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20/09/2018 | FRANCE | N°17/01318

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 20 septembre 2018, 17/01318


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88H



5e Chambre











ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 20 SEPTEMBRE 2018



N° RG 17/01318



AFFAIRE :



UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES DU CENTRE





C/

Société COLAS CENTRE OUEST



Décision déférée à la cour: Jugement rendu(e) le 27 Janvier 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CHARTRES
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Copies exécutoires délivrées à :



Me Frédérick X...

Me Sonia Y...





Copies certifiées conformes délivrées à :



UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FA...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88H

5e Chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 SEPTEMBRE 2018

N° RG 17/01318

AFFAIRE :

UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES DU CENTRE

C/

Société COLAS CENTRE OUEST

Décision déférée à la cour: Jugement rendu(e) le 27 Janvier 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CHARTRES

N° RG : 2013-233

Copies exécutoires délivrées à :

Me Frédérick X...

Me Sonia Y...

Copies certifiées conformes délivrées à :

UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES DU CENTRE

Société COLAS CENTRE OUEST

le :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:

UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES DU CENTRE

[...]

représenté par Me Frédérick X..., avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000037 substitué par Me Laure Z..., avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000037

APPELANT

****************

Société COLAS CENTRE OUEST

[...]

représentée par Me Sonia Y..., avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1701

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Juin 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie CACHET, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller,

Madame Sylvie CACHET, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Florence PURTAS,

Les services de l'union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales des Pays de Loire (ci-après URSSAF) ont procédé à un contrôle de la société Colas Centre Ouest SA (ci-après Société), pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011.

Le 15 octobre 2012, l'URSSAF a adressé à la Société une lettre d'observations faisant état des neuf chefs de redressement suivants pour un montant total de 46 649 euros:

- 1° : taux d'accident de travail - 5 030 euros

- 2°: comité d'entreprise, versement de primes : 642 euros

- 3°: prime de salissure, absence de justificatifs : 13 778 euros

- 4°: réduction Fillon: 681 euros

- 5°: CRDS sur primes paniers supérieures à la limite d'exonération: 11 000 euros

- 6°: frais de restauration, dépassement des limites d'exonération: 272 euros

- 7° : avantage en nature véhicule : 5 811 euros

- 8°: indemnités de grand déplacement: 3 627 euros

- 9°: réduction Fillon- horaire légal des ouvriers: 5 808 euros

Par courrier du 14 novembre 2012, la Société a contesté les chefs de redressements notifiés confirmés par l'URSSAF dans sa lettre réponse du 30 novembre 2012.

Le 12 février 2013, la Société a reçu une mise en demeure de verser la somme de 52 571 euros dont

46 649 euros au titre des cotisations sociales et 5 924 euros au titre des majorations de retard dues pour la période de contrôle.

La Société Colas a versé à l'URSSAF, le 14 mars 2013, la somme de 10 758 euros correspondant aux chefs de redressement non contestés ( n°2,4, 8 et 9) .

La Société a saisi la commission de recours amiable (Ci-après CRA) le 8 mars 2013, contestant les chefs de redressements n°1, 3, 5, 6 et 7.

Le 3 juin 2013, la Société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Chartres (ci-après TASS ou Tribunal) d'un recours à l'encontre de la décision implicite de rejet de la CRA .

Dans sa séance du 22 mai 2014, la CRA a annulé le chef de redressement tenant au taux d'accident du travail ( n°1) et validé tous les autres pour un montant de 30 861 euros.

Par jugement du 27 janvier 2017, le Tribunal a :

- infirmé la décision de la commission de recours amiable de l'URSSAF du 22 mai 2014 ;

- annulé les redressements opérés par l'URSSAF à l'encontre de la Société ;

- annulé la mise en demeure en date du 12 février 2013 ;

- condamné l'URSSAF Centre à payer à la Société la somme de 10 758 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la notification du présent jugement.

Le 10 mars 2017, l'URSSAF du Centre a interjeté appel du jugement.

L'URSSAF du Centre désormais dénommée, Centre-Val de Loire demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de débouter la société Colas de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à payer à l'URSSAF Centre-Val de Loire, la somme de 30 861 euros au titre du redressement litigieux ainsi que la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Société demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner l'URSSAF à lui rembourser le règlement partiel de 10 758 euros avec les intérêts légaux à compter du 14mars2013 et ordonner leur capitalisation.

A titre subsidiaire, enjoindre à l'URSSAF du Centre de verser au débat, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard, les délibérations de son conseil d'administration désignant pour les années 2013 et 2014 les membres de la commission de recours amiable et surseoir à statuer dans l'attente de la production de ces pièces.

À titre infiniment subsidiaire, constater le caractère infondé des différents chefs de redressement et annulé la décision de rejet de la commission de recours amiable de l'URSSAF du centre et la mise en demeure du 12 février 2013.

Elle sollicite en outre la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des prétentions et moyens.

MOTIFS

Sur la compétence de l'URSSAF Pays de la Loire pour procéder au contrôle

En application de l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale, l'URSSAF compétente afin de contrôler l'application des législations de sécurité sociale est celle chargée du recouvrement des cotisations du régime général dues par l'employeur, en pratique l'URSSAF dans le ressort géographique de laquelle se trouve l'établissement concerné.

L'article D. 213-1-1 du même code, instaure la possibilité d'une délégation de l'URSSAF compétente à une autre union, de ses compétences en matière de recouvrement, de contrôle et de contentieux, matérialisée par une convention générale de réciprocité, ouverte à l'adhésion de l'ensemble des unions, pour une période d'adhésion minimale d'un an renouvelable par tacite reconduction.

L'article D. 213-1-2 du même code dispose :

En application du pouvoir de coordination prévue par l'article L. 225-1-1 et pour des missions de contrôle spécifiques, le directeur de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale peut, à son initiative, sur demande émise par une union, demander à une union de recouvrement de déléguer ses compétences en matière de contrôles à une autre union de recouvrement. La délégation prend la forme d'une convention de réciprocité spécifique. Le directeur de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale est chargé d'établir cette convention et de recevoir l'accord des unions concernées.

L'URSSAF fait valoir au soutien de son appel, que le contrôle a été effectué conformément aux dispositions des articles L. 213-1 et D. 231-1-1 du code de la sécurité sociale et que l'Union des Pays-de-Loire et l'Union d'Eure et Loir avaient adhéré à une convention générale de réciprocité le 14 mars 2002 pour la première et le 19 mars 2002 pour la seconde.

Elle excipe d'un revirement de jurisprudence de la Cour de cassation, qui par arrêt du 30mars2017 confirmé ultérieurement les 24 mai et 6 juillet 2017, a jugé qu'une délégation spécifique de compétence n'est pas nécessaire lorsque les Unions de recouvrement bénéficient déjà d'une délégation de compétence prenant la forme d'une convention générale de réciprocité consentie en application de l'article L. 213-1 du code de la sécurité sociale.

Elle soutient, que ce revirement de jurisprudence ne menace pas la sécurité juridique, ne privant pas la Société de son droit à un procès équitable et rappelle que cette solution a été retenue par la cour d'appel de Toulouse 28 janvier 2016 à l'encontre déjà de la Société Colas.

La Société réplique, qu'une convention générale de réciprocité s'avère insuffisante lorsque le contrôle s'inscrit dans un cadre particulier, à savoir un contrôle organisé et coordonné par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), constituant ainsi un 'contrôle concerté'et qui nécessite alors qu'une convention spécifique de réciprocité soit établie.

La Société souligne, que dans son courrier du 3 février 2012, l'ACOSS rappelle que la gestion des comptes des entreprises du groupe Colas relevant de multiples organismes, il est nécessaire d'établir une convention de délégation de contrôle spécifique concernant l'ensemble des entités contrôlées et qu'il appartient à l'URSSAF des Pays de la Loire d'établir cette convention qui sera signée par chaque organisme gérant le compte d'une des entreprises visées par le contrôle.

En conséquence l'établissement de Lèves (28) objet du présent contrôle relevait de la compétence de l'URSSAF d'Eure-et-Loir, devenue l'URSSAF du centre puis l'URSSAF du Centre-Val de Loire et le contrôle contesté a été effectué par l'URSSAF des Pays de la Loire qui ne disposait pour ce faire d'aucune compétence ni n'a pu justifier de convention spécifique de délégation et alors qu'il s'agissait d'un contrôle coordonné par l'ACOSS.

Elle soutient d'autre part, que le revirement jurisprudentiel de la Cour de cassation n'est pas applicable à l'instance en cours car il aboutirait à priver la requérante d'un procès équitable et contreviendrait aux principes de prévisibilité et de sécurité juridique.

D'ailleurs, il résulte du décret n°2017-1409 du 25 septembre 2017, qui a modifié l'article D. 213-1-2 du code de la sécurité sociale, que désormais les URSSAF participant à des opérations de contrôle dédiées n'ont plus à conclure de convention de réciprocité spécifique pour déléguer leurs compétences respectives car il suffit qu'elles aient adhéré à la convention générale de réciprocité ouverte à l'adhésion de l'ensemble des URSSAFet que la règle édictée par ce texte ne peut s'appliquer à une situation antérieure à son entrée en application.

Sur ce,

La cour constate que l'URSSAF justifie, que l'Union de Loire-Atlantique devenue Pays de la Loire a signé la convention générale de réciprocité le 14 mars 2002 et l'Union d'Eure et Loir le 19 mars 2002, donc antérieurement à l'engagement du contrôle par l'organisme délégataire .

Par ailleurs, les arrêts de la Cour de cassation, cités par celle-ci comme un revirement de jurisprudence concernent tous ce même point de droit et la société Colas.

Ainsi, il a été jugé à trois reprises, que la convention générale de réciprocité, emportant délégation générale de la compétence des Unions adhérentes en matière de contrôle, s'applique à toutes les opérations de contrôle visées à l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale en sorte que la délégation spécifique de compétence apparaît nécessairement superfétatoire. Aucun des textes, L. 225-1-1 et D 213-1-2, n'impose au demeurant l'existence de la signature d'une convention spécifique en présence d'une délégation générale préexistante.

L'application de cette jurisprudence à l'instance en cours ne prive en aucune façon la Société d'un procès équitable, en ce qu'elle n'impose aucun acte positif qui aurait dû être accompli par celle-ci pour voir ses droits examinés. En effet, il n'est pas exigé de solliciter le justificatif de la délégation de compétence au moment du contrôle, ce point de droit continuant à pouvoir être invoqué devant un tribunal, qui doit alors vérifier si une convention générale ou à défaut une convention spécifique a bien été établie avant le contrôle, le décret n°2017-1409 du 25 septembre 2017 ne venant qu'entériner cette interprétation jurisprudentielle pour une meilleure compréhension des textes.

Il y a lieu en conséquence de considérer que l'URSSAF Pays de la Loire était donc compétente pour procéder au contrôle incriminé.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur l'avis de passage

L'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale applicable à l'espèce dispose:

Tout contrôle effectué en application de l'article L. 243-7 est précédé de l'envoi par l'organisme chargé du recouvrement des cotisations d'un avis adressé à l'employeur ou au travailleur indépendant par lettre recommandée avec accusé de réception, sauf dans le cas où le contrôle est effectué pour rechercher des infractions aux interdictions mentionnées à l'article L. 324-9 du code du travail. Cet avis mentionne qu'un document présentant au cotisant la procédure de contrôle et les droits dont il dispose pendant son déroulement et à son issue, tels qu'ils sont définis par le présent code, lui sera remis dès le début du contrôle et précise l'adresse électronique où ce document est consultable

L'employeur ou le travailleur indépendant a le droit pendant le contrôle de se faire assister du conseil de son choix. Il est fait mention de ce droit dans l'avis prévu à l'alinéa précédent.

La Société rappelle que l'avis de contrôle a été établi au visa des articles L. 213-1 et D. 213-1-1 du code de la sécurité sociale au lieu de l'article L. 225-1-1 concernant le contrôle concerté et soutient dès lors, qu'elle n'a pu organiser convenablement sa défense, notamment en se rapprochant des autres sociétés objet du contrôle concerté. Elle affirme qu'il s'agit d'une irrégularité procédurale entachant de nullité les opérations de contrôle.

La cour précise au préalable, que l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale ne pose aucune exigence particulière en ce qui concerne les mentions que doit contenir l'avis de contrôle s'agissant d'une convention de réciprocité.

Elle constate que l'avis incriminé énumère les mentions qui doivent y figurer et précise au surplus que ' l'URSSAF des pays de la Loire a adhéré à la convention générale de réciprocité portant délégation de compétence en matière de contrôles tous les autres organismes du recouvrement et qu'à ce titre tous les établissements de votre entreprise sont susceptibles d'être vérifiés'.

La cour conclut, contrairement aux allégations de la Société, que l'avis de passage querellé lui a bien permis d'avoir connaissance de l'étendue du contrôle envisagé et n'est entaché d'aucune irrégularité.

La Société sera déboutée de sa demande.

Sur l'irrégularité de la composition de la CRA

La Société explique que la composition des commissions de recours amiable est déterminée par les articles L.213-2 et R.142-2 du code de la sécurité sociale et par l'article 6 de l'arrêté du 19juin 19891et que le Conseil d'État, dans sa décision du 4 novembre 2016, a décidé que les dispositions de l'article 6 de l'arrêté interministériel du 19 juin 1969 sont entachés d'illégalité en tant qu'elle détermine la composition des commissions de recours amiable des URSSAF.

Elle soutient dès lors, que les délibérations de ces commissions sont dépourvues de toute valeur juridique et à tout le moins frappées de nullité.

Elle affirme, que l'impossibilité matérielle et juridique pour le cotisant de saisir une commission de recours amiable légalement constituée emporte violation des droits de la défense et nécessairement la nullité de la mise en demeure d'autant plus que celle-ci mentionne la possibilité d'exercer un recours devant la commission de recours amiable, ce qui constitue une mention erronée.

Sur ce,

La cour rappelle, que si le Conseil d'État, en sa décision du 4 novembre 2016, a effectivement jugé que l'article 6 de l'arrêté du 19juin 1969, qui précise les modalités de désignation des membres des commissions de recours amiable, restreignait illégalement les pouvoirs des conseils d'administration des unions de recouvrement, pour autant les CRA, émanations des conseils d'administration des organismes de sécurité sociale, prennent des décisions qui ne présentent pas de caractère juridictionnel.

C'est la raison pour laquelle, si la saisine de la commission constitue, pour la Société redressée, un préalable à sa contestation, il n'est pas nécessaire d'attendre qu'elle ait statué sur le litige déféré pour saisir valablement le tribunal des affaires de sécurité sociale et pour que celui-ci statue.

Par ailleurs, les articles R. 142-2 et D. 213-3 du code de la sécurité sociale, qui fixent la composition des CRA, ne prévoient aucune sanction à l'irrégularité de leur composition, de sorte qu'en application des principes posés par l'article 114 du code de procédure civile, à savoir pas de nullité sans texte et sans grief démontré, l'irrégularité de leur composition est sans incidence sur la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale.

Enfin, l'irrégularité de la désignation des membres de la CRA ne justifie aucunement l'annulation des opérations de contrôle, qui lui sont antérieures, l'article R. 234-59 du code de la sécurité sociale, qui les régit, ne faisant pas de la saisine de la CRA, et de la décision subséquente, une condition de validité du contrôle comptable d'assiette. De même, les dispositions de l'article L. 244-2 du même code, relatif à la mise en demeure, préalable à toute action ou poursuite, ne fait pas davantage mention de la commission de recours amiable et d'une obligation de sa saisine.

Il convient donc de dire que l'illégalité de la désignation des membres de la commission de recours amiable du Centre n'a pas d'incidence sur la validité du contrôle opéré par l'URSSAF, ni sur la validité de la décision de la commission puis sur celle du tribunal des affaires de sécurité sociale.

La Société sera en conséquence déboutée de sa demande en remboursement de la somme de 10758 euros qu'elle a versée au titre des chefs de redressement non contestés devant la CRA.

Sur les redressements opérés par l'URSSAF

L'URSSAF rappelle, à titre liminaire, que le redressement prononcé sur le chef de 'taux accident de travail'a été annulé par la commission de recours amiable comme ne relevant pas de la compétence des URSSAF mais du domaine d'intervention des CARSAT.

L'URSSAF Centre sollicite, en conséquence, la confirmation de la décision de la commission de recours amiable sur ce point.

Sur la prime de salissure

L'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dispose que

Pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire. La compensation salariale d'une perte de rémunération induite par une mesure de réduction du temps de travail est également considérée comme une rémunération, qu'elle prenne la forme, notamment, d'un complément différentiel de salaire ou d'une hausse du taux de salaire horaire.

(...) Il ne peut être opéré sur la rémunération ou le gain des intéressés servant au calcul des cotisations de sécurité sociale, de déduction au titre de frais professionnels que dans les conditions et limites fixées par arrêté interministériel. Il ne pourra également être procédé à des déductions au titre de frais d'atelier que dans les conditions et limites fixées par arrêté ministériel.

La cour rappelle que les conditions d'exonération des frais professionnels sont fixées par l'arrêté du

20 décembre 2002 pour les gains et les rémunération versées à compter du 1er janvier 2003 lequel stipule :

(..) - article 2 : l'indemnisation des frais professionnels s'effectue :
1° Soit sous la forme du remboursement des dépenses réellement engagées par le travailleur salarié ou assimilé ; l'employeur est tenu de produire les justificatifs y afférents. Ces remboursements peuvent notamment porter sur les frais prévus aux articles 6, 7 et 8 (3°, 4° et 5°);
2° Soit sur la base d'allocations forfaitaires ; l'employeur est autorisé à déduire leurs montants dans les limites fixées par le présent arrêté, sous réserve de l'utilisation effective de ces allocations forfaitaires conformément à leur objet. Cette condition est réputée remplie lorsque les allocations sont inférieures ou égales aux montants fixés par le présent arrêté aux articles 3, 4, 5, 8 et 9 ; (.....)

Enfin, la circulaire ministérielle du 7 janvier 2003 qui définit les frais d'entreprise, exclut de l'assiette des cotisations, comme des frais correspondant à des charges d'exploitation de l'entreprise ceux qui présentent cumulativement :

- un caractère exceptionnel pour le travailleur salarié ou assimilé ;

- un intérêt pour l'entreprise ;

- et qui sont exposés en dehors de l'exercice normal de l'activité du travailleur salarié ou assimilé.

Il ressort donc de ces textes que les indemnités ou remboursements de frais sont exonérés des cotisations de sécurité sociale à la double condition qu'ils aient pour objet de couvrir de véritables frais professionnels, c'est à dire des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi du travailleur salarié ou assimilé que celui-ci supporte au titre de l'accomplissement de ses missions et qu'ils correspondent aux frais réellement exposés, la preuve de l'emploi et de la réalité des frais incombant à la société lorsqu'ils dépassent les montants forfaitaires.

L'URSSAF rappelle, que le seul fait pour l'entreprise contrôlée d'être spécialisé dans des travaux salissants, même si les salariés sont exposés à un surcroît de dépenses vestimentaires, ne suffit pas à établir l'utilisation effective des primes de salissures conformément à leur objet.

L'inspecteur du recouvrement a relevé qu'aucun justificatif des dépenses de nettoyage n'était demandé aux salariés par la Société qui n'a donc pas pu les présenter dans le cadre du contrôle.

La Société fait valoir que l'indemnité versée est destinée à rembourser forfaitairement une dépense effectuée dans un cadre domestique, les salariés procédant eux-mêmes à l'entretien de leurs vêtements. Cette indemnité n'est versée qu'aux salariés affectés à des travaux salissants et calculée sur une base horaire, soit un montant de 166,60 euros par mois pour 35 heures de travail hebdomadaires ce qui correspondrait à neuf lavages en pressing selon le devis effectué.

Les attestations versées aux débats de certains salariés indiquent en effet devoir procéder à des 'lavages individuels des vêtements utilisés pour leur travail' en raison de la nature de la saleté.

Or, l'estimation effectuée, par la Société elle -même ( pièce n°9) des dépenses mensuelles 'a minima' liées au lavage-repassage des tenues de travail se monte à 26,61 euros, en prenant en compte le prix de la lessive, du détachant, de l'adoucissant, de la consommation électrique de la machine à laver, du sèche-linge, de la consommation en eau, du coût du repassage et de l'amortissement des équipements électro-ménagers.

Or, le tableau des 'pointages salissures' 2010 et 2011met en évidence que les indemnités peuvent atteindre 357,05 euros et se révèlent très souvent supérieures à la somme de 166,60 euros alléguée par la Société. La cour remarque, par ailleurs, que celles inférieures à 26,61 euros constituent une très faible minorité.

Il en résulte que si effectivement, la Société démontre qu'elle ne verse la prime salissure qu'à ses salariés qui sont réellement exposés à des travaux salissants tels que le procès-verbal d'huissier l'établit, elle ne peut valablement exiger par ailleurs de ces derniers, qu'ils utilisent les services d'un pressing chaque semaine voire plusieurs fois pas semaine, il n'en demeure pas moins qu'elle démontre que les dépenses professionnelles inhérentes à leurs fonctions peuvent être justifiées à hauteur de 26,61 euros mensuel alors que ce n'est pas le montant alloué pour la grande majorité des salariés sans que la Société ne puisse valablement en expliquer les raisons.

La cour conclut en conséquence, que ce chef de redressement sera confirmé mais qu'il devra être recalculé pour la partie versée aux salariés supérieure à 26,61 euros par mois, montant retenu comme justifié au titre des frais professionnels.

Sur les primes de panier supérieures à la limite d'exonération

- article 3: les indemnités liées à des circonstances de fait qui entraînent des dépenses supplémentaires de nourriture sont réputées utilisées conformément à leur objet pour la fraction qui n'excède pas les montants suivants :

1° Indemnité de repas :

Lorsque le travailleur salarié ou assimilé est en déplacement professionnel et empêché de regagner sa résidence ou lieu habituel de travail, l'indemnité destinée à compenser les dépenses supplémentaires de repas est réputée utilisée conformément à son objet pour la fraction qui n'excède pas (..) ;

2° Indemnité de restauration sur le lieu de travail :

Lorsque le travailleur salarié ou assimilé est contraint de prendre une restauration sur son lieu effectif de travail, en raison de conditions particulières d'organisation ou d'horaires de travail, telles que travail en équipe, travail posté, travail continu, travail en horaire décalé ou travail de nuit, l'indemnité destinée à compenser les dépenses supplémentaires de restauration est réputée utilisée conformément à son objet pour la fraction qui n'excède pas (..) ;

3° Indemnité de repas ou de restauration hors des locaux de l'entreprise :

Lorsque le travailleur salarié ou assimilé est en déplacement hors des locaux de l'entreprise ou sur un chantier, et lorsque les conditions de travail lui interdisent de regagner sa résidence ou son lieu habituel de travail pour le repas et qu'il n'est pas démontré que les circonstances ou les usages de la profession l'obligent à prendre ce repas au restaurant, l'indemnité destinée à compenser les dépenses supplémentaires de repas est réputée utilisée conformément à son objet pour la fraction qui n'excède pas ( ....).

Lorsque le travailleur salarié ou assimilé est placé simultanément au cours d'une même période de travail dans des conditions particulières de travail énoncées aux 1°, 2° et 3°, une seule indemnité peut ouvrir droit à déduction.

Les limites d'exonération pour les périodes de contrôle considérées sont les suivantes:

- lorsque le salarié est contraint de prendre son repas au restaurant:

*année 2010: 16,80 euros

*année 2011: 17,10 euros

-lorsqu'il n'est pas démontré que les circonstances ou les usages de la profession l'obligent à prendre ce repas au restaurant :

*année 2010: 8,20 euros

*année 2011: 8,30 euros

L'inspecteur du recouvrement constate qu'il est versé aux salariés en déplacement sur les chantiers des primes de panier supérieures aux limites d'exonération, à savoir 14,20 euros pour l'année 2010 et 14,40 euros pour l'année 2011, alors qu' aucune note de restaurant n'a pu être fournie par la Société pour justifier que ses salariés, à tout le moins, prenaient leur repas au restaurant ou que leurs conditions particulières de travail les contraignaient à prendre leurs repas au restaurant.

En l'espèce, l'activité de la société Colas est de construire des routes, de sorte que ses salariés se trouvent sur des chantiers itinérants en extérieur et non dans un lieu couvert et protégé. Cette circonstance établit, que les salariés doivent aller dans un restaurant, ce qui est d'ailleurs l'usage de la profession. Il s'ensuit, que contrairement à ce que soutient l'URSSAF, les primes de panier versées par la Société n'excèdent pas la limite d'exonération.

Une prime de panier qui a pour objet de compenser le surcoût du repas consécutif au travail constitue, nonobstant son caractère forfaitaire et le fait que son versement ne soit soumis à la production d'aucun justificatif, un remboursement de frais et non un complément de salaire.

Il s'ensuit qu'elle ne peut pas être soumise à cotisations sociales.

Le redressement de ce chef sera annulé.

Sur les frais de restauration hors des locaux de l'entreprise

La cour constate que l'inspecteur du recouvrement a procédé au redressement pour les mêmes motifs que précédemment mais concernant un salarié qui a perçu 85 indemnités considérées comme supérieures aux limites d'exonération.

La société conteste ce chef de redressement pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus.

Ce chef de redressement sera également annulé, la cour renvoyant expressément à la motivation relative au redressement précédent.

Sur l'avantage en nature véhicule

L'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale pose le principe selon lequel, pour le calcul des cotisations sociales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail.

Cette règle concerne le salaire et s'étend également à tous ses accessoires ainsi qu'aux avantages en nature et aux revenus de remplacement.

L'avantage en nature consiste dans la fourniture ou la mise à disposition d'un bien ou service, permettant au salarié de faire l'économie de frais qu'il aurait dû normalement supporter. L'économie réalisée par le salarié constitue un élément de la rémunération qui, au même titre que le salaire proprement dit, doit donner lieu à cotisations sociales.

En application de l'article trois de l'arrêté du 10 décembre 2002, l'avantage en nature résulte de l'usage privé par le salarié d'un véhicule pour lequel il bénéficie d'une 'mise à disposition permanente'c'est-à-dire lorsque le salarié n'est pas tenu de restituer le véhicule en dehors de ses périodes de travail, notamment en fin de semaine et pendant ses périodes de congés.

Il importe peu, que l'avantage en nature soit octroyé directement ou par l'intermédiaire d'un tiers dès lors que cet octroi est opéré en considération de l'appartenance du salarié à l'entreprise concernée. L'éventuelle participation du salarié aux frais de voiture ne remet pas en cause le principe de l'avantage en nature mais vient minorer la valeur de celui-ci.

Selon les termes de l'article trois de l'arrêté du 10 décembre 2002, l'employeur a le choix entre deux modes d'évaluation de l'avantage véhicule, à savoir l'évaluation forfaitaire ou l'évaluation réelle, option qui s'exerce salariée par salarié et pour l'année civile.

L'inspecteur du recouvrement a constaté, que la Société acquitte chaque mois des factures au profit de l'association des utilisateurs de véhicules de la région de Nantes ( AUV), correspondant à des indemnités kilométriques en contrepartie de l'utilisation professionnelle de véhicules de tourisme que l'association met à la disposition de certains salariés de l'entreprise, essentiellement des cadres.

Les factures établies comportent l'identité du collaborateur, l'immatriculation du véhicule, la marque et le type de véhicule, le nombre de kilomètres professionnels retenus et la valeur unitaire de l'indemnité kilométrique .

Les salariés qui adhèrent à l'association règlent une cotisation annuelle, dont le montant est fonction de la catégorie du véhicule mis à leur disposition et qui a été comprise entre 810 euros et 1656 euros par an en 2010 et 2011.

L'association est régie par la loi du 1er juillet 1901 et a pour objet selon ses statuts, de servir d'intermédiaire entre les utilisateurs de véhicules et les entreprises qui les emploient de manière

à simplifier les démarches et tâches administratives. Ses ressources sont constituées par l'ensemble des remboursements de frais versés par les entreprises qui emploient les utilisateurs de véhicules et la redevance annuelle acquittée par ces derniers . L'association règle les factures de location, de carburant, d'entretien et de réparation des véhicules mis à la disposition de ses membres.

Pour les années contrôlées, la Société a réglé la taxe due sur les véhicules de société au titre des véhicules de tourisme possédés par l'association, taxe qui est effectivement due par la Société pour l'utilisation par ses salariés de véhicules pour l'exercice professionnel, élément indifférent à la caractérisation d'un éventuel avantage en nature.

L'inspecteur du recouvrement estime dès lors, que les salariés bénéficient de la mise à disposition de façon permanente d'un véhicule et réalisent ainsi une économie de frais, qui constitue un avantage en nature, peu importe que le véhicule soit mis à la disposition des salariés par l'intermédiaire de l'association, compte tenu que l'octroi de cet avantage est opéré en considération de l'appartenance du salarié à l'entreprise.

La cour constate que la cotisation ne permet à l'évidence pas de couvrir la charge des déplacements personnels des salariés mais constitue une participation de ces derniers, qui doit être prise en compte dans l'évaluation de l'avantage en nature. La cour souligne qu'il n'est pas justifié, qu'en plus de la cotisation, les salariés prennent à leur charge les kilomètres parcourus à titre personnel et qu'il est acquis par ailleurs, qu'ils ne supportent pas les frais de réparation ni d'entretien des véhicules utilisés.

Dès lors et comme le conclut l'URSSAF, la Société, par l'intermédiaire de l'association dont c'est la mission de par ses statuts, met à disposition de ses salariés à titre permanent des véhicules et leur permet une économie de frais, minorée par le paiement de la cotisation versée à l'association et qui caractérise un avantage en nature devant donner lieu à des cotisations sociales.

Enfin, contrairement à ce qui est allégué par la Société, l'URRSAF n'a pas procédé à une taxation forfaitaire mais à une évaluation forfaitaire de l'avantage en nature, réalisée sur la base d'un forfait annuel estimé en pourcentage du coût du véhicule, les éléments communiqués ne permettant pas une évaluation aux frais réels.

Le redressement de ce chef sera validé.

Sur les dépens et sur la demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

La cour devra rappeler que la présente procédure est exempte de dépens.

La société Colas qui succombe pour partie sera condamnée à payer à l'URSSAF une indemnité d'un montant de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et sera déboutée de sa propre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par décision contradictoire,

Infirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Chartres en date du 27 janvier 2017 en toutes ses dispositions;

Statuant à nouveau et y ajoutant:

Dit l'URSSAF des Pays de la Loire compétente pour procéder au contrôle de l'établissement de la société Colas Centre Ouest SA sis à Lèves (28);

Dit la procédure de contrôle et le redressement subséquent réguliers;

Déboute la Société Colas Centre Ouest SA de sa demande en remboursement de la somme de 10758 euros

Valide le chef de redressement numéro trois 'primes de salissures', qui devra être recalculé pour la partie versée aux salariés supérieure à 26,61 euros par mois;

Annule les chefs de redressement numéro cinq et six 'Primes de panier';

Valide le chef de redressement numéro sept 'avantage en nature véhicule';

Condamne la société Colas Centre Ouest à payer à l'URSSAF Centre -Val de Loire une indemnité d'un montant de 1500euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa propre demande de ce chef;

Rappelle que la présente procédure est exempte de dépens;

Déboute les parties de toute autre demande plus ample ou contraire;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Madame Florence Purtas, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 17/01318
Date de la décision : 20/09/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 05, arrêt n°17/01318 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-20;17.01318 ?
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