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11/10/2018 | FRANCE | N°17/02961

France | France, Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 11 octobre 2018, 17/02961


COUR D'APPEL


DE


VERSAILLES








Code nac : 50A





3e chambre





ARRET N°


DE DEFAUT





DU 11 OCTOBRE 2018





N° RG 17/02961


N° Portalis DBV3-V-B7B-RO3W





AFFAIRE :





Jean-Pierre X...


...





C/





SARL PROMOBAT


...








Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 05 Janvier 2017 par le Tribunal de Gra

nde Instance de NANTERRE


N° Chambre : 2


N° RG : 13/06279











Expéditions exécutoires


Expéditions


Copies


délivrées le :








à :


Me Pierre Y... de la SELARL MARS AVOCATS


Me Isabelle I... de la SCP COURTAIGNE AVOCATS


Me Julie J...


Me K... de la SELARL SILLARD CORDIER & ASSOCIÉS
...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 50A

3e chambre

ARRET N°

DE DEFAUT

DU 11 OCTOBRE 2018

N° RG 17/02961

N° Portalis DBV3-V-B7B-RO3W

AFFAIRE :

Jean-Pierre X...

...

C/

SARL PROMOBAT

...

Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 05 Janvier 2017 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 2

N° RG : 13/06279

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Pierre Y... de la SELARL MARS AVOCATS

Me Isabelle I... de la SCP COURTAIGNE AVOCATS

Me Julie J...

Me K... de la SELARL SILLARD CORDIER & ASSOCIÉS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE OCTOBRE DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:

1/ Monsieur Jean-Pierre X...

né le [...] à DIGNE

de nationalité Française

[...]

2/ Madame Kelly Z... épouse X...

née le [...] à INCE/ORREL (Grande Bretagne)

de nationalité Anglaise

[...]

Représentant : Me Pierre Y... de la SELARL MARS AVOCATS, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0713

APPELANTS

****************

1/ SARL PROMOBAT

N° SIRET : 410 048 755

[...]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

2/ SAS PROMOTION PICHET

N° SIRET : 415 235 514

20- [...]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

3/ SARL PICHET IMMOBILIER SERVICES anciennement dénommée SARL GESTIA

N° SIRET : 432 296 234

[...]

Représentant : Me Isabelle I... de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 - N° du dossier 019141

Représentant : La SCP LAYDEKER SAMMARCELLI, Plaidant, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMEES

4/ SARL FISCALI CONSEIL

prise en la personne de son représentant légal en exercice, bénéficiant d'un plan de continuation nommant la SCP A... n° 819 030 834 - [...] - en qualité de commissaire à l'exécution du plan suivant jugement rendu le 1er juin 2016 par le tribunal de commerce de Grasse

N° SIRET : 450 827 035

[...]

5/ SCP A...

N° SIRET : 819 030 834

[...]

prise en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan suivant jugement du 1er juin 2016 rendu par le tribunal de commerce de GRASSE

Représentant : Me Julie J... , Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 51 - N° du dossier 217445

Représentant : Me Philippe CAMINADE, Plaidant, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEES

6/ C... , es qualité de Mandataire judiciaire de la SOCIETE FISCALI CONSEIL ayant fait l'objet d'un jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire le 1er décembre 2014

[...]' Immeuble Delta Les Espaces de Sophia

[...]

INTIMEE- Assignée le 16 juin 2017 à étude d'huissier

7/ SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la SA BNP PARIBAS INVEST IMMO (fusion-absorption), elle-même venant aux droits de la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP

N° SIRET : 542 097 902

[...]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me K... de la SELARL SILLARD CORDIER & ASSOCIÉS, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C 189 - N° du dossier 1702931

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 Juillet 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique D..., Président chargé du rapport, et Madame Françoise BAZET, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique D..., Président,

Madame Françoise BAZET, Conseiller,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Maguelone PELLETERET,

-------

Le 15 juillet 2004 M. et Mme X... ont conclu avec la société Promobat, représentée par son mandataire, la société Fiscali Conseil, un contrat de réservation portant sur un appartement vendu en l'état futur d'achèvement sis à [...] (Gironde), lieu-dit «[...]», et éligible aux dispositions de la loi dite de E....

La vente a été signée le 22 octobre 2004, au prix de 76 530 euros.

Selon acte sous seing privé du 20 août 2004, M. et Mme X... ont obtenu parallèlement, de la société BNP Paribas Lease Group, un prêt immobilier de 76 530 euros en vue de financer cette acquisition.

L'immeuble a été livré courant 2005 et M. et Mme X... ont consenti un mandat de gestion locative, le 17 juin 2005, à la société Gestia devenue Pichet Immobilier Services.

Par actes des 30 avril et 3 mai 2013, M. et Mme X... ont assigné les sociétés Promobat, Groupe Eurobat devenue Pichet Promotion, Pichet Immobilier Services, Fiscali Conseil et BNP Paribas Lease Group devant le tribunal de grande instance de Nanterre en vue d'obtenir l'annulation des contrats de réservation, de vente, de prêt et de gestion locative et l'indemnisation de leur préjudice. M. et Mme X... ont également assigné en intervention forcée devant le même tribunal Maître Gilles F..., en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Fiscali Conseil. S'est jointe à la procédure la SCP A... , ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de redressement de Fiscali Conseil.

Par jugement du 5 janvier 2017, le tribunal de grande instance de Nanterre a :

- déclaré irrecevables comme prescrites les demandes tendant à la nullité des contrats,

- débouté M. et Mme X... de leurs demandes,

- rejeté les demandes reconventionnelles présentées par les sociétés défenderesses,

- condamné in solidum M. et Mme X... aux dépens et à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 500 euros aux sociétés Promobat, Pichet Promotion, Pichet Immobilier Services ensemble, la somme de 1 500 euros à la société Fiscali Conseil et la SCP A... ensemble, la somme de 1 500 euros à la société BNP Paribas Lease Group,

- ordonné l'exécution provisoire,

- rejeté le surplus des demandes.

Par acte du 11 avril 2017, M. et Mme X... ont interjeté appel et prient la cour, par dernières écritures du 25 octobre 2017, de :

- juger que l'action en nullité n'est pas prescrite, tant sur le fondement du dol que du code de la consommation,

à titre principal,

- prononcer, sur le fondement de la méconnaissance des dispositions du code de la consommation relatives au démarchage à domicile, la nullité du contrat préliminaire du 15 juillet 2004,

- prononcer la nullité de l'acte authentique du 22 octobre 2004,

- prononcer la nullité du contrat de prêt du 23 août 2004,

- prononcer la nullité du mandat de gestion locative du 17 juin 2005,

- prononcer la nullité du contrat d'assurance locative du 28 Mars 2012,

à titre subsidiaire,

- prononcer, au titre de la réticence dolosive des sociétés Promobat, Promotion Pichet et Fiscali, la nullité du contrat de vente, du contrat de prêt, du contrat de gestion locative, et du contrat d'assurance locative,

à titre plus subsidiaire,

- juger que les sociétés Promotion Pichet, Promobat et Fiscali Conseil (cette dernière représentée par les sociétés SCP A... et C...) ont manqué à leur devoir d'information et conseil,

- dire que l'établissement de crédit BNP Paribas Lease Group a manqué à son devoir de conseil et de mise en garde,

en tout état de cause,

- condamner les sociétés Promotion Pichet, Promobat et Fiscali Conseil à les indemniser du préjudice subi, à hauteur de 46 530 euros, correspondant à la différence entre la valeur d'achat et la valeur réelle du bien immobilier,

- condamner solidairement les sociétés Promotion Pichet, Promobat et la Fiscali Conseil à leur payer les sommes de :

au titre de la perte du bénéfice fiscal « E...», montant à actualiser au jour de la décision à intervenir 6 978,00 euros

au titre des taxes foncières versées depuis l'acquisition du bien, montant à actualiser au jour de la décision à intervenir 2 734,00 euros

au titre des charges de copropriété, montant à actualiser au jour de la décision à intervenir 4 127,06 euros

au titre de l'assurance d'habitation, montant à actualiser au jour de la décision à intervenir 965,00 euros

au titre des charges d'agence immobilière, montant à actualiser au jour de la décision à intervenir 1 500,00 euros

Les intérêts légaux sur l'intégralité des sommes versées, somme à réactualiser au jour de la décision à intervenir ;

- condamner solidairement les sociétés Promotion Pichet, Promobat, Fiscali Conseil et l'établissement de crédit BNP Paribas Lease Group à leur rembourser la somme de 57 501,34 euros, au titre des mensualités du prêt déjà versées, somme qui sera réactualisée à la date de la décision à intervenir et majorée des intérêts à compter du 22 novembre 2004, avec capitalisation des intérêts,

- prononcer la déchéance des intérêts du contrat de prêt du 24 août 2004 conclu avec l'établissement de crédit BNP Paribas Lease Group,

- dire que les sommes perçues par l'établissement de crédit BNP Paribas Lease Group au titre des intérêts depuis la souscription du prêt s'imputeront sur le capital restant dû,

- condamner solidairement les sociétés Promotion Pichet, Fiscali Conseil, Promobat, Pichet Promotion Services, la BNP Paribas Lease Group à leur payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- prononcer l'inscription d'une hypothèque judiciaire sur l'appartement,

- condamner solidairement les sociétés Promobat, Promotion Pichet, Gestia devenue Pichet Immobilier Services, BNP Paribas Lease Group, Fiscali Conseil, SCP A..., F... à leur payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec recouvrement direct.

Par dernières écritures du 20 juin 2018, les sociétés Promobat, Promotion Pichet et Pichet Immobilier Services (les sociétés Promobat Pichet), prient la cour de :

- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a déclaré M. et Mme X... irrecevables en leurs demandes de nullité,

- confirmer le jugement rendu en ce qu'il les a déboutés du surplus de leurs demandes,

- débouter la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société BNP Paribas Lease Group de ses demandes,

- condamner M. et Mme X... à leur payer une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens avec recouvrement direct.

Par dernières écritures du 10 septembre 2017, la société Fiscali Conseil et la société A... prient la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- juger prescrite l'action en nullité diligentée par M. et Mme X...,

- débouter M. et Mme X... de leur demande de nullité du contrat préliminaire et des actes subséquents,

- juger qu'aucune faute ne peut être reprochée à la société Fiscali Conseil dans l'hypothèse où la nullité sollicitée par les époux X... serait retenue, en l'absence de lien contractuel avec M. et Mme X...,

- en conséquence, rejeter toute demande indemnitaire formulée par tout autre intimé contre la société Fiscali Conseil,

- juger qu'aucun manquement à son obligation de conseil et d'information ne peut être reproché à la société Fiscali Conseil,

- juger qu'il n'existe aucun lien de causalité entre le manquement à son obligation de conseil et d'information reproché à la société Fiscali Conseil et le préjudice subi par M. et Mme X... , à savoir la perte de valeur de leur bien,

- en conséquence, débouter M. et Mme X... de leur demandes indemnitaires contre la société Fiscali Conseil,

- condamner tout succombant au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance avec recouvrement direct.

Par dernières écritures du 8 septembre 2017, la société BNP Paribas Personal Finance prie la cour de :

- Sur la demande de nullité des contrats

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et en conséquence,

- déclarer l'action prescrite,

subsidiairement,

- si la nullité du contrat de prêt était prononcée, condamner M. et Mme X... à lui restituer la somme de 76 530 euros, outre les intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

- dire que cette condamnation se compensera avec les sommes versées au titre du contrat de prêt par M. et Mme X...,

- dire que BNP Paribas Personal Finance ne procédera à la levée de l'inscription de privilège de prêteur de deniers qu'à réception de la totalité des fonds prêtés, soit 76 530 euros en principal, outre intérêts au taux légal,

- condamner in solidum les sociétés Promobat, Pichet Promotion, Fiscali Conseil, Pichet Immobilier Services, à lui payer la somme de 41 944,99 euros, correspondant à son préjudice financier, le tout avec intérêt au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

- Sur la demande de déchéance du droit aux intérêts, dire M. et Mme X... irrecevables,

- Sur les demandes de dommages et intérêts, dire M. et Mme X... irrecevables, et subsidiairement mal fondés,

à titre plus subsidiaire,

- condamner in solidum les sociétés Promobat, Pichet Promotion, Fiscali Conseil, Pichet Immobilier Services à la garantir de toutes condamnations,

- condamner in solidum M. et Mme X... à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé détaillé de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 21 juin 2018.

SUR QUOI, LA COUR

Après avoir rappelé que l'action en nullité d'une convention se prescrit par cinq ans, ainsi que prévu par l'article 1304 du code civil, et que les assignations ont été délivrées les 30 avril et 3 mai 2013, le tribunal a constaté que plus de cinq ans s'étaient écoulés depuis la signature du dernier contrat, mis à part celui de l'assurance du risque locatif, lequel découlait cependant directement du contrat de gestion locative. Rejetant la demande de M. et Mme X... tendant à reporter le point de départ de la prescription à la date à laquelle ils prétendaient avoir découvert la valeur réelle du bien, le tribunal a déclaré les actions en nullité des contrats irrecevables comme prescrites, y compris sur le fondement des dispositions du code de la consommation, lesquelles ouvrent un délai quinquennal à compter de la conclusion du contrat.

Déclarant au contraire recevables les demandes fondées sur un manquement à l'obligation de conseil, le tribunal a jugé que M. et Mme X... ne pouvaient tirer la preuve de ce manquement par la venderesse et le conseil en gestion de patrimoine, de la seule baisse de valeur du bien 8 ans après la conclusion des contrats, à la supposer établie, observant que le bien avait été loué avec une régularité certaine. En ce qui concerne BNP Paribas Lease Group, cette dernière s'est assurée de l'adaptation du prêt consenti à la situation financière de ses emprunteurs, et n'était pas tenue à une obligation particulière de mise en garde quant à l'opportunité de l'investissement qu'ils projetaient, alors que celui-ci n'était pas de façon évidente inapproprié à leur situation patrimoniale.

M. et Mme X... font valoir, sur la prescription de l'action en nullité, que l'opération leur a été présentée comme un 'pack' incluant l'acquisition du bien et les diverses prestations de service permettant d'en tirer un revenu, lesdits services étant prétendument gratuits, ce qui n'était pas le cas. La valeur du bien proprement dit leur a été fallacieusement dissimulée, et le point de départ de la prescription doit dès lors être fixé à la date de sa première évaluation. Ils ajoutent que la nullité prévue pour non respect du code de la consommation, et notamment des dispositions relatives au démarchage à domicile, est une nullité absolue, et est encourue à raison notamment de la confusion sur l'identité réelle du fournisseur, de l'absence de précision sur les services de recherche de financement, de gestion locative et de garantie de rachat, et de la non conformité du formulaire de rétractation, existant dans le contrat de réservation. Ce dernier étant nul, le contrat de vente, qui en est indissociable, l'est également, et le contrat de prêt est annulé de plein droit. En l'absence de tout droit de M. et Mme X... sur le bien, le contrat de gestion locative doit également être annulé, et les sociétés Promobat Pichet devront donc indemniser M. et Mme X... de la perte de l'avantage fiscal lié à la loi de E... .

Subsidiairement, ils exposent que les commissions touchées par chacune des structures intervenantes leur ont été cachées, ce qui constitue une réticence dolosive.

Plus subsidiairement, ils font valoir que l'opération leur a été présentée de manière fallacieuse pour leur faire miroiter une rentabilité imaginaire, alors que les commissions perçues par chacune des structures l'obéraient considérablement. Ainsi, la valeur réelle du bien leur a été dissimulée, et était en réalité bien moindre que le prix qu'ils ont payé, dans la croyance que les prestations annexes étaient gratuites. Ils ajoutent que les risques inhérents à ce type d'opération de défiscalisation ont été volontairement passés sous silence. Ils considèrent dès lors que leur est due la différence entre leur prix d'achat et la valeur réelle du bien, telle qu'elle résulte des attestations de valeur qu'ils produisent.

En ce qui concerne BNP Paribas Lease Group, cette banque n'a pas attiré leur attention sur l'aléa important de l'opération, notamment à raison des loyers impayés, et a même aggravé leur situation en assortissant son offre de prêt d'un taux variable qui accentuait encore le risque.

Les sociétés Promobat, Promotion Pichet et Pichet Immobilier Services font valoir que :

- l'action en nullité du contrat de réservation est prescrite, que ce soit sur le fondement du dol ou du code de la consommation,

- le contrat de réservation étant autonome par rapport au contrat de vente, l'annulation du premier ne saurait entraîner celle du second,

- la société contre laquelle est dénoncé un manquement à son obligation de conseil n'est pas identifiée, alors que le 'groupe Pichet' n'a pas d'existence juridique propre,

- aucun risque autre que celui inhérent à tout investissement n'a été pris,

- aucune garantie de plus-value n'a été donnée, et il n'a jamais été indiqué que les prises en charges incluses dans le prix 'packagé' étaient gratuites,

- la prétendue surévaluation du bien lors de la vente ou sa baisse de valeur actuelle ne sont pas démontrées,

- la réalité du préjudice ne l'est pas davantage.

Les sociétés Fiscali Conseil et A... Thomas développent sur la prescription la même argumentation et contestent tout manquement à l'obligation de conseil, dont elles se reconnaissent en principe débitrices, au motif que M. et Mme E... étaient déterminés à faire cet investissement pour des raisons fiscales, qu'ils n'ont recherché sa responsabilité qu'à la suite du mauvais entretien de l'immeuble imputable à Pichet Immobilier Services, et qu'en tout état de cause, il n'existe pas de lien de causalité entre le manquement allégué et le prétendu préjudice.

La BNP Paribas Personal Finance s'associe à l'argumentation relative à la prescription, et, sur la violation alléguée du devoir de conseil, rappelle que la banque n'est tenue que d'un devoir de mise en garde à l'égard d'un emprunteur peu averti, et seulement dans l'hypothèse où le crédit serait inadapté aux capacités financières de ce dernier. En outre, toute immixtion dans les affaires personnelles du candidat emprunteur lui est interdite. Elle souligne enfin qu'aucune demande n'est formulée contre elle, en ce qu'elle vient aux droits de BNP Paribas Lease Group.

***

Sur la prescription :

Ainsi que l'a rappelé le tribunal, les contrats de réservation, de vente, de prêt et de gestion locative ont été conclus en 2004, et le dernier en juin 2005. L'action a été introduite le 30 avril 2013.

- Sur le fondement du dol

Le tribunal a justement constaté que plus de cinq ans s'étaient écoulés entre la date du dernier contrat et la première assignation. Par ailleurs M. et Mme X... n'établissent pas la date à laquelle ils ont 'découvert' le dol qu'ils invoquent. En effet, le seul fait qu'ils aient fait procéder à une estimation en 2012 concluant à une valeur du bien très inférieure au prix qu'ils ont payé ne suffit pas en lui-même à caractériser le dol, pour les motifs exposés par le tribunal que la cour fait siens, ni même à établir la date à laquelle ils eu connaissance de cette situation, le point de départ de la prescription ne pouvant être laissé à la discrétion de celui qui l'invoque, sauf à lui conférer un caractère potestatif incompatible avec les impératifs de sécurité juridique garantis par la prescription.

- Sur le fondement du code de la consommation :

La cour adopte sans réserves les motifs pertinents retenus par le tribunal, aux termes desquels l'action est également prescrite sur le fondement des dispositions du code de la consommation, puisque la prescription court à compter de la conclusion du contrat, et pour une durée de cinq ans, s'agissant d'une nullité relative.

- Sur le fondement d'un manquement aux obligations d'information, de conseil et de mise en garde :

L'action fondée sur un manquement à l'obligation d'information et de conseil se prescrivait, avant la réforme de la prescription par la loi du 17 juin 2008, par 10 voire 30 ans. Dès lors, en application de l'article 26 II de cette loi, qui dispose que les dispositions de la loi qui réduisent la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter de l'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, la prescription n'est pas acquise puisque moins de 10 ans se sont écoulés entre la date des contrats et celle de la première assignation.

C'est dès lors à juste titre que le tribunal a déclaré recevable la demande de M. et Mme X... sur le seul fondement du manquement à l'obligation d'information, de conseil et de mise en garde.

Sur les manquements à l'obligation d'information, conseil et mise en garde

A titre liminaire, il doit être observé qu'à supposer ces manquements établis, ils ne pourraient avoir causé qu'une perte de chance de renoncer à l'opération, ou de la conclure à moindre prix. Or la perte d'une chance, outre qu'elle n'est pas en tant que telle sollicitée, et que la cour ne peut pallier cette carence, est sans lien avec le préjudice déploré, que les appelants définissent comme une perte à subir lors de la revente du bien. Ces seuls motifs suffiraient à justifier le rejet de toutes les demandes de M. et Mme X..., faute de tout lien de causalité entre les manquements allégués et le préjudice .

Les documents commerciaux produits, qui consistent en une plaquette commerciale manifestement incomplète, et en une simulation établie par Fiscali conseil, ne démontrent pas que leur aurait été dissimulé le fait que le prix de 76 530 euros était un prix 'clés en main' ou 'packagé', c'est à dire incluant la rémunération des différents intervenants et les frais d'acte, étant observé qu'il s'agit d'un prix TTC et que le prix HT était de 63 988 euros, frais d'acte inclus, ce qui résulte de l'acte de vente. Outre que la simulation de Fiscali Conseil n'avait pas valeur contractuelle, les ordres de grandeur de la rentabilité qu'elle indiquait, certes optimistes, ce dont tout contractant normalement avisé pouvait se douter, n'étaient pas totalement irréalistes, puisque, notamment, le bénéfice fiscal évalué est très proche de celui reconnu par M. et Mme X..., et ils ne contestent pas avoir pu déduire les intérêts d'emprunts de leur revenu imposable.

En outre, M. et Mme X... ne peuvent sérieusement reprocher aux intimées la baisse de valeur de leur bien, ou sa surévaluation lors de l'achat. Aucun élément de comparaison, montrant que le prix d'achat était excessif, n'est produit. Par ailleurs, un investissement immobilier, quel qu'il soit, est soumis aux fluctuations du marché, et plus encore s'il est éligible à des dispositions fiscales telles que celles de la loi dite de E..., puisqu'en un tel cas l'avantage fiscal a pour objet d'encourager les investisseurs à porter leur choix sur des opérations présentant une utilité sociale mais plus aléatoires au regard de leur rentabilité. Ce risque étant à la connaissance de tous, M. et Mme X... ne peuvent reprocher aux intimées ni le fait que, près de huit ans après la vente, la valeur du bien ait baissé, même si cette baisse est importante, ni de ne pas les avoir informés de ce risque lors de la conclusion de l'opération. M. et Mme X... n'établissent d'ailleurs pas davantage la valeur actuelle de leur bien avec la certitude requise, les deux évaluations qu'ils produisent n'ayant pas été établies contradictoirement, et remontant, pour la plus récente, à 2014. En outre, ainsi que justement observé par Fiscali Conseil, le facteur de baisse lié au mauvais entretien avéré de l'immeuble est sans lien avec le manquement à l'obligation de conseil alléguée.

Il résulte enfin du tableau communiqué par les appelants, qu'ils ont cessé d'encaisser des loyers à compter de septembre 2012, et ils ne contestent pas l'affirmation des sociétés Promobat et Pichet selon laquelle le mandat de gestion avec la société Gestia devenue Pichet Immobilier Services a pris fin le 6 décembre 2012. Aucun élément n'est produit sur une éventuelle relocation du bien après cette date, qui est relativement proche de l'assignation initiale délivrée le 30 avril 2013. C'est donc huit ans après l'acquisition du bien, et se heurtant très vraisemblablement à des difficultés pour le louer, que M. et Mme X... ont lancé la présente procédure, ce qui pose question sur son objectif réel. En effet, le risque de telles difficultés, inhérent à un investissement locatif, n'avait pas lieu de faire l'objet d'une information particulière, et M. et Mme X... en ont d'ailleurs parfaitement eu conscience, puisqu'ils ont souscrit une assurance le garantissant partiellement. Ils ne peuvent ainsi faire supporter aux sociétés ayant concouru à leur achat 8 ans auparavant ce risque auquel ils se sont librement et sciemment exposés, puisqu'ils ne contestent pas que cet achat avait pour but un bénéfice fiscal et que le bien devait donc être loué. Il n'est au demeurant pas contesté qu'ils ont bel et bien bénéficié de cet avantage fiscal.

Le caractère fallacieux de la présentation qui leur a été faite de la rentabilité de l'investissement souscrit n'est ainsi pas suffisamment démontré.

En ce qui concerne la banque, les demandes formées par M. et Mme X... contre BNP Paribas Lease Group sont de plein droit réputées faites contre BNP Paribas Personal Finance, qui n'a jamais contesté venir aux droits de la première nommée.

BNP Paribas Personal Finance fait justement observer qu'elle n'avait pas à s'immiscer dans la gestion que faisaient M. et Mme X... de leur patrimoine, alors que les mensualités de remboursement du prêt sollicité étaient proportionnées à leurs ressources. La banque indique d'ailleurs sans être démentie qu'aucun incident de paiement n'est survenu. M. et Mme X... ne produisent aucune pièce justifiant qu'ils réglaient au moment de la souscription du prêt des mensualités d'emprunt de 932, 86 euros, et ne démontrent pas non plus le préjudice lié à un taux d'intérêt variable. Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a été jugé que la responsabilité de la banque n'était pas non plus engagée.

Sur les autres demandes :

Les demandes tendant à la nullité des contrats de vente et de prêts, et au titre des manquements à l'obligation de conseil étant rejetées, les demandes indemnitaires accessoires de M. et Mme X..., et qui en dépendent, le seront également, ainsi que la demande tendant à la constitution d'une hypothèque sur l'appartement.

M. et Mme X..., qui succombent, supporteront les dépens d'appel, avec recouvrement direct. Ils contribueront aux frais de procédure exposés par les sociétés Promobat, Promotion Pichet, Pichet Immobilier Services unies d'intérêts à hauteur de 1 000 euros, Fiscali Conseil 1 000 euros, et BNP Personal Finance, 1 000 euros.

Les dispositions du jugement sur ces points seront par ailleurs confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. Jean-Pierre X... et Mme Kelly Z... son épouse à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, les sommes de :

- 1 000 euros aux sociétés Promobat, Pichet Promotion et Pichet Immobilier Services, unies d'intérêts,

-1 000 euros à la société Fiscali Conseil,

- 1 000 euros à la société BNP Paribas Personal Finance,

Les condamne aux dépens d'appel, avec recouvrement direct.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Véronique D..., Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 17/02961
Date de la décision : 11/10/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 03, arrêt n°17/02961 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-11;17.02961 ?
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