COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80G
6e chambre
ARRÊT N° 00531
CONTRADICTOIRE
DU 04 OCTOBRE 2018
N° RG 17/04721
N° Portalis DBV3-V-B7B-R3N4
AFFAIRE :
Benjamin X...
C/
SAS TAYLOR NELSON SOFRES
Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 08 Juillet 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
Section : Activités diverses
N° RG : 12/01097
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 09Octobre 2018 à :
- Me Jean-Claude Y...
- Me Mohamed Z...
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATRE OCTOBRE DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 20 septembre 2018 puis prorogé au 04 octobre 2018, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre:
Monsieur Benjamin X...
[...]
Représenté par Me Jean-Claude Y..., avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0921
APPELANT
****************
La SAS TAYLOR NELSON SOFRES
[...]
Représentée par Me Mohamed Z..., avocat au barreau de PARIS, vestiaire: K0020
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 29 Mai 2018, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,
Madame Sylvie BORREL, Conseiller,
Monsieur Patrice DUSAUSOY, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Nicolas CAMBOLAS
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. Benjamin X... a conclu avec la société Taylor Nelson Sofres, qui est un institut de sondage, différents contrats à durée déterminée d'usage en qualité d'enquêteur, à compter du 22 juin 1999, jusqu'à la signature le 25 juillet 2007 d'un contrat de chargé d'enquête intermittent à garantie annuelle dit CEIGA entre les mêmes parties, à effet du 1er juillet 2007.
La société compte environ 700 salariés.
La relation de travail est régie par la convention collective Syntec.
Le 12 juillet 2012, M. Benjamin X... saisissait le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt aux fins de voir requalifier ses contrats de travail successifs en un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 janvier 2014, M. Benjamin X... se voyait notifier son licenciement pour motif économique sur le fondement de la sauvegarde de la compétitivité de la société en raison des pertes récurrentes constatées sur l'activité téléphone, ayant pour conséquence la fermeture du plateau téléphonique de Malakoff.
Dans le dernier état de ses écritures, M. Benjamin X... sollicitait du conseil des prud'hommes la condamnation de la société au paiement des sommes suivantes :
'' 1 768,47 euros d'indemnité de requalification,
'' 23 526,62 euros de rappel de salaire au titre du temps plein, outre 2 352,66 euros d'indemnité de congés payés afférents,
'' 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La défenderesse a soulevé in limine litis une exception de nullité affectant la procédure, faute de conciliation préalable. Sur le fond, elle s'opposait aux prétentions adverses et sollicitait en tout état de cause la condamnation du demandeur à lui payer la somme de 1 000 euros en application de l'article700 du code de procédure civile.
Par jugement du 8 juillet 2014, le conseil de prud'hommes de Boulogne Billancourt a fait droit à l'exception de nullité et a débouté les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.
M. Benjamin X... a interjeté appel de ce jugement le 30 juillet 2014.
Par écritures soutenues oralement à l'audience du 29 mai 2018, auxquelles la cour se réfère en application de l'article 455 du code de procédure civile, les parties ont conclu comme suit.
M. Benjamin X... demande à la cour d'infirmer sur la nullité en rappelant que la requalitifation des contrats à durée déterminée permet de saisir directement le bureau de jugement et qu'en outre contrairement à ce qu'a admis le conseil, la demande de requalification en question n'est pas prescrite.
Devant la cour, il reprend cette demande de requalification et demande la condamnation de la société à lui payer les sommes suivantes :
'' 1 768,47 euros d'indemnité de requalification, soit un mois de salaire,
'' 34 646,45 euros de rappel de salaire au titre de la requalification sollicitée, outre la somme de 3 464,64 euros d'indemnité de congés payés afférents,
'' 10 610,82 euros, correspondant à 6 mois de salaire, en raison de la violation de l'article L.1235-16 du code du travail relatif aux conséquences de l'annulation de la décision d'homologation du plan de sauvegarde pour l'emploi en cas de non réintégration du salarié dans l'entreprise,
'' 26 520,07 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
'' 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Taylor Nelson Sofres prie la cour de confirmer le jugement sur la nullité de la procédure etsubsidiairement s'oppose à ces prétentions et sollicite de la cour l'allocation de la somme de 1000euros au titre des frais irrépétibles.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la nullité de la procédure
Considérant que la société Taylor Nelson Sofres estime que la nullité d'ordre public à raison de l'absence de tentative préalable de conciliation est encourue, dès lors que la demande porte non seulement sur la requalification de contrats à durée déterminée, mais aussi sur la requalification d'un contrat Ceiga, qui est un contrat de travail à durée indéterminée ; que par suite le recours à la conciliation préalable s'imposait ;
Considérant que M. Benjamin X... répond que la demande de requalificaiton des contrats à durée déterminée n'étant pas prescrite, l'affaire pouvait être portée directement devant le bureau de jugement;
*****
Considérant qu'en application de l'article L.1411-1 du code du travail le conseil des prud'hommes juge lorsque la conciliation n'a pas abouti, tandis que l'article L.1245-2 énonce que lorsque le conseil des prud'hommes est saisi d'une demande de requalificaiton d'un contrat à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, l'affaire est directement protée devant le bureau de jugement ;
Considérant que la demande de requalification du contrat Ceiga en contrat de travail à durée indéterminée, fût-elle infondée à raison de la nature de contrat de travail à durée indéterminée d'origine dudit contrat, n'en porte pas moins sur une suite des contrats à durée déterminée antérieurs, de sorte que toute demande ayant trait à ce contrat Ceiga dérive de la demande de requalification ; que la régularité de la procédure au regard de l'obligation du préalable de conciliation ne s'apprécie pas en fonction du bien fondé de la demande, mais seulement de l'objet de la demande, de sorte que la prescription éventuellement encourue n'est pas opérante ; que par suite c'est à bon droit que l'affaire a été portée devant le bureau de jugement ;
Considérant que les parties ayant conclu au fond et demandé ainsi l'évocation, il convient de juger au fond en application de l'article 568 du code de procédure civile ;
Sur la nullité du contrat CEIGA
Considérant que M. Benjamin X... invoque la nullité du contrat CEIGA, en ce qu'il impliquerait une baisse de salaire, puisqu'il reposerait sur une garantie fixée en fonction des revenus de l'année précédente et qu'il suffirait à l'employeur de ne plus pourvoir le salarié en missions, pour que son salaire soit bloqué, alors qu'au surplus, les règles de calcul du minimum garanti prévues par ce contrat peuvent conduire à une réduction de celui-ci en cours d'exécution au gré du nombre de missions que l'employeur voudra bien confier ;
Considérant que la société Taylor Nelson Sofres répond que le contrat CEIGA est conforme aux dispositions conventionnelles et que la rémunération perçue par l'intéressé a toujours été supérieure à un minimum fixé par ce contrat ;
*****
Considérant que de manière liminaire, le salarié n'a pas indiqué sur quel texte il se fonde pour soulever la nullité du contrat, de sorte qu'à ce seul titre la demande ne peut qu'être rejetée ;
Considérant surabondamment que le contrat Ceiga signé le 29 juillet 2011 dispose :
"TNS SOFRES s'engage à vous confier annuellement un nombre d'enquêtes ou de travaux suffisant pour vous permettre de percevoir une rémunération brute minimum égale à 80 % de la rémunération brute que vous avez perçue dans notre société entre le 1er juillet 2006 et le 30 juin 2007, soit 14 178,86 euros.
La garantie annuelle de travail est répartie en deux périodes :
' 40 % de la garantie annuelle assurée le premier semestre,
' 30% de la garantie assurée le second semestre,
les 30 % restants pouvant être indirectement répartis sur les deux périodes en fonction de la charge de travail" ;
Qu'ainsi le salaire minimum était fixée une fois pour toute à l'origine du contrat, puisque le contrat Ceiga prend comme base fixe d'évaluation du minimum garanti la rémunération brute perçue avant son entrée en vigueur dans le cadre des contrats à durée déterminée conclus entre le 1er juillet 2006 et le 30 juin 2007 ;
Sur la requalification des contrats à durée déterminée et du contrat CEIGA en contrat de travail à durée indéterminée
Considérant que M. Benjamin X... sollicite la requalification de l'ensemble de la relation contractuelle, antérieure comme postérieure à la signature du contrat Ceiga, en contrat de travail à durée indéterminée, en ce que le salarié devait totalement être à la disposition de l'employeur en acceptant à tout moment les missions qui lui étaient confiées le cas échéant la veille pour le lendemain; qu'en outre, ces contrats tendaient à pourvoir un emploi stable et permanent, dès lors qu'il a occupé le même poste pendant 15 ans ; qu'enfin ils ne mentionnaient pas le motif du recours à un tel type de contrat de manière précise ; que le contrat Ceiga s'analyse selon lui non pas comme un contrat de travail à durée indéterminée mais comme un contrat cadre, dans lequel s'insèrent des missions successives, qui font d'ailleurs chacune l'objet d'un contrat ;
Considérant que l'employeur oppose la prescription de ces demandes ; qu'il soutient que le contrat Ceiga ne peut être requalifié s'agissant d'ores et déjà selon la convention collective d'un contrat de travail à durée indéterminée, même si chaque mission fait l'objet d'un écrit ; qu'il relève la régularité formelle des contrats à durée déterminée qui ont précédé le contrat Ceiga ; qu'il estime que ces contrats, loin de correspondre à une activité normale et permanente de l'entreprise, répondent aux besoins imprévisibles de la clientèle ;
*****
Considérant, quant à la demande de requalification du contrat Ceiga du 26 août 2011 en contrat de travail à durée indéterminée, que cette demande est sans objet, puisque ledit contrat est par définition un contrat de travail à durée indéterminée comme instauré par la convention collective Syntec en application de l'article L.212-4-9 du code du travail, abrogé certes par la loi 93-1313 du 20 décembre 2013 ; que, ledit article disposait que dans les entreprises, professions et organismes mentionnés à l'article L.212-4-1 pour lesquels une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement n'ayant pas fait l'objet de l'opposition prévue à l'article L.132-26 le prévoit, des contrats de travail intermittents peuvent être conclus afin de pourvoir les emplois permanents, définis par cette convention ou cet accord, qui par nature comportent une alternance de périodes travaillés et de périodes non travaillées ;
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Considérant que l'article L.1242-2 du contrat de travail dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l'article L.1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu'il énumère, parmi lesquels figurent les emplois saisonniers ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif étendu, il est d'usage de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ;
Considérant, qu'il n'est pas contesté que l'activité d'enquête et de sondage qui correspond à l'objet des contrats à durée déterminée, conclus entre le 22 juin 1999 et le 25 juin 2007, est un secteur d'activité autorisant le recours aux contrats d'usage en application des articles L.1242-2 et D.1242-1 du code du travail ;
Considérant que selon l'article L 1242-1 du code du travail, un contrat à durée déterminée quel que soit son motif, ne peut avoir pour ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ;
Qu'aux termes de l'article L.1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif et notamment les mentions énumérées par ce texte ; qu'à défaut, il est réputé être conclu pour une durée indéterminée ;
Considérant que selon l'article L.1245-1 du code du travail, est réputé à durée indéterminée tout contrat conclu en méconnaissance des dispositions des articles L.1242-1 à L.1242-4, L.1242-6 à L.1242-8, L.1242-12 alinéa 1, L.1242-11 alinéa 1, L.1242-3 et L.1242-4 du même code ;
Considérant, quant à la demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, que contrairement à ce que soutient M. Benjamin X... les contrats à durée déterminée qui s'inscrivaient sous le régime des contrats à durée déterminée d'usage, visaient clairement les numéros de contrats et la référence des études et stipulaient être conclus pour la réalisation de "interviews ou prestations du même type" confiées au travailleur ; que si l'intégralité des contrats à durée déterminée litigieux ne sont pas versés aux débats, il n'est pas soutenu que ceux qui manquent soient différents de ceux qui sont produits, à cet égard ; que par conséquent il ne peut leur être fait grief d'ignorer les mentions obligatoires à peine de requalification en contrat à durée indéterminée prescrites par l'article L.1242-12 du code du travail à savoir la désignation du poste de travail et de l'emploi occupé ;
Que M. Benjamin X... produit environ 200 contrats sur la période litigieuses à titre d'illustration ; qu'il n'est pas contesté que ces contrats couvrent la période écoulée de juin 1999 à juin 2007 quasiment sans solution de continuité ; qu'il verse aussi aux débats des bulletins de paie, qui établissent qu'il a travaillé quasiment chaque mois ; que la multiplicité des recours aux contrats à durée déterminée sur plus de huit ans pour exercer continuellement des fonctions similaires caractérise un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ;
Qu'il s'ensuit que la requalification de cette série de contrats à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée est encourue ;
*****
Considérant, toutefois, que la société soulève la prescription de l'action en requalificaiton ;
Considérant que, dès lors que la requalification envisagée repose sur une irrégularité de fond, ce n'est qu'à la fin de la chaîne des contrats à durée déterminée dont la requalificaiton est revendiquée, que court le délai de prescription, puisque c'est à cette date que le salarié a une connaissance complète de l'abus dont il a été victime ;
Considérant qu'aux termes de l'article 2224 du code civil, applicable en règle générale aux actions liées à l'exécution du contrat de travail introduites avant l'entrée en vigueur de la loi du14 juin 2013, l'action se prescrivait par cinq ans ;
Considérant que le dernier contrat à durée déterminée conclu avant la contrat Ceiga a expiré en juillet 2007, d'après le bulletin de paie correspondant à ce mois ; que par conséquent, à la date de saisine du conseil des prud'hommes soit le 12 juillet 2012, les faits n'étaient pas prescrits ;
Sur la requalification des contrats à durée déterminée et du contrat Ceiga en contrat à temps complet
Considérant que M. Benjamin X... fonde sa demande de requalification des contrats le liant à l'employeur en contrat de travail à temps complet, au motif qu'ils ne mentionnent ni le temps de travail, ni la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine et les semaines du mois ; qu'en outre il allègue avoir occasionnellement atteint la durée de travail d'un temps plein, notamment en décembre 2004, en décembre 2006, de février à juillet 2007, en décembre 2007, en avril 2009 et en mai 2009 ;
Considérant que la société Taylor Nelson Sofres oppose que le salarié ne se tenait pas à la disposition permanente de son employeur, puisque c'est lui-même qui déterminait ses disponibilités et la fréquence de ses interventions ;
*****
Considérant quant à la requalification des contrats à durée déterminée, qu'aux termes de l'article L.3123-14, le contrat de travail à temps partiel est un contrat écrit qui mentionne notamment la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, et les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir, ainsi que la nature de cette modification ;
Considérant que les contrats de travail à durée déterminée litigieux disposent que le salarié travaillera les jours ouvrables de la période couverte par les termes du contrat selon des horaires de référence compris entre le lundi et le vendredi de 17 heures à 21 heures et le samedi de 9 heures 30 à 13 heures; qu'il est ajouté que les horaires de travail peuvent être modulables et leurs répartitions réaménagées avec des horaires augmentés ou diminués en fonction des besoins de la société et des directives données par le responsable du plateau ;
Qu'ainsi, il n'est pas fixé de durée hebdomadaire ou mensuelle de travail, si ce n'est comme référence, ce qui veut dire à titre indicatif, des plages horaires dans lesquelles doit s'insérer l'exécution des missions ; que si ces heures étaient mentionnées comme reflétant le temps de travail hebdomadaire, la rémunération de ces heures figurerait comme salaire de base sur les bulletins de paie, alors que la somme figurant sous cette mention varie d'un mois à l'autre ;
Considérant qu'en l'absence d'écrit respectant ces prescriptions, le contrat est présumé être conclu pour un horaire normal, sauf à l'employeur à rapporter la preuve qu'il s'agit d'un emploi à temps partiel défini par la durée exacte mensuelle ou hebdomadaire convenue avec répartition du temps de travail entre les jours de la semaine et les semaines du mois et que le salarié n'est pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme auquel il doit travailler et qu'il n'est pas tenu de se tenir constamment à la disposition de son employeur ;
Que l'employeur ne rapporte pas cette preuve ;
Que par conséquent c'est à juste titre que M. Benjamin X... sollicite la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à temps complet ;
Considérant que le contrat Ceiga suit le sort des précédents ; qu'il encoure lui-même le même grief emportant sa requalification en contrat à temps plein ;
Qu'en effet, il est stipulé dans celui-ci "vos horaires de travail, qui impliquent un travail, soit pendant la journée, le soir et/ou le samedi, seront variables en fonction de la charge d'enquêtes. Vous vous engagez à accepter indifféremment des études de journée, du soir et du samedi" ; qu'ainsi n'étaient déterminés, ni le temps de travail hebdomadaire ou mensuel, ni la répartition du temps de travail entre les jours de la semaine et les semaines du mois ; qu'il importe peu que l'employeur établisse que le salarié, au moins sur certaines périodes, remplissait un planning dans lequel il indiquait les périodes durant lesquelles il était indisponible ; que la société ne rapporte pas la preuve qu'en pratique, sinon selon les termes du contrat, il s'agissait d'un emploi défini par la durée exacte mensuelle ou hebdomadaire convenue avec répartition du temps de travail entre les jours de la semaine et les semaines du mois et que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'était pas tenu de se tenir constamment à la disposition de son employeur ;
Considérant qu'en second lieu, toujours en ce qui concerne la requalification du contrat Ceiga en contrat à temps complet, qu'aux termes de l'article L.3123-31 du code du travail dans sa rédaction applicable au présent litige, dans les entreprises pour lesquelles une convention ou un accord collectif ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement le prévoit, des contrats de travail intermittents peuvent être conclus afin de pourvoir les emplois permanents, définis par cette convention ou cet accord, qui par nature comportent une alternance de périodes travaillées ou de périodes non travaillées ;
Que, selon l'article L.3123-33 du même code dans sa version alors en vigueur, le contrat de travail intermittent est un contrat à durée indéterminée, qui mentionne notamment la qualification du salarié, les éléments de rémunération, la durée annuelle minimale de travail du salarié, les périodes de travail et la répartition des heures de travail à l'intérieur de ces périodes ;
Que l'absence de respect de périodes de travail et de périodes de suspension d'activité chaque année constitue une violation du principe même du contrat de travail intermittent ; que la sanction en est la requalification du contrat en contrat à temps complet ;
Que celle-ci s'impose en l'espèce à ce second titre, faute d'avoir prévu dans le contrat intermittent les périodes de travail et les périodes de suspension d'activité ;
Considérant qu'il sera donc fait droit à la demande de requalificaiton de la relation de travail en contrat à temps complet ;
Sur l'indemnité de requalification
Considérant qu'aux termes de l'article L.1245-2 alinéa 2 du code du travail, si le juge fait droit à la demande du salarié tendant à la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il doit lui accorder une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire;
Que cette indemnité ne peut être inférieure au dernier salaire mensuel perçu avant la saisine de la juridiction ;
Considérant qu'il s'ensuit qu'il sera alloué au salarié la somme qu'il demande et qui tient compte de la requalificaiton en contrat à temps complet en appliquant le salaire horaire 11,66 euros à 35 heures par semaine, soit la somme de 1 768,47 euros ;
Sur la demande de rappel de salaire au titre de la requalification en contrat à temps complet
Considérant que M. Benjamin X... sollicite le paiement de la somme de 34 646,45 euros de rappel de salaire et celle de 3 464,64 euros d'indemnité de congés payés y afférents sur la base d'une rémunération de 35 heures par semaine due à raison de la requalification en contrat à temps complet; qu'il limite sa demande à la période postérieure au 13 juillet 2007 jusqu'au licenciement ;
Considérant que la société Taylor Nelson Sofres oppose la prescription édictée par l'article L.3245-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 14 juin 2013, qui ne permet de faire porter lesdites demandes que sur les sommes dues sur les trois dernières années précédant la rupture du contrat ;
*****
Considérant qu'aux termes de l'article L.3245-1 du code du travail dans sa rédaction applicable lors de la saisine du conseil des prud'hommes le 12 juillet 2012, l'action en paiement de salaires se prescrit par cinq ans conformément à l'article 2224 du code civil ;
Considérant que la saisine du conseil des prud'hommes a interrompu le délai de prescription en application de l'article 2241 du code civil et R.516-8 du code du travail ; qu'il s'ensuit que la prescription permet au salarié d'obtenir paiement des rappels en cause sur les cinq ans précédant la saisine des premiers juges, c'est-à-dire depuis le 12 juillet 2007 ;
Considérant que la demande de rappel de salaire porte précisément sur cette période de sorte qu'il sera alloué à M. Benjamin X... la somme de 34 646,45 euros qu'il demande et qui, contestée dans son principe, ne l'est pas dans son calcul arithmétique, de même que l'indemnité de congés payés y afférents de 3 464,64 euros ;
Sur le licenciement
Considérant que M. Benjamin X... sollicite la condamnation de la société Taylor Nelson Sofres au paiement de la somme de 26 520,87 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au motif que les difficultés économiques ne sont en tout état de cause pas démontrées et que la société Taylor Nelson Sofres n'a pas effectué les efforts de reclassement nécessaires ;
Considérant que la société répond que la rupture est fondée sur la fermeture du plateau téléphonique de Malakoff rendue nécessaire par la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, tandis que le plan de sauvegarde de l'emploi préparé dans ce cadre n'a été annulé par la cour administrative d'appel de Versailles le 16 septembre 2014, qu'en raison de l'insuffisance de motivation par la DIRECCTE ;
*****
Considérant que lorsqu'une entreprise fait partie d'un groupe, les difficultés économiques de l'employeur doivent s'apprécier tant au sein de la société, qu'au regard de la situation économique des sociétés du groupe exerçant dans le même secteur d'activité, sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux sociétés ou entreprises situées sur le territoire national ;
Considérant que l'audit de l'expert comptable Boisseau désigné par le comité d'entreprise démontre que l'employeur n'apporte pas les données permettant de vérifier la pertinence du motif pris de la sauvegarde de la compétitivité, que les difficultés rencontrées comme la baisse du mode de recueil des données par téléphone ne concernent qu'une faible partie de l'activité de la société Taylor Nelson Sofres et en aucun cas l'ensemble du secteur d'activité dont elle relève, celui des études de marché ; qu'au surplus la marge des études téléphoniques est toujours bénéficiaire et les rentabilités des sociétés du groupe du même secteur d'activité restent élevées ; que la nécessité de prendre des mesures pour sauvegarder une soi-disant baisse de compétitivité de l'activité "Etudes de marché / consumers insight" n'est pas démontrée ;
Qu'il s'en suit que le licenciement n'est pas fondé ;
*****
Considérant, toujours au titre du défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement, que M. Benjamin X... soutient que la société Taylor Nelson Sofres a manqué à son obligation de reclassement en ce qu'il ne lui a été proposé qu'un poste d'enquêteur téléphonique à Lyon, et un poste d'enquêteur terrain "en région parisienne", alors que d'autres lieux d'affectation ont été proposés pour le reclassement d'autres salariés, tels que Chantilly, Compiègne, Strasbourg, Calais, Clermont-Ferrand ou encore le Val de Marne, Perpignan, Périgueux, Beauvais ou Charleville-Mézières ;
Considérant que l'employeur répond que le salarié a reçu deux offres sérieuses correspondant à sa qualification auxquelles il n'a pas répondu, que ce silence équivaut à un refus, de sorte qu'aucun manquement ne peut être opposé à la société Taylor Nelson Sofres ;
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Considérant qu'en application de l'article L.1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou à défaut et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ; que les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ;
Considérant que les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l'entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel elle appartient, parmi les entreprises dont l'activité, l'organisation ou le lieu permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ;
Considérant que c'est à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyen ;
Considérant qu'il est établi que deux postes ont été proposés à M. Benjamin X... ; qu'il n'explique pas pourquoi il les a implicitement refusés en n'apportant aucune réponse à son employeur, ni en quoi ils ne correspondaient pas à ses souhaits, de sorte qu'il doit être admis que l'employeur a fait les efforts de reclassement voulus ;
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Considérant qu'il n'en demeure pas moins que l'absence de motif économique suffisant conduit la cour à déclarer le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ;
Considérant que le salarié n'apporte aucun élément de preuve pour la démonstration de son préjudice;
Considérant que compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. Benjamin X..., de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi, eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies,ily a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail une somme de15000euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, compte tenu du salaire horaire de 11,66 euros et de la requalificaiton du contrat en contrat de travail à temps plein, ce qui donne un salaire mensuel de 1 767 euros ;
Sur l'indemnité de l'article L.1235-16 du code du travail
Considérant que M. Benjamin X... sollicite la condamnation de la société Taylor Nelson Sofres à lui verser la somme de 10 610,82 euros correspondant à six mois de salaire en application de l'article L.1235-16 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi du 6 août 2015, à raison de l'annulation par la cour administrative d'appel de Versailles le 16 septembre 2014 de l'homologation par la DIRECCTE du plan de sauvegarde de l'emploi ;
Considérant que la société Taylor Nelson Sofres répond qu'elle ne peut être tenue pour responsable de la carence de la DIRECCTE dont l'insuffisante motivation a entraîné l'annulation de l'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi et qu'en tout état de cause, cette indemnité ne se cumule pas avec les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
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Considérant que l'article L.1235-16 dans sa rédaction applicable aux procédures de licenciement engagées, comme en l'espèce, après le 1er juillet 2013 et avant le 7 août 2015, dispose que l'annulation de la décision d'homologation mentionnée à l'article L.1233-57-3 du code du travail, pour motif autre que celui mentionné au dernier alinéa de l'article L.1235-10 relatif à l'absence ou à l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi, donne lieu, sous réserve de l'accord des parties, à la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis ; qu'à défaut le salarié a droit à une indemnité à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaire des six derniers mois ; qu'elle est due sans préjudice de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L.1234-9 ;
Considérant que ledit arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté le recours du Ministère du travail contre le jugement rendu par le tribunal administratif de Cergy Pontoise du 22 avril 2014 annulant la décision du 27 novembre 2013 par laquelle le directeur régional des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile de France a homologué le document unilatéral de la société Taylor Nelson Sofres, motif pris de l'insuffisance de motivation de la décision d'homologation ; que le motif retenu pour l'annulation de la décision d'homologation est sans incidence sur la sanction prévue par la loi, en l'état du texte applicable ;
Considérant qu'il s'ensuit que l'employeur doit être condamné à verser une indemnité égale au montant des six derniers mois, soit la somme de 10 610,82 euros avec intérêts à compter du présent arrêt ;
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Considérant qu'il est équitable au regard de l'article 700 du code de procédure civile de condamner la société Taylor Nelson Sofres à payer à M. Benjamin X... la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ; que la société qui succombe sur l'essentiel sera condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort ;
INFIRME le jugement déféré sur la nullité de la procédure ;
Statuant à nouveau,
REJETTE l'exception ;
ÉVOQUE ;
CONDAMNE la société Taylor Nelson Sofres à payer à M. Benjamin X... les sommes suivantes:
'' 1 768,47 euros d'indemnité de requalification ;
'' 34 646,45 euros de rappel de salaire ;
'' 3 464,64 euros d'indemnité de congés payés afférents ;
'' 15 000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
'' 10 610,82 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article L.1235-16 du code du travail, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt
'' 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
DÉBOUTE la société Taylor Nelson Sofres de sa demande au titre des frais irrépétibles ;
CONDAMNE la société Taylor Nelson Sofres aux dépens.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président, et par Monsieur Nicolas CAMBOLAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,