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18/09/2018 | FRANCE | N°16/06052

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 2e section, 18 septembre 2018, 16/06052


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 51B



1re chambre 2e section



ARRET N°



PAR DEFAUT



DU 18 SEPTEMBRE 2018



N° RG 16/06052



AFFAIRE :



SAS AUTREMENT

IMMOBILIER





C/

Jean-Claude X...

...







Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 11 Juillet 2016 par le Tribunal d'Instance de

VERSAILLES

N° RG : 11-15-2006



Expéditions exécutoires

Expédit

ions

Copies

délivrées le : 18/09/18

à :





Me Ophélia Y...





Me Dan Z...



REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LE DIX HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:


...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 51B

1re chambre 2e section

ARRET N°

PAR DEFAUT

DU 18 SEPTEMBRE 2018

N° RG 16/06052

AFFAIRE :

SAS AUTREMENT

IMMOBILIER

C/

Jean-Claude X...

...

Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 11 Juillet 2016 par le Tribunal d'Instance de

VERSAILLES

N° RG : 11-15-2006

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 18/09/18

à :

Me Ophélia Y...

Me Dan Z...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE DIX HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:

SAS AUTREMENT IMMOBILIER

prise en la personne de son représentant légal

[...]

Représentée par Me Ophélia Y..., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 672 - N° du dossier 2016.183

Assistée de Me A..., Avocat substituant Me Paul ZEITOUN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1878

APPELANTE

****************

Monsieur Jean-Claude X...

né le [...] à ALGER- ALGERIE

de nationalité Française

[...]

Représenté par Me Dan Z..., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731

Assisté de Me Michael B... - SICAKYUZ, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0611

Madame Elisabeth C... épouse X...

de nationalité Française

[...]

DEFAILLANTE

INTIMES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 Juin 2018, Madame Delphine BONNET, Conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Isabelle BROGLY, Président,

Madame Delphine BONNET, Conseiller,

Madame Estelle JOND-NECAND, Conseillère chargée du secrétariat général auprès de la première présidence de la cour d'appel de Versailles, déléguée à la cour par ordonnance du 4 mai 2018

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Catherine SPECHT

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant acte sous seing privé à effet à compter du 1er janvier 2004, M. D... aux droits duquel vient la société Autrement Immobilier, a donné à bail, à usage mixte professionnel et d'habitation, à M. et Mme X... un appartement ainsi que des chambres de service n°14-15 et n°16-17 et une cave n° 7 dépendant d'un immeuble sis [...].

Reprochant aux locataires d'avoir sous-loué une des chambres de service en infraction avec les clauses du bail, la société Autrement Immobilier les a assignés en résiliation de bail et expulsion, par acte d'huissier des 6 janvier et 9 février 2015

Par jugement réputé contradictoire du 11 juillet 2016, le tribunal d'instance de Versailles a, avec exécution provisoire :

- débouté la société Autrement Immobilier de sa demande de résiliation de bail et de ses demandes subséquentes,

- condamné la société Autrement Immobilier à remettre en état totalement la chambre n°17-18 donnée en location à M. X... sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai de trois mois après la signification du jugement,

- s'est réservé le pouvoir de liquider l'astreinte,

- condamné la société Autrement Immobilier à payer à M. X... une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamné la société Autrement Immobilier aux dépens et à payer à M. X... une somme de 1.000euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toute autre demande.

Par déclaration du 3 août 2016, la société Autrement Immobilier a relevé appel de ce jugement. Aux termes de ses conclusions transmises le 3 mai 2018, elle demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en toutes ses demandes,

- rejeter toutes les prétentions et demandes formées par les époux X...,

y faisant droit,

- confirmer le jugement en ce qu'il ne saurait être constaté que M. X... a commis une faute en consentant des sous-locations en violation des dispositions contractuelles du bail et sans l'autorisation de la bailleresse,

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

*constaté qu'il apparaît néanmoins que cette faute n'est pas suffisamment grave pour justifier la résiliation du bail au regard de la durée de la location des lieux pendant 12 ans par les défendeurs,

* débouté la société Autrement Immobilier de l'ensemble de ses demandes,

et statuant à nouveau,

- constater les sous-locations irrégulières auxquelles les époux X... se sont adonnés en concédant un bail d'habitation de sous-location aux consorts E... au détriment de l'article 2 "conditions générales de la présente location" paragraphe 2.3, "conditions de jouissance" de la convention liant les parties,

- constater le non-paiement des loyers et charges dus par les époux X... depuis le mois de novembre 2014,

- constater l'aggravation de l'arriéré locatif accusé par les époux X... à son égard et atteignant la somme de 213.320,58 euros,

- constater la mauvaise foi des époux X... et leur maintien dans les lieux depuis 4 années, en s'abstenant purement et simplement de payer leurs loyers et charges,

en conséquence,

- dire et juger qu'en procédant à de telles sous-locations et en ne s'acquittant pas de leurs loyers et charges dus depuis le mois de novembre 2014, les époux X... ont commis des fautes d'une gravité suffisante justifiant la résiliation immédiate de leur bail sans qu'ils puissent bénéficier de délais supplémentaires,

- prononcer la résiliation du bail aux torts exclusifs des époux X...,

- ordonner l'expulsion des époux X..., occupants sans droit ni titre, ainsi que celle de tous occupants de leur chef si nécessaire avec l'assistance d'un serrurier et de la force publique,

- supprimer le délai légal de deux mois suivant la délivrance du commandement de quitter les lieux afin de permettre la mise en oeuvre immédiate, par la société Autrement Immobilier, de mesure d'expulsion à l'encontre des époux X...,

- ordonner le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux dans tel garde-meubles qu'il plaira à la cour, en garantie de l'intégralité des sommes dues,

- fixer une indemnité d'occupation d'un montant égal à l'intégralité du loyer et des charges contractuels à compter de l'assignation,

- débouter les époux X... de l'ensemble de leurs demandes,

en tout état de cause,

- condamner solidairement les époux X... à lui payer la somme de 213.320,58 euros à parfaire, au titre de l'arriéré locatif arrêté au 30 juin 2018,

- condamner solidairement les époux X... à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions transmises le 29 mai 2018, M. X... demande à la cour de:

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

- dire et juger la société Autrement Immobilier tant irrecevable que mal fondée en toutes ses demandes, fins et prétentions, y compris en ses demandes nouvelles devant la cour, l'en débouter,

- en tout état de cause, débouter la société Autrement Immobilier de toutes ses demandes, fins et prétentions pour être particulièrement mal fondée,

- lui donner acte de ses contestations quant au mérite de la procédure dont il fait l'objet et des demandes faites à son encontre, les dire totalement injustifiées, en conséquence débouter de plus fort la société appelante de toutes ses demandes, fins et prétentions,

- dire et juger le concluant recevable et bien fondé en toutes ses demandes, fins et prétentions y compris en son appel incident sus-mentionnées y faire droit,

en conséquence,

- condamner la société Autrement Immobilier :

* 1) sous nouvelle astreinte définitive de 500 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir, à effectuer la remise en état totale, et ce dans son état originaire de sa chambre de service n°17/18, par le remplacement de la porte palière, la mise en place de serrures, le rebouchage complet du sol détruit ainsi que la pose de tommettes détruites, de la mise en place d'une moquette enlevée, de la reprise en peinture des murs abîmés, de la remise en place de ses affaires objets et autres éléments déplacés lesquels de surcroît ont été fouillés, outre à la restitution intégrale de ses affaires, objets, éléments et autres disparus, les papiers successoraux de sa famille, documents administratifs et comptables et autres,

* 2) sous astreinte définitive de 500 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir, de procéder à la remise en état complète de la porte de sa cave dont le système de fermeture a été détruit entièrement, outre à la remise en place de ses affaires mais aussi de l'enlèvement des objets et affaires y entreposés introduits à son insu par la société bailleresse et ne lui appartenant pas,

* 3) sous astreinte définitive également de 500 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir, de procéder à la remise en état complète de la porte palière de sa chambre de service n°14/15, fracturée ainsi que de son système de fermeture entièrement détruit,

* 4) sous la même astreinte définitive de 500 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir d'avoir à remettre en état la porte palière de son appartement du 3ème étage, laquelle a été endommagée et ne ferme plus pour avoir considérablement gonflée à la suite du dégât des eaux du 2 août 2016, ainsi que de la reprise et remise en état du parquet de son appartement endommagé également à la suite de ce même dégât des eaux,

- se réserver la faculté de procéder à la liquidation des astreintes ainsi ordonnées,

- condamner la société Autrement Immobilier à lui payer les sommes de :

* 200.000 euros à titre de dommages et intérêts pour les divers préjudices causés, à savoir : trouble de jouissance, violations de domicile répétées, dégradations volontaires de son appartement et de ses dépendances, disparition de ses affaires, objets, documents papiers et autres, outre pour le trouble de santé occasionné par les conséquents travaux entrepris et non achevés à ce jour et dont il est parlé ci-avant et justifié aux termes des pièces versées au présent débat, et pour le préjudice moral conséquent causé, ainsi que pour les accusations purement mensongères, fallacieuses et diffamantes tenues à l'égard du concluant,

* 1 euro symbolique à titre de dommages et intérêts supplémentaires pour procédure abusive, dilatoire, injustifiée et surtout vexatoire, outre pour les propos incendiaires tenus à son égard, jetant le discrédit sur sa personne et sa profession d'avocat,

* 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Autrement Immobilier aux entiers dépens tant de première instance que d'appel dont distraction au profit de Me Z..., avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, outre le coût des différents procès-verbaux de constat dont il est parlé ci-avant et versés au présent débat.

La déclaration d'appel, les conclusions de l'appelante et le programme de la procédure ont été signifiées à Mme C... épouse X... par acte du 16 janvier 2017 remis conformément aux dispositions de l'article 659 du code de procédure civile. Conformément à la demande de la cour dans son arrêt avant dire droit du 6 mars 2018, l'appelante a de nouveau fait signifier à Mme C... épouse X... la déclaration d'appel et ses conclusions par actes d'huissier des 20 mars et 3 avril 2018 remis selon les modalités prévues à l'article 659 du code de procédure civile. Les dernières conclusions de l'appelante lui ont été signifiées selon les mêmes modalités par acte d'huissier du 14 mai 2018. Mme C... épouse X... n'a pas constitué avocat.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 5 juin 2018, jour de l'audience des plaidoiries.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 ) sur la régularité de la procédure d'appel de la société Autrement Immobilier

M. X... prétend que la procédure d'appel de la société Autrement Immobilier est irrégulière à l'égard de Mme C... épouse X... au motif que la société Autrement Immobilier ne lui a pas signifié ses conclusions du 30 mai 2017 ni celles du 3 mai 2018.

sur ce

Contrairement à ce que soutient M. X... les dernières conclusions de la société Autrement Immobilier ont bien été signifiées à Mme C... épouse X... par acte d'huissier du 14 mai 2018. La procédure est régulière.

2 ) sur les demandes de la société Autrement Immobilier

* sur les demandes de résiliation du bail et d'expulsion

Le tribunal a considéré que si M. X... avait commis une faute en consentant une sous-location d'une chambre de service meublée en violation des dispositions contractuelles et sans l'autorisation de la société bailleresse, cette faute ne revêtait pas une gravité suffisante pour justifier la résiliation du bail dès lors, entre autres motifs, que la sous-location avait cessé et qu'il existait une autorisation tacite de l'ancien propriétaire pour cette sous-location.

La société Autrement Immobilier poursuit l'infirmation de cette décision estimant que le tribunal d'instance a procédé à une mauvaise application des dispositions légales et conventionnelles applicables à la situation et contraire à la jurisprudence constante. Elle fait valoir que M. X... a sous-loué les chambres de service 14 et 15 suivant acte du 31 janvier 2009 alors que :

- aux termes de l'article 2 des conditions générales de la convention locative liant les parties la sous-location de tout ou partie des lieux loués est interdite,

- M. X..., avocat, en raison de sa qualité de professionnel du droit et auxiliaire de justice, ne pouvait ignorer le caractère parfaitement illicite de la sous-location qui s'apparente à du marchandage de sommeil,

- s'agissant de l'existence d'une autorisation tacite retenue par le tribunal, celui-ci a fait abstraction de l'article 2.10 du bail, étant précisé qu'elle est devenue propriétaire à compter du mois de novembre 2014, mois au cours duquel elle a immédiatement présenté et obtenu une ordonnance aux fins de constat de l'état d'occupation des chambres de service louées aux époux X..., et a initié son action en résiliation de bail les 6 janvier et 9 février 2015,

- le tribunal ne pouvait déduire un éventuel consentement tacite à la sous-location illicite consentie par M. X....

Elle ajoute en outre que les époux X... ont totalement cessé de payer leurs loyers et charges et ce depuis 2014 de sorte que la dette locative s'élève à 213 320,58 euros, ce qui justifie également le prononcé de la résiliation judiciaire du bail.

M. X..., après avoir fait un historique de la relation contractuelle relative à l'appartement du premier étage, objet d'un autre contrat de location mixte conclu pour les besoins son activité professionnelle d'avocat, et de celle relative à l'appartement du 3ème étage, et exposé le contexte dans lequel le bailleur a introduit l'instance en résiliation de bail, fait valoir que :

- il existait une tolérance des anciens bailleurs successifs, avant la venue de la société Autrement Immobilier, pour sous-louer les chambres de service dont M. F..., devenu président de la société Autrement Immobilier, locataire alors d'un appartement au 2èe étage, a lui-même profité,

- la fin d'une tolérance du bailleur ne peut en aucun cas constituer une faute de la part du locataire permettant au nouveau bailleur de résilier le bail pour faute,

- il appartenait au bailleur de notifier à son locataire la fin de la tolérance en l'enjoignant dans les meilleurs délais de mettre fin à toute situation de fait ou de droit qui en découlait, ce que la société Autrement Immobilier n'a pas fait,

- ni l'ordonnance sur requête ni le procès-verbal de constat dont la société Autrement Immobilier se prévaut ne lui ont été signifiées comme du reste la moindre sommation de cesser la sous-location,

- de son côté, il a fait le nécessaire, dès qu'il a reçu l'assignation du 6 janvier 2015 par laquelle le bailleur manifestait pour la première fois et sans mise en demeure préalable son intention de revenir sur la situation de sous-location, pour mettre un terme à la sous-location de la chambre de service dans les plus brefs délais en donnant congé aux sous-locataires, lesquels ont quitté les lieux depuis le 4 décembre 2015,

- depuis il n'est question d'aucune autre sous-location.

S'agissant de la créance locative réclamée par la société Autrement Immobilier, M. X... fait valoir qu'il s'agit d'une demande nouvelle en cause d'appel non présentée dans le cadre de la procédure devant le tribunal d'instance ayant abouti au jugement dont appel mais qui fait l'objet d'une autre instance dont la cour est saisie.

sur ce

Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

En l'espèce, l'article 2.3.1 des conditions générales du bail liant les parties prévoient expressément que 'le preneur devra occuper les lieux personnellement et ne pourra en aucun cas sous-louer meublé ou non meublé tout ou partie des lieux loués'.

Or, il est constant que M. X... a donné à bail la chambre de service n° 14/15, ce qui résulte d'un contrat de location en date du 31 janvier 2009, ce qui constitue une violation manifeste du contrat de location suffisamment grave pour justifier la résiliation du bail aux torts exclusifs des locataires, ce que M. X... en sa qualité d'avocat ne pouvait ignorer.

M. X... n'apporte nullement la preuve d'une tolérance de l'ancien propriétaire. En tout état de cause, dans l'acte de vente du 7 novembre 2014 aux termes duquel la société Autrement Immobilier est devenue propriétaire de l'immeuble, il est spécifié, s'agissant du bail de l'appartement du 3ème étage, qu'aucune sous-location n'a été portée à la connaissance du vendeur ou acceptée par lui.

A la page 17 de l'acte de vente, le vendeur déclare encore : 'que l'immeuble ne fait, à sa connaissance, l'objet d'aucune sous-location ou domiciliation et qu'il n'a pas autorisé une telle sous-location ou domiciliation, à l'exception du bail d'habitation consenti à Mme G... Hermant suivant avenant du 5 septembre 2011" (locataire de l'appartement du 5ème étage).

La libération des lieux loués même intervenue avant que le premier juge ne statue (en décembre 2015) ne peut supprimer l'infraction constatée qui a perduré au moins sept ans.

Par suite le jugement entrepris sera infirmé et la résiliation judiciaire du bail prononcée sans qu'il soit nécessaire d'examiner le grief tiré du défaut de paiement des loyers, et subséquemment l'expulsion ordonnée à défaut de départ volontaire des lieux, sans qu'il n'y ait lieu de supprimer le délai légal de deux mois suivant la délivrance du commandement de quitter les lieux. Les locataires devront régler une indemnité d'occupation jusqu'à la libération effective des lieux.

Le sort des meubles est régi par les articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code de procédures civiles d'exécution de sorte qu'il n'y a pas d'ordonner le transport des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux ni leur séquestration.

* sur la demande en paiement des loyers

La société Autrement Immobilier demande la condamnation solidaire des époux X... au paiement de la somme de 213 320,58 euros faisant valoir que depuis qu'elle est devenue propriétaire des lieux les locataires ont cessé de procéder au paiement des loyers et charges et qu'ils occupent ainsi gracieusement un appartement de 300 m² dans le 16ème arrondissement de Paris.

M. X... conclut à l'irrecevabilité de cette demande comme étant nouvelle en cause d'appel. Il estime que cette créance est réclamée abusivement par le bailleur faisant valoir qu'il est privé d'une jouissance normale et paisible mais également de tout clos et couvert et ce depuis décembre 2014. Il affirme ne pouvoir jouir que d'une très faible portion du bien détruit à 85 % de sa surface habitable. Il estime que la créance invoquée par le bailleur n'est ni certaine, ni liquide, ni exigible.

sur ce

La demande en paiement de l'arriéré locatif est recevable au regard des dispositions de l'article 566 du code de procédure civile s'agissant d'une demande qui est l'accessoire et/ou le complément des demandes formées devant le premier juge ayant pour objet le bail liant les parties.

En matière de bail, le preneur, invoquant l'exception d'inexécution, ne peut de son propre chef, au motif que le bailleur ne respecte pas son obligation d'assurer au locataire la jouissance paisible du logement, s'exonérer de son obligation de payer le loyer en l'absence de désordres d'une telle importance le plaçant dans une impossibilité totale d'occuper les lieux conformément à leur destination. Il lui appartient de saisir la justice pour obtenir l'autorisation de consigner les loyers en attendant la résiliation de travaux s'il y a lieu.

En l'espèce, les locataires ont cessé tout paiement du loyer et des charges depuis le mois de novembre 2014. S'il est constant que le bailleur a entrepris dans l'immeuble d'importants travaux de rénovation et que l'appartement loué à M. et Mme X... a subi d'importants troubles de jouissance, le locataire ne justifie cependant pas avoir été dans une impossibilité totale d'occuper les lieux conformément à leur destination. Il n'a pas davantage cru devoir saisir un juge afin d'être autorisé à consigner les loyers dans l'attente d'une solution au litige l'opposant à son bailleur, alors qu'en sa qualité d'avocat il ne pouvait ignorer l'existence de cette voie de droit.

Il y a lieu dans ces conditions de faire droit à la demande du bailleur et de condamner solidairement M. et Mme X... à lui payer la somme de 213 320,58 euros au titre des loyers et charges impayés au 30 juin 2018.

3 ) sur les demandes reconventionnelles de M. X...

- sur les demandes de travaux

M. X... formule plusieurs demandes de condamnation du bailleur à remettre en état la chose louée, et ce sous astreinte. Celles-ci ne peuvent prospérer dès lors que le bail se trouve résilié. La décision entreprise en ce qu'elle a fait droit à la demande de remise en état de la chambre n° 17-18 sera infirmée et M. X... débouté de cette demande ainsi que toutes ses autres demandes de travaux.

- sur les demandes indemnitaires

Aux termes de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur est obligé d'assurer au locataire la jouissance paisible du logement.

Les nombreuses pièces versées aux débats par M. X... (constats d'huissier, rapport d'expertise assurance, attestations) démontrent que d'importants travaux ont été entrepris dans les parties communes de l'immeuble ainsi que dans les appartements situés en-dessous et au-dessus de celui loué par les époux X.... M. X... a subi des dégâts des eaux dans son appartement du troisième étage. La chambre de service n° 17-18 a été le siège de travaux : des ouvriers ont pénétré dans la chambre de service par effraction et ont fait un trou béant dans le plancher. M. X... a subi également une gêne dans l'exercice de sa profession d'avocat en raison du bruit incessant occasionné par les travaux tel que cela ressort tant des diverses attestations de client que du rapport d'expertise de son assureur. Ce trouble de jouissance très important qui a perduré pendant trois ans justifie l'allocation d'une indemnité de 1 500 euros par mois soit une indemnité de 54 000 euros, comprenant l'indemnisation du préjudice moral résultant de la violation de domicile de la chambre de service 17-18 et tous les tracas occasionnés par les diverses dégradations liées aux travaux. La décision en ce qui concerne le quantum de la condamnation est infirmée.

Le sens du présent arrêt ne permet pas de caractériser un abus de procédure de la part du bailleur. la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, dilatoire et vexatoire est rejetée.

4 ) sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les époux X..., partie perdante, supporteront les dépens de première instance et d'appel, le coût des différents procès verbaux de constat restant à la charge de M. X.... L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile. Les demandes formées à ce titre sont rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par défaut et par mise à disposition au greffe,

Déclare les demandes de la société Autrement Immobilier recevables,

Infirme le jugement du 11 juillet 2016 du tribunal d'instance de Versailles en toutes ses dispositions,

Statuant de nouveau :

Prononce la résiliation du bail aux torts exclusifs de M. X... et Mme C...,

Ordonne l'expulsion de M. X... et Mme C..., ainsi que celle de tous occupants de leur chef de l'appartement du 3ème étage ainsi que des chambres de service n°14-15 et n°16-17 et de la cave n°7 dépendant de l'immeuble sis [...], si nécessaire avec l'assistance d'un serrurier et de la force publique,

Fixe l'indemnité d'occupation due par M. X... et Mme C... à un montant équivalent au loyer outre les charges qui seraient dus si le bail s'était poursuivi,

Condamne solidairement M. X... et Mme C... épouse X... à payer à la société Autrement Immobilier la somme de 213 320,58 euros, au titre de l'arriéré locatif arrêté au 30 juin 2018,

Condamne la société Autrement Immobilier à payer à M. X... la somme de 54 000 euros à titre de dommages et intérêts,

Ordonne la compensation entre les créances respectives des parties,

Condamne in solidum M. X... et Mme C... aux dépens de première instance et d'appel,

Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties pour le surplus.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle BROGLY, Président et par Mme SPECHT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 2e section
Numéro d'arrêt : 16/06052
Date de la décision : 18/09/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 1B, arrêt n°16/06052 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-18;16.06052 ?
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