La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/10/2018 | FRANCE | N°17/03354

France | France, Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 11 octobre 2018, 17/03354


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 57B



3e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 11 OCTOBRE 2018



N° RG 17/03354

N° Portalis DBV3-V-B7B-RQJ5



AFFAIRE :



SA MMA IARD venant aux droits de la Société COVEA RISKS,

...



C/



Marcel X...









Décisions déférées à la cour: Jugement rendu le 10 Mars 2017 rectifié le 21 avril 2017 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE>
N° Chambre : 6

N° RG : 15/12745

N° RG : 17/4010



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :





à :

Me Pierre Y...

Me Rémi Z...





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE ONZE OCTOBRE DEUX MILLE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 57B

3e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 11 OCTOBRE 2018

N° RG 17/03354

N° Portalis DBV3-V-B7B-RQJ5

AFFAIRE :

SA MMA IARD venant aux droits de la Société COVEA RISKS,

...

C/

Marcel X...

Décisions déférées à la cour: Jugement rendu le 10 Mars 2017 rectifié le 21 avril 2017 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 6

N° RG : 15/12745

N° RG : 17/4010

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Pierre Y...

Me Rémi Z...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE OCTOBRE DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:

1/ SA MMA IARD venant aux droits de la Société COVEA RISKS N° SIRET : 440 048 882

[...]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

2/ SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES venant aux droits de la Société COVEA RISKS

[...]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Pierre Y..., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 623 - N° du dossier 17000145

Représentant : Me Guillaume REGNAULT de la SCP RAFFIN & Associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

APPELANTES

****************

Monsieur Marcel X...

né le [...] à Féchain

de nationalité Française

[...]

Représentant : Me Rémi BAROUSSE de la SELAS TISIAS, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2156

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 Juillet 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique BOISSELET, Président, et Madame Françoise BAZET, Conseiller chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique BOISSELET, Président,

Madame Françoise BAZET, Conseiller,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Maguelone PELLETERET,

FAITS ET PROCEDURE

Le 24 mai 2011, M. X... a souscrit à un produit de défiscalisation portant sur des investissement en outre-mer, en application des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts issu de la loi de programme pour l'outre-mer n° 2°°3-660 du 21 juillet 2003, dite 'Girardin industriel'.

Ces investissements consistaient, par le biais de sociétés en nom collectif, à procéder à l'acquisition de matériels productifs neufs en vue de leur location aux entreprises exploitantes locales dans les DOM-TOM, et permettant une réduction d'impôt, proportionnelle au montant des souscriptions et imputable sur l'impôt dû au titre de l'année de réalisation de l'investissement, ou pouvant être reportée sur cinq ans. L'investisseur était tenu de conserver ses parts pendant cinq ans, à l'issue desquels l'exploitant des matériels s'engageait à les racheter à un prix déterminé, tenant compte d'une rétrocession partielle de l'avantage fiscal obtenu.

En vue de procéder à l'investissement suggéré, M. X... a versé à la société Gesdom la somme de 7 488 euros, outre 330 euros de frais de dossier. L'attestation fiscale permettant la réduction d'impôts escomptée sur ses revenus de l'année 2011 ne lui a jamais été remise, la société Gesdom exposant en premier lieu que l'administration fiscale avait remis en cause les réductions d'impôts des montages des années précédentes faute de mise en service du matériel avant le 31 décembre de l'année concernée et, en second lieu, que l'éligibilité des stations autonomes d'éclairage à la réduction fiscale était également remise en cause.

Estimant avoir subi un préjudice du fait de la société Gesdom, M. X... a saisi, par acte du 8 octobre 2015, le tribunal de grande instance de Nanterre afin d'obtenir l'indemnisation de son préjudice financier et moral par la compagnie Covea Risks, assureur de cette société, aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles (les MMA).

Par jugement du 10 mars 2017, le tribunal de grande instance de Nanterre a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- reçu l'intervention volontaire des sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles,

- condamné les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à payer à M. X... la somme de 8 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel,

- dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

- condamné in solidum les sociétés défenderesses au paiement d'une indemnité de procédure de 4 000 euros,

- condamné les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles aux dépens,

- rejeté toutes demandes plus amples ou contraires.

Par jugement du 21 avril 2017, le tribunal a procédé à la rectification d'erreurs matérielles contenues dans le jugement du 10 mars 2017.

Par acte du 27 avril 2017, les MMA ont interjeté appel de ces jugements et demandent à la cour, par dernières écritures du 14 juin 2018, de :

- juger que l'assureur de responsabilité civile ne garantit pas les sommes dues en vertu d'un contrat et que sont exclues les conséquences de l'absence d'exécution de la prestation,

- juger que le contrat d'assurance de responsabilité souscrit par la CNCIF n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce,

- juger que les compagnies MMA exercent leur droit de ses défendre en justice et n'ont commis aucune faute de nature à engager leur responsabilité,

à titre subsidiaire,

- juger que les exclusions de garantie soulevées par MMA ont vocation à s'appliquer au cas d'espèce,

à titre plus subsidiaire,

- juger que les préjudices allégués par M. X... s'analysent en une demande de restitution des sommes versées et que la perte de chance alléguée n'est pas imputable à Gesdom,

en conséquence,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné MMA à garantir Gesdom et en ce qu'il a considéré que la police souscrite par la CNCIF avait vocation à être mobilisée,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande au titre du préjudice moral et considéré que ce litige entrait dans le cadre d'un sinistre sériel,

- débouter M. X... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre des sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, venant aux droits de Covea Risks,

- condamner M. X... à leur payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,

à titre infiniment subsidiaire,

- juger que ce litige s'inscrit dans le cadre d'un sinistre sériel,

- tenir compte du plafond de garantie de 4 000 euros,

- juger que le plafond de garantie prévu dans le contrat souscrit par la CNCIF ne se cumule pas avec le précédent, si la cour retenait cette garantie,

- juger que la franchise de 20 000 euros doit être déduite du montant global des sommes payées au titre du sinistre sériel,

- désigner la Caisse des Dépôts et Consignations comme séquestre avec pour mission de conserver les fonds dans l'attente des décisions définitives tranchant les différentes réclamations formées à l'encontre de la société Gesdom concernant le même sinistre et pour, le cas échéant, procéder à une répartition au marc le franc des fonds séquestrés,

à titre très infiniment subsidiaire,

- juger que la franchise de 20 000 euros sera déduite de la condamnation prononcée au profit de M. X... si la cour ne retient pas une globalisation des sinistres,

- faire application, dans les mêmes conditions, des limitations de garantie concernant le contrat souscrit par la CNCIF (plafond de 3 000 0000 euros et franchise de 15 000 euros) si la cour retenait cette garantie.

Dans ses conclusions signifiées le 4 juin 2018, M. X... demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit qu'il dispose d'une créance de responsabilité à l'encontre de la société Gesdom,

- le réformer en ce qui concerne les préjudices et, statuant à nouveau,

- fixer les préjudices subis de la manière suivante :

pour le préjudice matériel 9 120 euros

pour le préjudice immatériel1 500 euros

- le confirmer en ce qu'il a condamné les sociétés MMA à garantir la responsabilité civile de la société Gesdom au titre de la police n° 112 788 909 et de la police n° 114 247 742,

- le confirmer en ce qu'il a dit qu'aucune franchise individuelle ne doit s'appliquer à M. X... s'agissant d'un sinistre sériel,

- condamner, en conséquence, solidairement les sociétés MMA à lui payer à titre d'indemnité, les sommes suivantes :

pour le préjudice matériel 9 120 euros

pour le préjudice immatériel 1 500 euros

avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation, soit le 8 octobre 2015, et capitalisation des intérêts par année entière ;

- le réformer en ce qu'il a dit que le plafond de 3 000 000 d'euros de la police n° 112 788 909 s'applique au sinistre et, statuant à nouveau,

- dire que la police n° 112 788 909 ne contient aucun plafond ou, à défaut, que les plafonds des deux polices n° 112 788 909 et n° 114 247 742 doivent se cumuler,

- rejeter la demande de séquestre, et, à titre subsidiaire, dire que les intérêts de la somme séquestrée profiteront à M. X...,

- condamner in solidum les sociétés à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- condamner in solidum les mêmes à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens avec recouvrement direct.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions notifiées aux dates mentionnées ci-dessus, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 21 juin 2018.

SUR QUOI, LA COUR

Le tribunal a jugé que Gesdom était chargée de l'audit et de la sélection de l'opération ainsi que de sa distribution en métropole, qu'il lui appartenait de s'assurer de la solidité du montage juridique qu'elle distribuait et donc de vérifier que la condition essentielle à l'avantage fiscal était présumée acquise, c'est-à-dire que le choix d'une SAE alimentées par l'énergie radiative du soleil était judicieux, avant de proposer cet investissement à M. X.... Le tribunal a retenu qu'aucune pièce pertinente de nature à établir que Gesdom avait exécuté ses obligations n'était versée aux débats et en a conclu qu'elle avait manqué à ses obligations contractuelles, engageant ainsi sa responsabilité.

Les premiers juges ont défini le préjudice subi par M. X... comme incluant la perte de la majeure partie de sa souscription voire de sa totalité outre les frais de dossier et la commission et retenu que M. X... avait également perdu une chance d'obtenir une réduction d'impôt, présentée par Gesdom comme certaine et sans risque.

Le tribunal a ensuite jugé que les sociétés MMA étaient tenues à garantie en exécution du contrat d'assurance n° 112 788 909 souscrit par la chambre des indépendants du patrimoine ainsi qu'au titre de la police n° 114 247 742 souscrite par Gesdom. Il a rejeté les clauses d'exclusion de garantie communes aux deux polices et opposées par les assureurs, relatives à l'obligation de performance fiscale, aux conséquences du retard dans l'exécution de la prestation et celles liées au caractère intentionnel ou dolosif des fautes commises.

Les sociétés MMA reprochent aux premiers juges d'avoir analysé l'affaire qui leur était soumise à l'aune d'un contentieux antérieurement soumis à leur examen qui concernait un programme monté par la société Diane alors que ces deux contentieux concernent des intervenants différents sur des programmes distincts et soulèvent des questions de responsabilité et d'assurance différentes, dés lors que dans le cas du programme monté par la société Diane les investisseurs avaient obtenu une réduction fiscale avant de subir des redressements motivés par des absences de raccordement des installations photovoltaïques tandis que dans le cas présentement soumis à la cour, les investisseurs n'ont jamais pu bénéficier de déduction du fait de l'absence de remise par Gesdom de l'attestation fiscale.

Les MMA soutiennent que, de jurisprudence constante, l'objet de la garantie de responsabilité civile n'a pas pour effet de pallier le non-respect d'une obligation contractuelle par la société assurée et qu'au cas présent Gesdom n'a pas exécuté la prestation prévue au contrat, en contrepartie de laquelle elle avait perçu des fonds de la part de M. X... puisqu'elle ne lui a jamais remis l'attestation fiscale lui permettant de bénéficier d'une déduction. Les MMA rappellent à cet égard que seule la sanction prévue au bulletin d'adhésion devait donc s'appliquer, soit le remboursement du montant investi, ce qui ne s'analyse pas comme une dette de responsabilité civile.

Les appelantes font ensuite le reproche au tribunal de ne pas avoir fait application de la clause excluant la garantie concernant une obligation de performance fiscale alors que la réclamation de M. X... se fonde bien sur un manquement à cette obligation. Ils reprochent par ailleurs aux premiers juges d'avoir rejeté l'application des clauses excluant la garantie en cas de dol, de faute intentionnelle et d'absence d'aléa, affirmant à cet égard que le comportement de son assurée est à l'origine exclusive du sinistre puisque la réalisation du dommage était certaine dès la commercialisation du produit et sa vente à M. X....

M. X... réplique que Gesdom a manqué à son obligation d'assurer la sécurité juridique du montage et, par suite, à son obligation subsidiaire de rembourser l'investissement, en faisant une mauvaise interprétation de l'éligibilité du matériel financé au dispositif fiscal.

S'agissant de la police n° 112.788.909 souscrite par la CNCIF, M. X... affirme qu'elle est mobilisable puisque parmi les activités assurées figure "l' ingénierie financière", soit la mise en 'uvre de techniques financières permettant la réalisation de projets, et qu'il est donc fondé à invoquer cette police et celle souscrite par Gesdom. M. X... affirme que les assureurs ne peuvent lui opposer aucune exclusion de garantie prévues par l'une et l'autre de ces polices dés lors que :

- la clause portant sur l'absence d'exécution de la prestation ne peut être considérée comme valide faute de précision sur la prestation dont l'inexécution n'est pas garantie, que Gesdom a réalisé certaines prestations et qu'en tout état de cause l'investisseur ne réclame pas la réparation de l'absence d'exécution de la prestation mais les conséquences dommageables de l'erreur commise quant au caractère éligible du matériel financé.

- la clause excluant l'engagement de performance fiscale n'est pas formelle et suffisamment limitée et ce qui est contesté n'est pas le montant de la réduction d'impôt, mais l'inéligibilité au dispositif fiscal.

- la clause excluant la garantie en cas de faute intentionnelle ou dolosive ne peut trouver application puisque la simple conscience pour Gesdom de faire courir un risque à l'investisseur est insuffisante à caractériser une telle faute, Gesdom pouvant légitimement penser que les SAE étaient éligibles au dispositif et s'étant entourée des conseils nécessaires.

- la clause relative à l'absence d'aléa n'est pas davantage applicable puisque ce n'est que le 8 juillet 2015, date de la réponse de l'administration fiscale au rescrit qui lui avait été adressé, qu'il a pu être tenu pour certain que les SAE étaient, selon l'administration, inéligibles au dispositif en application de la loi de finance pour 2011.

* * *

- Sur les manquements allégués

Le dispositif de défiscalisation institué à l'article 199 undecies B du code général des impôts, connu sous le nom du dispositif "Loi Girardin Industriel", autorise les contribuables à bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des "investissements productifs neufs" réalisés dans les départements d'outre-mer, dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole, industrielle, commerciale ou artisanale, à charge pour l'investisseur de souscrire au capital de différentes sociétés transparentes fiscalement, investissant dans des matériels industriels, installés et exploités Outre Mer. Les investisseurs sont regroupés dans des sociétés de portage, le plus souvent des SNC, qui acquièrent des biens grâce à des prêts bancaires, donnés à bail à des entreprises locales. Les loyers qu'elles versent servent à rembourser les emprunts. Les investisseurs conservent les parts de SNC durant cinq ans et à l'issue de cette période, l'exploitant des matériels les rachète au prix d'un euro. Les investisseurs perdent le capital investi mais bénéficient, dès l'année de souscription, d'une réduction d'impôt.

Il ne saurait donc être contesté qu'en investissant dans le programme qui lui était présenté, M. X... recherchait un avantage fiscal.

La loi 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour l'année 2011 a modifié l'article 199 undecies B du code général des impôts précité, en excluant de la défiscalisation les investissements portant sur des installations de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil qui étaient jusqu'alors proposés aux investisseurs.

La société Gesdom a alors proposé à des épargnants d'investir dans des stations autonomes d'éclairage (SAE) alimentées par des panneaux photovoltaïques.

Le 7 mai 2012, Gesdom informait M. X... qu'elle ne pouvait lui délivrer l'attestation fiscale au titre de l'année 2011, préférant reporter, "par prudence", le bénéfice de cette réduction pour l'année 2012, exposant qu'à la fin de l'année 2011 l'administration fiscale avait pour la première fois et de manière massive remis en cause les réductions d'impôt dont avaient bénéficié jusqu'alors les investisseurs, en considérant que l'année de rattachement de cette réduction devait s'entendre de la mise en service effective des matériels et non de la date de leur livraison. Gesdom a confirmé cette information le 20 juin 2012. Elle a ultérieurement reconnu qu'en tout état de cause les SAE n'étaient pas éligibles au dispositif fiscal "Girardin Industriel".

Il ne saurait pourtant être tiré argument d'un revirement de l'administration fiscale quant aux conditions d'éligibilité de l'avantage fiscal. L'article 199 undeciesB se réfère en effet expressément aux "investissements productifs neufs" et l'Instruction du 30 janvier 2007 vient préciser "que l'année de réalisation de l'investissement s'entend de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée, c'est-à-dire achevée, par l'entreprise ou lui est livrée au sens de l'article 1604 du code civil, ou est mise à disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail".

Il n'est par ailleurs nullement démontré ni même allégué que la société assurée avait attiré l'attention de M. X... sur la possibilité que l'avantage fiscal recherché pouvait être remis en cause si la mise en production de l'installation n'était pas effective au 31 décembre de l'année concernée. Bien au contraire, cet avantage fiscal lui a été présenté comme certain. Aux termes de sa souscription au portefeuille de la société Gesdom, M. X... bénéficiait de l'engagement de Gesdom de lui reverser les montants abondés sans restriction ni autre condition que celle de la non réalisation de l'investissement au 31 décembre 2011.

Il est constant que c'est à fonds perdus que M. X... a versé le montant de sa souscription -soit la somme de 7 488 euros- dés lors qu'il n'a obtenu aucune réduction d'impôt.

La faute de la société Gesdom a donc consisté à ne pas fournir à M. X... un produit répondant aux conditions d'éligibilité au dispositif de défiscalisation présenté pour ses revenus 2011. C'est donc à raison que le tribunal a jugé que Gesdom a engagé sa responsabilité, la cour observant que les appelantes ne contestent pas cette appréciation, réservant leurs observations à la mise en oeuvre de leurs garanties et leur étendue.

- Sur les garanties

Sur le fondement de l'article L.124-3 du code des assurances, M. X... est fondé à engager l'action directe contre les sociétés MMA IARD et MMA Assurances Mutuelles, venant aux droits de la société Covea Risks, assureur de la société Gesdom.

La CNCIF a souscrit, une police d'assurance n° 112.788.909 à effet du 1er janvier 2008 auprès de la société Covea Risks. C'est par de justes motifs que la cour adopte que le tribunal a jugé que cette police avait vocation à s'appliquer, étant relevé que la société Gesdom avait la qualité de conseiller en investissements financiers. La cour observe, qu'ainsi que le souligne l'intimé et ce que ne contestent pas les appelantes, la première page des conditions générales de la police n° 112 788 909 mentionne pour le calcul de la prime due par le membre de la CNCIF "les Opérations Industrielles et Immobilières de Défiscalisation dans les DOM-TOM" et que s'agissant des franchises il y est indiqué que la " franchise RCP est portée à 15.000 euros pour les opérations industrielles et immobilières de défiscalisation dans les DOM-TOM".

M. X... est donc fondé à invoquer la mise en oeuvre de police d'assurance n° 112.788.909 souscrite par la CNIF et celle souscrite par Gesdom sous le numéro n° 114 247 742.

Le chapitre 2 de la police souscrite par Gesdom, dans son chapitre 2 A relatif aux garanties, prévoit que " le présent contrat garantit les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que l'assuré peut encourir en raison notamment des négligences, inexactitudes, erreurs de faits, de droit, omission commis par lui, ses membres, ses agents, les préposés salariés ou non dans l'exercice de leurs activités normales et plus généralement par tout acte dommageable".

Il est constant que M. X... ne sollicite pas des assureurs l'exécution de la prestation attendue mais des dommages et intérêts résultant des manquements de Gesdom à ses obligations contractuelles, le préjudice résidant dans la disparition des fonds investis et dans la perte de la chance de pouvoir bénéficier d'une déduction fiscale.

En application de l'article L 112-6 du code des assurances, l'assureur peut opposer au tiers qui invoque le bénéfice de la police les exceptions opposables au souscripteur originaire.

Il résulte de l'article L. 113-1 du code des assurances qu'une exclusion de garantie ne peut qu'être formelle et limitée et ne saurait aboutir, sans retirer son objet au contrat d'assurance, à annuler dans sa totalité la garantie stipulée.

Les deux polices d'assurances excluent notamment "les dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré", cette faute étant de nature à faire disparaître l'aléa qui est de l'essence même du contrat d'assurance. Cette clause est formelle, limitée et ne vide aucunement la garantie de sa substance.

Il est constant que l'article 36-1 de la loi de finance pour l'année 2011 du 29 décembre 2010 a exclu du champ d'application de la loi dite "Girardin" les investissements portant "sur les installations de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil". Or, les SAE produisent de l'électricité au moyen de panneaux photovoltaïques soit par l'énergie radiative du soleil.

Il est certain que tous les professionnels du secteur ne pouvaient qu'en conclure à l'inéligibilité à la défiscalisation des SAE et ne pouvaient faire valoir aux investisseurs potentiels un avantage fiscal devenu manifestement exclu. A tout le moins, Gesdom devait-elle suspendre la commercialisation des produits concernés et interroger l'administration fiscale sur ce point, l'argument tiré du délai de réponse de l'administration fiscale étant à l'évidence inopérant au regard des enjeux et des risques que Gesdom faisait encourir aux investisseurs en poursuivant sa commercialisation.

Pour échapper à l'exclusion de garantie opposée par les assureurs, M. X... fait valoir, de façon assez singulière, que Gesdom pouvait "légitimement penser que les SAE étaient éligibles" et qu'il ne peut être considéré qu'elle a pris un risque délibéré "alors qu'elle s'est entourée des conseils nécessaires". Elle vise à cet égard la consultation sollicitée par Gesdom auprès du Cabinet Landwell, spécialisé en matière fiscale.

La cour observe que cette consultation daterait de septembre 2011, alors que la loi précitée était applicable depuis plus de 8 mois et que le produit de défiscalisation a été proposé à M. X... avant cette consultation. Cette consultation n'est pas versée aux débats par M. X..., les sociétés MMA s'y référant comme étant la pièce adverse n° 11 qui, à la lecture du bordereau de communication joint aux dernières conclusions, a été retirée des débats par l'intimé. La cour observe que les appelantes ne sont pas contredites par M. X... lorsqu'elles affirment que cette note n'est pas signée et ne serait, en septembre 2011, qu'un projet. Les appelantes versent par ailleurs aux débats une décision de la cour d'appel de Montpellier, du 21 novembre 2017, qui de surcroît donne à penser que la date réelle de la consultation est bien incertaine.

En tout état de cause, ce n'est qu'en avril 2013 que l'administration fiscale a enfin été interrogée sur ce point et qu'elle a répondu sans l'ombre d'une hésitation et sans surprise que l'exclusion définie par l'article 36 précité visait toutes les installations générant de l'électricité à partir du rayonnement solaire et que les SAE constituant des installations chargées de produire de l'électricité obtenue par conversion photovoltaïque de l'énergie solaire, elles étaient bien exclues du dispositif fiscal.

Il y a lieu de juger en conséquence qu'en vendant en 2011 ce produit de défiscalisation dont l'avantage fiscal n'était plus garanti, Gesdom a commis une faute dolosive exclusive de tout aléa, de telle sorte que les assureurs sont fondés à opposer à M. X... une exclusion de garantie dont les demandes seront rejetées.

Le jugement entrepris -rectifié le 21 avril 2017- sera en conséquence infirmé en toutes ses dispositions.

Pour des considérations tirées de l'équité, il n'y a pas lieu d'allouer aux appelantes une indemnisation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. X..., qui succombe, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement rendu le 10 mars 2017 et rectifié le 21 avril 2017 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Rejette les demandes formées par M. X...,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. X... aux dépens de première instance et d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 17/03354
Date de la décision : 11/10/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 03, arrêt n°17/03354 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-11;17.03354 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award