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27/09/2018 | FRANCE | N°17/04526

France | France, Cour d'appel de Versailles, 16e chambre, 27 septembre 2018, 17/04526


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 58C



16e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 27 SEPTEMBRE 2018



N° RG 17/04526



AFFAIRE :



Société INORA LIFE FRANCE



C/



Jean-Paul X...









Décision déférée à la cour: Arrêt rendu le 18 Mai 2017 par la Cour de Cassation de PARIS sur l'arrêt rendu le 14 Avril 2016 par la Cour d'appel de Versailles suite au jugement rendu par le tribunal de grande

instance de NANTERRE

N° Chambre : 02

N° Section :

N° RG : 16-18-801



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Dominique Y... de la SCP DUFFOUR & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS



Me...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 58C

16e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 27 SEPTEMBRE 2018

N° RG 17/04526

AFFAIRE :

Société INORA LIFE FRANCE

C/

Jean-Paul X...

Décision déférée à la cour: Arrêt rendu le 18 Mai 2017 par la Cour de Cassation de PARIS sur l'arrêt rendu le 14 Avril 2016 par la Cour d'appel de Versailles suite au jugement rendu par le tribunal de grande instance de NANTERRE

N° Chambre : 02

N° Section :

N° RG : 16-18-801

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Dominique Y... de la SCP DUFFOUR & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

Me Nicolas Z... A... de la SCP Z... A... & FERON-POLONI, avocat au barreau de PARIS

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:

DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation du 18 Mai 2017 cassant et annulant l'arrêt rendu par la cour d'appel de VERSAILLES 14 Avril 2016

Société INORA LIFE FRANCE

C/O SOGECAP 42 boulevard Alexandre Martin

[...]

Assistée de Me Dominique Y... de la SCP DUFFOUR & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0470

****************

DEFENDEUR DEVANT LA COUR DE RENVOI

Monsieur Jean-Paul X...

né le [...] à COMINES (59560)

de nationalité Française

[...]

assisté de Me Nicolas Z... A... de la SCP Z... A... & FERON-POLONI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire:L0187

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Juin 2018, Madame Patricia GRASSO, Président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de:

Madame Patricia GRASSO, Président,

Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller,

Madame Ghislaine SIXDENIER, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Bernadette RUIZ DE CONEJO ;

FAITS ET PROCEDURE,

Le 6 mai 2008, M. X... a adhéré à un contrat collectif d'assurance sur la vie en unités de compte dénommé « Imaging » auprès de la société Inora Life France (ci-après «la société Inora Life»), contrat sur lequel il a versé la somme de 205.000 euros.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 10 juillet 2012, M. X... s'est prévalu auprès de l'assureur de son droit à renonciation, tel que prévu par l'article L. 132-5-1 du code des assurances, en arguant du non-respect par la société Inora de son obligation précontractuelle d'information et de la prorogation de délai subséquente, mais l'assureur a refusé de faire droit à cette demande.

Le 27 septembre 2012, M. X... a fait assigner la société Inora Life devant le tribunal de grande instance de Nanterre afin, notamment, de la voir condamnée à lui restituer la somme de 205.000 euros avec intérêts de retard au taux majoré et à lui payer la somme de 6.000 euros à titre de dommages-intérêts.

Par jugement du 23 mai 2014, le tribunal de grande instance de Nanterre a :

-condamné la société Inora Life à payer à M. X... la somme de 205.000 euros avec intérêts au taux légal majoré de moitié du 11 août 2012 au 11 octobre 2012, puis au double du taux légal à compter du 12 octobre 2012,

-dit que les intérêts échus pour une année entière depuis la demande en justice (5 octobre 2012) produiront eux-mêmes intérêts à compter du 5 octobre 2013,

-condamné la société Inora Life à payer à M. X... la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-ordonné l'exécution provisoire,

-débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

-condamné la société Inora Life aux dépens.

Suite à l'appel interjeté par la société Inora Life France, la cour d'appel de Versailles, a, par arrêt rendu le 14 avril 2016 :

-confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne le point de départ de la capitalisation des intérêts,

Statuant à nouveau de ce chef,

-dit que les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil à compter de la demande en ce sens formée le 27 septembre 2012,

Y ajoutant,

-condamné la société Inora Life France aux dépens d'appel, lesquels pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,

-débouté M. X... de sa demande au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

Suite au pourvoi formé par la société Inora Life, la Cour de cassation a, par arrêt rendu le 18 mai 2017 :

-cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 avril 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles,

-remis en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyés devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée,

-condamné M. X... aux dépens.

La cour de cassation a estimé qu'il appartenait au juge de fond de vérifier que le droit de rétractation exercé dans le cadre de l'article L. 132-5-1 du code des assurances ne dégénère pas en abus.

Le 14 juin 2017, la société Inora Life a saisi la cour d'appel de Versailles.

Dans ses conclusions transmises le 7 mai 2018, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Inora Life France, appelante, demande à la cour de :

-infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 23 mai 2014,

Et, statuant à nouveau,

-débouter M. X... de l'intégralité de ses demandes comme mal fondées,

-le condamner reconventionnellement à payer à la société Inora Life la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel à recouvrer par la SCP Duffour & Associés, avocats au barreau de Paris.

Au soutien de ses demandes, la société Inora Life France fait valoir :

-que la sanction de l'assureur, pour le non-respect des irrégularités retenues, par l'exercice de la faculté de renonciation, porte une atteinte disproportionnée aux articles 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme et 1er de son premier protocole additionnel, dans la mesure où l'assuré n'a subi aucun préjudice du fait du non-respect du formalisme prévu par le code des assurances, car son information était complète ;

-que les griefs invoqués par M. X... ne sont pas fondés ; que, en premier lieu, la société Inora Life n'a commis aucun manquement relatif à l'encadré exigé par l'article L. 132-5-2 du code des assurances ; que l'article intitulé «Dispositions essentielles» figure en début de notice d'information puisqu'il la précède ; que tout le texte figurant en page 10 est encadré sauf la mention «dispositions essentielles» ; que la circonstance que la notice d'information et les conditions générales soient remises dans un document paginé de façon continue n'affecte pas le fait que les deux documents sont différenciés ; que l'insertion de l'avertissement prévu par le 8° de l'article A. 132-8 du code des assurances dans l'encadré en gras et avec usage d'une police plus grande est de nature à attirer l'attention du lecteur sur les informations qui le suivent immédiatement, effet qui correspond au but recherché par le législateur, ainsi que l'a retenu le premier juge ; que M. X... ne saurait soutenir que la nature du contrat n'est pas mentionnée en caractères très apparents dès lors que l'information figure en première rubrique, conformément aux dispositions de l'article A. 132-8 du code des assurances ; que le tribunal ne pouvait considérer que l'absence de renvoi à la clause comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 132-5 du code des assurances caractérisait un manquement aux obligations de l'article A. 132-8 et L. 132-5, alors même que le contrat ne prévoit pas de participation aux bénéfices ; que, concernant le tableau prescrit par l'article A. 132-8 du code des assurances, dès lors que chaque information de la clause est mentionnée au sein de l'encadré, l'adhérent ne saurait arguer de ce que la mention légale ne serait pas « littéralement » reproduite ; que, concernant la mention relative à la durée du contrat prescrite par l'article A. 132-8 du code des assurances, il ne résulte pas de la modification bénigne apportée une atteinte au sens ou à la portée des informations ainsi mentionnées ; que, en second lieu, la Société Inora Life a communiqué une notice d'information conforme aux dispositions des articles L. 132-5-2 et suivants du code des assurances ; que le modèle figurant en annexe de l'article A. 132-4 du code des assurances est indicatif et nullement impératif, a fortiori s'agissant de son ordre ; que la lecture de la documentation remise à l'adhérent préalablement à son adhésion permet de relever que les valeurs de rachat sont indiquées aux articles 7.1 des conditions générales et 2.7 de la notice d'information; que la société Inora Life a parfaitement respecté l'obligation d'information des caractéristiques principales de l'unité de compte conformément à l'article A. 132-4 du code des assurances et à son annexe en mentionnant en annexe 2 de la notice d'information les caractéristiques techniques et financières de l'EMTN ;

-que, si la faculté prorogée de renonciation à un contrat d'assurance-vie revêt un caractère discrétionnaire pour le preneur d'assurance, son exercice peut dégénérer en abus ; que la faculté de renonciation ne peut donc avoir pour objet de faire sanctionner un éventuel manquement à une obligation d'information qui a été pleinement remplie sur le fond, indépendamment de questions de forme qui ne peuvent avoir eu d'incidence sur le fond ; que cette position ne contrevient pas à la faculté de renonciation, qui a pour finalité de protéger le contractant contre lui-même et pas contre son contrat et l'évolution des résultats de celui-ci ; que cette solution n'occulte pas le particularisme du droit des assurances, en ce qu'elle prend mieux en compte le principe de bonne foi ; que cette solution n'est pas contraire au droit communautaire, car la Cour de justice de l'Union européenne, dans l'arrêt Walter B... (19 décembre 2013 C209/12) ne vient à aucun moment estimer que le droit de renonciation est absolu, et rappelle simplement que les modalités d'exercice du droit de renonciation devaient être communiquées au preneur d'assurance et ce avant la conclusion du contrat.

Dans ses conclusions transmises le 11 mai 2018, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. X..., intimé, demande à la cour de :

-dire et juger la société Inora Life mal fondée en son appel,

-confirmer le jugement rendu le 23 mai 2014 par le tribunal de grande instance de Nanterre en toutes ses dispositions favorables à M. X...,

-dire et juger que c'est à bon droit que M. X... a renoncé à son contrat Imaging par courrier recommandé avec accusé réception le 10 juillet 2012 réceptionné le 11 juillet 2012,

En conséquence,

-confirmer la condamnation de la société Inora Life à restituer à M. X... la somme de 205.000 euros à titre principal,

-confirmer la condamnation de la société Inora Life à payer sur cette somme principale les intérêts de retard tels que prévus par l'article L. 132-5-1 du code des assurances, à savoir calculés au taux de l'intérêt légal majoré de moitié à compter du 11 août 2012 jusqu'au 11 octobre 2012, puis à partir de cette date, au double du taux légal,

-dire que les intérêts échus produiront eux-mêmes intérêts à compter de la signification de l'acte introductif d'instance,

-condamner la société Inora Life à payer à M. X... une somme de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

-condamner la société Inora Life à payer à M. X... la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner la société Inora Life aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Z... A... & Feron-Poloni.

Au soutien de ses demandes, M. X... fait valoir :

-que la société Inora Life n'a pas respecté les obligations précontractuelles d'informations prescrites par le code des assurances ; que, en premier lieu, la société Inora Life a commis des manquements relatifs à l'encadré mentionné au premier alinéa de l'article L. 132-5-2 du code des assurances ; que l'article intitulé « Dispositions essentielles » ne peut constituer l'encadré prévu par l'article L. 132-5-2 du code des assurances dès lors qu'il ne figure pas en début de proposition, de contrat ou de notice mais en page 10 à la fin des conditions générales ; que l'encadré doit précéder la mention prévue par l'article A. 132-8, 8° du code des assurances, tandis qu'il est placé en début de texte et non après l'encadré ; que la nature du contrat n'est pas mentionnée en caractères très apparents ; que la mention relative à la participation aux bénéfices ne précise pasla référence à la clause comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 132-5 du code des assurances ; que la mention relative aux frais n'est pas conforme puisqu'il n'est pas fait état des frais à l'entrée et que les intitulés du tableau prescrits par l'article A. 132-8 du code des assurances n'ont pas été respectés ; que la mention relative à la durée du contrat n'est pas littéralement la même que celle prescrite par l'article A. 132-8 du code des assurances ; que, en second lieu, la société Inora Life a commis des manquements relatifs à la note d'information ; que le document n'est pas distinct des conditions générales ; que la notice ne respecte pas l'ordre et le contenu de la note visée par l'article A. 132-4 du code des assurances ;

-que M. X... est bien fondé à exercer la faculté de renonciation car la jurisprudence issue des arrêts rendus le 19 mai 2016 par la Cour de cassation est contra legem; que cette solutioncontrevient à la finalité même de la faculté de renonciation, car le législateur a entendu sanctionner les assureurs peu scrupuleux du respect de la loi ; que la rigueur de la sanction est justifiée par le caractère consumériste de la loi ; que la loi du 30 décembre 2014 venue modifier l'article L. 132-5-2 du code des assurances n'est pas applicable aux contrats conclus avant son entrée en vigueur faute de prévision en ce sens du législateur ; que la solution de la Cour de cassation occulte la particularité du droit des assurances, dérogatoire du droit commun de la responsabilité civile, dans la mesure où le contentieux de la renonciation n'a pas pour objectif d'indemniser l'assuré mais de sanctionner l'assureur qui n'a pas rempli les obligations que lui impose la loi ; que cette solution est par ailleurs contraire au droit communautaire, d'après lequel prorogation du droit de renonciation pour manquement de l'assureur à ses obligations d'information ne peut souffrir d'exceptions et doit pouvoir s'exercer de plein droit ; que, à titre subsidiaire, la société Inora Life ne démontre pas la mauvaise foi de M. X... dans l'exercice de son droit de renonciation ni un quelconque abus de droit.

*****

La clôture de l'instruction a été prononcée le 12 juin 2018.

L'audience de plaidoirie a été fixée au 20 juin 2018 et le délibéré au 27 septembre suivant.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la violation de la Convention Européenne des Droits de l'Homme

La société Inora Life fait valoir que la sanction de l'assureur pour le non-respect des irrégularités retenues, par l'exercice de la faculté de renonciation, porte une atteinte disproportionnée aux articles 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme et 1er de son premier protocole additionnel, dans la mesure où l'assuré n'a subi aucun préjudice du fait du non-respect du formalisme prévu par le code des assurances, car son information était complète.

Cependant, lorsqu'une réglementation communautaire ne comporte aucune disposition spécifique prévoyant une sanction en cas de violation, ou renvoie sur ce point aux réglementations nationales, ce qui est le cas de l'article 36 de la directive 2002/ 83 CE et de son annexe III, il incombe aux Etats membres de prendre toutes mesures propres à garantir la portée et l'effectivité du droit communautaire dans les conditions de fond et de procédure conférant à la sanction un caractère effectif, proportionné et dissuasif.

L'exigence de proportionnalité par rapport à l'objectif d'intérêt général poursuivi ne serait pas respecté par l'application de l'article L.132-5-1 du Code des assurances sans exercer le moindre rôle modérateur, cette application constituant une charge démesurée et mécanique pour l'assureur qui subit l'intégralité des pertes financières en restituant les primes affectées à des supports financiers choisis à l'adhésion par le preneur qui a eu connaissance des caractéristiques de son contrat d'assurance.

S'agissant du droit communautaire, la réglementation ne comporte aucune disposition spécifique prévoyant une sanction en cas de violation de l'obligation d'information et renvoie sur ce point aux réglementations nationales (article 36 de la directive 2002/83 CE et de son annexe III), de sorte qu'il incombe aux Etats membres de prendre toutes mesures propres à garantir la portée et l'effectivité du droit communautaire dans les conditions de fond et de procédure conférant à la sanction un caractère effectif, proportionné et dissuasif, la finalité de cette directive étant de veiller à garantir au preneur d'assurance le plus large accès aux produits d'assurance en lui assurant, pour profiter d'une concurrence accrue dans le cadre d'un marché unique de l'assurance, les informations nécessaires pour choisir le contrat convenant le mieux à ses besoins.

Si la loi n°2014-1662 du 30 septembre 2014 a modifié les conditions de mise en 'uvre de la sanction de la prorogation du délai d'exercice du droit de renonciation posées par l'article L.132-5-2 du Code des assurances en substituant à l'expression « de plein droit », qui figurait dans le texte applicable à l'espèce, l'expression « de bonne foi », le contrat litigieux est soumis au texte dans une version antérieure qui dispose «le défaut de remise des documents et informations prévus au présent article entraîne de plein droit la prorogation du délai de renonciation prévu à l'article L. 132-5-1 jusqu'au trentième jour calendaire révolu suivant la date de remise effective de ces documents, dans la limite de huit ans à compter de la date où le souscripteur est informé que le contrat est conclu»

Cependant, si la faculté prorogée de renonciation prévue par les textes en l'absence de respect, par l'assureur, du formalisme informatif qu'il édicte, revêt un caractère discrétionnaire pour le preneur d'assurance, son exercice peut dégénérer en abus, de sorte que la juridiction saisie doit, pour chaque espèce, si l'assureur soulève la mauvaise foi du souscripteur, rechercher si l'exercice de cette renonciation n'est pas étranger à sa finalité et incompatible avec le principe de loyauté qui s'impose aux contractants.

Seule l'absence d'examen de la mauvaise foi et de l'abus de droit au motif que l'exercice de la faculté de rétractation prévue par l'article L.132-5-1 du Code des assurances serait discrétionnaire, pourrait constituer une violation de l'article 1er du Protocole additionnel à la convention de sauvegarde des Droits de l'homme et des Libertés fondamentales qui énonce:« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international »

L'exercice tardif de sa faculté de rétractation par le souscripteur du fait d'un manquement formel de l'assureur à son obligation d'information pré-contractuelle ne contrevient donc pas au droit de l'Union dès lors que le juge exerce un contrôle sur la finalité de la mise en oeuvre de ce droit par l'assuré.

Sur les manquements invoqués par M. X...

L'article L 135-5-3 qui concerne spécifiquement les assurances de groupe sur la vie renvoie notamment à l'article L 135-5-2 s'agissant de l'obligation d'information pesant sur l'assureur.

L'article L.132-5-2 du code des assurances prévoit qu'avant la conclusion du contrat, l'assureur doit remettre contre récépissé au candidat à l'assurance une note d'information sur les conditions d'exercice de la faculté de renonciation prévue à l'article L.132-5-1 et sur les dispositions essentielles du contrat.

Les mentions que doit contenir cette note d'information sont précisées à l'article A.132-4.

Toutefois, pour les contrats d'assurance comportant une valeur de rachat ou de transfert, le même article de loi autorise l'assureur à ne pas fournir une note d'information distincte de la proposition d'assurance ou du projet de contrat, à la condition d'insérer en début de proposition d'assurance ou de projet de contrat un encadré indiquant en caractères très apparents la nature du contrat et dont le format et le contenu sont définis à l'article A.132-8 du code des assurances, applicable aux contrats souscrits à compter du 1er mai 2006.

L'absence de respect par l'assureur de ses obligations est sanctionnée, selon l'article L.132-5-2, alinéa 6 par la prorogation de plein droit du délai de renonciation de l'assuré prévu à l'article L.132-5-1 jusqu'au trentième jour calendaire révolu suivant la date de la remise effective de ces documents, dans la limite de huit ans à compter de la date où le souscripteur est informé que le contrat est conclu.

En l'espèce, dans le contrat Imaging, l'encadré intitulé 'dispositions essentielles' se trouve en page 10 d'une plaquette en comportant 23, après les conditions générales du contrat (pages 1 à 9) et avant la notice d'information (pages 12 à 23), et ne figure sur aucune des deux tables des matières figurant en pages 1 et 11.

Une telle présentation ne satisfait pas aux exigences du code des assurances en vertu desquelles le contenu de la note d'information doit se distinguer et être distinct de celui des conditions générales.

En effet, cette présentation en une liasse unique des conditions générales, placées en tête, et de la notice d'information contrevient aux dispositions légales, lesquelles ont pour but d'attirer en premier lieu l'attention du souscripteur, avant la conclusion du contrat, sur les dispositions les plus importantes du contrat, qui seront développées immédiatement après dans la notice d'information.

En ne séparant pas les conditions générales de la note d'information, et en les plaçant en tête d'un document unique qui doit alors être considéré comme formant en son entier la proposition d'assurance, la société Inora Life n'a pas respecté les dispositions de l'article L 135-5-2, aux termes desquelles, pour valoir note d'information, la proposition d'assurance doit commencer par l'encadré prévu par ce texte (et non comme en l'espèce par les conditions générales).

Il apparaît en outre que 'l'encadré' intitulé 'notice d'information' figurant en tête de la proposition d'assurance ne respecte pas les dispositions légales et réglementaires susvisées s'agissant de l'indication de la nature du contrat (contrat d'assurance vie de groupe), insuffisamment apparente puisqu'elle figure dans la même police que les autres informations, alors que l'article L 132-5-2 du code des assurances exige qu'elle figure en caractères 'très apparents'.

Il en résulte que les dispositions légales précitées n'ont pas été respectées par Inora Life de sorte que M. X... bénéficie d'un délai de rétractation prolongé dans les conditions légales.

Sur la finalité de l'exercice de la faculté de renonciation par l'assuré

L'abus de droit est le fait pour une personne de commettre une faute par le dépassement des limites d'exercice d'un droit qui lui est conféré, soit en le détournant de sa finalité, soit dans le but de nuire à autrui.

En application de l'article 2268 du code civil, la bonne foi est toujours présumée et il incombe à l'assureur d'établir la preuve de la déloyauté de l'assuré et de l'abus de droit de celui-ci dans l'exercice de son droit de renonciation.

Il n'est nul besoin de faire la démonstration de l'intention de nuire de l'assuré, pas plus qu'il n'est nécessaire d'examiner si une intention maligne existait dès la souscription du contrat, l'abus dans l'exercice d'un droit s'appréciant lorsqu'il en est fait usage, en fonction de divers éléments dont certains peuvent être contemporains de la conclusion du contrat.

Le détournement de la faculté de renonciation ne peut se déduire du temps qui s'est écoulé depuis la souscription du contrat ce qui conduirait à priver de tout effet, en contravention avec la législation communautaire, la prorogation de la faculté de renonciation qui est la sanction du non respect de l'obligation pré-contractuelle d'information de l'assureur, dont la finalité est la protection du preneur d'assurance en lui permettant d'obtenir les informations nécessaires pour choisir le contrat convenant le mieux à ses besoins pour profiter d'une concurrence accrue dans un marché unique de l'assurance.

Dans la mesure où le consentement des assurés doit être éclairé sur les caractéristiques essentielles du produit présenté et leur choix ouvert pour sélectionner l'offre adaptée parmi celles du marché, dans une perspective concurrentielle entre les opérateurs, il ne suffit pas, pour l'assureur, d'invoquer exclusivement le fait que la renonciation de l'assuré conduit à lui faire supporter l'intégralité des pertes financières que celui-ci souhaite donc éviter, comme il est insuffisant de soutenir que le droit a dégénéré en abus simplement parce que l'assuré a renoncé en raison de la dépréciation de son épargne, un tel élément d'appréciation ne pouvant être pris isolément sauf à instaurer une présomption d'abus au bénéfice de l'assureur.

In fine, la cour doit examiner quelle information a réellement été donnée à l'assurée, indépendamment du non respect des formes légales pour ce faire, en recherchant si celui-ci était profane ou averti, notamment s'il s'agit d'une personne avisée parce que familière avec ce genre de produit au sens d'initiée, de sorte que l'assuré a pu, malgré le défaut d'information précontractuelle conforme, être parfaitement informé des caractéristiques du produit en cause.

En l'espèce, l'appelant soutient que les mentions figurant dans les documents remis au preneur d'assurance l'informaient parfaitement des conditions de son engagement, ce dont le preneur a d'ailleurs attesté en remplissant un bilan de situation patrimoniale remis à l'occasion de l'adhésion, aux termes duquel il a confirmé le caractère pleinement satisfaisant des informations qui lui étaient données et indiqué ne pas souhaiter obtenir d'informations complémentaires sur le support choisi; qu'ainsi, l'examen du contenu des documents remis au preneur d'assurance, de même que des déclarations qu'il a formulées à l'occasion de son bilan de situation patrimoniale, confirment non seulement qu'il a été parfaitement renseigné sur l'étendue de ses obligations, ce qu'il a expressément confirmé, mais également qu'il n'a pas souhaité obtenir d'autres informations.

Toutefois, dans la mesure où ce n'est pas à l'assuré de mesurer le nombre d'informations qu'il doit recevoir ou de déterminer le degré de suffisance des informations qu'il a reçues, mais à l'assureur, en sa qualité de professionnel, qu'il appartient de déterminer les informations qu'il doit verser pour respecter le dispositif de protection de l'assuré tel qu'élaboré par le Législateur, une telle assertion impose à l'assureur d'établir que l'assuré était au moment de la souscription du contrat mieux informé que l'assureur lui-même du manquement par ce dernier à son obligation d'information et qu'il n'aurait souscrit le contrat qu'en considération de la possibilité d'y renoncer ultérieurement.

La société Inora Life ne justifie d'aucune recherche sur la qualité d'« averti» du souscripteur qu'il lui appartenait cependant d'effectuer quelques fussent les déclarations de l'assuré à cet égard et malgré la signature de la mention pré-rédigée selon laquelle l'assuré s'estimait renseigné sur l'étendue de ses obligations et ne souhaitait pas obtenir d'autres informations, ce qui revient à faire déclarer par l'assuré lui même qu'il serait «averti».

De même, la rubrique du bilan de situation patrimoniale intitulé « connaissance du support » au terme duquel sur un questionnaire préétabli, ont été cochées notamment la réponse « oui » aux questions posées sur les sujets suivants « avoir déjà effectué des placements à risque », « avoir bien compris le mode de fonctionnement du support et la nature des risques et moins-values qu'il peut engendrer » et la réponse « non » à la question « souhaitez-vous obtenir des informations complémentaires sur le support '». ne permet pas d'établir que le souscripteur avait parfaitement compris les caractéristiques financières du contrat souscrit alors que l'assureur n'a pas satisfait aux exigences d'informations légales.

Or M. X..., ingénieur chimiste à la retraite depuis 1984 ne disposait a priori d'aucune compétence en matière d'assurance vie et d'unités de comptes, le niveau d'instruction ne se confondant pas avec une compétence avérée en matière de produits financiers structurés.

Un seul contrat a été soumis à sa signature alors qu'il était démarché à son domicile, aucun choix ne lui a été proposé et il n'a pas eu le choix du montant à verser puisque le montant minimum à verser sur le contrat était de 20.000 euros.

Il n'a ensuite effectué aucune opération sur ce contrat.

Les relevés de situation destinés à informer M. X... d'une part du montant de l'épargne disponible, d'autre part du montant du capital décès garanti et enfin de la performance [...] brute de l'unité de compte, s'ils extériorisaient dès la première année suivant sa souscription une baisse de ses avoirs investis, qui n'a cessé de s'accentuer jusqu'à l'année 2011, ne sauraient suffire à caractériser la mauvaise fois de celui-ci dans l'exercice différé de sa faculté de renonciation , sauf à présupposer que seule la perte de valeur a motivé sa demande.

Or sans s'attacher au cas particulier de M. X... pour établir ce fait, la société Inora Life argumente de manière générale sur un» effet d'aubaine» dont se seraient saisis de nombreux assurés.

Dans ce contexte et alors qu'il a été constaté que M. X... ne disposait pas d'une information essentielle sur les caractéristiques de son investissement et qu'il n'a pas été démontré qu'il avait parfaitement conscience des risques et avantages de celui-ci, il n'est pas établi qu'il ait commis un abus de droit ou ait manqué à la loyauté contractuelle en y renonçant, la société Inora Life échouant dans la preuve d'une telle démonstration.

Dès lors, il convient de constater que M. Jean- Paul X..., non suffisamment informé, a valablement renoncé à son contrat et le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné l'assureur à lui rembourser les fonds investis , avec les intérêts majorés prévus par les articles L 132-5-1 et L 132-5-2 applicables en l'espèce, y étant seulement modifié que la capitalisation des intérêts à compter de l'assignation en application de l'ancien article 1154 du code civil doit courir non du placement de l'assignation au greffe mais de la délivrance de l'assignation à la partie défenderesse par huissier, soit en l'espèce le 27 septembre 2012.

Sur les autres demandes

Ainsi que l'a exactement jugé le tribunal, M. X... ne démontre pas que la résistance opposée par l'assureur ait dégénéré en abus.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive.

La décision des premiers juges sera également confirmée s'agissant du sort des dépens et frais irrépétibles.

L'équité commande de faire droit à la demande de l'intimé présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; l'appelante est condamnée à lui verser à ce titre la somme visée au dispositif de la présente décision.

La société Inora Life, qui succombe en appel, sera condamnée aux dépens y afférents.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne le point de départ de la capitalisation des intérêts,

Statuant à nouveau de ce chef,

Dit que les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil à compter de la demande en ce sens formée le 27 septembre 2012,

Y ajoutant :

Condamne la société Inora Life France à payer à M. Jean- Paul X... la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne la société Inora Life France aux dépens d'appel, lesquels pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Patricia GRASSO, Président et par Madame RUIZ DE CONEJO, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 16e chambre
Numéro d'arrêt : 17/04526
Date de la décision : 27/09/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 16, arrêt n°17/04526 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-27;17.04526 ?
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