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21/09/2018 | FRANCE | N°17/063791

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1a, 21 septembre 2018, 17/063791


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 61B

1ère chambre 1ère section

ARRET No

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 21 SEPTEMBRE 2018

No RG 17/06379

AFFAIRE :

SA UCB PHARMA
C/
Pascale X... épouse Y...
Lionel Y...
Françoise Z...
SAS GLAXOSMITHKLINE SANTE GRAND PUBLIC
CPAM DE SEINE ET MARNE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Décembre 2014 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
POLE CIVIL
No Chambre : 2
No RG : 13/08139

Expéditions exécutoires
Expéditions
délivrées

le :
à :
Me Pierre A...

ASSOCIATION AVOCALYS

SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

Service des Expertises (3)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE V...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 61B

1ère chambre 1ère section

ARRET No

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 21 SEPTEMBRE 2018

No RG 17/06379

AFFAIRE :

SA UCB PHARMA
C/
Pascale X... épouse Y...
Lionel Y...
Françoise Z...
SAS GLAXOSMITHKLINE SANTE GRAND PUBLIC
CPAM DE SEINE ET MARNE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Décembre 2014 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
POLE CIVIL
No Chambre : 2
No RG : 13/08139

Expéditions exécutoires
Expéditions
délivrées le :
à :
Me Pierre A...

ASSOCIATION AVOCALYS

SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

Service des Expertises (3)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT ET UN SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SA UCB PHARMA
[...]

Représentant : Me Pierre A..., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 623 - No du dossier 17000276 - Me Carole B... substituée par Me Nora MAZEAUD, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (1ère chambre civile) du 22 juin 2017 cassant et annulant l'arrêt rendu par la cour d'appel de VERSAILLES (3ème chambre) le 14 avril 2016
****************

Madame Pascale X... épouse Y...
née le [...] à LES LILAS (93260)
de nationalité Française
[...]

Représentant : Me Stéphane C... de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - No du dossier 003477, Me Martine VERDIER, Plaidant, avocat au barreau d'ORLEANS

Monsieur Lionel, Marcel, Camille Y...
né le [...] à PAVILLONS SOUS BOIS (93000)
de nationalité Française
[...]

Représentant : Me Stéphane C... de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - No du dossier 003477, Me Martine VERDIER, Plaidant, avocat au barreau d'ORLEANS

Madame Françoise, Jeannine, Eliane Z...
de nationalité Française
[...]

Représentant : Me Stéphane C... de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - No du dossier 003477, Me Martine VERDIER, Plaidant, avocat au barreau d'ORLEANS

SAS GLAXOSMITHKLINE SANTE GRAND PUBLIC, venant aux droits de la société NOVARTIS SANTE Familiale à la suite de l'apport en nature de l'intégralité de ses titres par décision de son associé unique en date du 22/12/2015 suivi de sa dissolution sans liquidation à effet au 01/02/2016
[...]
[...]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - No du dossier 1758413, Me Jean-pierre N...du PARTNERSHIPS CLIFFORD CHANCE EUROPE LLP, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

CPAM DE SEINE ET MARNE
[...]

Assignation par acte d'huissier de justice en date du 22 janvier 2018 délivré à personne

DEFENDEURS DEVANT LA COUR DE RENVOI

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 juin 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Alain PALAU, président, chargé du rapport, et Madame Anne LELIEVRE, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Alain PALAU, président,
Madame Anne LELIEVRE, conseiller,
Madame Nathalie LAUER, conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE,

**************** Vu le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre en date du 4 décembre 2014 qui a statué ainsi:

- déclare la société UCB Pharma et la société Novartis responsables in solidum des dommages résultant de l'exposition au Des de Mme Y...,

- dit que la société UCB Pharma contribuera à la dette à hauteur de 95 % et que la société Novartis contribuera à la dette à hauteur de 5 %,

- condamne la société UCB Pharma et la société Novartis in solidum à payer à Mme Y... la somme de 48 080 euros en réparation de ses préjudices personnels, en deniers ou quittances, provisions non déduites, cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

- condamne la société UCB Pharma et la société Novartis in solidum à payer à M. Y... une somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral, celte somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

- condamne la société UCB Pharma et la société Novartis in solidum à payer à Mme Z... la somme de 8 000 euros au titre de son préjudice moral, cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

- condamne la société UCB Pharma et la société Novartis in solidum à régler à la CPAM de Seine et Marne la somme de 296 117,88 euros, sous réserve des prestations non connues à ce jour et des prestations qui pourraient être versées ultérieurement, cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

- condamne la société UCB Pharma et la société Novartis in solidum à régler à Mme Y... une somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- déboute la CPAM de Seine et Marne de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la société UCB Pharma et la société Novartis in solidum aux entiers dépens qui comprendront les frais de consignation, et pourront être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par les avocats en ayant fait la demande,

- prononce l'exécution provisoire du présent jugement à concurrence des deux tiers du montant des condamnations ci-dessus prononcées,

- déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Versailles en date du 14 avril 2016 qui a statué ainsi:

- rejette la demande de nouvelle expertise,

- confirme le jugement déféré en ce que:
* la société UCB Pharma a été déclarée responsable des préjudices causés par l'exposition in utero au DES de Mme Pascale X... épouse Y... et condamnée à les réparer,

* la société UCB Pharma a été condamnée à payer à la CPAM de Seine et Marne la somme de 296 117,88 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

* la société UCB Pharma a été condamnée à payer à Mme Pascale X... épouse Y... la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance, en ce compris les frais de consignation,

Infirmant sur le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant,
- déboute Mme Pascale X... épouse Y..., M. Y... et Mme Z... de leurs demandes contre la société Novartis devenue Glaxosmisthkline Santé Grand Public,

- fixe comme suit les postes de préjudices subis par Mme Pascale X... épouse Y..., provisions non déduites et indépendamment des recours des tiers payeurs :
* frais divers 1 500,00 euros,
* tierce personne 12 940,00 euros,

* perte de gains professionnels rejet,
* incidence professionnelle rejet,
* déficit fonctionnel temporaire 11 900,00 euros,
* souffrances endurées 10 000,00 euros,
* déficit fonctionnel permanent 8 000,00 euros,
* préjudice sexuel rejet,
* préjudice spécifique d'anxiété rejet,

- condamne la société UCB Pharma à payer lesdites sommes en deniers ou quittances,

-déboute Mme Z... et M. Y... de leurs demandes,

- condamne la société UCB Pharma à payer à la CPAM de Seine et Marne la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejette toute autre demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la société UCB Pharma aux dépens d'appel, avec recouvrement direct.

Vu l'arrêt de la Cour de cassation en date du 22 juin 2017 qui a statué ainsi:

- casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 avril 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles,

- remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée,

- laisse à chaque partie la charge de ses dépens,

- vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.

La Cour de cassation a constaté que, pour condamner la société UCB Pharma au paiement de différentes sommes à Mme Y... et à la caisse au titre de ses débours, l'arrêt relève, d'abord, que l'exposition au DES de Mme Y... n'est pas contestée, ensuite, que doit être examiné le point de savoir lequel des médicaments contenant cette substance a été consommé par Mme Z... et qu'au vu de ses affirmations, selon lesquelles il lui a été prescrit du Distilbène, la société Glaxosmithkline doit être mise hors de cause.

Elle lui a reproché d'avoir statué ainsi, alors que, dans ses conclusions, la société UCB Pharma demandait, notamment, qu'il soit jugé que Mme Y... ne pouvait se prévaloir d'une présomption d'exposition au DES, à défaut de démontrer qu'elle présentait une pathologie ayant pour seule cause possible une exposition in utero à cette molécule.

Elle a donc jugé que la cour d'appel a dénaturé ces conclusions.

Elle a précisé que cette cassation entraînait la cassation, par voie de conséquence, du chef de l'arrêt qui rejette les demandes des consorts Y... formées également contre la société Glaxosmithkline.

Vu la déclaration de saisine de cette cour en date du 23 août 2017 par la société UCB Pharma.

Vu les dernières conclusions en date du 11 avril 2018 de la SA UCB Pharma qui demande à la cour de:

- dire et juger recevable et bien fondé l'appel du jugement du 22 mai 2014 par UCB Pharma,

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant de nouveau comme suit :
1. A titre principal,
Sur l'absence de preuve de l'exposition :
- dire et juger que la reconnaissance par Madame Y..., aux termes de ses conclusions d'incident du 15 septembre 2014, de l'absence de preuve d'une exposition au produit Pharma est constitutive d'un aveu judiciaire,

- dire et juger que Madame Y... a renoncé à prétendre apporter la preuve d'une exposition au produit d'UCB Pharma et ne peut sans se contredire au détriment d'UCB Pharma revenir sur cette prétention, de sorte que toute demande à ce titre doit être déclarée irrecevable,

- dire et juger en toute hypothèse que Madame Y... ne rapporte pas la preuve de son exposition in utero au distilbène ®,

- dire et juger que Madame Y... ne peut se prévaloir d'une présomption d'exposition au DES à défaut de démontrer qu'elle présente une pathologie ayant pour seule cause possible une exposition in utero à la molécule DES,

Sur l'absence de preuve d'une faute :
- dire et juger que la responsabilité alléguée d'UCB Pharma doit s'apprécier au regard des seules règles de la responsabilité délictuelle prévue à l'article 1382 du code civil,

- dire et juger qu'UCB Pharma n'a pas commis de faute à raison de la commercialisation du distilbène en 1971 compte tenu de l'état des connaissances scientifiques de l'époque,

Sur l'absence de preuve d'un lien de causalité:
- dire et juger qu'aucune présomption de causalité ne saurait s'appliquer,

- dire et juger que Madame Y... est défaillante dans la démonstration qui lui incombe d'un lien de causalité entre les pathologies qu'elle invoque et l'exposition in utero au DES alléguée,

En conséquence,
- dire et juger que la responsabilité d'UCB Pharma ne peut être retenue,

- débouter Madame Y..., Madame Z... et Monsieur Y... de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

- débouter la CPAM de Seine et Marne de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions et la condamner à rembourser à UCB Pharma les sommes perçues,

- débouter la société Glaxosmithkline Santé Grand Public venant aux droits de la société Novartis Santé Familiale de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre d'UCB Pharma,

- condamner tout succombant aux entiers dépens et au paiement de la somme de 1 500 euros à UCB Pharma au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

2. A titre subsidiaire,
- dire et juger que la preuve de l'exposition in utero au distilbène® n'étant pas rapportée, UCB Pharma et Glaxosmithkline Santé Grand Public venant aux droits de la société Novartis Santé Familiale ne pourront qu'être condamnées in solidum à l'égard de Madame Y..., Madame Z..., Monsieur Y... et la CPAM de Seine et Marne en application de la présomption d'exposition in utero au DES,

- débouter la société Glaxosmithkline Santé Grand Public venant aux droits de la société Novartis Santé Familiale de toutes ses demandes, fins et conclusions formulées à l'égard de la société UCB Pharma,

- dire et juger que les indemnités sollicitées par la CPAM de Seine et Marne ne sont pas en lien de causalité avec l'éventuelle exposition au DES de Madame Y...,

- débouter la CPAM de Seine et Marne de toutes ses demandes, fins et conclusions et la condamner à rembourser à UCB Pharma les sommes perçues,

- dire et juger qu'il n'y a pas lieu d'appliquer une présomption de causalité entre l'exposition in utero au DES et les affections présentées par Madame Y... et statuer comme suit sur les préjudices invoqués par les consorts Y...,

Sur les demandes de Madame Y...:
- dire et juger qu'aucun préjudice au titre de dépenses de santé actuelles n'est caractérisé et débouter Madame Y... de sa demande à ce titre,

- dire et juger qu'aucun préjudice au titre du poste frais divers n'est justifié et débouter Madame Y... de sa demande à ce titre,

- dire et juger qu'aucun déficit fonctionnel temporaire en lien avec une éventuelle exposition in utero au DES n'est caractérisé et débouter Madame Y... de sa demande à ce titre,

- dire et juger qu'aucune assistance tierce personne en lien avec une éventuelle exposition in utero DES n'est justifiée et débouter Madame Y... de sa demande à ce titre,

- dire et juger qu'aucune perte de gains professionnels en lien avec une éventuelle exposition in utero DES n'est caractérisée et débouter Madame Y... de sa demande à ce titre,

- dire et juger qu'aucune incidence professionnelle en lien avec une éventuelle exposition in utero DES n'est caractérisée et débouter Madame Y... de sa demande à ce titre,

- dire et juger qu'aucun déficit fonctionnel permanent n'est caractérisée et débouter Madame Y... de sa demande à ce titre,

- dire et juger qu'aucun préjudice sexuel en lien avec une éventuelle exposition in utero DES n'est caractérisé et débouter Madame Y... de sa demande à ce titre,

- dire et juger qu'aucun préjudice spécifique d'anxiété en lien avec une éventuelle exposition in utero DES n'est caractérisé, et débouter Madame Y... de sa demande à ce titre,

- dire et juger que toute indemnité au titre du pretium doloris ne saurait excéder 10 000 euros,

- débouter Madame Y... de toute autre demande,

Sur les demandes de Monsieur Y... :
- dire et juger que Monsieur Y... ne justifie d'aucun préjudice, ni moral et d'accompagnement, ni sexuel et de procréation, en lien avec l'éventuelle exposition in utero au DES de Madame Y... et en conséquence le débouter de l'intégralité de ses demandes,

- débouter Monsieur Y... de toute autre demande,

Sur les demandes de Madame Z... :
- dire et juger que Madame Z... ne justifie d'aucun préjudice en lien avec l'éventuelle exposition in utero au DES de Madame Y... et en conséquence la débouter de l'intégralité de ses demandes,

- débouter Madame Y... de toute autre demande,

- débouter les consorts Y... de leur demande de complément d'expertise,

- dire et juger excessive la demande d'article 700 du code de procédure civile des consorts Y... et la ramener à de plus justes proportions,

- laisser à la charge de chacune des parties ses propres dépens.

Vu les dernières conclusions en date du 11 avril 2018 de Mme X... épouse Y..., de Mme Z... et de M. Y... qui demandent à la cour de:

- recevoir la société UCB Pharma en ses demandes mais les déclarer mal fondées,

- recevoir Mme Z... et Mme et M. Y... en leur appel incident et le déclarer recevable et bien fondé,

- infirmer la décision dont appel sur la preuve de l'exposition au distilbène ®,

- dire que Mme Y... justifie avoir été exposée in utero au distilbène ®, produit commercialisé par la société UCB Pharma, à l'époque de la grossesse de sa mère,

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré le laboratoire UCB Pharma responsable du dommage subi par Mme Y... et ses proches et tenu de le réparer,

- dire que les malformations utérines, les grossesses pathologiques, les accouchements prématurés, la grande prématurité des enfants P..., Q... et R..., la dysplasie cervicale sont en lien direct avec l'exposition in utero au distilbène (DES) de Mme Y..., faute pour le laboratoire UCB Pharma de prouver que son produit n'est pas en cause,

A défaut,
- dire qu'il est établi par des présomptions graves, précises et concordantes que les malformations utérines, les grossesses pathologiques, les accouchements prématurés, la grande prématurité des enfants P..., Q... et R..., la dysplasie cervicale sont en lien certain avec l'exposition in utero au distilbène (DES) de Mme Y...,

Si la cour le juge utile,
- ordonner un complément d'expertise sur le lien entre dysplasie cervicale et DES aux frais avancés du laboratoire UCB Pharma,

- déclarer le laboratoire UCB Pharma entièrement responsable du dommage subi par Mme Y... et tenu de le réparer intégralement,

- condamner la laboratoire UCB Pharma, en réparation du préjudice subi par Mme Y..., au paiement des sommes suivantes:
* déficit fonctionnel temporaire 20 000,00 euros,
* souffrances endurées 20 000,00 euros,
* assistance tierce personne 38 880,00 euros,
* frais divers 1 500,00 euros,
* perte de gains 2 990,25 euros,
* incidence professionnelle 10 000,00 euros,
* déficit fonctionnel permanent 50 000,00 euros,
* préjudice sexuel 10 000,00 euros,
* préjudice spécifique d'anxiété 15 000,00 euros,

- si, par impossible, la cour inclut la souffrance permanente née du risque de cancers du sein du vagin et du col dans le déficit fonctionnel permanent, lui allouer la somme de 65 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent aggravé,

- infirmer le jugement concernant le montant de la réparation de Mme Z...,

- condamner le laboratoire UCB Pharma à lui payer la somme de 10 500 euros,

- infirmer le jugement concernant le montant de la réparation de M. Y...,

- condamner le laboratoire UCB Pharma à lui payer les sommes de 8 000 euros au titre de son préjudice moral et de 10 000 euros de son préjudice sexuel et de procréation,

- débouter la société UCB Pharma de toutes ses demandes,

- confirmer la décision sur les frais irrépétibles exposés en première instance,

Y ajoutant:
- condamner le laboratoire UCB Pharma à payer la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés devant la cour d'appel et la Cour de cassation,

- condamner le laboratoire UCB Pharma à payer la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés dans cette nouvelle instance,

- condamner le laboratoire UCB Pharma aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise et les dépens de toutes les instances dont distraction au profit de la société Avocalys sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile,

A défaut et en toute hypothèse:
- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré les laboratoires UCB Pharma et Glaxosmithkline Santé Grand Public solidairement responsables du dommage subi par Mme Y... et ses proches et tenu de le réparer,

- dire que les malformations utérines, les grossesses pathologiques, les accouchements prématurés, la grande prématurité des enfants P..., Q... et R..., la dysplasie cervicale sont en lien direct avec l'exposition in utero au DES de Mme Y..., faute pour les laboratoires de prouver que leur produit n'est pas en cause,

A titre subsidiaire:
- dire que la malformation utérine, les accouchements prématurés, la grande prématurité des enfants P..., Q... et R... et la dysplasie cervicale sont en lien certain avec l'exposition in utero au DES de Mme Y...,

Si la cour le juge utile,
- ordonner un complément d'expertise sur le lien entre dysplasie cervicale et DES aux frais avancés des laboratoire UCB Pharma et Glaxosmithkline Santé Grand Public,

- condamner solidairement les laboratoires UCB Pharma et Glaxosmithkline Santé Grand Public, en réparation du préjudice subi par Mme Y..., au paiement suivantes:
* dépenses de santé 140,00 euros,
* déficit fonctionnel temporaire 20 000,00 euros,
* souffrances endurées 20 000,00 euros,
* assistance tierce personne 38 880,00 euros,
* frais divers 1 500,00 euros,
* perte de gains 2 990,25 euros,
* incidence professionnelle 10 000,00 euros,
* déficit fonctionnel permanent 50 000,00 euros,
* préjudice sexuel 10 000,00 euros,
* préjudice spécifique d'anxiété 15 000,00 euros,

- si, par impossible, la cour inclut la souffrance permanente née du risque de cancers du sein du vagin et du col dans le déficit fonctionnel permanent, lui allouer la somme de 65 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent aggravé,

- infirmer le jugement concernant le montant de la réparation de Mme Z...,

- condamner solidairement les laboratoires UCB Pharma et Glaxosmithkline Santé Grand Public à lui payer la somme de 10 500 euros,

- infirmer le jugement concernant le montant de la réparation de M. Y...,

- condamner solidairement les laboratoires UCB Pharma et Glaxosmithkline Santé Grand Public à lui payer les sommes de 8 000 euros au titre de son préjudice moral et de 10 000 euros de son préjudice sexuel et de procréation,

- débouter les laboratoires UCB Pharma et Glaxosmithkline Santé Grand Public de toutes leurs demandes,

- confirmer la décision sur les frais irrépétibles exposés en première instance,

Y ajoutant:
- condamner solidairement les laboratoires UCB Pharma et Glaxosmithkline Santé Grand Public à payer la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés devant la cour d'appel et la Cour de cassation,

- condamner solidairement les laboratoires UCB Pharma et Glaxosmithkline Santé Grand Public payer la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés dans cette nouvelle instance,

- condamner solidairement les laboratoires UCB Pharma et Glaxosmithkline Santé Grand Public aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise et les dépens de toutes les instances dont distraction au profit de la société Avocalys sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions en date du 14 mars 2018 de la SAS Glaxosmithkline Santé Grand Public, ci-après GSK, aux droits de la société Novartis Santé Familiale qui demande à la cour de:

A titre principal, sur sa mise hors de cause,
- dire et juger que les éléments versés aux débats par les consorts Y..., confortés par la disparité des parts de marché des deux médicaments en cause, établissent que Madame Y... a été exposée in utero au distilbène ® et non au stilboestrol borne,

- dire et juger que les pathologies de Madame Y... ne trouvent pas leur "seule cause possible" dans une exposition in utero au DES, de sorte qu'elles ne permettent pas d'induire une telle exposition,

-dire et juger qu'aucune présomption de lien de causalité ne saurait être mise en œuvre en l'espèce,

En conséquence,
- infirmer le jugement du 4 décembre 2014 en ce qu'il a retenu la responsabilité de GlaxoSmithKline Santé Grand Public,

- débouter UCB Pharma et/ou les consorts Y... et/ou la CPAM de Seine et Marne de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre GlaxoSmithKline Santé Grand Public,

- mettre GlaxoSmithKline Santé Grand Public hors de cause,

2. A titre subsidiaire, sur l'évaluation des dommages-intérêts,
- infirmer le jugement du 4 décembre 2014 en ce qu'il a évalué les préjudices de Madame Y... à la somme de 58 080 euros,

Statuant à nouveau,
- fébouter UCB Pharma, les consorts Y... et la CPAM de Seine et Marne de l'ensemble de leurs demandes,

- dire et juger subsidiairement que l'indemnisation des consorts Y... ne saurait excéder la somme de 26 840 euros,

3. Enfin,
- condamner UCB Pharma à verser à GlaxoSmithKline Santé Grand Public la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- statuer ce que de droit sur les dépens, dont distraction au profit de Maître Martine Dupuis (Lexavoué), en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu l'assignation délivrée par la société UCB Pharma à la CPAM de Seine et Marne par acte du 22 janvier 2018 remis à personne habilitée.

Vu les actes d'huissier des 12 avril, 15 février et 22 janvier 2018, par lesquels les parties ont dénoncé à la CPAM de Seine et Marne leurs conclusions.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 3 mai 2018.

**************************

FAITS ET MOYENS

Mme Pascale X..., épouse Y..., est née le [...] , sa mère étant Mme Z....

En 1994, le gynécologue qui suivait Mme Y... a évoqué l'existence d'un « col Des » et soumis celle-ci à un strict suivi médical.

Après une fausse couche en 1998, et après stimulation de son ovulation, elle a été de nouveau enceinte et a accouché le 2 novembre 1999, à 28 semaines d'aménorrhée, de deux jumelles, P... et Q....

Après deux fausses couches, elle a été de nouveau enceinte et au terme d'une grossesse alitée, a accouché prématurément d'un garçon prénommé R... le 26 février 2004.

Divorcée de M. E..., père de ses trois enfants, le 4 décembre 2007, elle a épousé M. Y... le 27 juillet 2010.

Enceinte de son nouveau compagnon en novembre 2009, elle a mené sa nouvelle grossesse à terme, après avoir été alitée durant la quasi-totalité de celle-ci, et donné naissance à un enfant en parfaite santé.

Par actes d'huissier des 21 et 23 février 2011, Mme X... épouse Y... a assigné la société UCB Pharma et la MGEN, section Ile de France afin de voir la société UCB Pharma déclarée responsable de son dommage consécutif à l'exposition au Des sur le fondement des articles 1165, 1353 et 1382 du code civil et ordonner, avant-dire droit, une expertise.

La société UCB Pharma a assigné en intervention forcée par acte du 4 avril 2011 la société Novartis et la jonction a été prononcée.

Le juge de la mise en état a ordonné une mesure d'expertise par ordonnance du 20 septembre 2011 et a désigné le Docteur F... pour y procéder.

Par cette même ordonnance, la société Novartis a été mise hors de cause, mais par un arrêt du 28 mars 2012, la cour d'appel de Versailles a ordonné que la société Novartis participe aux opérations d'expertise.

Le rapport d'expertise a été déposé le 4 septembre 2012.

Le docteur F... a relevé, dans son rapport d'expertise que Mme Y... présentait un utérus en forme de T, un col hypoplasique avec absence de relief de la lèvre postérieure et béance du col, et des antécédents d'adénose vaginale.

Elle a déclaré qu'en raison de l'incompétence du col, Mme Y... a accouché prématurément à 6 mois et demi de jumelles en 1999 et que, malgré les cerclages effectués pour ses deux autres grossesses en 2004 et 2010, elle a accouché respectivement à 7 mois et demi et à 8 mois et demi.

Elle estime que si la dysplasie cervicale est en rapport avec une infection à papilloma virus et que les fausses couches ne sont pas en rapport direct avec l'exposition in utero au Des, en revanche, l'adénose vaginale et la forme en T de l'utérus de Mme Y... sont spécifiques de son exposition in utero au Des, de même que les trois accouchements prématurés.

L'expert retient donc qu'il existe un lien de causalité direct et certain entre ces dommages et l'exposition de Mme Y... in utéro au Des.

Par ordonnance en date du 14 janvier 2014, le juge de la mise en état a condamné in solidum la société UCB Pharma et la société Novartis à verser à Mme Y... une provision de 25 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices ainsi qu'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il a également constaté l'intervention volontaire de la CPAM de Seine et Marne.

Le tribunal a prononcé le jugement déféré.

Aux termes de ses conclusions précitées, la société UCB Pharma rappelle que le Diéthylstilbestrol, ci-après DES, est une hormone de synthèse commercialisée sous le nom de marque distilbène ®, produit commercialisé par le laboratoire Ucepha aux droits duquel elle vient, et sous le nom de stilboestrol borne ® par le laboratoire Borne aux droits duquel est venue la société Novartis Santé Familiale et vient désormais la société Glaxosmithkline Santé Grand Public.

Elle relate la procédure.

La société soutient que Mme Y... n'apporte pas la preuve de l'exposition alléguée.

Elle fait valoir qu'elle a renoncé à cette prétention.

Elle se prévaut de ses conclusions d'incident du 7 octobre 2013 aux termes desquelles elle a sollicité la condamnation solidaire des deux laboratoires sur le fondement d'une exposition à la molécule DES, n'évoquant plus une exposition au distilbène ®.

Elle en infère qu'elle a reconnu ne pas rapporter la preuve d'une exposition au distilbène ® et invoque un aveu judiciaire qui ne peut être révoqué dans des conclusions postérieures.

Elle qualifie de confuses et inopérantes ses explications, la compétence du juge de la mise en état pour apprécier une exposition au DES ou au distilbène ® étant identique, la reconnaissance de l'absence de preuve de l'exposition ressortant d'une question de fait et l'aveu ayant été fait dans la même instance.

Elle ajoute qu'en tout état de cause, elle se contredit à son détriment.

Elle en conclut à l'irrecevabilité de ses prétentions - et de celle de la société GSK, quant à l'exposition au produit distilbène ®.

Elle fait valoir que la preuve d'une exposition au distilbène ® n'est pas rapportée.

Elle rappelle que la charge de cette preuve incombe à Mme Y... qui, seule, peut avoir accès au dossier médical de sa mère, avec l'accord de celle-ci.

Elle affirme que seule la production de documents sources, datant de l'époque de la grossesse, soit des ordonnances peut établir cette preuve compte tenu, notamment, de l'usage générique du terme «distilbène».

Elle considère inadapté le mode de preuve par voie de présomptions graves, précises et concordantes.

Elle déclare que le secret médical lui interdirait de rapporter la preuve contraire et, donc, que ces présomptions seraient, de fait, irréfragables.

Elle déclare également que le terme«distilbène» est employé comme synonyme de la molécule DES ou d'autres molécules.

Elle cite des molécules couramment prescrites en 1971 en prévention des avortements spontanés - dont le Gravibinan - et se prévaut d'une étude démontrant un phénomène de démémorisation lié à la notoriété de la marque distilbène ®, confondue avec d'autres ou avec le nom de la molécule DES.

Elle souligne l'usage générique du terme «distilbène» dans des médias, institutions ou des certificats médicaux récents.

Elle en conclut que seuls des documents sources contemporains de la grossesse peuvent rapporter la preuve de l'exposition au distilbène ®.

Elle relève que Mme Y... ne produit aucun document source contemporain de la grossesse de sa mère.

Elle critique la valeur des attestations émanant de proches voire d'une partie, sa mère.

Elle conteste que la Cour de cassation estime suffisantes les seules attestations non corroborées par des documents médicaux contemporains.

Elle critique l'attestation de sa mère, seule attestation produite et confortée par aucun document source, contemporaine de l'assignation et dont le souvenir a été «déclenché» par la lecture, 40 ans plus tard, d'articles.

Elle réitère le caractère devenu générique du terme distilbène.

Elle excipe du jugement.

Elle estime que cette attestation n'est pas confortée.

Elle affirme, pour les motifs ci-dessus, que les quelques mentions de «distilbène» dans des pièces médicales récentes renvoient au terme générique DES, l'assimilation des deux existant en France depuis les années 1980.

Elle estime donc insuffisante la mention d'une «notion de distilbène» dans le compte-rendu d'un frottis de dépistage du 25 août 1995, un compte-rendu du 6 novembre 2003 précisant même ®.

Elle estime également insuffisante la référence aux propos qu'aurait tenus en 1992, 20 avant l'attestation, le docteur G..., l'indication du médicament résultant de la seule affirmation de la mère de Mme Y....

Elle estime enfin insuffisant le courrier du docteur H... en date du 10 décembre 1998, celui-ci n'étant pas le médecin prescripteur, n'ayant pas eu accès au dossier médical et évoquant une exposition au distilbène en tant que molécule DES et non que spécialité.

Elle affirme indifférentes les parts de marché du distilbène ® et du stilboestrol borne ®.

Elle qualifie d'insuffisante l'étude réalisée par l'IMS à la demande de la société GSK et considère qu'en tout état de cause, les parts de marchés de ces deux produits qui coexistaient alors ne peuvent permettre de dire que Mme Y... n'a pas été exposée au produit stilboestrol borne ®.

Elle en conclut que la preuve d'une exposition au produit commercialisé par elle n'est pas rapportée.

Elle soutient que le tribunal ne pouvait retenir une présomption d'exposition à la molécule sur le fondement de présomptions du fait de l'homme.

Elle affirme que cette présomption suppose la démonstration de pathologies dont la seule cause possible est le DES.

Elle fait valoir que la Cour de cassation a posé les principes suivants quant à la charge de la preuve de l'exposition in utero:
- lorsque la demanderesse présente une pathologie dont la « seule cause possible » est une exposition in utero au diéthylstilbestrol (ou DES), l'exposition à la molécule est présumée et il appartient à chacun des laboratoires de rapporter la preuve que son produit n'est pas à l'origine du dommage,

- lorsque la pathologie présentée n'a pas comme seule cause possible une exposition in utero au diéthylstilbestrol, il appartient alors à la demanderesse de rapporter la preuve de son exposition in utero à l'une et/ou l'autre des spécialités, à défaut de quoi elle doit être déboutée.

Elle cite des jugements et arrêts, notamment de cette cour, aux termes desquels les pathologies présentées ne doivent avoir aucune autre cause possible que l'exposition in utero au DES pour que la présomption soit retenue.

Elle souligne qu'il ne lui suffit pas d'affirmer que la littérature médicale montrerait une association statistique entre l'exposition in utero au DES et les pathologies mais que l'intéressée doit démontrer que les pathologies présentées n'ont pas d'autres causes possibles qu'une exposition in utero au DES soit que la pathologie n'existe pas en dehors d'une exposition in utero au DES.

Elle affirme que tel n'est pas le cas des pathologies présentées par Mme Y....

Elle conclut donc à l'infirmation du jugement.

Subsidiairement, elle soutient qu'aucun lien de causalité n'est démontré entre les préjudices invoqués et l'hypothétique exposition au DES.

Elle conteste toute présomption de causalité y compris sur la base d'une conjonction d'indices prédéterminés et se prévaut du jugement.

Elle fait valoir que toute présomption de causalité porterait atteinte aux droits de la défense des laboratoires et serait incompatible avec les principes fondamentaux du droit de la responsabilité civile.

Elle relève que les intimés sollicitent désormais la détermination d'indices dont la conjonction serait de nature à conduire à la présomption d'un lien de causalité.

Elle estime que, par une telle prétention, les consorts Y... demandent à la cour d'ignorer les spécificités de chaque cas et d'abandonner toute liberté d'appréciation en aliénant son pouvoir juridictionnel.

Elle ajoute que cette demande méconnait l'article 5 du code civil.

Elle considère, en outre, qu'un tel système n'est pas envisageable dans le cadre du contentieux du DES où sont en question des pathologies variées, multifactorielles qui se retrouvent dans la population générale.

Elle affirme, citant des expertises, que le seul fait d'avoir été exposée in utero au DES et d'avoir été confrontée à une infertilité ne permet pas de tenir pour certain un lien de causalité entre ces deux éléments.

Elle relève qu'une telle logique amènerait à reconnaître une présomption de causalité et souligne qu'aucune juridiction n'a suivi cette voie.

Elle réfute l'interprétation par les consorts Y... de l'arrêt du 21 juin 2017 de la Cour de justice de l'union européenne qui a, au contraire, écarté toute présomption de causalité sur des indices prédéterminés.

Elle fait valoir que les éléments scientifiques invoqués ne permettent pas de considérer qu'une telle présomption de causalité devrait être posée.

Elle estime la brochure de l'AFSSAPS, désormais ANSM, de 2011 inopérante, s'agissant d'une mise à jour et la brochure ne rapportant pas un consensus scientifique et adoptant des protections maximales.

Elle estime que la publication de Hoover de novembre 2011 présente des incohérences notamment sur les échantillons de populations étudiées.

Elle déclare que l'enquête réseau DES France n'est pas une étude épidémiologique mais une enquête réalisée dans le cadre d'un projet sur « l'accompagnement de l'auto-déclaration des effets indésirables par les patients pour les médicaments et les dispositifs médicaux ».

Elle précise que le recueil des données est fondé sur un questionnaire anonyme ne permettant aucune validation médicale des déclarations effectuées.

Elle ajoute qu'elle présente d'importants biais d'information, de sélection, de confusion.

Elle conclut qu'aucun des éléments invoqués ne justifie la création d'une présomption de causalité qui serait, au surplus irréfragable, puisque les laboratoires qui n'ont accès qu'aux seuls éléments du dossier médical que les demanderesses choisissent de communiquer, seraient en pratique privés de toute possibilité de prouver que la pathologie présentée n'est pas due à l'exposition à leurs produits.

Elle en infère qu'elle devrait indemniser systématiquement toute pathologie dès lors que la demanderesse a été exposée au DES, alors même qu'il est avéré que ces pathologies peuvent survenir sans que la patiente ait été exposée à la molécule et plus encore, que la demanderesse présente d'autres facteurs causaux d'infertilité.

La société UCB Pharma invoque l'existence d'autres causes possibles faisant obstacle à la reconnaissance d'un lien de causalité par voie de présomptions graves, précises et concordantes.

Elle se prévaut d'arrêts de la Cour de cassation et de cette cour aux termes desquels il ne peut y avoir de présomptions graves, précises et concordantes, lorsqu'il existe d'autres facteurs susceptibles d'être à l'origine de la pathologie invoquée.

Elle souligne que les troubles gynécologiques et obstétricaux dont il est question en l'espèce, peuvent par nature tenir à de nombreuses causes indépendantes du DES et ajoute qu'il existe des facteurs propres à Mme Y... expliquant les troubles invoqués.

Elle affirme que l'adénose vaginale invoquée, qui n'a pas été constatée par l'expert lors de l'examen clinique durant les opérations d'expertise, ne constitue pas une « malformation utérine » mais est une lésion bénigne, caractérisée par une éversion de la muqueuse endocervicale (c'est-à-dire normalement située à l'intérieur du col de l'utérus), qui régresse spontanément avec le temps.

Elle excipe d'un consensus scientifique sur le fait que la dysplasie cervicale est sans lien avec le DES.

Elle expose que la dysplasie, transformation des cellules du col de l'utérus, est une pathologie sans lien avec une exposition in utero au DES et souligne que le docteur F... a clairement exclu tout lien entre la dysplasie de Madame Y... et son éventuelle exposition au DES.

Elle cite sa réponse à un dire de Mme Y... et d'autres rapports.

Elle ajoute qu'aucune étude n'a montré un tel lien et conteste que des études postérieures à son rapport aient établi que le DES est un co-facteur de la dysplasie cervicale.

Elle déclare que la seule étude récente est celle de Verloop 2017 et indique qu'elle ne retient pas ce lien.

Elle cite d'autres études prises en compte par le docteur F....

Elle relève que la théorie du médecin conseil de Mme Y... selon lequel le DES favoriserait l'infection HPV a été écartée par l'expert et déclare qu'elle est contredite par les publications les plus récentes.

Elle cite des études.

Elle conteste donc l'incrimination du DES dans le développement d'une lésion pré-cancéreuse de type épidermoïde.

Elle réfute également l'opinion de l'expert J..., contredite par la littérature récente.

Elle fait donc valoir que les données les plus récentes n'invalident pas les conclusions de l'expert.

S'agissant des fausses couches précoces, elle affirme qu'elles n'ont jamais été mises en lien de manière significative avec une exposition au DES, le tableau de fausses couches ultra-précoces n'étant pas lui-même typique du DES.

Elle ajoute qu'en l'espèce, elles sont liées à des facteurs autonomes bien identifiés, une anomalie chromosomique en 1998 et un œuf clair en 2002.

S'agissant du déroulement des grossesses ayant donné lieu à la naissance des quatre enfants de Mme Y..., elle expose que la première grossesse est une grossesse gémellaire, qui est en elle-même facteur de risque de prématurité et que Mme Y... a présenté une infection materno-foetale à streptocoques B qui peut, à elle seule, expliquer la prématurité à 30 semaines d'aménorrhée. Elle s'interroge sur l'absence de cerclage.

Elle relève que la deuxième grossesse a donné lieu à une naissance légèrement prématurée à 35 semaines et 3 jours, qui peut se retrouver indépendamment de toute exposition in utero au DES et que la grossesse suivante a donné lieu à un accouchement à terme.

Elle en conclut que le jugement ne pouvait retenir un lien de causalité sur la base de présomptions graves, précises et concordantes et, donc, que fa preuve d'un lien de causalité entre l'exposition supputée au DES et les troubles invoqués par Madame Y... n'est pas rapportée.
Elle soutient qu'aucune faute de sa part n'est démontrée.

Elle rappelle que sa responsabilité nécessite la démonstration d'une faute délictuelle.

Elle relève que, dans ses arrêts du 7 mars 2006, la Cour de cassation a retenu le principe d'une responsabilité pour faute à raison du risque d'adénocarcinome à cellules claires au motif que « la littérature scientifique faisait état dès les années 1953-1954 de la survenance de cancers très divers et compte tenu d'expérimentations animales qui démontraient que le risque carcinogène était connu ».

Elle conteste cette appréciation.

Elle affirme que les études de 1953-1954 visaient à apprécier le niveau d'efficacité du produit et non une éventuelle nocivité et que ces essais thérapeutiques n'ont été possibles à titre prospectif que parce que l'innocuité du DES était certaine.

Elle ajoute que le traitement était efficace.

Elle fait également valoir que l'espèce ne concerne pas un effet carcinogène du DES de sorte que ces décisions ne sont pas pertinentes.

Elle soutient qu'Il s'agit, en l'espèce, de déterminer s'il était possible, en 1971, d'envisager le risque de malformation utérine des femmes exposées au DES in utero.

Elle affirme que ce risque n'a été identifié qu'en 1977 de sorte qu'aucune faute ne peut être caractérisée.

Elle fait valoir qu'il ne peut pas davantage lui être reproché un défaut de vigilance y compris au titre d'un principe de précaution, qui n'existait pas au moment de la commission du prétendu fait générateur et qui ne pourrait justifier, au surplus rétrospectivement, la mise en oeuvre de la responsabilité civile d'une personne privée pour un risque qui était totalement inconnu à I l époque de la prescription en cause.

Elle se prévaut d'un arrêt de la Cour de cassation écartant, pour ce motif, toute responsabilité civile au titre du principe de précaution.

Elle se prévaut également de l'indication par des experts judiciaires que la notice d'utilisation éditée par le laboratoire UCB Pharma était conforme à l'état des connaissances de l'époque, les premiers rapports concernant le risque de malformations génitales chez les filles de mères traitées par le DES ayant été publiés dans la littérature médicale à la fin des années des 1970.

Subsidiairement, elle conteste les demandes.

S'agissant de Mme Y..., elle affirme qu'elle ne justifie pas que des dépenses de santé sont demeurées à sa charge.

Elle estime que la somme de 1.500 euros correspondant aux frais engagés pour se faire assister d'un médecin conseil relève de l'indemnité allouée au titre des frais irrépétibles et ajoute que résultant d'un choix de sa part, le coût de cette prestation n'est pas la conséquence de sa faute.

Concernant le déficit fonctionnel temporaire, elle reproche à l'expert d'avoir intégré à tort deux congés parentaux d'éducation - qui ne peuvent être indemnisés - et de ne pas documenter les arrêts de travail mentionnés.

Elle ajoute qu'en tout état de cause, ces arrêts sont de 5 mois et que Mme Y... ne peut solliciter une indemnisation pour la période de 4 mois correspondant à l'hospitalisation des jumeaux alors qu'elle était en congé parental.

Elle s'oppose à la majoration du taux, l'angoisse étant prise en compte au titre du pretium doloris.

Elle conteste la nécessité d'une tierce personne.

Elle réfute la demande au titre de la perte de gains professionnels, les périodes de congés parentaux d'éducation qui résultent d'un choix personnel - afin de se consacrer à l'éducation des enfants - sans lien avec le DES, ne pouvant donner lieu à indemnisation.

Elle fait état de l'absence de lien direct et certain entre ces pertes de gains alléguée et les problèmes de santé de Mme Y... du fait de son exposition in utero au DES.

Elle réfute toute incidence professionnelle aux motifs que ni les congés parentaux, ni le choix de modifier sa carrière professionnelle afin d'être plus disponible pour sa famille, ne sont constitutifs de préjudices ni ne sauraient être mis en lien avec son exposition au DES.

Elle ajoute que le choix personnel de changer d'activité professionnelle et de reprendre un travail de professeur d'école plutôt que son activité d'hôtesse de l'air apparaît cohérent avec la volonté d'être plus disponible pour élever ses quatre enfants qui n'ont pas présenté de soucis de santé particuliers passés la période néonatale.

Elle nie tout déficit fonctionnel permanent, non retenu par l'expert.

Elle ajoute que les répercussions psychologiques ont été prises en compte dans les souffrances et que ses craintes ne sont pas davantage de nature à justifier la reconnaissance d'un déficit fonctionnel permanent.

Elle se prévaut des réponses de l'expert et des termes du jugement.

Elle s'oppose à la demande au titre du préjudice sexuel aux motifs qu'elle ne présente aucune difficulté de procréation étant rappelé qu'elle a donné naissance à quatre enfants et que le préjudice allégué résultant de l'absence de rapports sexuels, si tant qu'il résulte d'un risque de prématurité imputable au DES, durant les grossesses est déjà intégré dans l'évaluation des souffrances endurées.

Elle déclare, avec l'expert, que la perte de libido invoquée correspond à l'absence de rapport durant la grossesse.

Elle conteste l'existence de souffrances sexuelles permanentes.

Elle réfute tout préjudice d'anxiété, purement hypothétique aux motifs que les risques cancérigènes évoqués ne sont aucunement démontrés ainsi qu'il résulte d'études et que les lésions dysplasiques et les autres troubles invoqués ne sont pas en lien avec l'exposition in utero au DES.

Elle soutient qu'aucun préjudice de principe, du seul fait d'une exposition in utero au DES, ne peut être retenu, conteste tout raisonnement par analogie et se prévaut d'arrêts.

Elle estime excessive l'indemnité allouée au titre des souffrances endurées, chiffrées à 4,5/7.

S'agissant de Mme Z..., elle affirme qu'elle ne rapporte la preuve d'aucun préjudice ni dans ses conditions d'existence ni à titre moral.

S'agissant de M. Y..., elle réfute également tout préjudice, y compris d'accompagnement. Elle ajoute qu'il n'a rencontré Mme Y... qu'en 2008.

Elle relève que la CPAM ne formule aucune demande et conteste la créance qu'elle invoquait devant le tribunal.

Elle estime excessive l'indemnité accordée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de leurs conclusions précitées, Mmes Y... et Z... et M. Y... rappellent les propriétés du diethylstilbestrol, DES, et déclarent que dès 1938 et, surtout, dès 1953 des études ont démontré ses dangers, des institutions américaines interdisant dès 1971 son utilisation dans des applications obstétricales et mettant en place un programme national de surveillance.

Ils soulignent que le DES a été interdit chez les femmes enceintes dans divers pays à compter de 1975.

Ils rappellent qu'en France , la molécule DES a été commercialisée par le laboratoire Ucepha - aux droits duquel vient UCB Pharma - fabricant du distilbene ® - et le laboratoire Borne, aux droits duquel vient la société Novartis, et aujourd'hui GSK,- fabricant du stilboetrol borne ®, avant l'interdiction de sa commercialisation en 1977.

Ils indiquent enfin que la molécule DES est classée cancérigène pour l'homme.

Ils relatent les problèmes de santé de Mme Y....

Les consorts Y... invoquent la responsabilité du laboratoire UCB Pharma, producteur du distilbène ® à l'époque de la grossesse de Mme Z... sur le fondement des articles 1165, 1382 et 1383 du code civil dans leur version applicable.

Ils rappellent que le tiers à un contrat peut invoquer tout manquement contractuel lorsque celui-ci lui a causé un dommage.

Ils excipent d'un fait générateur soit l'exposition au distilbène ® et au DES.

Concernant l'exposition au distilbène ®, ils réfutent avoir abandonné cette prétention.

Ils affirment qu'il n'entrait pas dans la compétence du juge de la mise en état d'apprécier si Mme Y... avait été exposée à la spécialité distilbène ® mais de relever l'évidence de sa présomption d'exposition au DES.

Ils réfutent donc tout aveu judiciaire et soulignent que, dans leurs conclusions d'incident, ils précisaient que le débat sur le produit d'UCB Pharma serait tranché au fond.

Ils ajoutent que le prétendu aveu porterait sur un élément de droit.

Ils contestent également, pour les mêmes motifs, toute contradiction aux dépens d'autrui.

Ils soutiennent que l'exposition de Mme Y... au distilbène ® est bien documentée et non sérieusement contestée.

Ils soulignent que, compte tenu de l'ancienneté des faits, ils ne peuvent produire le dossier médical de Mme Z... ou une copie d'ordonnanciers de pharmacie.

Ils estiment que l'exigence d'un document - source est contraire à la liberté de la preuve des faits juridiques et à l'évolution de la jurisprudence qui, en matière de DES, a posé le principe d'une présomption d'imputabilité compte tenu du temps écoulé.

Ils font état de présomptions, graves, précises et concordantes.

Ils affirment qu'il est acquis au dossier médical de Mme Y... et à l'attestation de Mme Z... que la notion de distilbène ® est connue du docteur G... depuis 1990 et soulignent que Mme Z... n'avait alors aucune raison d'évoquer une telle exposition.

Ils relèvent que Mme Y... a suivi des frottis annuels dès son adolescence et estiment que ce suivi, inhabituel, est justifié par l'inquiétude de sa mère liée à l'annonce des conséquences du produit.

Ils affirment qu'en cas contraire, celle-ci aurait fait état du silboestrol borne ®.

Ils contestent, compte tenu de la précision de ses souvenirs, qu'elle ait pu être influencée par l'emploi générique du terme distilbène.

Ils ajoutent qu'elle a consulté dès 1990 le docteur G... pour sa fille puis le docteur H... qui l'a adresse au docteur K... en 1998 en indiquant qu'elle a été exposée dans sa vie in utero au distilbène ®.

Ils affirment, en second lieu, que ces éléments de preuve sont renforcés par les constatations du docteur F... qui a relevé des anomalies utérines caractéristiques de l'exposition au DES.

Ils excipent enfin du monopole, alors, du distilbène ® vendu apr le laboratoire UCB Pharma.

Ils réfutent toute démémorisation, Mme Z... n'ayant subi aucune confusion, et les espèces citées, non transposables et dont les pièces produites ont été sélectionnées par le laboratoire.

Ils rappellent que le contenu de l'attestation doit être apprécié, la qualité de son auteur ne justifiant pas de l'écarter.

Ils l'estiment suffisamment précise et soulignent qu'elle reflète les mentions d'un dossier médical portées 20 ans avant l'engagement de la procédure.

Ils ajoutent que le juge de la mise en état avait mis hors de cause le laboratoire GSK au vu de ces pièces et mentions.

Concernant l'exposition au DES, ils rappellent que s'il appartient à la demanderesse de faire la preuve de l'exposition de sa mère in utero au DES, cette preuve peut résulter de présomptions graves, précises et concordantes et que, si cette preuve est rapportée, il incombe à chacun des laboratoires ayant mis sur le marché un produit contenant la molécule en cause de démontrer que son produit n'est pas à l'origine du dommage.

Ils se prévalent des conclusions de l'expert qu'ils reprennent.

Ils déclarent que les anomalies morphologiques que Mme Y... présente n'ont pas d'autre cause possible que son exposition au DES.

En réponse aux laboratoires, ils contestent qu'elle doive démontrer subir un dommage qui ne peut être retrouvé dans la population générale, les effets indésirables d'un médicament n'étant ni certains ni univoques.

Ils leur font grief de confondre causes et conséquences.

Ils soulignent qu'il est scientifiquement reconnu que l'exposition in utero au DES produit des effets tératogènes et rappellent la nature et le lieu des malformations.

Ils soutiennent donc qu'il appartient à la cour de rechercher si ces anomalies ont pour seule cause possible son exposition au DES et affirment que tel est le cas.

Ils ajoutent que la question de savoir si ces anomalies expliquent ensuite ses problèmes gynécologiques ou obstétriques ne relève pas de la présomption d'imputabilité au produit - et donc de la preuve du fait générateur - mais du lien causal entre le dommage et celui-ci.

Ils se prévalent des principales complications, chez la fille exposée in utero, décrites par la littérature faisant consensus.

Ils estiment qu'il appartient à la cour d'apprécier si les anomalies utérines et cervicales de Mme Y... ont pour seule cause possible l'exposition in utero au DES.

Ils excipent du rapport de l'expertet relèvent que celui-ci a écarté les arguments développés par les laboratoires, identiques à ceux invoqués.

Ils en concluent qu'elle justifie de l'exposition au DES.

Ils soutiennent que le producteur du DES a commis des fautes.

Ils exposent qu'un rapport général d'expertise dressé par 4 experts et des sapiteurs en 1994 établit qu'avant 1969, et dès les années 1953-1954, les doutes sur l'efficacité du DES dans l'indication d'avortement spontané et la littérature expérimentale faisant état de la survenance de cancers auraient dû justifier une attitude différente de la part d'UCB Pharma.

Ils estiment qu'en méconnaissant ces avertissements, elle a manqué à son obligation de vigilance et, donc, commis une faute.

Ils se prévalent de deux arrêts de la Cour de cassation du 7 mars 2006.

Ils rappellent qu'à la date à laquelle Mme Y... a été exposée, la notice du distilbène ® était muette sur le risque tératogène du produit.
Ils font valoir que si les conséquences morphologiques liées au DES n'ont été démontrées qu'en 1977, la question de son efficacité et de ses effets tératogènes chez les animaux était posée depuis 1953.

Ils reprochent au laboratoire de ne pas démontrer avoir, en 1971, tiré les conséquences de ces interrogations et avisé les prescripteurs.

Ils en concluent que sa faute n'est pas sérieusement discutable.

Ils soutiennent rapporter la preuve du lien de causalité entre le DES et le dommage.

Ils rappellent le pouvoir souverain des juges du fond pour apprécier les éléments qui leur sont produits et demandent, compte tenu du contexte et de la nature de ces affaires, à la cour d'énumérer des indices prédéterminés dont la conjonction conduirait automatiquement, par voie de présomptions, à l'établissement d'un lien de causalité entre le DES et la survenance de la pathologie.

Ils citent ces indices en se fondant sur la brochure de l'AFSSAPS décrivant les risques encourus par la fille exposée in utero.

Ils estiment que la réunion de ces indices, en l'absence d'antécédents personnels, permettrait de considérer que la victime a rapporté la preuve d'un lien de causalité à charge pour le producteur du DES de démontrer que son produit n'est pas en cause.

Ils considèrent que cette présomption de causalité serait justifiée par l'existence d'effets indésirables sur trois générations et citent un auteur.

Ils affirment que la diversité des situations ne s'oppose pas à l'instauration de cette présomption simple de causalité qui ne reviendrait pas à consacrer une obligation générale d'indemnisation systématique, le laboratoire pouvant toujours prouver que le dommage est directement lié à une autre cause que le DES et la victime devant toujours prouver son exposition au DES et le dommage et, donc, produire son dossier médical.

Ils font état d'un déséquilibre des armes, compte tenu du caractère sériel et trans générationnel de ce drame sanitaire, empêchant la victime de bénéficier d'un procès équitable.

Ils sollicitent donc une évolution de la jurisprudence et excipent d'un arrêt de la CJUE du 21 juin 2017 admettant le recours aux présomptions du fait de l'homme et de la jurisprudence administrative et précisent que cette présomption ne se heurterait pas à la Directive européenne de 1985, non applicable.

Ils déclarent prouver que Mme Y... a été exposée in utero au DES en 1970, qu'elle présente des anomalies utérines caractéristiques de cette expositions selon les recommandations de l'AFSSAPAS, désormais ANSM, et la littérature scientifique.

Ils en infèrent que, faute pour les laboratoires de prouver que le dommage est dû à une cause totalement autonome du DES, la responsabilité du producteur du DES doit être retenue.

Ils ajoutent, en tout état de cause, que le lien de causalité se déduit des pièces du dossier médical, des arguments scientifiques et de l'avis de l'expert.

Ils rappellent que l'expert a retenu un lien causal entre les anomalies utérines - utérus en T, col hypoplastique et adénose vaginale -, les menaces d'accouchement prématuré et l'exposition au DES.

S'agissant des anomalies utérines et cervicale, ils décrivent son adenose, précisent qu'elle touche 33 à 75 % des patientes exposées in utero au DES - 3 % dans la population générale - et indiquent qu'il s'agit de la lésion la plus fréquente observée lors d'une exposition au DES.

Ils précisent qu'elle régresse naturellement mais excipent des recommandations de l'AFSSAPS et du rapport de l'expert.

Ils déclarent que le consensus scientifique retient l'adénose comme marqueur de l'exposition au DES ce que les laboratoires ne contestent que devant les juridictions françaises.

Ils décrivent sa cavité utérine en T et citent une étude indiquant que, des malformations utérines imputables au DES, elle est la plus fréquente.

Ils font état de comparaisons avec un «groupe normal» et d'autres études.

Ils affirment que son col hypoplastique et l'incompétence cervicale soudaine relevées également par l'expert sont spécifiques des patientes soumises au DES.

S'agissant des trois accouchements prématurés, dont le premier très prématuré, ils rappellent que l'expert a conclu que le col hypoplasique court, dû au DES, les a favorisés.

Ils soulignent qu'il n'a identifié aucune autre cause.

S'agissant de la grande prématurité des enfants, ils se prévalent des conclusions de l'expert.

Ils lui reprochent d'avoir écarté le lien causal entre la dysplasie cervicale, pré cancéreuse, et le DES.

Ils font état de nouvelles études établissant que le DES est un co-facteur de cette dysplasie, des conclusions de nouveaux experts, des critiques formées par le docteur J... au rapport de Mme F... et de l'avis du docteur L....

Ils estiment inopérant l'argument tiré d'expertises anciennes - antérieures à ces études - et invoquent un jugement du 11 janvier 2018 ayant homologué les conclusions d'un rapport faisant état d'un tel lien.

Ils critiquent l'interprétation par les laboratoires de l'étude Verloop 2017.

Ils sollicitent à titre subsidiaire, au vu de ces nouvelles études, le prononcé d'un complément d'expertise, indispensable pour faire le point sur cette pathologie cancéreuse susceptible d'engager un processus vital.

Les consorts Y... exposent leurs préjudices.

Ils relatent les conclusions de l'expert.

Ils citent les préjudices subis par Mme Y..., précisant que l'expert a fixé la consolidation à 2010.

Concernant les préjudices patrimoniaux avant consolidation, ils citent une dépense de 140 euros au titre des frais restés à charge, somme non réclamée par la CPAM.

Ils font état d'une assistance tierce personne, la mère et l'ancien mari de Mme Y... attestant qu'ils ont dû l'aider lors de ses grossesses ce que corrobore un tiers.

Ils rappellent que cette aide doit être indemnisée.

Ils déclarent que l'expert ne l'a pas retenue car cette question n'entrait pas dans le cadre de sa mission.

Ils demandent qu'elle soit fixée sur la base d'un taux de 18 euros par heure, désormais admis.

Ils font état de frais divers soit le paiement des honoraires du médecin qui l'a assistée durant les opérations d'expertise. Ils estiment que ces frais étaient en lien avec l'atteinte et, donc, utiles.

Ils réclament une indemnisation pour perte de gains.

Ils exposent qu'elle a arrêté de travailler le 15 septembre 1999 pour élever ses jumelles, été en congé parental sans solde du 23 juillet 2000 au 22 juillet 2002, en arrêt de travail rémunéré à certaines périodes et en congé parental d'éducation du 9 août 2004 au 8 mai 2005 avant de cesser son activité professionnelle.

Mme Y... déclare justifier d'une perte de gains de 2 990,25 euros.

Elle soutient qu'elle a dû suspendre son activité professionnelle non par confort et choix personnel mais pour assumer la prise en charge d'enfants prématurés.

Elle en infère, se prévalant d'auteurs et d'arrêts, qu'il existe un lien de causalité entre la faute et le dommage.

Elle rappelle que la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable.

Elle souligne les soins inhabituels qu'elle a dû donner aux enfants.

Concernant les préjudices extra patrimoniaux avant consolidation, elle rappelle la définition du déficit fonctionnel temporaire, se prévaut des constatations de l'expert - qui n'en a pas tiré les conséquences - et fait valoir qu'elle a vécu deux grossesses en étant totalement alitée et que les enfants P..., Q... et R... sont demeurées hospitalisées après leur naissance.

Elle déclare qu'elle a donc été privée, durant 20 mois et 4 jours, de la qualité de vie et des joies habituelles étant rappelé que le déficit temporaire est décorrélé de toute notion économique.

Elle sollicite une majoration du taux moyen compte tenu de son hospitalisation loin de son mari et de sa famille et de ses craintes pour la santé des enfants.

Elle réclame une indemnisation au titre des souffrances endurées et excipe d'attestations de sa mère et d'amis les décrivant.

Postérieurement à la consolidation, Mme Y... invoque une incidence professionnelle, ayant dû prendre un emploi au sol puis un congé pour s'occuper des jumelles puis changer d'emploi lorsqu'elles ont été scolarisées.

Elle sollicite l'indemnisation d'un déficit fonctionnel permanent qui ne se limite pas aux seules atteintes fonctionnelles.

Elle invoque l'atteinte fonctionnelle constituée par un utérus en T et l'anomalie cervicale et des répercussions psychologiques.

Elle fait valoir que ses atteintes fonctionnelles sont un facteur de risque en cas de nouvelle grossesse et source de souffrances, postérieures à la consolidation, et que ses craintes pour la santé future de ses enfants et son incapacité de fait à procréer doivent être indemnisées.

Elle ajoute un risque cancérigène particulièrement anxiogène.

Elle invoque un préjudice sexuel qu'elle définit.

Elle conteste qu'il se limite à la seule absence de rapports sexuels durant les grossesses et affirme qu'il est constitué par la perte de plaisir et qu'il englobe le préjudice morphologique et celui lié aux difficultés à procréer.

Elle invoque un préjudice spécifique d'anxiété.

Elle affirme justifier qu'il est distinct des préjudices déjà indemnisés et cite des cas, y compris concernant le DES, dans lesquels un tel préjudice a été retenu.

Elle fait valoir que la molécule est classée cancérigène pour l'homme et que les femmes exposées au DES présentent un risque majoré de dysplasie cervicale et de cancers mammaires et se prévaut d'études.

Elle soutient que ce préjudice est autonome car elle doit se soumettre à une surveillance régulière et qu'il est distinct.

Elle ajoute qu'elle réalise des frottis annuellement alors qu'ils sont recommandés tous les trois ans.

Mme Z... rappelle la définition du préjudice d'affection et expose qu'elle a été le vecteur d'un dommage corporel grave pour sa fille et ses petits-enfants.

Elle ajoute qu'elle a dû lui consacrer beaucoup de temps et qu'elle est profondément angoissée.

Elle se prévaut d'une attestation de son époux.

M. Y... expose qu'il souffre de voir souffrir son épouse et qu'il éprouve lui-même des souffrances directement causées par l'exposition de sa femme au DES.

Ils soulignent l'importance des frais qu'ils ont dû exposer.

Aux termes de ses écritures précitées, la SAS Glaxosmithkline Santé Grand Public décrit le DES et sa commercialisation, précisant que la part de marché du distilbène ® était comprise, dans les années 1960 et 1970, entre 97 % et 99 %, et rappelle la procédure.

Elle soutient que sa responsabilité ne peut être engagée aux motifs que Mme Y... démontre qu'elle a été exposée au médicament distilbène ® et que ses pathologies ne trouvent pas leur seule cause dans une exposition in utero au DES.

Elle affirme que Mme Y... a été exposée in utero au distilbene ® et non au stilboestrol borne ®.

Elle rappelle que, dans un arrêt du 24 septembre 2009, la Cour de cassation a offert aux demanderesses qui prétendent avoir été exposées in utero au DES une alternative dans l'administration de la preuve de leur exposition, celles-ci devant soit démontrer - conformément aux règles classiques de responsabilité civile - qu'elles ont été exposées in utero à l'un des deux médicaments contenant du DES - seule la responsabilité du laboratoire ayant commercialisé le médicament en cause pouvant alors être recherchée - soit démontrer que les pathologies dont elles font état trouvent leur "seule cause possible" 1 dans une exposition à la molécule DES - l'exposition est alors induite des pathologies présentées sans qu'il soit besoin d'identifier le laboratoire en cause.

Elle souligne que cet arrêt "Ferrero" pose donc une présomption d'exposition dérogatoire au droit commun qui s'applique aux seules hypothèses où l'ancienneté des faits empêche la demanderesse d'établir quel médicament a été absorbé par sa mère, alors qu'elle prouve qu'elle a nécessairement été exposée à la molécule DES.

Elle estime que la mise en œoeuvre de la présomption posée par l'arrêt "Ferrero" suppose donc que la spécialité administrée ne soit pas connue.

Elle estime qu'à l'inverse, lorsque la demanderesse parvient à démontrer à quel médicament elle a été exposée (distilbène ® ou stilboestrol borne ®), la présomption d'exposition au DES de l'arrêt "Ferrero" est sans portée utile, le droit commun de la responsabilité civile s'appliquant et le laboratoire qui n'a pas commercialisé le médicament concerné devant être mis hors de cause.

Elle souligne, se prévalant d'arrêts, que le juge ne peut recourir au mécanisme de la présomption qu'afin de "faciliter la tâche probatoire de la victime lorsque les circonstances le justifient" c'est-à-dire "lorsque la preuve directe du fait, initialement objet de preuve, se révèle difficile, hors de la portée du demandeur à l'allégation, qu'il reste donc "inconnu".

Elle explique ainsi qu'elle est régulièrement mise hors de cause lorsque l'exposition de la demanderesse au distilbène ®, produit de la société UCB Pharma, est démontrée

Elle affirme que l'exposition in utero au distilbène ® de Mme Y... est démontrée.

Elle déclare qu'il n'existe aucun élément dans le dossier (écriture ou pièce) qui mettrait en cause le stilboestrol borne ® dans la survenance des pathologies invoquées.

Elle se prévaut des écritures et des pièces - qu'elle cite - des consorts Y... qui ont assigné uniquement UCB Pharma et qui sollicitent, au fond, qu'UCB Pharma soit déclarée entièrement responsable du dommage causé par une exposition in utero au distilbène ® et de l'arrêt cassé.

Elle ajoute, citant des arrêts et jugements, que le déséquilibre entre les parts de marché respectives du distilbène ® et du stilboestrol borne ® renforce la force probante des éléments de preuve visant le distilbène ®.

Elle cite une étude d'IMS Health démontrant que, lors des faits litigieux, les parts de marché de son produit ont été au maximum de 1,3 %, contre 98,7 % pour le distilbène ®.

Elle estime la critique d'UCB Pharma à l'encontre de cette étude d'autant moins fondée que la société est réputée et que UCB Pharma n'avance aucune réponse alternative et aucun élément justifiant ses critiques et reconnaît son quasi monopole.

Elle qualifie d'inopérante l'argumentation d'UCB visant à nier l'implication de sa spécialité.

Elle réfute tout phénomène de démémorisation, la notoriété du distilbène ® n'étant pas liée à un phénomène de "démémorisation" ni à sa médiatisation récente, mais à la part très importante de marché qu'il détenait à l'époque des faits.

Elle ajoute qu'au regard de cette notoriété, le patient aurait remarqué la singularité d'une prescription de Stilboestrol Borne® en lieu et place du distilbène ®.

Elle réfute la nécessité pour les parties de disposer d'un "document source", c'est-à-dire contemporain de la grossesse.

Elle considère qu'elle revient à nier toute force probante aux éléments de preuve qui ne seraient pas des documents "sources" ce qui est contraire au droit de la preuve, la preuve d'un fait juridique étant libre.

Elle ajoute que le juge ne peut s'abstenir d'examiner une attestation du seul fait qu'elle est établie par un membre de la famille de celui qui la produit, devant seulement examiner si le contenu des attestations était de nature à emporter sa conviction.

Elle déclare que la solution est identique lorsque, comme en l'espèce, l'auteur de l'attestation est intervenu volontairement en cours de procédure et est donc devenu partie à l'instance.

Elle estime qu'admettre la force probante de l'attestation des mères se justifie d'autant plus que ce sont elles qui ont pris le traitement et qui sont le mieux à même d'indiquer quel traitement leur a été prescrit lorsque, par hypothèse, aucun document contemporain n'a été conservé.

Elle se prévaut de jugements et d'arrêts.

Elle ajoute que Mme Z... exerçait la profession de déléguée médicale, ce qui exclut qu'elle ait pu confondre le stilboestrol borne ® et le distilbène ® et que le docteur G... a annoncé à sa fille, dès 1992 (soit près de vingt ans avant le début de la présente instance), qu'elle avait été exposée au distilbène ®, sa qualité de médecin excluant qu'il ait pu confondre le nom des deux médicaments.

Elle fait également état d'un compte-rendu de frottis de dépistage effectué le 25 août 1995, à une date déconnectée de la présente procédure, qui fait expressément référence à une exposition in utero au distilbène ®, du courrier du 10 décembre 1998 par lequel le gynécologue de Madame Y..., le docteur H..., a adressé sa patiente au Docteur K... indique également : "cette jeune femme a été exposée dans sa vie in utero au Distilbène".

Elle sollicite donc sa mise hors de cause et l'infirmation du jugement.

Elle soutient que les pathologies invoquées par Mme Y... ne trouvent pas leur "seule cause possible" dans une exposition in utero au DES, de sorte que la présomption posée par l'arrêt "Ferrero" est en tout état de cause inapplicable en l'espèce.

Elle rappelle la condition de mise en oeuvre de cette présomption et considère que, dérogatoire au droit commun, elle doit être entendue strictement.

Elle souligne, citant des arrêts, que la demanderesse doit démontrer que "le DES était la seule cause possible de la pathologie présentée " et affirme que, dans une espèce où la demanderesse présentait des pathologies du type de celles invoquées par Mme Y... (utérus hypoplasique, adénose cervicale, accidents gravidiques), la cour d'appel de Paris a écarté la présomption, le pourvoi étant ensuite déclaré non admis.

Elle excipe également d'autres de cette cour rejetant des demandes formées par une demanderesse qui présentait des pathologies similaires à celles de Mme Y....

Elle souligne que les juges du fond, approuvés par la Cour de cassation, ont procédé à une analyse au cas par cas, pathologie par pathologie, du lien de causalité avec le DES, et non à une analyse globale du parcours médical de la demanderesse et conclut qu'il appartient donc aux requérantes de démontrer que chacune de leurs pathologies trouve sa "seule cause possible" dans une exposition au DES, en rapportant la preuve de l'absence de "cause indépendante" ou facteur autonome permettant d'expliquer l'existence de ces pathologies.

Elle soutient que cette preuve n'est pas rapportée en l'espèce.

Elle fait valoir que les pathologies présentées par Mme Y... surviennent dans la population générale en dehors de toute exposition in utero au DES et ont des causes multi-factorielles, de sorte qu'il n'est pas possible de conclure qu'elles aient pour "seule cause possible" une exposition in utero au DES.

Elle rappelle que, s'agissant de la dysplasie cervicale et des fausses couches, le rapport d'expertise exclut tout lien avec une exposition in utero au DES.

S'agissant des anomalies utérines, elle estime que la seule constatation que des femmes exposées de façon certaine au DES ont pu présenter de telles anomalies ne permet pas de déduire, chez Madame Y..., une exposition au DES, ces pathologies survenant également chez des femmes n'ayant jamais été exposées.

Elle se prévaut d'une étude démontrant que 35 % des utérus en "T" n'étaient pas associés à la prise de DES mais attribués à des causes indépendantes et excipe de jugements et arrêts.

S'agissant des accouchements prématurés, elle estime injustifiée l'affirmation de l'expert pour ce qui concerne l'accouchement de jumeaux en 1999 survenu après 30 semaines d'aménorrhées compte tenu de la naissance gémellaire et pour les deux autres accouchements, s'agissant de prématurités modérées.

S'agissant de l'adénose vaginale, elle fait valoir que la plupart des publications rapportent un taux d'adénose vaginale d'environ 10 % dans la population générale, ces publications faisant état de l'existence d'adénoses vaginales sans notion de prise de DES chez 1 à 5 % des femmes, voire jusqu'à 10 % en cas de symptômes évocateurs.

Elle en infère que cette pathologie n'est pas spécifique d'une exposition au DES.

S'agissant de la dysplasie cervicale, elle se prévaut des conclusions de l'expert qui a rejeté les arguments actuellement présentés.

S'agissant des fausses couches, elle se prévaut également du rapport de l'expert.

Elle conclut que les pathologies dont fait état Madame Y... n'ont pas pour "seule cause possible" une exposition in utero au DES et, donc, que la condition de mise en œoeuvre de la présomption posée par l'arrêt "Ferrero" n'étant pas remplie, l'exposition au DES ne saurait être présumée.

La société conteste les préjudices invoqués.

Elle affirme que les naissances prématurées de Q..., P... et R... E... n'étant pas en lien avec une exposition in utero au DES, les sommes réclamées à ce titre par la CPAM seront rejetées.

Elle ajoute que la réclamation par la CPAM d'une somme correspondant à deux arrêts de travail (du 29/11/2002 au 01/12/2002 ainsi que du 26/08/2003 au 06/09/2003) qui n'apparaissent ni dans le rapport d'expertise, ni dans ses écritures doit être rejetée.

Concernant les pertes de gains professionnels actuels de Mme Y..., elle soutient que le lien entre le dommage corporel et le préjudice professionnel n'est pas direct et que le choix de Mme Y... de travailler à temps partiel est purement personnel et sans lien avec la faute.

Elle ajoute que Mme Y... ne justifie pas que ses arrêts de travail sont en lien avec une exposition au DES.

Concernant l'incidence professionnelle, elle affirme qu'elle ne démontre pas l'existence d'un lien de causalité entre les pathologies qu'elle indique avoir subies et une prétendue incidence professionnelle.

Elle ajoute qu'elle ne produit aucun justificatif concernant son niveau de salaires et les variations intervenues.

Concernant l'assistance d'une tierce personne, elle réitère que les naissances prématurées ne sont pas liées au DES et, subsidiairement, estime qu'il conviendrait d'avoir recours au taux horaire net du SMIC des époques concernées (environ 6 euros en moyenne entre 2003 et 2010), soit 3 240 euros.

Concernant le déficit fonctionnel temporaire, elle estime que, pour une période de 16 mois retenue par le tribunal, la somme allouée ne saurait excéder 9 600 euros.

Elle considère excessif le taux de 4,5/7 retenu pour les souffrances endurées et demande que l'indemnité n'excède pas 8 000 euros.

Elle conclut, comme l'expert, à l'absence de déficit fonctionnel permanent ("DFP").

Concernant le préjudice d'anxiété, elle soutient, se prévalant d'arrêts et jugements, que le préjudice invoqué par Mme Y... n'est pas un préjudice autonome, mais la simple composante d'un préjudice moral indemnisé au titre du pretium doloris avant consolidation et au titre du DFP après la consolidation.

Elle critique l'étude Tournaire invoquée qui, selon des médecins consultés par elle, présente de nombreux biais et excipe d'une nouvelle étude publiée en novembre 2017 qui conclut à l'absence d'augmentation du risque de cancer en cas d'exposition au DES.

Concernant le préjudice sexuel, elle l'écarte car pris en compte par l'expert dans l'évaluation des souffrances endurées.

Elle réfute le préjudice invoqué par M. Y... qui, compte tenu de la date de son mariage, n'a pas accompagné la demanderesse lors de la grossesse ayant donné à la naissance prématurée de ses jumelles en 1999.

Elle ajoute qu'il n'est pas justifié.

Elle conteste la demande de Mme Z... en l'absence de démonstration du sentiment de culpabilité invoqué par elle et estime excessif le montant alloué, ce préjudice s'il est justifié ne pouvant excéder 4 000 euros.

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Sur la recevabilité des demandes fondées sur l'exposition au distilbène ®

Considérant qu'il convient de rappeler que le Diéthylstilbestrol, ci-après DES, est une hormone de synthèse commercialisée sous le nom de marque distilbène ® par la société UCB Pharma et sous le nom de stilboestrol borne ® par la société Glaxosmithkline Santé Grand Public;

Considérant que, dans ses conclusions devant le juge de la mise en état tendant à l'octroi d'une provision, Mme Y... a sollicité la condamnation solidaire des sociétés UCB Pharma et Novartis sur le fondement d'une exposition à la molécule DES et non sur le fondement spécifique d'une exposition au distilbène ®;

Considérant que l'aveu suppose une manifestation non équivoque de reconnaître pour vrai un fait de nature à produire contre son auteur des conséquences juridiques;

Considérant que, dans ses conclusions précitées, Mme Y... a estimé «inopérant d'invoquer la querelle opposant les deux laboratoires sur la contribution à la dette» et considéré qu'à ce stade, leur «obligation à la dette «permettait de mettre à leur charge une provision;

Considérant que la seule invocation de l'exposition à la molécule et non au produit spécifiquement commercialisé par la société UCB Pharma dans ces conclusions ne peut, compte tenu de la définition de l'aveu judiciaire et du contenu même des écritures, caractériser un aveu judiciaire de l'impossibilité de rapporter la preuve de l'exposition au distilbène ®; qu'il sera observé que la société UCB Pharma, elle-même, n' y voit, dans ses conclusions, que la preuve d'une reconnaissance qu'il n'y a «aucune évidence» d'une exposition de Mme Y... au distilbène ®;

Considérant, de même, que ces conclusions d'incident ne peuvent valoir abandon des demandes, formées au fond, étayées sur l'exposition au produit commercialisé par la société UCB Pharma;

Considérant, enfin, que Mme Y... ne se contredit pas en invoquant au fond, à titre principal, une exposition au distilbène ® alors qu'elle fondait sa demande de provision sur une exposition, générale, au DES soit une exposition au distilbène ® et au stilboestrol borne ®;

Considérant que sa demande fondée sur une exposition au distilbène ® est recevable;

Sur la preuve de l'exposition au distilbène ®

Considérant qu'il appartient aux consorts Y... de rapporter la preuve que Mme Y... a été exposée au distilbène ®;

Considérant qu'en application de l'article 1353 du code civil, applicable, la preuve d'un fait juridique est libre; que la société UCB Pharma ne peut donc utilement prétendre que seule la production de documents sources datant de l'époque de la grossesse pourrait permettre d'apporter cette preuve;

Considérant qu'un compte rendu d'un frottis adressé le 25 août 1995 au docteur H..., alors que Mme Y... était âgée de 23 ans, fait état d'une «notion de distilbène»;

Considérant que Mme Z... atteste avoir pris, alors qu'elle était enceinte de Mme Y..., du «distilbène»; qu'elle précise que le docteur G... en avait été informé;

Considérant qu'une attestation ne peut être écartée au seul motif qu'elle émane de la mère de la demanderesse quand bien même son auteur solliciterait elle-même l'indemnisation d'un préjudice;

Considérant que ce rejet serait d'autant moins fondé qu'est en cause la prise par elle d'un médicament; que celle-ci est donc en mesure de témoigner de cette absorption et des conditions de celle-ci;

Considérant que, dans son attestation, Mme Z... décrit les circonstances et les motifs de cette prescription, précise l'identité du prescripteur, indique, de manière plus dubitative, la couleur du médicament et la posologie;

Considérant que son attestation est précise;

Considérant qu'elle n'a pas d'intérêt particulier à mentionner la prise de distilbène ® et non de stilboestrol borne ®;

Considérant que le docteur H... a, le 10 septembre 1998, adressé au docteur K... Mme Y... en lui précisant que celle-ci avait été exposée in utéro au «distilbène»;

Considérant que le docteur K... a fait état, dans son compte-rendu d'accouchement, d'un «utérus distilbène»;

Considérant, ainsi, que plusieurs médecins, nécessairement informés de l'existence de deux produits commercialisant la molécule DES, ont mentionné précisément une exposition au distilbène;

Considérant, par conséquent, que l'attestation précise de Mme Z... est corroborée par des documents émanant de médecins; que toutes ces pièces font état d'un traitement par le distilbène ®et non par le stilboestrol borne ®ou le DES ;

Considérant que compte tenu de la qualification professionnelle des auteurs de ces documents, il ne peut être utilement opposé qu'ils ont utilisé ce terme dans un sens générique; qu'aucun phénomène de «démémorisation» lié à la notoriété de la marque n'est avéré en l'espèce;

Considérant que, par l'attestation de Mme Z... et les documents médicaux précités, les consorts Y... rapportent la preuve que Mme Z... a, durant sa grossesse, été traitée par le médicament désormais commercialisé par la société UCB Pharma soit le distilbène ®;

Sur la faute de la société UCB Pharma

Considérant qu'en l'absence de lien contractuel entre la mère de Mme Y... et la société UCB Pharma, la responsabilité de celle-ci ne peut être engagée qu'à charge de rapporter la preuve d'une faute de sa partconformément à l'article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable ;

Considérant qu'il ressort d'études réalisées en 1953 et 1954, notamment de l'étude «Dieckmann», que, dès cette époque, des doutes sur l'efficacité du DES ont été émis; que des études antérieures sur des animaux ont mis en évidence de graves effets indésirables sur ceux-ci;

Considérant que s'il est exact que les effets néfastes sur l'être humain n'ont été démontrés qu'après les faits litigieux, les questions de l'efficacité de la molécule et des effets tératogènes sur les animaux se posaient donc antérieurement;

Considérant que la société ne verse aux débats aucune pièce démontrant qu'elle a, en 1971, tiré les conséquences de ces études et avisé les prescripteurs des inconvénients constatés et des réserves que devait susciter la prescription du produit;

Considérant qu'en maintenant sur le marché sans précaution ni mise en garde un produit dont la réelle efficacité et l'innocuité étaient mises en doute, ce qu'elle savait ou devait savoir, la société désormais UCB Pharma a manqué à son obligation de vigilance et commis une imprudence;

Considérant que la preuve d'une faute de la société est ainsi rapportée;

Sur le lien entre les préjudices invoqués et l'exposition au distilbène ®

Considérant qu'il appartient aux consorts Y... de démontrer que les dommages invoqués sont imputables au distilbène ®;

Considérant que, comme l'a jugé le tribunal, les études scientifiques ont démontré que les anomalies présentes chez les femmes exposées au distilbène ® se manifestent de manière très variée, avec des symptômes plus ou moins associés et des degrés de gravité différents; qu'elles ont également mis en évidence que des facteurs extérieurs, indépendants de l'exposition in utero, sont susceptibles d'interférer et parfois même d'expliquer à eux seuls notamment les problèmes d'infertilité de ces femmes;

Considérant qu'il n'est donc pas possible compte tenu de la multiplicité des troubles que peuvent présenter les femmes exposées et des facteurs extérieurs pouvant expliquer ou aggraver ces troubles, qui au surplus ne sont pas tous caractéristiques de l'exposition et se retrouvent dans la population non exposée, de poser une présomption de causalité qui admettrait un lien de causalité systématique entre l'exposition au distilbène ® les troubles morphologiques ou de la fertilité des femmes exposées à charge pour les laboratoires de rapporter la preuve de l'absence de lien entre leur médicament et les troubles;

Considérant que la demande tendant à ce que des indices soient prédéterminéssera donc rejetée ;

Considérant, en conséquence, que compte tenu de la multiplicité des symptômes et de la situation particulière de chacune des femmes exposées, le lien de causalité entre l'exposition et les troubles présentés au cas particulier doit s'établir au vu de présomptions graves, précises et concordantes;

Considérant que le docteur F... a, dans son rapport, constaté que Mme Y... présentait un utérus en forme de T, un col hypoplasique avec une absence de relief de la lèvre postérieure et béance du col, et des antécédents d'adénose cervicale; qu'il a relevé qu'en raison de l'incompétence du col, elle a accouché prématurément à 6 mois et demi de jumelles en 1999 et que malgré les cerclages effectués pour ses deux autres grossesses en 2004 et 2010, elle a accouché respectivement à 7 mois et demi et à 8 mois un quart; que, compte tenu de ces dates, des mesures prises et du poids des enfants, ce caractère prématuré ne peut être utilement contesté;

Considérant que l'expert estime que la dysplasie cervicale est en rapport avec une infection à papilloma virus et que les fausses couches ne sont pas en rapport direct avec l'exposition in utero à la molécule;

Considérant qu'il estime, en revanche, que l'adénose vaginale et la forme en T de l'utérus de Mme Y... sont spécifiques de son exposition in utero à la molécule; qu'il indique que les trois accouchements prématurés sont liés à l'effacement soudain du col et sont donc spécifiques de l'incompétence du col hypoplasique (DES) avec rupture prématurée des membranes; qu'il précise que l'accouchement très prématuré des jumelles est lié la forme en T de l'utérus et à l'effacement soudain du col ayant favorisé la survenue d'une infection du liquide ascendante à streptocoque B ;

Considérant que Mme F... retient donc qu' il existe un lien de causalité direct et certain entre ces dommages et .l'exposition de Mme Y... in utéro au DES et conclut que cette exposition est la cause exclusive et déterminante des menaces d'accouchement très prématurés liées à l'incompétence soudaine du col hypoplasique ainsi que de l'adénose vaginale ;

Considérant que ses constatations elles-mêmes ne sont pas remises en cause; que ses conclusions sont étayées par ses constatations et la littérature scientifiquepubliée lors de son rapport ; que son rapport est particulièrement clair et argumenté; qu'elle a répondu avec précision aux dires des différentes parties contestant ses conclusions;

Considérant que, sous réserve des développements suivants, la littérature scientifique postérieure n'a pas davantage remis en cause ces conclusions;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments l'existence de présomptions graves, précises et concordantes d'un lien direct et causal entre les anomalies utérines, ltadénose vaginale, les menaces d'accouchement prématuré et les accouchements prématurés de Mme Y... et son exposition in utéro à la molécule commercialisée par l'appelante;

Considérant que la société UCB Pharma ne verse aux débats aucune pièce de nature à contredire ce lien de causalité;

Considérant qu'ainsi, l'administration à Mme Z... du produit commercialisé par elle est la cause des anomalies utérines et de l'adénose vaginale de Mme Y... qui ont provoqué ses accouchements prématurés - nonobstant les précautions prises - et les menaces de ceux-ci;

Considérant, concernant la dysplasie cervicale, pathologie pré cancéreuse, que Mme F... a écarté tout lien entre elle et l'exposition à la molécule; qu'elle a répondu au dire contraire de Mme Y... en se prévalant de la littérature scientifique et des études alors publiées; que sa réponse est solidement étayée et argumentée;

Considérant qu'il appartient donc aux consorts Y... de rapporter la preuve que des études parues postérieurement sont susceptibles de la remettre en cause et, comme ils l'affirment, de justifier que le DES est un «co-facteur de la dysplasie cervicale»;

Considérant qu'ils versent aux débats des rapports d'experts établis postérieurement à l'étude de Mme F... faisant état d'un tel lien, la fragilité des tissus exposés au DES pouvant, selon l'un d'eux, favoriser l'infection au virus HPV;

Considérant que l'étude «Verloop 2017» n'écarte pas totalement cette incidence concluant qu'un résultat enregistré «suggère» qu'il n'existe pas un risque accru de cancer du col de l'utérus;

Considérant que ces éléments sont insuffisants pour juger que l'exposition à la molécule commercialisée par l'appelante est un «co-facteur» de la dysplasie cervicale; qu'ils justifient toutefois le prononcé d'un complément d'expertise confié au docteur F... selon les modalités fixées au dispositif;

Sur l'indemnisation des préjudices

Considérant que l'expert conclut que la consolidation est acquise en 2010 si Mme Y... ne désire plus de grossesse et retient les préjudices suivants :
- soins futurs : une consultation chez un gynécologue est indispensable tous les ans et devra comporter un examen gynécologique à la recherche d'anomalies du vagin et de l'utérus, des frottis du vagin et du col et une colposcopie en fonction des résultats du frottis ; l'exposition au Des justifie la pratique régulière de mammographie,
- déficit fonctionnel temporaire: Mme Y... a arrêté de travailler le 15 septembre 1999 ; elle a été en congé parental d'éducation sans solde du 23 juillet 2000 au 22 juillet 2002 ; elle était en arrêt de travail du 26 juillet au 4 août 2003, du 12 septembre 2003 au 9 février 2004 puis en congé parental d'éducation du 9 août 2004 au 8 mai 2005,
- déficit permanent : nul
- souffrances endurées : 4,5/7
- absence de préjudice esthétique;

Considérant que le préjudice des consorts Y... sera indemnisé sans que soit prise en compte l'incidence éventuelle de l'exposition à la molécule sur la survenance de la dysplasie cervicale; qu'il sera sursis à statuer sur les demandes formées à ce titre;

Considérant que Mme Y... justifie de la réalisation, le 23 février 2012, d'une échographie moyennant le coût de 140 euros; que cette échographie a été rendue nécessaire par son état de santé soit par les troubles subis du fait de son exposition in utero à la molécule;

Considérant que la société UCB Pharma n'allègue ni ne démontre que le paiement de cette somme lui a été réclamé par la CPAM;

Considérant qu'il n'appartient pas à Mme Y..., en l'absence d'élément particulier, de rapporter la preuve négative d'une absence de prise en charge de cette somme par sa mutuelle;

Considérant que sa demande sera accueillie;

Considérant que Mme Y... démontre s'être acquittée d'une somme de 1 500 euros au titre des honoraires de son médecin conseil qui l'a assistée lors des opérations d'expertise; que l'assistance de ce médecin est justifiée, en l'espèce, par la technicité de l'expertise judiciaire; que Mme Y... a donc dû y recourir en raison de la faute de la société UCB Pharma; que ces honoraires sont la conséquence de celle-ci; que la fixation d'une indemnité au titre des frais irrépétibles prend en compte d'autres critères tel l'équité; que ce préjudice sera indemnisé spécifiquement; qu'une somme de 1 500 euros sera allouée de ce chef;

Considérant que l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire a pour objet de réparer la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, le préjudice d'agrément avant consolidation ct éventuellement le préjudice sexuel temporaire;

Considérant que Mme Y... a arrêté son travail le 15 septembre 1999 et que les jumelles sont nées le [...] .;

Considérant que la période d'hospitalisation des jumelles, si elle a été une source de désagréments multiples et d'inquiétude pour Mme Y..., ne peut être assimilée à une période de déficit fonctionnel temporaire qui fait référence à une maladie traumatique personnellement subie par la victime;

Considérant qu'une période de deux mois sera donc retenue au titre de la première grossesse;

Considérant, concernant la deuxième grossesse que l'enfant R... est né le [...] , alors que sa mère était en arrêt de travail depuis le 26 juillet 2003; que la période de déficit fonctionnel temporaire pour cette grossesse est donc de 7 mois;

Considérant, en ce qui concerne la troisième, qu'il résulte du rapport d'expertise que Mme Y... a été alitée pendant toute la grossesse, soit du 15 novembre 2009 au 23 juillet 2010, durant 8 mois;

Considérant que le déficit fonctionnel temporaire a donc duré 17 moisétant souligné que ce poste n'indemnise pas la perte de revenus et, donc, que le congé parental pris par Mme Y... durant une partie de la période retenue est sans incidence ;

Considérant qu'une somme mensuelle de 850 euros lui sera allouée en réparation soit une somme totale de 14 450 euros;

Considérant que Mme Y... a nécessairement eu besoin d'une tierce personne pendant les périodes d 'alitement qu'elle a connues, soit pendant 17 mois ou 510 jours; qu'une durée de trois heures par jour est justifiée; que le tarif horaire moyen, compte tenu des salaires applicables à l'époque, sera fixé à 12 euros; qu'une somme de 18 360 euros lui sera allouée;

Considérant, s'agissant de la perte de gains et de l'incidence professionnelle, que s 'il est incontestable que la prématurité des jumelles, puis celle de R..., ont entraîné des soins particuliers au début de leur existence, rien ne démontre cependant que la décision de Mme Y... de solliciter, de manière tout à fait légitime, un congé parental d'éducation à l'issue de ses congés de maternité, ait été imposée par les soins spécifiques à donner aux enfants,; qu'il n'est pas justifié, en ce qui concerne la période postérieure à leurs hospitalisations néo-natales, de soins;

Considérant que la demande au titre des pertes de gains professionnels sera donc écartée et le jugement confirmé;

Considérant que Mme Y... est devenue, malgré son exposition au DES, mère de quatre enfants; qu'il n'est pas établi qu'ils ont présenté des soucis de santé particuliers après la période néonataleen raison de cette exposition ;

Considérant, dès lors, que Mme Y... ne justifie pas que sa décision de quitter son poste de navigant au sein de la société Air France pour exercer la profession de professeur des écoles est imputable aux troubles de la fécondité subis et à la prématurité des trois enfants; que sa demande sera rejetée;

Considérant que l'expert a évalué les souffrances endurées à 4,5 sur 7;

Considérant que l'angoisse liée à la peur de perdre ses enfants pendant ses grossesses a été à l'origine de souffrances morales importantes, tout comme l'inquiétude liée à leur hospitalisation néo-natale; que ce poste de préjudice sera indemnisé par le paiement d'une somme de 15 000 euros;

Considérant, en ce qui concerne le déficit fonctionnel permanent, que l'expert ne l'a pas retenu mais a rappelé la nécessité d'un suivi particulièrement strict sur le plan gynécologique, en raison des risques aggravés de cancer;

Considérant que si les troubles de la fécondité imputables à l'exposition au Distilbène de Mme Y... ne lui ont laissé aucune gêne physique dans sa vie courante après consolidation, l'obligation rappelée par l'expert de se soumettre à un suivi particulier en raison de la majoration des risques de cancer et l''inquiétude récurrente qui en résulte constituent des séquelles définitives de l'exposition au distilbène ®; qu'une somme de 10 000 euros sera allouée à ce titre;

Considérant que le préjudice sexuel peut revêtir trois aspects : le préjudice morphologique, lié à l 'atteinte aux organes sexuels, le préjudice lié à l'acte sexuel, et le préjudice de procréation;

Considérant que le préjudice morphologique est nul puisque les atteintes subies n'ont eu aucune incidence sur les rapports sexuels, dont l' absence pendant les grossesses ne peut être considérée comme imputable aux risques de prématurité; que les difficultés à procréer ont été réparées dans le cadre du déficit fonctionnel temporaire et des souffrances endurées; que le souhait de Mme Y... d'avoir de nombreux enfants a pu se réaliser; qu'aucune perte de plaisir ou de libido causée par la faute de la société n'est démontrée;

Considérant que ce préjudice n'est donc pas justifié;

Considérant que Mme Y... ne rapporte pas la preuve d'un préjudice d'anxiété distinct de celui réparé au titre du déficit fonctionnel permanent;

Considérant que la société UCB Pharma sera donc condamnée à payer à Mme Y... la somme totale de 59 450 euros;

Considérant que Mme Z... subit un préjudice moral incontestable causé par un sentiment de responsabilité et de culpabilité causé par sa décision de suivre un traitement qui a été la cause des grossesses difficiles de sa fille et d'accouchements prématurés; que, dans une attestation du 6 mars 2018, son époux a confirmé cette affection;

Considérant qu'une somme de 3 000 euros lui sera allouée;

Considérant que M. Y... a dû accompagner et soutenir son épouse tout au long d'une grossesse rendue difficile par le risque élevé d'un accouchement prématuré et les conditions dans lesquelles elle s'est déroulée, notamment l'alitement et le repos strict devant être observé par la mère; qu'il a non seulement partagé les craintes de son épouse mais a également dû faire face à sa propre appréhension quant au risque de voir naître son enfant prématurément;

Considérant que son préjudice moral sera donc être réparé par l'octroi d'une somme de 4 000 euros; qu'il ne rapporte la preuve d'aucun autre préjudice causé par la faute de la société ;

Considérant que la société UCB Pharma conteste la créance invoquée par la CPAM; qu'en l'absence de toute pièce émanant de la CPAM, non représentée, celle-ci ne justifie pas de sa créance; que les énonciations du jugement ne permettent pas de suppléer sa carence; que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il lui a alloué une indemnité; qu'il n'est pas nécessaire, compte tenu des effets de cette infirmation, de la condamner au remboursement des sommes versées;

Sur les autres demandes

Considérant que le jugement sera confirmé en ce qu'il a mis une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la charge de la société UCB Pharma; qu'il sera infirmé en ce qu'il a condamné à ce titre la société désormais Glaxosmisthkline;

Considérant que la cour d'appel a, dans son arrêt du 14 avril 2016, rejeté la demande des consorts Y... au titre de l'article 700 du code de procédure civile; que leur nouvelle demande formée à ce titre sera rejetée;

Considérant que la société UCB Pharma devra payer la somme de 6 000 euros aux consorts Y... au titre des frais irrépétibles exposés par eux dans le cadre de la procédure postérieure à la cassation intervenue; qu'elle devra payer à la société Glaxosmisthkline la somme de 3 000 euros sur le même fondement; que celle formée par la société UCB Pharma sera rejetée compte tenu du sens du présent arrêt;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt réputé contradictoire et mis à disposition,

Ordonne un complément d'expertise,

Dit que l'expert devra fournir tous éléments permettant à la cour de déterminer s'il existe un lien entre la dysplasie cervicale subie par Mme Y... et son exposition à la molécule commercialisée par la société UCB Pharma,

Dit que l'expert devra fournir à la cour tous les éléments lui permettant de chiffrer le préjudice subi par Mme Y... du fait de cette dysplasie,

Désigne le docteur F..., [...] à cet effet,

Fixe à 2 000 euros la consignation que devra verser Mme Y... avant le 31 décembre 2018 sous peine de caducité,

Dit que l'expert devra déposer son rapport avant le 30 juin 2019,

Désigne le président de cette chambre afin de suivre les opérations deexpertise,

Dit que la procédure sera rappelée à l'audience de mise en état du 10 janvier 2019 afin de vérifier le versement de la consignation,

Sursoit à statuer sur les demandes indemnitaires fondées sur cette dysplasie,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré la société UCB Pharma responsable des préjudices causés par l'exposition in utero au DES de Mme Pascale X... épouse Y... et l'a condamnée à les réparer,

Confirme le jugement en ce qu'il a condamné la société UCB Pharma à payer à Mme Y... la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance, en ce compris les frais de consignation,

Infirmant sur le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute les consorts Y... de leurs demandes contre la société Glaxosmisthkline Santé Grand Public,

Fixe comme suit les postes de préjudices subis par Mme Pascale X... épouse Y..., provisions non déduites et indépendamment des recours des tiers payeurs:

- frais demeurés à charge 140 euros,

- frais divers 1 500 euros,

- tierce personne 18 360 euros,

- déficit fonctionnel temporaire 14 450 euros,

- souffrances endurées 15 000 euros,

- déficit fonctionnel permanent 10 000 euros,

Condamne la société UCB Pharma à payer lesdites sommes en deniers ou quittances,

Condamne la société UCB Pharma à payer à Mme Z... la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts,

Condamne la société UCB Pharma à payer à M. Y... la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts,

Condamne la société UCB Pharma à payer aux consorts Y... la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société UCB Pharma à payer à la société Glaxosmisthkline Santé Grand Public, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne la société UCB Pharma aux dépens d'appel d'ores et déjà exposés, y compris ceux de l'arrêt cassé, et autorise la société Avocalys et Maître Dupuis (Lexavoué) à recouvrer directement à son encontre ceux des dépens qu'elles ont exposés sans avoir reçu provision.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Monsieur Alain PALAU, président, et par Madame Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1a
Numéro d'arrêt : 17/063791
Date de la décision : 21/09/2018
Sens de l'arrêt : Expertise

Analyses

Arrêt rendu le 21 septembre 2018 par la 1ère chambre 1ère section de la cour d’appel de Versailles RG 17/06379 1 Responsabilité civile, responsabilité délictuelle, responsabilité d'une société pharmaceutique, dommage de la victime du fait personnel, victime exposée au diéthylstilbestrol (DES) à la suite de la prise de distilbène® par sa mère au cours de sa grossesse, adénose vaginale ayant provoqué les accouchements prématurés, charge de la preuve à la victime, preuve du lien de causalité (oui). 2 Responsabilité civile, responsabilité médicale, responsabilité d'un laboratoire pharmaceutique, fait générateur, dysplasie cervicale apparue, imputation à l'exposition in utero au DES, charge de la preuve à la victime, éléments de preuve insuffisants pour juger que l’exposition à la molécule litigieuse est un co-facteur de la dysplasie cervicale, éléments de preuve justifiant néanmoins le prononcé d’un complément d’expertise. Une femme, née en 1971 et dont la mère s'était vue prescrire du Distilbène® au cours de la grossesse, recherche la responsabilité du laboratoire pharmaceutique qui commercialisait le produit, invoquant divers préjudices qu'elle imputait à son exposition in utero au diéthylstilboestrol (DES). Appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour a retenu que ses grossesses extra utérine étaient en relation avec des antécédents infectieux et qu’il résultait de ces éléments l’existence de présomptions graves, précises et concordantes d’un lien direct et causal entre les anomalies utérines, l’adénose vaginale, les menaces d’accouchement prématuré et les accouchements prématurés de la victime et son exposition in utéro à la molécule commercialisée par le laboratoire pharmaceutique. Concernant la dysplasie cervicale, la cour expose que l’expert désigné a écarté tout lien entre cette pathologie et l’exposition à la molécule litigieuse et considère que si les éléments de preuve fournis par les intimés sont insuffisantspour juger que l’exposition à la molécule commercialisée par l’appelante est un « co-facteur » de la dysplasie cervicale, ils justifient toutefois le prononcé d’un complément d’expertise sur ce point.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2018-09-21;17.063791 ?
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