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28/09/2018 | FRANCE | N°18/004581

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1a, 28 septembre 2018, 18/004581


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 14A

1ère chambre
1ère section

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 28 SEPTEMBRE 2018

No RG 18/00458

AFFAIRE :

Mohammed X...
C/
SAS PRODUCTIONS TONY COMITI
SA TELEVISION FRANCAISE

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 26 Octobre 2017 par le Juge de la mise en état de NANTERRE
No Chambre : 1
No RG : 16 / 03189

Expéditions exécutoires
Expéditions
délivrées le :
à :
Me Gérard Y...

Z... H...

Me Pierre A...

RÉPUBLIQUE F

RANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur Mohammed...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 14A

1ère chambre
1ère section

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 28 SEPTEMBRE 2018

No RG 18/00458

AFFAIRE :

Mohammed X...
C/
SAS PRODUCTIONS TONY COMITI
SA TELEVISION FRANCAISE

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 26 Octobre 2017 par le Juge de la mise en état de NANTERRE
No Chambre : 1
No RG : 16 / 03189

Expéditions exécutoires
Expéditions
délivrées le :
à :
Me Gérard Y...

Z... H...

Me Pierre A...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur Mohammed X...
né le [...] à HAINE SAINT PAUL (BELGIQUE)
de nationalité Marocaine
Domicile [...]

Représentant : Me Gérard Y..., Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 286 - Représentant : Me Jean Hubert B... susbtitué par Me Raphaëlle DAUNAT, Plaidant, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANT
****************

SAS PRODUCTIONS TONY COMITI "PTC"
No SIRET : 39 0 9 40 674
183 [...]

Représentant : Me H... C... de la Z... H..., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - No du dossier 20180066 - Représentant : Me Richard D... susbtitué par Me Lorraine E... de l'AARPI D... ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

SA TELEVISION FRANCAISE "TF1"
No SIRET : 326 30 0 1 59
[...]

Représentant : Me Pierre A..., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 623 - No du dossier 18000065 - Représentant : Me Pierre-Olivier SUR substitué par Me Mathias CHICHPORTICH de la SCP FISCHER TANDEAU DE MARSAC SUR etamp; ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES
****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 juin 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Alain PALAU, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Alain PALAU, président,
Madame Anne LELIEVRE, conseiller,
Madame Nathalie LAUER, conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE
Vu l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nanterre en date du 26 octobre 2017 qui a statué ainsi:

- prononçons la nullité de l'assignation,

- condamnons M. X... à payer une indemnité de 1 000 euros à la société TF1 et une indemnité de 1 000 euros à la société Tony Comiti au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamnons M. X... aux dépens.

Vu la déclaration d'appel de M. X... en date du 22 janvier 2018.

Vu les dernières conclusions en date du 28 février 2018 de M. X... qui demande à la cour de:

- constater que l'action engagée par M. X... est exclusivement fondée sur l'article 9 du code civil,

- en conséquence, réformer en ce sens :

- infirmer l'ordonnance du 26 octobre 2017 en ce qu'elle a prononcé la nullité de l'assignation de M. X...,

- condamner solidairement la société Comiti et la Société Télévision Française 1 (TF1) à payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement la société Comiti et la Société Télévision Française 1 (TF1) aux dépens d'appel et de première instance.

Vu les dernières conclusions de la Société Télévision Française 1 (TF1) en date du 28 mars 2018 qui demande à la cour de:

- confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

En toute hypothèse
- constater la garantie de la société Productions Tony Comiti au bénéfice de la société TF1,

- condamner M. X... à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Vu les dernières conclusions en date du 26 mars 2018 de la SAS PRODUCTIONS TONY COMITI qui demande à la cour de:

- déclarer M. X... mal fondé en son appel et l'en débouter intégralement,

- confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du 26 octobre 2017,

Et ainsi,
- requalifier l'action engagée sur le fondement de l'article 9 du code civil en action en diffamation,

En conséquence,
- dire et juger nulle l'assignation délivrée à la requête de M. X...,

- le condamner à lui verser la somme de 3 000 euros,

- le condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl H... C... agissant par Maître H... C... avocat et ce conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture du 3 mai 2018.

****************************

FAITS ET MOYENS

Par acte du 8 mars 2016, M. Mohamed X... a fait assigner la société TF1 devant le tribunal de grande instance de Nanterre sur le fondement des dispositions de l'article 9 du code civil pour obtenir la réparation de son préjudice au titre de l'atteinte à sa vie privée et la violation de son droit à l'image par la diffusion d'un reportage intitulé "Appels d'urgence-courses poursuites, accidents : mission à haut risque pour motards d'élite", dont une séquence relate le contrôle routier dont il a fait l'objet au mois de juillet 2011, à Paris, alors qu'il circulait à bord de son véhicule Audi A5 blanc immatriculé en Belgique.

Par conclusions du 30 mai 2016, la société de production Tony Comiti est intervenue volontairement à la procédure en sa qualité de producteur et de réalisateur du reportage litigieux.

Par conclusions d'incident signifiées le 19 août 2016, la société TF1 a soulevé la nullité de l'assignation au motif que les atteintes alléguées constituent en réalité une diffusion de l'image d'une personne portant des menottes et mise en cause à l'occasion d'une procédure pénale et/ou une action en diffamation, régies par les articles 35 ter et/ou 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 et que l'acte introductif d'instance, qui méconnaît les dispositions d'ordre public de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, doit donc être annulé.

Par conclusions postérieures, la société Productions Tony Comiti a également conclu au prononcé de la nullité de l'assignation.

Le juge de la mise en état a prononcé l'ordonnance querellée.

Aux termes de ses écritures précitées, M. X... expose qu'il a fait l'objet en juillet 2011 d'un contrôle routier et qu'après une vingtaine de minutes, les policiers ont été rejoints par des collègues motards, eux-mêmes accompagnés de journalistes munis de caméras, qui réalisaient un reportage pour les besoins d'une émission télévisuelle de TF1 dénommée « appels d'urgence ».

Il expose qu'il a immédiatement indiqué à l'équipe de télévision qu'il ne souhaitait pas être filmé.

Il souligne que les journalistes ont filmé ainsi sans son accord l'intégralité du contrôle et notamment le moment où les policiers ont déclaré douter de l'authenticité des papiers qu'il présentait.

Il souligne également que le filmage s'est poursuivi par son menottage et son accompagnement au commissariat.

Il précise qu'il a été « relâché », en l'absence de toute infraction relevée à son encontre.

Il indique que, le 11 octobre 2011 à 23h10, TF1 a diffusé le reportage réalisé le jour du contrôle au cours duquel une séquence a relaté son contrôle.
Il indique également que cette séquence a été mise en ligne sur le site internet de la chaîne.

Il expose qu'alors même que les personnages et les plaques minéralogiques du véhicule ont été floutées, lui-même, la passagère et son véhicule apparaissent à de nombreuses reprises et que sa voix et celle de sa compagne ne sont la plupart du temps pas modifiées pour les rendre méconnaissables.

Il ajoute que la plaque telle qu'elle apparaît ne laisse aucun doute quant à son immatriculation belge.

Il fait état d'une mise en scène flagrante et déplacée, lui-même étant placé à l'arrière droite du véhicule de police, le véhicule dit « confisqué » étant décapoté pour les besoins du tournage entre la scène d'interpellation et le commissariat et lui-même ressortant de l'avant droit (passager) du véhicule de police à son arrivée au commissariat.

Il excipe de commentaires et passages du film montés aux fins d'attirer l'audimat et rendre plus « vendeur » le reportage, au détriment de la réalité d'une part, et surtout, de la protection de sa vie privée.

Il souligne qu'il a été filmé alors qu'un policier lui passait les menottes et le faisait monter entravé dans le véhicule de police et qu'une voix off prétendait éclairer le spectateur sur ses motivations et ses liens avec d'hypothétiques « faussaires », présentés comme ses « complices ».

Il expose que cette séquence, totalement montée (lui-même entravé et non consentant étant contraint de monter et descendre du véhicule de police à plusieurs reprises pour que les journalistes obtiennent la meilleure prise) était clôturée par des images de sa prise d'empreintes avec le commentaire suivant : « pour usage et possession de faux documents, le délinquant risque une peine de 2 ans d'emprisonnement ».

Il déclare donc qu'il sollicite la réparation de son préjudice lié à l'utilisation de son image sans son autorisation dans des circonstances particulières ayant gravement porté atteinte à sa vie privée, et ce, au visa de l'article 9 du code civil.

Il indique avoir, sur ce fondement, saisi le tribunal de grande instance de Nanterre.

Il affirme que l'action engagée ne repose pas sur le caractère diffamatoire ou non des images filmées puis fixées mais sur l'absence initiale de consentement au captage de l'image puis à sa diffusion.

Il conteste toute prétendue erreur de qualification des faits.

Il déclare que si la qualité du reportage et les commentaires apposés peuvent prêter à discussion quant à leur véracité, l'instance engagée a pour seul fondement la violation du droit à son image au regard du respect à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

Il ajoute qu'en toute hypothèse, le cumul des infractions de diffamation et d'atteinte au droit à l'image est possible en ce qu'elles sont distinctes.

Il fait valoir que leur sanction est donc autonome et surtout non exclusive l'une de l'autre.

Il estime que c'est le cumul des actions en diffamation et sur le fondement de l'article 9-1 du code civil qui est proscrit et excipe d'un arrêt de la Cour de cassation du 18 décembre 2003 qui a constaté que l'intéressée avait exclusivement fondé son action sur l'article 9 du code civil sans évoquer aucune diffamation et donc jugé que la cour d'appel avait déduit à bon droit que l'action engagée ne relevait pas des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 mais de celles de l'article 9 du code civil.

Il soutient que, même si les faits dénoncés relevaient également de la diffamation, la sanction de la seule violation du droit à l'image, telle qu'invoquée exclusivement en l'espèce, resterait possible.

Il conteste donc toute prétendue erreur de qualification de sa part.

Aux termes de ses écritures précitées, la Sa Télévision Française 1 - TF1 - reprend les termes de l'assignation.

Elle soutient qu'il en résulte qu'au-delà de la diffusion de son image, M. X... fait grief au reportage de l'avoir présenté de manière attentatoire à son honneur et à sa considération en raison notamment de la diffusion de son image entravée à l'occasion d'un contrôle de police.

Elle estime donc justifié que le juge de la mise en état ait restitué aux faits leur qualification juridique d'infractions de presse.

Elle rappelle l'article 12 du code de procédure civile et l'article 35 ter de la loi du 29 juillet 1881.

Elle excipe d'un arrêt de la Cour de cassation du 8 novembre 2017 et d'arrêts de cours d'appel.

Elle fait valoir qu'il ressort des termes même de l'assignation que M. X... reproche au reportage incriminé d'avoir diffusé son image entravée et le présentant comme un délinquant.

Elle estime qu'une telle pétition constitue en réalité une action sur le fondement de l'article 35 ter de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et/ou de l'article 29 alinéa 1 du même texte, la diffusion de son image n'étant finalement que le support de ces délits et le moyen, par exemple, de lui imputer des agissements illicites.

Elle en conclut que la diffusion de cette image ne peut être poursuivie de façon autonome, le préjudice dont M. X... entend obtenir réparation étant nécessairement lié à la présentation attentatoire à l'honneur ou à la considération qu'il allègue.

Elle soutient qu'il aurait donc dû observer les règles d'ordre public énoncées par l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881.

Aux termes de ses écritures précitées, la société Productions Tony Comiti expose le reportage.

Elle fait valoir, citant des jugements ou arrêts, que les dispositions protectrices de la loi sur la presse ne peuvent être contournées par le recours à l'article 9 du code civil, une atteinte à l'honneur ne pouvant être poursuivie en s'affranchissant du respect des règles de procédure de la loi sur la presse.

Elle conclut que, dans l'hypothèse où les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 ont vocation à s'appliquer, il ne peut être fait recours de manière alternative aux dispositions de l'article 9 du code civil, moins protectrices de la liberté d'expression.

Elle estime que l'assignation litigieuse ne laisse aucun doute sur les atteintes invoquées et que les faits dont se plaint M. X... relèvent en réalité de délits de presse régis par la loi du 29 juillet 1881 et non d'une prétendue atteinte à son droit à l'image.

Elle affirme que, plus que l'atteinte à son droit à l'image et à sa vie privée, il se plaint de la présentation qui est faite de sa personne.

Elle cite les termes de l'assignation.

Elle en conclut que M. X... stigmatise l'association de l'image et du commentaire soit une présentation attentatoire à son honneur et sa considération.

Elle ajoute qu'en soulignant que les images le représentent « entravé », il a cherché à contourner les dispositions de l'article 35 ter de la loi du 29 juillet 1881.

Elle indique qu'il a déposé une plainte simple, le 14 novembre 2011, puis une plainte avec constitution de partie civile, le 26 décembre 2012 (jugée prescrite) du chef de diffusion de l'image d'une personne entravée sur le fondement de cette disposition, ces plaintes étant, à peu de choses près, rédigées comme la présente assignation.

Elle en conclut qu'il se plaint tout à la fois d'une présentation attentatoire à son honneur et à sa considération - donc diffamatoire - puisque son image permettrait d'illustrer un reportage consacré aux infractions routières, ce qui ferait donc de lui un délinquant, et d'une diffusion de son image entravée ce qui relève des dispositions de la loi sur la presse.

Elle se prévaut des termes de l'ordonnance.

****************************

Considérant que, dans le dispositif de son assignation, M. X... vise l'article 9 du code civil et invoque un préjudice causé par l'utilisation de son image sans son consentement;

Considérant que, conformément à l'article 12 du code de procédure civile, le juge doit «donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée»;

Considérant que l'article 35 ter de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse dispose que :
"I. - Lorsqu'elle est réalisée sans l'accord de l'intéressé, la diffusion, par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support, de l'image d'une personne identifiée ou identifiable mise en cause à l'occasion d'une procédure pénale mais n'ayant pas fait l'objet d'un jugement de condamnation et faisant apparaître, soit que cette personne porte des menottes ou entraves, soit qu'elle est placée en détention provisoire, est punie de 15 000 euros d'amende";

Considérant que l'article 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1889 précise que "Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation";

Considérant que l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 énonce qu'à peine de nullité, "La citation précisera et qualifiera le fait incriminé, elle indiquera le texte de loi applicable à la poursuite";

Considérant que le principe à valeur constitutionnelle de la liberté d'expression implique qu'il soit exclu de recourir à des qualifications juridiques autres que celles définies par ces dispositions notamment pour échapper aux contraintes procédurales protectrices de la liberté de la presse qu'elles instaurent, si les faits à l'origine du préjudice dont il est demandé réparation caractérisent l'un des délits qui y sont prévus;

Considérant que si une action autonome peut exister sur le fondement de l'article 9 du code civil, c'est à la condition que ses éléments ne soient pas susceptibles de se confondre avec les éléments constitutifs d'une infraction de presse;

Considérant que, dans sa présentation des faits figurant dans l'assignation, M. X... expose, comme l'a relevé le juge de la mise en état, que:
"Non seulement Monsieur X... a été filmé alors qu'un policier lui passait les menottes et le faisait monter entravé dans le véhicule de police, mais encore une voix off prétendait éclairer le spectateur sur les motivations de Monsieur X... et ses liens avec d'hypothétiques "faussaires", présentés comme ses "complices".
Cette séquence, totalement montée (Monsieur X..., entravé et non consentant à ce filmage étant contraint de monter et descendre du véhicule de police à plusieurs reprises pour que les journalistes obtiennent la meilleure prise !), était clôturée par des images de la prise d'empreintes de Monsieur X..., avec le commentaire suivant : "pour usage et possession de faux documents, le délinquant risque une peine de 2 ans d'emprisonnement".
Etant précisé à titre superfétatoire qu'à aucun moment l'émission ne devait préciser qu'aucune poursuite avait été engagée à l'encontre de Monsieur X... puisque ce dernier justifiait parfaitement de son identité et de l'authenticité des documents présentés et devait être libéré du commissariat avec les excuses de l'inspectrice ayant procédé à son audition.
Monsieur X... est donc bien fondé à obtenir réparation de son préjudice lié à l'utilisation de son image sans son autorisation dans des circonstances particulières ayant gravement porté atteinte à sa vie privée, et ce, au visa de l'article 9 du code civil";

Considérant que, dans la partie «discussion», il fait valoir qu'il a découvert avec stupeur l'émission «dans laquelle il apparaît effectivement entravé et clairement reconnaissable»;

Considérant qu'il souligne que son identification était facile, rappelle qu'il n'a jamais donné son consentement exprès et qu'il s'est opposé à toute prise de vue; qu'il invoque l'absence de consentement exprès «quant à l'utilisation de son image en de pareilles circonstances»;

Considérant qu'il indique qu'il a été contre son gré «l'illustration» d'un reportage sur les infractions routières;

Considérant qu'il fait également valoir que la mise en scène liée au reportage n'a «fait qu'aggraver» son préjudice; qu'il détaille celle-ci et indique qu'il a dû subir,» totalement impuissant une mise en scène pénible et incontrôlable»;

Considérant qu'il ajoute que, lors de rediffusions de l'émission, le contrôle dont il a fait l'objet a disparu;

Considérant que, dans sa présentation des faits, M. X... fait donc valoir qu'il a été filmé entravé et qu'un commentaire a fait état de ses liens avec des faussaires et rappelé les peines encourues pour usage et possession de faux documents; qu'il ajoute que l'émission n'a pas précisé qu'aucune poursuite n'avait été diligentée à son encontre; qu'il conclut qu'il est «donc» bien fondé à invoquer l'article 9 du code civil;

Considérant que, dans la partie consacrée à la discussion, il invoque également le «menottage» subi et les conditions de sa conduite au commissariat;

Considérant qu'il résulte ainsi des énonciations contenues dans l'assignation que, comme l'a constaté le premier juge, l'action pour atteinte à la vie privée et violation du droit à l'image introduite par lui est en réalité fondée sur la diffusion non autorisée de son image le montrant entravé par des menottes à l'occasion d'un contrôle routier, dans un reportage consacré aux infractions routières, M. X... contestant avoir été filmé entravé et les commentaires de la diffusion de son image comprenant l'imputation de faits délictuels;

Considérant que les faits tels qu'invoqués par M. X..., à les considérer caractérisés, relèvent ainsi du délit de diffusion de l'image d'une personne identifiée ou identifiable mise en cause à l'occasion d'une procédure pénale mais n'ayant pas fait l'objet d'un jugement de condamnation et portant des menottes ou entraves, prévu à l'article 35 ter de la loi précitée sur la liberté de la presse, ainsi que du délit de diffamation prévu à l'article 29 alinéa 1 de ladite loi;

Considérant que, compte tenu des termes rappelés ci-dessus, les conditions d'une action autonome - soit l'existence d'éléments distincts de ceux constitutifs d'une infraction de presse- sur le fondement de l'article 9 du code civil ne sont pas réunies ;

Considérant qu'il convient, en conséquence, de requalifier les faits allégués en infractions visées aux articles 35 ter et 29 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881;

Considérant que M. X... était donc tenu au respect des dispositions d'ordre public énoncées par ladite loi, et notamment des formalités substantielles de l'article 53 ; que ces dispositions n'ont pas été respectées;

Considérant que l'assignation sera dès lors annulée;

Considérant que l'ordonnance sera confirmée en toutes ses dispositions;

Considérant que M. X... devra verser la somme de 1 000 euros à chacun des intimés au titre de leurs frais irrépétibles exposés en cause d'appel; que sa demande aux mêmes fins sera, compte tenu du sens du présent arrêt, rejetée;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

Confirme l'ordonnance en toutes ses dispositions,

Y ajoutant:

Condamne M. X... à payer une indemnité de 1 000 euros à la société TF1 et une indemnité de 1 000 euros à la société Tony Comiti au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. X... aux dépens.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Monsieur Alain PALAU, président, et par Madame Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1a
Numéro d'arrêt : 18/004581
Date de la décision : 28/09/2018
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Analyses

Arrêt rendu le 28 septembre 2018 par la 1ère chambre 1ère section de la cour d’appel de Versailles RG 18/00458 Droit de la communication - atteinte à l'intimité de la vie privée - atteinte au droit à l'image- contrôle routier, contrôle filmé par des journalistes sans l'accord de l'automobiliste – authentification du conducteur (oui), requalification (oui), délit de diffusion de l'image d'une personne identifiée ou identifiable mise en cause à l'occasion d'une procédure pénale mais n'ayant pas fait l'objet d'un jugement de condamnation et portant des menottes ou entraves, délit de diffamation, respect des formalités substantielles de l'article 53 de la loi du 29 juillet (non), conséquence, nullité de l'assignation. La cour retient qu’il résulte ainsi des énonciations contenues dans l’assignation que l’action pour atteinte à la vie privée et violation du droit à l’image introduite par l’appelant est en réalité fondée sur la diffusion non autorisée de son image le montrant entravé par des menottes à l’occasion d’un contrôle routier, dans un reportage consacré aux infractions routières et que les faits délictuels invoqués par lui, à les considérer caractérisés, relèvent du délit de diffusion de l'image d'une personne identifiée ou identifiable mise en cause à l'occasion d'une procédure pénale mais n'ayant pas fait l'objet d'un jugement de condamnation et portant des menottes ou entraves, prévu à l’article 35 ter de la loi précitée sur la liberté de la presse, ainsi que du délit de diffamation prévu à l’article 29 alinéa 1 de ladite loi. La cour requalifie les faits allégués en infractions visées aux articles 35 ter et 29 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 et considère que l’appelant était tenu au respect des dispositions d’ordre public énoncées par ladite loi, et notamment des formalités substantielles de l’article 53. Ces dispositions n’ayant pas été respectées, la cour prononce la nullité de l’assignation.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2018-09-28;18.004581 ?
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