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27/09/2018 | FRANCE | N°16/08644

France | France, Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 27 septembre 2018, 16/08644


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 57B



3e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 27 SEPTEMBRE 2018



N° RG 16/08644

N° Portalis DBV3-V-B7A-REMY



AFFAIRE :





SA MMA IARD

...



C/



Pascal, Georges X...

...





Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 25 Novembre 2016 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 6

N° RG : 14/13073

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Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :





à :

Me Pierre Y...

Me Aziza Z...





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 57B

3e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 27 SEPTEMBRE 2018

N° RG 16/08644

N° Portalis DBV3-V-B7A-REMY

AFFAIRE :

SA MMA IARD

...

C/

Pascal, Georges X...

...

Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 25 Novembre 2016 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 6

N° RG : 14/13073

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Pierre Y...

Me Aziza Z...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:

1/ SA MMA IARD

RCS n° 440 048 882

[...]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

2/ Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

RCS n° 775 652 126

[...]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

toutes deux venant aux droits de la SA COVEA A... - RCS n°378716419 - 19 -21 [...], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

3/ SARL ACT PERFORMANCE

RCS n° 399 846 351

[...]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Pierre Y..., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 623 - N° du dossier 16000400

Représentant : Me ESCUDE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS substituant Me Philippe G... AMSALLEM JONATH FLAICHER et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J010

APPELANTES AU PRINCIPAL- INTIMEES INCIDEMMENT

****************

1/ Monsieur Pascal, Georges X...

né le [...] à Grenoble (ISERE)

de nationalité Française

[...]

2/ Madame Delphine, Pascale B... épouse X...

née le [...] à LE MANS (SARTHE)

de nationalité Française

[...]

Représentant : Me Aziza Z..., Postulant et Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0963

INTIMES AU PRINCIPAL- APPELANTS INCIDEMMENT

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Juin 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique BOISSELET, Président,

Madame Françoise BAZET, Conseiller,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Maguelone PELLETERET,

---------

En novembre 2008 et octore 2009, M. Pascal X... et Mme Delphine B... épouse X... ont souscrit à un produit de défiscalisation portant sur des investissements en outre-mer, en application des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts issu de la loi de programme pour l'outre-mer n°2003-660 du 21 juillet 2003, dite «'Girardin industriel'». Ces investissements consistaient, par le biais de sociétés en nom collectif ou de sociétés en participation (SNC ou SEP), à procéder à l'acquisition de centrales photovoltaïques en vue de leur location aux entreprises exploitantes locales dans les C...-C..., et permettant une réduction d'impôt, proportionnelle au montant de ses souscriptions et imputable sur l'impôt dû au titre de l'année de réalisation de l'investissement, ou pouvant être reportée sur cinq ans. L'investisseur était tenu de conserver ses parts pendant cinq ans, à l'issue desquels l'exploitant des matériels s'engageait à les racheter à un prix déterminé, tenant compte d'une rétrocession partielle de l'avantage fiscal obtenu.

En vue de procéder à de tels investissements, M. et Mme X... ont consenti à la société Act Performance un mandat de recherche d'investissement et ont versé à cette société, pour l'année 2008, la somme de 294 euros au titre de son mandat et celle de 9 836,04 euros au titre de l'investissement réalisé, par chèque à l'ordre de C... C... D... (DTD). Au titre de l'année 2009, ils ont versé les sommes de 750 euros à Act Performance et 11 904,80 euros à DTD. En contrepartie du versement de ces sommes, ils ont bénéficié d'une réduction d'impôt sur leurs revenus des années 2008 et 2009.

Toutefois, l'administration fiscale a estimé qu'une installation dans le secteur photovoltaïque devait être considérée comme constitutive d'un investissement réalisé, ouvrant droit à la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies B précité, à compter de sa date de raccordement au réseau électrique ou, au minimum, à compter du dépôt d'un dossier complet de demande de raccordement auprès d'EDF. Sur ces motifs, l'administration fiscale a engagé une procédure de rectification à l'encontre de M. et Mme X... à hauteur de 17 510 euros pour 2008 et 22 074 euros pour 2009.

Les 2 et 15 octobre 2014 M et Mme X... ont assigné leur conseiller financier la société Act Performance et l'assureur de celle-ci, Covea A... aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles (les MMA) devant le tribunal de grande instance de Nanterre afin d'obtenir l'indemnisation de leurs préjudices financier et moral.

Par jugement du 25 novembre 2016, le tribunal de grande instance de Nanterre a :

condamné la société Act Performance à payer à M. et à Mme X... les sommes de':

en réparation de leur préjudice matériel : 26 760 euros

en réparation de leur préjudice matériel : 6 134 euros

dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du jugement,

dit que les intérêts échus pour une année entière depuis la demande en justice, soit le 2 octobre 2014, produiront eux-mêmes intérêts à compter du 2 octobre 2015,

condamné les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles in solidum avec la société Act Performance au paiement de ces sommes, après déduction de la franchise contractuelle de 15 000 euros,

condamné in solidum les sociétés défenderesses aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de procédure de 5 000 euros,

ordonné l'exécution provisoire,

rejeté toutes demandes plus amples ou contraires.

Le 7 décembre 2016, les MMA et la société Act Performance ont interjeté appel et demandent à la cour, par dernières écritures du 30 mai 2018 de :

constater que la société Act Performance n'a commis aucune faute,

constater que le préjudice allégué par les époux X... n'est pas établi,

infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la société Act Performance avait manqué à son obligation de conseil et d'information,

infirmer le jugement en ce qu'il a jugé qu'il existait un lien de causalité entre les prétendues fautes de la société Act Performance et le préjudice allégué par les époux X...,

infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que les époux X... justifiaient d'un préjudice,

infirmer le jugement en ce qu'il a condamné les MMA a garantir la société Act Performance,

débouter de l'ensemble de leurs prétentions M. et Mme X...,

condamner M. et Mme X... à payer à la société Act Performance et aux MMA la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Par dernières écritures du 30 mai 2018, les époux X... demandent à la cour de :

débouter les parties appelantes de l'ensemble de leurs demandes,

'confirmer le jugement en ses dispositions non objet de l'appel incident, notamment en ce qu'il a :

'retenu la responsabilité contractuelle de la société Act'Performance, en sa qualité de conseiller en investissement financier, pour manquement à son devoir d'information, de conseil et de mise en garde notamment celui de prodiguer à ses clients une information exacte, claire et non trompeuse,

'retenu l'existence d'un lien de causalité entre les fautes de la société Act Performance et les préjudice subis par M. et Mme X... résultant du non respect de son obligation de résultat et des manquements à son devoir d'information, de conseil et de mise en garde notamment l'absence d'informations claires et précises sur les risques de l'opération, de nature à éclairer son choix sur ses investissements,

'retenu l'existence d'un préjudice financier,

'alloué la somme de 6 134 euros à titre de dommages et intérêts correspondant aux pénalités de retard, augmentées des intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2012, date de paiement du redressement fiscal,

'retenu l'obligation de garantie incombant aux sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles venant aux droits de la société Covea A... au titre de la responsabilité civile professionnelle de la société Act'Performance,

'exclu le caractère sériel du sinistre,

déclarer recevable et bien fondé l'appel incident interjeté par M. et Mme X...,

- Sur la responsabilité de la société Act'Performance :

dire que la responsabilité de la société Act'Performance, garantie par son assureur Covea A..., est également établie pour manquement contractuel à son engagement d'obtenir le résultat promis, outre sa responsabilité contractuelle en sa qualité de conseiller en investissement financier,

à défaut, confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité contractuelle de la société Act'Performance, en sa qualité de conseiller en investissement financier, pour manquement à son devoir d'information, de conseil et de mise en garde notamment celui de prodiguer à son client une information exacte, claire et non trompeuse,

à tout le moins, dire que la responsabilité de la société Act'Performance, garantie par son assureur, est établie pour manquement contractuel à ses devoirs d'information, de conseil et de mise en garde au titre du contrat de mandat,

- Sur le préjudice financier au titre des rappels d'impôts, infirmer le jugement en ce qu'il a limité leur préjudice au titre de la perte de chance à la somme de 26 760 euros correspondant à 80 % montant du redressement,

dire que le préjudice dont il demande réparation correspond au montant du redressement fiscal,

condamner in solidum les parties appelantes à leur régler la somme de 33 450 euros à titre de dommages et intérêts correspondant aux rappels d'impôt sur les revenus 2008 et 2009, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2012, date de paiement du redressement fiscal,

à défaut, confirmer le jugement en ce qu'il a alloué la somme de 26 760 euros correspondant à 80 % du montant du redressement,

à tout le moins, dire que leur préjudice ne peut être inférieur au montant des sommes investies à savoir 22 784,84 euros,

sur leur préjudice moral : infirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leur demande d'indemnisation, condamner in solidum les parties appelantes à lui régler la somme de 5 000 euros à titre d'indemnisation de leur préjudice moral,

- Sur la franchise invoquée par les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles venant aux droits de la société COVEA A...,

infirmer le jugement en ce qu'il a considéré que la franchise de 15 000 euros invoquée par les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles leur était opposable,

dire que la franchise contractuelle de 15 000 euros invoquée par les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles n'est pas applicable,

à titre subsidiaire, confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

en tout état de cause : condamner in solidum les parties appelantes au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens comprenant notamment les frais de la présente instance et ceux d'exécution.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions notifiées aux dates mentionnées ci-dessus, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 31 mai 2018.

SUR QUOI,

Le tribunal a retenu en premier lieu que le contrat liant Act Performance et M. et Mme X... portait, non sur une simple intermédiation entre un client et une société déterminée, mais en un engagement de conseil personnalisé, adapté à la situation de l'investisseur. Il en a déduit qu'Act Performance était ainsi intervenue en qualité de conseiller en investissements financiers et était tenue d'une obligation d'information et de conseil.

Il a considéré qu'Act Performance n'avait remis à M. et Mme X... ni lettre de mission, ni rapport écrit présentant les risques et avantages des propositions d'investissement, et qu'elle ne justifiait pas davantage avoir attiré leur attention sur les risques de l'opération de défiscalisation proposée, ou sur son adaptation aux objectifs de l'investisseur.

Il a également observé qu'en n'informant pas M. et Mme X... de l'ensemble des éléments et en ne recherchant pas à obtenir une information objective sur le projet proposé avant de leur proposer d'y souscrire, la société Act Performance a manqué à son obligation de prodiguer à son client une information exacte, claire et non trompeuse et a engagé sa responsabilité.

Les premiers juges ont évalué la perte de chance pour M. et Mme X... de ne pas subir le redressement fiscal à 80 %, soit un préjudice de 26 760 euros, auquel il convenait d'ajouter les pénalités payées à l'administration fiscale, soit la somme de 6 134 euros. Ils ont débouté M. et Mme X... de leur demande au titre d'un préjudice moral, non justifié.

Sur la garantie des MMA, le tribunal a jugé que l'avenant prévoyant notamment qu'un ensemble de faits dommageables ayant la même cause technique est assimilé à un fait dommageable unique était entré en vigueur le 1er janvier 2010, soit postérieurement au fait dommageable et n'était donc pas applicable au litige. Il a donc observé que la limitation de garantie à 4 000 000 euros n'avait pas à être appliquée et qu'en tout état de cause, les MMA ne justifiaient pas de l'existence de réclamations multiples à l'encontre d'Act Performance à ce titre.

Les MMA font valoir que si Act Performance bénéficie de l'accréditation lui permettant d'exercer l'activité de conseiller en investissement financier (CIF), elle n'agit en cette qualité que lorsqu'elle dispense à ses clients des conseils en investissements financiers, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Les appelantes précisent en effet que, dans un premier temps, conformément aux termes du mandat conclu entre l'investisseur et Act Performance, cette dernière a recherché et proposé à son client un produit de défiscalisation soumis à la loi Girardin dont le véhicule d'investissement est constitué de sociétés en participations. A ce titre elle est intervenue en qualité de simple conseil en gestion de patrimoine, activité non spécifiquement réglementée, au titre de laquelle elle est tenue d'une obligation de conseil et d'information. Dans un second temps, après s'être assurée du caractère adapté de l'opération envisagée à l'objectif défini par l'investisseur, Act Performance a agi en qualité de courtier à l'égard de ce dernier lorsqu'elle lui a proposé l'investissement monté par DTD.

Les appelantes en déduisent qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions du code monétaire et financier ou du règlement général de l'AMF.

Elles indiquent qu'Act Performance n'est en toute hypothèse pas garante de la bonne exécution du contrat, il ne lui appartenait en effet pas de contrôler le suivi de l'opération souscrite ni d'en garantir le résultat.

M. et Mme X... persistent à soutenir que la société Act Performance s'était engagée à leur fournir le résultat attendu et était tenue d'une obligation de résultat. Ils soutiennent en second lieu que la société Act Performance était tenue de les informer des risques liés à l'opération d'investissement et qu'elle a manqué à cette obligation telle que définie par l'article L541-4 du code monétaire et financier. Ils reprochent à Act Performance de ne pas leur avoir présenté l'opération de manière exacte et complète, de ne pas leur avoir fourni de lettre de mission, ni de rapport sur les risques et avantages des propositions d'investissement, de ne pas avoir réalisé une évaluation professionnelle de l'opération litigieuse et de ne pas avoir vérifié les partenaires recommandés, ni la validité de l'opération .Ils lui reprochent de ne pas leur avoir expliqué que l'investissement productif signifiait que l'exploitation devait être effective c'est à dire que le matériel photovoltaïque devait être capable de fonctionner de manière autonome avant le 31 décembre de l'année d'investissement.

***

Aux termes du mandat de recherche signé le 7 novembre 2008 entre Act performance et M. et Mme X..., ces derniers l'ont chargé 'de rechercher des solutions patrimoniales et proposer des investissements lui permettant d'acquérir une participation dans une ou plusieurs sociétés ayant pour objet la location de longue durée de tous biens d'équipements professionnels, à des entreprises éligibles au bénéfice des dispositions de l'article 199 undecies et duodecies du code général des impôts ou tout texte postérieur ou modificatif permettant des avantages équivalents. Ces propositions sont faites par le mandataire après un examen approfondi de la situation patrimoniale et financière du mandant avant le 31 décembre de l'année de signature du présent mandat.(...) Toutefois l'obligation essentielle du mandataire est une obligation de moyens (souligné par la cour)'.

La société Act Performance a perçu une rémunération de 294 euros comme prévu dans le mandat.

Aux termes du mandat de recherche signé le 13 octobre 2009, M et Mme X... ont chargé Act Performance 'de rechercher un investissement lui permettant d'acquérir une participation dans une ou plusieurs sociétés ayant pour objet la location longue durée de tous biens d'équipements professionnels éligibles au bénéfice des dispositions de l'article 199 undecies et duodecies du code général des impôts ou tout texte postérieur ou modificatif permettant des avantages équivalents. Les propositions faites par le conseil n'interviendront qu'après une analyse approfondie de la situation patrimoniale et financière du client (...) Afin de permettre au client d'apprécier le cadre juridique et fiscal de la loi Girardin industrielle, une information complémentaire est remise et annexée au présent mandat de recherche. L'obligation essentielle du conseil est une obligation de moyens (souligné par la cour). Le conseil déclare qu'il n'existe aucun lien capitalistique entre lui et les différents acteurs présents aux montages juridiques proposés. Le choix de la réalisation de l'investissement n'appartient qu'au client qui prendra sa décision en toute connaissance de cause et déclare décharger de toute responsabilité, autre que celle résultant de son obligation de conseil (idem), le conseil quant au choix de l'investissement que de ses suites. Dans le cadre de l'exécution de cette mission, le conseil facturera au client, qui l'accepte, le coût de sa prestation au tarif forfaitaire de cinquante euros toutes taxes incluses par part souscrite'.

Pour cette intervention Act Performance a perçu la somme de 750 euros.

M. et Mme X... ont directement conclu avec la société C...-C... D... (DTD) deux mandats de recherche les 10 novembre 2008 et 22 octobre 2009, ainsi que, les mêmes jours, l'engagement de libération d'apport (10 655,71 euros en 2008 et 6 836,04 euros en 2009) et la convention d'exploitation en commun.

Il n'est pas discuté qu'Act Performance exerce à la fois l'activité de conseil en gestion de patrimoine et celle de conseil en investissement financier.

Les mandats confiés à C... C... D... avaient pour objet : 'de rechercher et de lui présenter, avant le 30 décembre de l'année en cours, une ou plusieurs opérations, auxquelles le mandant pourrait souscrire, de prise de participation dans une ou plusieurs sociétés en participation (SEP) ayant pour activité principale la location de longue durée. Celle-ci se fera à des entreprises exerçant dans les départements et territoires d'outre-mer et éligible aux dispositions de l'article 199 undecies A/B et 217 undecies et duodecies du code général des impôts'.

Que la société Act Performance ait agi en qualité de conseil en gestion de patrimoine ou de conseil en investissement en l'espèce, en orientant M. et Mme X... sur C... C... D..., à supposer qu'elle soit soumise pour l'opération en cause aux dispositions du code monétaire et financier et plus particulièrement de son article L 541-4 en vigueur du 1er novembre 2007 au 24 octobre 2010, cité par les intimés, le seul défaut de communication d'une 'lettre de mission' et d'un 'rapport écrit justifiant les différentes propositions, leurs avantages et les risques qu'elles comportent' ne saurait suffire à faire la preuve d'une faute s'il n'est pas établi que l'investisseur a effectivement souffert d'un défaut d'information à l'origine de son préjudice.

Par ailleurs, et quelle que soit la qualité professionnelle au titre de laquelle la société Act Performance a présenté le projet de la société C...-C... D..., sa mission a pris fin, par définition, avec la décision d'investissement prise par M. et Mme X..., laquelle s'est traduite par les versements des sommes rappelées ci-dessus destinées à la souscription de parts d'une société en participation. Il ne ressort nullement du dossier que la société Act Performance aurait été chargée de suivre la réalisation du projet et de veiller à ce qu'il soit mené à bonne fin.

Aucune obligation de résultat ne pesait sur elle, le contrat la liant à M. et Mme X... prévoyant expressément qu'elle était soumise à une obligation de moyens, le mail que lui a adressé un membre d'Act Performance le 4 novembre 2008 étant dépourvu de toute valeur contractuelle, ainsi que justement observé par le tribunal.

La société Act Performance ne saurait donc répondre des difficultés qui sont apparues dans le cours de la réalisation de l'opération et qui sont à l'origine de la rectification de l'imposition de M. et Mme X.... Il appartient donc seulement à la cour de de déterminer si, comme ceux-ci le prétendent, la société Act Performance a commis des fautes quand elle a fourni ses prestations.

Il n'est pas allégué que le produit commercialisé par C... C... D... n'était pas adapté aux besoins de M. et Mme X... et à la composition de leur patrimoine.

Le dossier de souscription reçu par M. et Mme H... C... D... comportait une description précise du principe et des différences phases de l'opération projetée et en détaillait le schéma fiscal et financier. Il était fait état du risque en cas de non respect par l'exploitant des conditions légales d'utilisation.

Il était notamment indiqué : 'Chaque associé des SEP pourra bénéficier, au titre de l'impôt sur le revenu de l'année au cours de laquelle les SEP acquièrent un bien productif neuf, d'une réduction d'impôt égale en principe à 50 % de sa quote part du hors taxes du bien acquis'.

Dans l'avenant numéro I également paraphé par l'investisseur il est indiqué : 'conformément à la loi le matériel financé est livré avant le 31 décembre de l'année fiscale, une attestation de livraison est signée par l'exploitant et une photo des matériels est jointe au dossier de l'exploitant'.

Un autre document, également paraphé par l'investisseur, est intitulé 'attestation de garantie de risque fiscal', il émane de Linx Industries et mentionne en 3° : 'En conséquence de ce qui précède nous garantissons le risque fiscal des investisseurs des Sociétés en Participation créées par DTD. Cela signifie précisément que dans le cas où l'un des exploitants que nous contrôlons cesserait son activité pour quelque cause que ce soit pendant la durée légale de défiscalisation, et que nous serions dans l'incapacité de poursuivre l'exploitation de l'investissement productif pendant cette période, nous rembourserions sur nos fonds propres à DTD le montant du redressement fiscal dans la SEP concernée par cette défaillance d'un exploitant. Il est à noter que cette situation d'échec est quasiment impossible pour 5 raisons .....' .

Il apparaît donc que M. et Mme X... étaient informés des conditions fiscales de l'investissement auquel ils ont procédé.

Il est utile de préciser que le seul avantage de ces opérations à fonds perdus consiste en l'obtention d'une réduction d'impôts, conformément à l'objectif recherché par l'investisseur. L'obtention de cette réduction d'impôt est bien sûr soumise à certaines conditions qui ont été rappelées à M. et Mme X... et, dans l'hypothèse où ces conditions ne seraient pas réunies, l'investissement n'est plus éligible à la loi Girardin et le seul risque est alors celui de la remise en cause de l'avantage fiscal.

En toute hypothèse, une opération de défiscalisation complexe telle que celle à laquelle M. et Mme X... ont souscrit en toute connaissance de cause ne s'apparente pas à un simple placement et comporte nécessairement des risques.

Il ne peut être fait grief à la société Act Performance de n'avoir pas pris en compte en octobre 2009 (à la signature du second mandat de recherche) la recommandation du 29 novembre 2009 du ministère des finances qui ne lui a été transmise par la chambre syndicale des gestionnaires de patrimoine que le 8 décembre 2009 soit postérieurement à la conclusion du second contrat d'investissement souscrit par M. et Mme X... le 22 octobre 2009.

Enfin, à la date de souscription des opérations litigieuses, la société Act Performance disposait de tous les éléments permettant d'attester de la validité du montage proposé.

En effet, il résulte des pièces versées aux débats par les appelantes que Maître E..., avocat fiscaliste du cabinet Acta Antilles a garanti, sans aucune réserve, à plusieurs reprises, dans le cadre de plusieurs consultations écrites et diffusées à l'attention de C... C... D... notamment entre le 12 mars 2007 et le 16 mars 2009, la légalité de l'opération et l'absence de tout vice susceptible de mettre en cause l'avantage fiscal.

C'est ainsi que dans les trois consultations des 12 mars 2007, 15 et 24 janvier 2008, Acta Antilles écrit notamment avoir examiné 'l'ensemble des documents souscripteurs et exploitants concernant le montage des 'défiscalisation industriel' avec C... C... D...', les avoir 'actualisés, corrigés et validés' et conclut que 'ces documents sont en adequation avec la réglementation Girardin Industriel et permettent une défiscalisation sécurisée.

Dans le dossier de présentation de DTD paraphé et signé par M. et Mme X... il est d'ailleurs indiqué en page 2 : 'ce montage industriel a été étudié, corrigé et validé par le cabinet d'avocats fiscalistes 'Acta Antilles'. Ce cabinet dirigé par Maître Alain E... - ancien inspecteur des impôts et conseiller juridique - a émis une note de couverture juridique qui est à la disposition des conseillers en gestion de patrimoine qui commercialisent le montage financier en SEP, créé par C... C... D...'.

C'est en pleine connaissance de la personnalité de ses différents promoteurs que ces consultations d'avocat ont conclu à la conformité et à la sécurité de cette opération et on ne saurait dès lors reprocher à la société Act Performance de n'avoir pas mené, au-delà des assurances qui lui étaient données, plus d'investigation s'agissant notamment de la réputation présentée comme 'controversée' par M. et Mme X... du gérant de DTD.

Il apparaît en conséquence que la documentation de présentation du mécanisme de défiscalisation proposé et son analyse ne permettaient pas de déceler les dysfonctionnements relevés ultérieurement par l'administration fiscale.

Cette dernière indique dans son redressement, après avoir notamment relevé qu'aucune demande de raccordement à EDF n'avait été formée en 2008 et 2009, que 'les investissements allégués ne répondent pas aux conditions légales prévues à l'article 199 undecies B pour bénéficier des réductions d'impôt. Leur prix de revient, non justifié, est sans corrélation avec le montant d'investissement total allégué et ces investissements, non mis en capacité de fonctionner de manière autonome, n'ont revêtu aucun intérêt économique ou environnemental pour la Martinique'.

Au moment des investissements en cause, la société Act Performance était fondée à considérer que le projet porté par C... C... D... présentait les qualités requises et qu'elle pouvait le proposer à sa clientèle.

L'échec de l'opération de défiscalisation n'est pas en l'espèce imputable à une inadaptation du produit ou à une mauvaise stratégie patrimoniale, mais à la défaillance de la société C... C... D... et de ses partenaires, les matériels photovoltaïques, supports de l'opération, n'ayant jamais été livrés ni en capacité de fonctionner, et le montage s'étant révélé frauduleux.

Enfin, si la société Act Performance a manqué à son obligation réglementaire d'établir une lettre de mission et de faire un rapport écrit sur les conseils prodigués, il n'y a aucun lien de causalité entre ces manquements et les préjudices invoqués. En effet, la société Act Performance ne conteste pas n'avoir émis aucune réserve sur l'opération projetée, de sorte que ces documents, s'ils avaient été établis, n'auraient rien modifié quant à l'appréciation de M. F....

En conclusion, M. et Mme X... ne rapportent pas la preuve que la société Act Performance, sur laquelle ne pesait qu'une obligation de moyens, ait manqué à ses obligations et soit à l'origine du préjudice qu'ils invoquent.

Le jugement sera donc infirmé en toutes ses dispositions.

M. et Mme X..., qui succombent, seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel.

Il n'y a pas lieu, pour des considérations d'équité, d'allouer aux MMA et à la société Act Performance une indemnisation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

Déboute M. et Mme X... de toutes leurs demandes,

Condamne M. et Mme X... aux dépens de première instance et d'appel,

Déboute les sociétés MMA Iard, MMA Iard Assurances Mutuelles et la société Act Performance deleur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 16/08644
Date de la décision : 27/09/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 03, arrêt n°16/08644 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-27;16.08644 ?
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