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09/10/2018 | FRANCE | N°17/05679

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 09 octobre 2018, 17/05679


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES



DA

Code nac : 56C



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 09 OCTOBRE 2018



N° RG 17/05679 - N° Portalis DBV3-V-B7B-RXD2



AFFAIRE :



SA ENEDIS





C/

SA AVIVA ASSURANCES

...







Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 26 Mai 2017 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° chambre : 3

N° Section :

N° RG : 2016F01551



Exp

éditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Irène Z...

Me Anne-laure X...,



REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LE NEUF OCTOBRE DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

DA

Code nac : 56C

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 09 OCTOBRE 2018

N° RG 17/05679 - N° Portalis DBV3-V-B7B-RXD2

AFFAIRE :

SA ENEDIS

C/

SA AVIVA ASSURANCES

...

Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 26 Mai 2017 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° chambre : 3

N° Section :

N° RG : 2016F01551

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Irène Z...

Me Anne-laure X...,

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE NEUF OCTOBRE DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:

SA ENEDIS

[...]

Représentant : Me Irène Z... de la SELARL DES DEUX PALAIS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 068 - N° du dossier 715971

Représentant : Me Gilles ROUMENS de la SCP COURTEAUD PELLISSIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0023 -

APPELANTE

****************

SA AVIVA ASSURANCES

N° SIRET : 306 522 665

[...]

[...]

Représentant : Me Anne-laure X..., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 - N° du dossier 42263

Représentant : Me Sabine Y... de la SCP MACL SCP d'Avocats, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0184 -

EARL DE L'HIPPODROME

L'Hippodrome

22150 PLOUGUENAST

Représentant : Me Anne-laure X..., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 - N° du dossier 42263

Représentant : Me Sabine Y... de la SCP MACL SCP d'Avocats, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0184 -

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 Septembre 2018, Monsieur Denis ARDISSON, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Thérèse ANDRIEU, Présidente,

Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,

Mme Véronique MULLER, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE

FAITS :

Le 11 octobre 2013 vers 15 heures, la société de l'Hippodrome a connu dans ses bâtiments agricoles de Plouguenast une coupure électrique, les techniciens de la société Electricité réseau distribution France ERDF, devenue la société Enedis, étant intervenus pour rétablir l'alimentation vers 23 heures 30. Saisie d'une déclaration de la société de l'Hippodrome de sinistre occasionné à des matériels électriques, la société Aviva assurances (l'assureur) a mandaté le cabinet Mahe Villa Expertises qui dans son rapport du 25 novembre 2013 a indiqué que 'les dommages avaient été causés par une surtension sur le réseau ERDF' qu'il a estimés à 1204,22 euros.

Dans sa recommandation du 21 mai 2015, le médiateur national de l'énergie a retenu que la preuve du lien de causalité entre l'incident sur le réseau et les dommages constatés était rapportée, et a préconisé que la société Enedis indemnise l'assureur à hauteur de 1 204,22 euros et la société de l'Hippodrome à hauteur de 738,22 euros.

Le 22 juin 2015, la société de l'Hippodrome et son assureur ont mis en demeure la société Enedis de les indemniser avant de l'assigner le 25 juillet 2016 devant le tribunal de commerce de Nanterre pour réclamer sa condamnation, en application des dispositions des articles 1147 et 1382 du code civil et L. 121-12 du code des assurances à payer, à l'assureur subrogé, la somme de 1 500,23 euros et à la société de l'Hippodrome, la somme de 738,78 euros outre 3500 euros au titre de la résistance abusive dans le paiement.

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Vu le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 26 mai 2017 qui a:

- condamné Enedis à payer à la société Aviva la somme de 1500,23 euros,

- condamné Enedis à payer à la société de l'Hippodrome la somme de 738,78 euros,

- débouté les sociétés Aviva et de l'Hippodrome de leur demande de dommages et intérêts,

- ordonné l'exécution provisoire sans constitution de garantie,

- condamné Enedis à payer aux sociétés Aviva et de l'Hippodrome la somme de 750 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Enedis aux entiers dépens;

Vu l'appel interjeté le 24 juillet 2017 par la société Enedis;

Vu les conclusions notifiées par le RPVA le 5 juin 2018 pour la société Enedispour voir:

- dire la société Enedis recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,

- dire que les demanderesses allèguent des dommages qui seraient consécutifs à un produit défectueux et que, par conséquent, leur demande ne peut être fondée que sur les dispositions des articles 1245 et suivants du code civil,

- dire que l'électricité est un produit au sens de l'article 1245-2 du code civil,

- dire qu'en application de l'article 1245-1 et du décret du 11 février 2005 modifié par le décret du 27 septembre 2016 s'applique une franchise de 500 euros sur l'indemnisation des dommages aux biens,

- dire que le distributeur d'électricité n'est pas soumis à une obligation de résultat, tel que cela résulte de la loi, des décrets et des dispositions contractuelles.

- dire que le rapport d'expertise d'assurance unique, et au demeurant sérieusement contesté, ne peut être considéré comme un élément de preuve suffisant,

- dire et juger que les sociétés Aviva et de l'Hippodrome ne rapportent pas la preuve de l'existence ni d'un lien de causalité entre l'interruption de l'alimentation électrique et le dommage allégué, ni surtout d'un défaut non prévisible au regard des dispositions contractuelles et des normes applicables,

- Infirmer le jugement,

- débouter les sociétés Aviva et de l'Hippodrome de l'ensemble de leurs demandes,

- condamner les sociétés Aviva et de l'Hippodrome à rembourser à la société Enedis les sommes perçues en première instance,

- condamner la société Aviva à payer à la société Enedis la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- autoriser Maître Z... Caron à les recouvrer directement en application des dispositions de l'Article 699 du Code de Procédure civile;

* *

Vu les conclusions notifiées par le RPVA le 4 juin 2018 pour les sociétés de l'Hippodrome et Aviva assurances aux fins de voir, en application des articles L.121-12 du code des assurances, 1147 ancien du code civil:

- recevoir les sociétés de l'Hippodrome et Aviva en leurs écritures ;

- confirmer le jugement sauf en ce qu'il a rejeté la demande au titre de la résistance abusive,

- condamner la société Enedis à payer la somme de 2 000 euros à la compagnie Aviva au titre de la résistance abusive,

- condamner la société Enedis à payer la somme de 2 000 euros à la société de l'Hippodrome au titre de la résistance abusive,

- condamner la société Enedis à payer aux sociétés de l'Hippodrome et Aviva la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la société Enedis de ses demandes fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société Aviva,

- condamner la société Enedis aux entiers dépens, dont le montant sera directement recouvré par Maître X... conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

* *

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 3 juillet 2018 qui, avant dire droit, a:

- invité les parties à soumettre à la cour des questions utiles à une expertise pour l'établissement des causes et leur diagnostic objectifs sur les incidents de distribution d'électricité ainsi que sur la nature des preuves nécessaires à l'établissement de la responsabilité des distributeurs d'électricité et celles pour sa garantie par les assurances des clients finals ;

SUR CE, LA COUR,

Considérant que les conseils des parties ont indiqué à la cour ne pas souscrire à l'offre d'expertise qui leur a été soumise par arrêt avant dire droit du 3 juillet 2018, de sorte qu'il n'y a pas lieu de l'ordonner.

1. Sur la nature juridique de l'électricité distribuée par Enedis

Considérant que pour voir confirmer le jugement qui a retenu la responsabilité de la société Enedis sur le fondement de l'article 1147 du code civil dans sa version applicable jusqu'au 1er octobre 2016, et rejeter la qualification de la responsabilité de la société Enedis sur le fondement des produits défectueux qu'elle invoque pour la première fois en cause d'appel, l'assureur Aviva soutient que, de droit, la société Enedis ne fournit et ne produit pas d'électricité, et se limite à la distribuer ainsi que cela résulte de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières qui distingue les activités de production et de fourniture d'électricité de celle de leur distribution;

Qu'en fait, le distributeur ne produit pas d'électricité, mais se limite à en modifier la puissance nécessaire à sa distribution, la surtension à l'origine du sinistre étant imputable au transport de l'électricité sur le réseau dont les structures et l'activité sont étrangers à la fournitured'électricité;

Mais considérant qu'aux termes de articles 1386-1, 1386-3 et 1383-6 du code civil dans leur version antérieure au 1er octobre 2016, "le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime", "l'électricité est considérée comme un produit" et "est producteur, lorsqu'il agit à titre professionnel, le fabricant d'un produit fini, le producteur d'une matière première, le fabricant d'une partie composante" ;

Et considérant que le principe de la séparation juridique, économique et matérielle sur le marché national et communautaire des activités de fourniture et de distribution d'électricité est indifférent dans la définition de l'électricité comme produit, et tandis que les infrastructures de la société Enedis permettant la transformation de la puissance et de la fréquence de l'énergie ainsi que la maîtrise de sa tension et de son intensité pour la destiner aux clients finals concourent à la transformation de l'électricité fournie, il en résulte que l'électricité distribuée entre dans la qualification de produit au sens des articles 1386-3 du code civil dûment invoquée par la société Enedis, de sorte qu'il convient d'examiner les faits déférés sur le fondement des règles applicables aux produits défectueux.

2. Sur la preuve de l'origine du sinistre

Considérant que pour retenir la responsabilité de la société Enedis, l'assureur Aviva et son assuré se prévalent des conclusions du rapport amiable ainsi que de l'avis du médiateur de l'énergie dont ils prétendent qu'ils établissent la preuve du manquement de la société Enedis à l'obligation de résultat qu'elle tient de la mission de service public de l'électricité que lui confère la loi, de sa spécialisation dans la distribution de l'électricité ainsi que des stipulations contractuelles de l'article 5-1 des conditions générales du contrat de distribution par lesquelles elle s'engage à fournir une électricité continue et de qualité sauf à ce qu'elle apporte la preuve de l'un des cas de force majeure correspondant à 'des circonstances insurmontables liées à des phénomènes atmosphériques' ou 'du fait imprévisible et irrésistible d'un tiers', conditions de la force majeure que la société Enedis n'établit pas ;

Mais considérant qu'en matière de responsabilité des produits défectueux, l'article 1386-9 du code civil, devenu 1245-8, dispose que 'le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage';

Et considérant qu'en se limitant à relever que '[l'abonné] a constaté un scintillement important au niveau de ses lumières intérieures. Il s'en est suivi une coupure de courant du secteur' pour conclure que 'les dommages avaient été causés par une surtension sur le réseau ERDF', ces affirmations, succinctes, générales et abstraites ne permettent pas de déduire la preuve que la coupure d'électricité sur le réseau de la société Enedis est à l'origine des sinistres, et tandis que la simple implication du produit dans la réalisation du dommage ne suffit pas à établir son défaut au sens des articles 1386-1 et 1386-9 du code civil alors applicables, il convient de retenir au détriment de l'assureur et de l'assuré leur carence dans la charge de la preuve qui leur incombait, d'infirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Enedis et de rejeter l'ensemble des demandes de ce chef, y compris celle subséquente de dommages et intérêts pour résistance abusive dans l'indemnisation.

3.Sur les frais irrépétibles et les dépens

Considérant que l'assureur et son assuré succombent à l'action, en sorte que lejugement sera infirmé en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens; que statuant à nouveau, y compris en cause d'appel, l'assureur Aviva sera condamné, seul, aux dépens et à verser à la société Enedis la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

Contradictoirement,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf celle qui a débouté la société Aviva assurances et la société de l'Hippodrome de leurs demandes au titre de la résistance abusive;

Statuant à nouveau,

Déboute la société Aviva assurances et la société de l'Hippodrome de leurs demandes;

Condamne la société Aviva assurances aux dépens de première instance et d'appel avec distraction au bénéfice de Maître Z... Caron dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile;

Condamne la société Aviva assurances à payer à la société Enedis la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

Signé par Madame Thérèse Andrieu, Président et Monsieur Alexandre Gavache, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Président Le Greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 17/05679
Date de la décision : 09/10/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 12, arrêt n°17/05679 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-09;17.05679 ?
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