, ce dont il se déduit la preuve que la société Profina n'a recherché aucune garantie sur l'effectivité de ces investissements avant qu'elle ne cède les parts de la Snc, de simples factures et attestations de livraison ne pouvant tenir lieu de preuves sérieuses pour cette garantie, ni davantage par la société Cofag pendant la durée de cinq ans à laquelle était subordonné le bénéfice du crédit d'impôt, alors qu'elle était tenue de contrôler la réalité de cet investissement;

Que par ces motifs, le jugement sera infirmé en ce qu'il a écarté la responsabilité de la société Profina qui doit être retenue.

2. Sur le préjudice indemnisable

Considérant que pour s'opposer à la réparation des préjudices réclamée par les investisseurs, la société Profina et ses assureurs prétendent, d'une part, que ceux-ci ne sont pas 'indemnisables, alors que le principal d'un impôt ne constitue pas un préjudice et que la réparation ne peut avoir pour objet de procurer une situation meilleure à la prétendue victime; que les investisseurs ne font pas la preuve que, s'ils avaient été dûment informés, ils auraient alors renoncé à l'opération financière, et qu'enfin, ils n'établissent pas non plus qu'ils auraient pu se soustraire au paiement des impôts sur le revenu sur les sommes déduites, équivalent au montant du redressement fiscal ;

Que de seconde part, ils estiment que le préjudice ne peut consister que dans une perte de chance qui ne peut être égale qu'à l'avantage qu'elle aurait procuré si elle s'était réalisée et dont l'appréciation appartient au juge;

Mais considérant que les demandes des investisseurs ont pour objet la réduction de l'impôt correspondant aux investissements dont ils ont été privés en raison des manquements de la société Profina et de sa filiale Cofag, et non la base de leurs revenus soumis à l'impôt;

Considérant néanmoins, qu'il se déduit des manquements à l'information et au conseil retenus dans les motifs adoptés ci-dessus, la preuve que les investisseurs ont été trompés sur la réalité des achats et des locations des matériels et à laquelle était subordonné le bénéfice de la réduction d'impôt, ainsi que par conséquent, dans l'appréciation qu'ils devaient pouvoir faire entre la date à laquelle ils apportaient leur concours à l'investissement et celle à laquelle ils pouvaient déclarer le crédit d'impôt que la loi leur garantissait ; qu'à défaut d'avoir suppléé cette carence dans l'information par la recherche des renseignements utiles et au suivi de l'opération sur la durée de la défiscalisation, ainsi que cela est aussi retenu ci -dessus, il est établi les preuves d'un lien direct et de la perte certaine entre les manquements et la rectification fiscale qui en est résultée, de sorte qu'il convient de condamner la société Profina à payer aux époux X..., la somme de 119 556 euros, et aux époux C... et à la société JPF Invest, la somme de 85 336 euros.

3. Sur la garantie des assureurs et l'application de la franchise

Considérant que pour dénier leur garantie, les assureurs se prévalent des stipulations de la police d'assurance selon lesquelles 'sont exclusifs de toute assurance les sinistres résultant, d'une part, de la faute intentionnelle ou dolosive de la société Profina' ainsi que celles d'après lesquelles sont exclues de la garantie les 'réclamations et dommages découlant d'une obligation de résultat ou de performance commerciale, des produits ou services rendus, sur laquelle l'assuré se serait engagé expressément' ;

Mais considérant qu'aux termes de la police d'assurance, il est convenu que sont '[garanties] les conséquences pécuniaires de la Responsabilité Civile que l'Assuré peut encourir en raison notamment des négligences, inexactitudes, erreurs de fait, de droit, retards, omissions, commis par lui, ses membres, ses agents, les préposés salariés ou non dans l'exercice de leurs activités normales et plus généralement par tous actes dommageables';

Qu'il ne résulte d'aucun document contractuel la preuve que la société Profina se soit expressément engagée à garantir le résultat de l'investissement à l'égard des investisseurs; qu'il ne résulte pas davantage des motifs adoptés au paragraphe 2 ci-dessus, la preuve que la responsabilité de la société Profina a été retenue pour l'une ou l'autre des causes exonératoires de garantie invoquées par les assureurs;

Que les assureurs sont en conséquence tenus de garantir la société Profina de ses condamnations au paiement des investisseurs;

Considérant que les assureurs prétendent appliquer au montant des condamnations garanties pour les investisseurs la franchise de 22000 euros stipulée à la police d'assurance;

Mais considérant que l'article XII du contrat d'assurance définit le sinistre comme 'tout dommage ou ensemble de dommages causé à autrui, engageant la responsabilité de l'assuré, résultant d'un fait dommageable et ayant donné lieu à une ou plusieurs réclamations. Le fait dommageable est celui qui constitue la cause génératrice du dommage. Un ensemble de faits dommageables ayant la même cause technique est assimilée à un fait dommageable';

Que cette définition n'intègre pas au fait dommageable, le partage de la valeur de l'investissement selon la répartition des parts sociales détenues dans la Snc et ne déroge pas à la détermination de la franchise par sinistre fixée au point C c) du contrat à 22 000 euros dont la cause réside pour chaque 'opération fiscale supérieure à 100001 euros', de sorte qu'il convient de rejeter la demande;

Considérant enfin que la société Profina ne conteste pas l'application du plafond de garantie de 2000000 d'euros stipulée à son contrat d'assurance, de sorte qu'il assortira la garantie due par les assureurs.

4. Sur les frais irrépétibles et les dépens

Considérant que la société Profina et ses assureurs succombent à l'action en sorte qu'il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a statué sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, que statuant à nouveau y compris en cause d'appel, il est équitable de les condamner à verser au titre des frais irrépétibles, la somme de 3000 euros, d'une part, aux époux X..., et d'autre part, aux époux C... et à la société JPF Invest, ainsi qu'au paiement des dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

Contradictoirement,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit que la société Profina a manqué à son obligation de conseil, d'information et de suivi des investissements;

Condamne in solidum la société Profina et les sociétés E... G... et E... G... assurances mutuellesà payer, en franchise de garantie pour la société Profina:

- aux époux X... la somme de 119 556 euros,

- aux époux C... et à la société JPF Invest, la somme de 85 336 euros,

Condamne in solidum la société Profina et les sociétés E... G... et E... G... assurances mutuellesaux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés en application de l'article 699 du code de procédure civile;

Condamne in solidum la société Profina et les sociétés E... G... et E... G... assurances mutuelles à payer au titre des frais irrépétibles la somme de 3000 euros aux époux X... et aux époux C... et à leur société JPF Invest;

Déboute les parties de leurs demandes contrairesou plus amples ;

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Madame Thérèse ANDRIEU, Présidente et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 17/07252
Date de la décision : 16/10/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 12, arrêt n°17/07252 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-16;17.07252 ?
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