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06/09/2018 | FRANCE | N°14/07822

France | France, Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 06 septembre 2018, 14/07822


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 58G



3e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 06 SEPTEMBRE 2018



N° RG 14/07822



AFFAIRE :





Société INORA LIFE



C/



José, X..., Yves Y...









Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 26 Septembre 2014 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° chambre : 6

N° RG : 13/00295







Expéditions

exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :





à :

Me Etienne Z... de la SCP LUSSAN

Me Nicolas A... B... de la SCP A... B... & FERON-POLONI



REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LE SIX SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Vers...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 58G

3e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 SEPTEMBRE 2018

N° RG 14/07822

AFFAIRE :

Société INORA LIFE

C/

José, X..., Yves Y...

Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 26 Septembre 2014 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° chambre : 6

N° RG : 13/00295

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Etienne Z... de la SCP LUSSAN

Me Nicolas A... B... de la SCP A... B... & FERON-POLONI

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE SIX SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:

Société de droit étranger INORA LIFE

C... House, C..., Dublin 1

DUBLIN (IRLANDE)

prise en sa succursale française dénommée INORA LIFE FRANCE [...]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Etienne Z... de la SCP LUSSAN, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0077

APPELANTE

****************

Monsieur José, X..., D...

né le [...] [...]

[...]

Représentant : Me Nicolas A... B... de la SCP A... B... & FERON-POLONI, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire L0187

INTIME

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 31 Mai 2018, Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Véronique BOISSELET, Président,

Madame Françoise BAZET, Conseiller,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Maguelone PELLETERET

FAITS ET PROCÉDURE

M. Y... a adhéré le 17 décembre 2007 à deux contrats collectifs d'assurance-vie dénommés Imaging souscrits par la société Arca Patrimoine auprès de la société Inora Life. Il a versé 20 000 euros sur chacun des contrats.

Les fonds ont été placés sur le support Fastuo Dynamic.

Le 1er juillet 2010, M. Y... a sollicité un arbitrage portant sur la totalité de son épargne vers un support en obligations, 'Arca Multigestion +'.

Par lettres recommandées datées du 20 juillet 2012, reçues le 26 juillet suivant, il s'est prévalu auprès de l'assureur de son droit à renonciation tel que prévu par l'article L.132-5-1 du code des assurances, en arguant du non-respect par Inora Life de son obligation pré-contractuelle d'information et de la prorogation de délai subséquente.

L'assureur a refusé de faire droit à sa demande, aux termes d'un courrier du 31 juillet 2012.

Le 21 décembre 2012, M. Y... a assigné la société Inora Life devant le tribunal de grande instance de Versailles afin de la voir condamnée à lui restituer les fonds investis et à lui verser des dommages-intérêts.

Par jugement du 26 septembre 2014, le tribunal a :

condamné la société Inora Life à payer à M. Y... la somme de 40000 euros avec intérêts au taux légal majoré de moitié du 26 août 2012 au 26 octobre 2012, puis au double du taux légal à compter du 27 octobre 2012,

dit que les intérêts échus pour une année entière depuis la demande en justice (9 janvier 2013) produiront eux-mêmes intérêts à compter du 9 janvier 2014,

condamné la société Inora Life à payer à M. Y... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

ordonné l'exécution provisoire,

débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

condamné la société Inora Life aux dépens.

La société Inora Life a interjeté appel et, aux termes de conclusions du 23 mai 2018, demande à la cour de :

juger qu'elle n'a pas manqué de communiquer à M. Y..., préalablement à ses deux adhésions au contrat Imaging, une notice d'information distincte des conditions générales du contrat,

juger que la documentation précontractuelle remise à M. Y... préalablement à ses deux adhésions au contrat Imaging est conforme aux dispositions des articles L.132-5-1 et suivants du code des assurances,

juger, en toutes hypothèses, que M. Y... a manifestement été parfaitement informé de l'ensemble des caractéristiques du contrat Imaging préalablement à ses adhésions de sorte que son action révèle une parfaite mauvaise foi qui lui interdit de solliciter la renonciation au contrat et la restitution des sommes investies,

infirmer le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions,

débouter M. Y... de l'ensemble de ses demandes,

condamner M. Y... à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens avec recouvrement direct.

Par dernières écritures du 23 mai 2018, M. Y... demande à la cour de :

confirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu sauf en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive,

juger que la société Inora Life a manqué à son obligation précontractuelle d'information en ne respectant pas les dispositions des articles L.132-5-2, A.132-4 et A.132-8 du code des assurances,

juger que c'est à bon droit qu'il a renoncé à ses contrats Imaging par courriers recommandés avec accusé réception le 24 juillet 2012 réceptionnés le 26 juillet 2012,

condamner la société Inora Life à lui restituer la somme principale de 40 000 euros,

condamner la société Inora Life à payer sur cette somme principale les intérêts de retard tels que prévus par l'article L. 132-5-1 du code des assurances, à savoir calculés au taux de l'intérêt légal majoré de moitié à compter du 25 août 2012 jusqu'au 25 octobre 2012, puis à partir de cette date, au double du taux légal,

dire que les intérêts échus depuis plus d'un an produiront eux-mêmes intérêts,

condamner la société Inora Life à lui payer les sommes de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens avec recouvrement direct.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions notifiées aux dates mentionnées ci-dessus, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 24 mai 2018.

SUR QUOI, LA COUR

Le tribunal a considéré que le fait que les deux documents, conditions générales et notice d'information, soient réunis en une seule liasse ne constituait pas en lui-même une difficulté, mais qu'en revanche, dès lors qu'elle figurait en second, sans être annoncée au début du livret, la notice n'était pas mise en évidence et était susceptible d'échapper à l'attention du lecteur. Il en a déduit que la notice n'était pas distincte des conditions générales du contrat et que Inora Life n'avait pas respecté les dispositions de l'article L 132-5-2 du code des assurances, ce qui avait entraîné la prorogation du délai de renonciation.

Sur les manquements à l'obligation d'information

L'article L 135-5-3 du code des assurances qui concerne spécifiquement les assurances de groupe sur la vie renvoie notamment à l'article L 135-5-2 s'agissant de l'obligation d'information pesant sur l'assureur.

Ce texte prévoit qu'avant la conclusion du contrat, l'assureur doit remettre contre récépissé au candidat à l'assurance une note d'information sur les conditions d'exercice de la faculté de renonciation prévue à l'article L.132-5-1 et sur les dispositions essentielles du contrat. Les mentions que doit contenir cette note d'information sont précisées à l'article A.132-4.

Toutefois, pour les contrats d'assurance comportant une valeur de rachat ou de transfert, le même article de loi autorise l'assureur à ne pas fournir une note d'information distincte de la proposition d'assurance ou du projet de contrat, à la condition d'insérer en début de proposition d'assurance ou de projet de contrat un encadré indiquant en caractères très apparents la nature du contrat et dont le format et le contenu sont définis à l'article A.132-8 du code des assurances, applicable aux contrats souscrits à compter du 1er mai 2006.

Ces dispositions sont applicables au contrat d'assurance de groupe sur la vie aux termes de l'article L 132-5-3 qui précise que l'encadré mentionné dans l'article L 132-5-2 est inséré en début de notice.

En l'espèce, dans le contrat Imaging, cet encadré intitulé 'dispositions essentielles' figure en page 10 d'une plaquette en comportant 23, après les conditions générales du contrat (pages 1 à 9) et avant la note d'information (pages 12 à 23), et ne figure sur aucune des deux tables des matières figurant en pages 1 et 11.

On ne peut sérieusement soutenir que cette présentation satisfait aux exigences du code des assurances en vertu desquelles le contenu de la note d'information doit se distinguer et être distinct de celui des conditions générales.

En effet, cette présentation en une liasse unique des conditions générales, placées en tête, et de la notice d'information contrevient aux dispositions légales relatives à l'encadré, lesquelles ont pour but d'attirer en premier lieu l'attention du souscripteur, avant la conclusion du contrat, sur les dispositions les plus importantes du contrat, qui seront développées immédiatement après dans la notice d'information.

En ne séparant pas les conditions générales de la note d'information, et en les plaçant en tête d'un document unique qui doit alors être considéré comme formant en son entier la proposition d'assurance, la société Inora Life n'a pas respecté les dispositions de l'article L 135-5-2 du code des assurances, aux termes desquelles, pour valoir note d'information, la proposition d'assurance doit commencer par l'encadré prévu par ce texte (et non comme en l'espèce par les conditions générales).

Il apparaît par ailleurs que l'encadré figurant en tête de la proposition d'assurance ne respecte pas les dispositions légales et réglementaires susvisées s'agissant de l'indication de la nature du contrat (contrat d'assurance vie de groupe), insuffisamment apparente puisqu'elle figure dans la même police que les autres informations, alors que l'article L 132-5-2 du code des assurances exige qu'elle figure en caractères 'très apparents'.

Il en résulte que les dispositions des articles L 132-5-2 et A 132-8 du code des assurances n'ont pas été respectées par Inora Life.

La possibilité de renoncer au contrat s'est donc trouvée prorogée.

Sur l'exercice du droit de rétractation et la responsabilité de Inora Life France

La loi du 15 décembre 2005 a transposé en France la directive 2002/83/CE du 5

novembre 2002. L'article L. 132-5-2 du code des assurance créé par cette loi regroupe les dispositions afférentes au formalisme informatif et à l'exercice d'un droit de renonciation prorogé en cas de méconnaissance par l'assureur des obligations informatives qui étaient anciennement intégrées à l'article L. 132-5-1. Ce texte dispose notamment que 'le défaut de remise des documents et informations prévus au présent article entraîne de plein droit la prorogation du délai de renonciation prévu à l'article L. 132-5-1 jusqu'au trentième jour calendaire révolu suivant la date de la remise effective de ces documents, dans la limite de huit ans à compter de la date où le souscripteur est informé que le contrat est conclu.'

La société Inora Life soutient que M. Y... a exercé son droit de renonciation avec mauvaise foi et de façon abusive.

Aux termes des arrêts de la Cour de cassation du 19 mai 2016, il est désormais de principe que si la faculté prorogée de renonciation prévue par l'article L 132-5-2 du code des assurances en l'absence de respect, par l'assureur, du formalisme informatif qu'il édicte, revêt un caractère discrétionnaire pour le preneur d'assurance, son exercice peut dégénérer en abus. La Cour a précisé que 'ne saurait être maintenue la jurisprudence initiée par les arrêts du 7 mars 2006, qui, n'opérant pas de distinction fondée sur la bonne ou la mauvaise foi du preneur d'assurance, ne permet pas de sanctionner un exercice de cette renonciation étranger à sa finalité et incompatible avec le principe de loyauté qui s'impose aux contractants'.

L'introduction d'un contrôle de l'absence d'abus de droit dans l'exercice du droit de renonciation n'est contraire ni au droit des assurances, ni au droit communautaire. Si l'intimé considère que ce contrôle va priver le dispositif prévoyant la prorogation du délai de renonciation de toute efficacité en lui retirant son automaticité, il ne démontre aucunement en quoi ledit contrôle constituerait une violation des textes du code des assurances. S'agissant du droit communautaire, la réglementation ne comporte aucune disposition spécifique prévoyant une sanction en cas de violation de l'obligation d'information et renvoie sur ce point aux réglementations nationales (article 36 de la directive 2002/83 CE et de son annexe III), de sorte qu'il incombe aux Etats membres de prendre toutes mesures propres à garantir la portée et l'effectivité du droit communautaire dans les conditions de fond et de procédure conférant à la sanction un caractère effectif, proportionné et dissuasif, la finalité de cette directive étant de veiller à garantir au preneur d'assurance le plus large accès aux produits d'assurance en lui assurant, pour profiter d'une concurrence accrue dans le cadre d'un marché unique de l'assurance, les informations nécessaires pour choisir le contrat convenant le mieux à ses besoins. Dans ces conditions, l'introduction de l'appréciation, par le juge, de la loyauté des assurés et de l'absence d'abus dans le cadre de l'exercice du droit de renonciation ne contrevient pas au droit communautaire.

Ainsi, le droit de renonciation demeure une faculté discrétionnaire, dont l'exercice n'est subordonné à aucun motif, mais n'est plus une prérogative dont l'exercice est insusceptible d'abus. Doit être sanctionné un exercice de la renonciation étranger à sa finalité et incompatible avec le principe de loyauté qui s'impose aux contractants.

L'abus de droit est le fait pour une personne de commettre une faute par le dépassement des limites d'exercice d'un droit qui lui est conféré, soit en le détournant de sa finalité, soit dans le but de nuire à autrui.

Contrairement à ce que prétend l'intimé, il n'est donc nul besoin de faire la démonstration de l'intention de nuire de l'assuré, pas plus qu'il n'est nécessaire d'examiner si une intention maligne existait dès la souscription du contrat, l'abus dans l'exercice d'un droit s'appréciant lorsqu'il en est fait usage, en fonction de divers éléments dont certains peuvent être contemporains de la conclusion du contrat.

C'est à la date de souscription du contrat que s'apprécie le contenu de l'information due par l'assureur.

La charge de la preuve de la déloyauté du souscripteur et de l'abus de droit dans l'exercice du droit de renonciation pèse sur l'assureur.

La cour doit rechercher, au regard de la situation concrète du souscripteur, de sa qualité d'assuré averti ou profane et des informations dont il disposait réellement, quelle était la finalité de l'exercice de son droit de renonciation et s'il n'en résultait pas l'existence d'un abus de droit.

En l'espèce, il résulte du bilan de situation patrimoniale de M. Y... (qu'il a signé le 17 décembre 2007) qu'il avait réparti ses actifs sur différents investissements : en immobilier pour 30 %, en assurance vie supports en unités de compte pour 50 %, en produits de taux pour 20 %. Il a indiqué que l'objectif de placement recherché était 'une performance élevée à long terme en contrepartie du risque de contre-performance' (les deux autres choix étant : 'la sécurité à tout moment' et 'une performance proche du marché obligataire en acceptant un risque de moins-value à court terme'), ce qui signifie clairement qu'il acceptait le risque d'une perte.

Par ailleurs, il a coché la réponse 'oui' aux questions suivantes :

êtes vous prêt(e) à immobiliser, sur une durée de 10 ans et plus, la part d'actifs financiers que vous souhaitez investir dans le support '

avez-vous déjà effectué des placements à risque et, plus particulièrement, êtes-vous familier des placements sur les marchés action '

avez-vous bien compris le mode de fonctionnement du support et la nature des risques de moins-values qu'il peut engendrer '

en cas de fortes fluctuations des marchés financiers ou en cas de baisse de la valeur du support, pensez-vous rester investi(e) jusqu'au terme du support '

Enfin, il a coché la réponse 'non' à cette dernière question : 'souhaitez-vous obtenir des informations complémentaires sur le support ''.

Par ailleurs, M. Y... a porté cette mention manuscrite sur le bon d'adhésion : 'je reconnais en particulier avoir reçu les conditions générales, la notice d'information, ses annexes 1 à 5, les fiches descriptives de tous les actifs représentant les unités de compte du contrat et comprendre les caractéristiques financières de ceux-ci et déclare accepter les opportunités et les risques associés'.

Il ne peut sérieusement soutenir qu'il n'a jamais coché les cases figurant sur le bilan patrimonial, qui ont selon ses dires été renseignées par le conseiller commercial de la société Arca Patrimoine, car même si les cases ont été cochées par le conseiller commercial, qui lui posait oralement les questions, il a forcément validé ses réponses en signant le document, étant observé que la répartition de son patrimoine n'a pas pu être 'inventée' par Arca.

En souscrivant au contrat en cause, M. Y... s'estimait donc suffisamment informé et avait parfaitement conscience des risques et avantages de son investissement.

M. Y... a choisi d'investir sur le titre Fastuo Dynamic qui est de type EMTN.

Or, dans l'annexe 2 qui constitue la fiche technique de ce titre, il est indiqué notamment que sa maturité est de 10 ans, qu'il est constitué d'un panier de 20 actions internationales, que sa valeur évolue en fonction de formules mathématiques et qu'il bénéficie d'une garantie à échéance de 45 % du nominal.

Il résulte de cette fiche qu'il s'agit à l'évidence d'un produit complexe ainsi que le révèle la formule mathématique expliquant son fonctionnement, et risqué puisqu'il peut se solder par une perte de 55 % du capital investi.

M. Y... ne peut donc pas non plus prétendre ne pas avoir eu connaissance des caractéristiques essentielles du support, la fiche relative à celui-ci précisant par ailleurs : 'les investisseurs devront procéder à leur propre analyse des risques et devront si nécessaire, consulter préalablement leurs propres conseils juridiques, financiers, fiscaux, comptables ou tout autre professionnel'.

L'information selon laquelle 'les montants investis sur les supports des unités de compte ne sont pas garantis et sont sujets à des fluctuations à la hausse ou à la baisse dépendant en particulier de l'évolution des marchés' figurait en gras dans la partie de la police intitulée 'dispositions essentielles', laquelle ne se trouvait pas, comme il a été dit ci-dessus, en tête du contrat d'assurance ; cependant, dans les certificats d'adhésion adressés par Inora à M. Y... le 25 février 2008 il était mentionné en caractères gras : 'Inora Life ne s'engage que sur le nombre d'unités de compte mais non sur leur contre-valeur en euros. La valeur de rachat des FCP ou des coupures de titres représentant les unités de compte n'est pas garantie et est sujette à des fluctuations à la hausse comme à la baisse dépendant en particulier de l'évolution des marchés financiers'.

M. Y... a apposé sur ces documents sa signature et la mention 'lu et approuvé'.

L'information essentielle, à savoir qu'il existait un risque de perte, a donc bien été, in fine, délivrée, et ce dans le délai d'exercice de la faculté de renonciation.

Par ailleurs, les multiples griefs que développe M. Y... à l'encontre du contenu des documents contractuels se fondent sur le non respect du strict formalisme requis par les textes sans que ses critiques soient accompagnées d'explications sur la mauvaise compréhension ou l'erreur que les manquements allégués auraient en l'espèce provoquées sur les caractéristiques du contrat. Ainsi en va t'il du non respect de l'ordre des informations contenues dans la note, de leur emplacement dans les documents, de la non conformité des mentions relatives aux garanties offertes, à la participation aux bénéfices (alors que le contrat n'en prévoit pas), au délai de versement des sommes en cas de rachat (le fait qu'Inora Life ait précisé qu'il était de 30 jours 'après la date de rachat' ne compromettant en rien l'information), aux frais (alors que ceux-ci sont mentionnés dans l'encadré même s'ils ne portent pas exactement les mêmes noms que ceux cités dans le code des assurances, ce qui n'en compromet pas la compréhension), du fait que la notice d'information contienne quelques mots différents de ceux prévus dans le code des assurances ou d'une mention supplémentaire (l'encadré comporte cette indication : 'les termes débutant par une majuscule sont définis dans la présente notice d'information', ce qui ne saurait nuire en quoi que ce soit à l'information donnée) et de ce qu'il n'aurait pas été informé selon les règles applicables des conditions d'exercice de la faculté de renonciation au motif que la lettre de renonciation devait se trouver dans la notice ou le bulletin d'adhésion, alors que les conditions générales du contrat en font état, qu'est annexé un modèle de lettre de renonciation et que le bulletin d'adhésion rappelait cette faculté, en sorte que M. Y..., comme le prouve d'ailleurs la présente instance, a été correctement informé des conditions de renonciation.

La finalité des dispositions législatives en cause est d'imposer à l'assureur de fournir une information claire aux souscripteurs, de façon à ce qu'ils comprennent l'économie générale du contrat d'assurance-vie et mesurent correctement ses avantages et ses risques.

Dans ces conditions, il est manifeste que M. Y... n'a pas souffert d'un défaut d'information dans la période précontractuelle et qu'en réalité, ayant pris en toute connaissance de cause le risque d'une opération financière dans l'espoir d'un gain conséquent, il s'est emparé de manquements de l'assureur au formalisme imposé par la loi dans l'unique dessein de lui faire prendre en charge ses pertes financières.

Or, ce comportement est constitutif d'un abus, car le droit de renonciation prévu par les textes (qui est un droit de repentir) a pour finalité de protéger le contractant contre lui-même (et donc contre des souscriptions d'impulsion ou faites dans un contexte de sous-information) et non pas contre l'évolution des résultats financiers de son contrat. La finalité recherchée par le titulaire du droit à savoir échapper aux fluctuations des marchés financiers, risque qu'il a pourtant expressément accepté, et ce au détriment de son co-contractant, n'est pas celle voulue par le législateur. Le motif n'est pas légitime, il est incompatible avec le principe de loyauté qui s'impose aux contractants et la mauvaise foi de M. Y... est caractérisée.

En conséquence, le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions et M. Y... débouté de toutes ses demandes.

Succombant, il supportera les dépens de première instance et d'appel.

Pour des considérations d'équité, il n'y a pas lieu d'allouer à la société Inora Life une indemnisation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Déboute M. Y... de toutes ses demandes,

Condamne M. Y... aux dépens de première instance et d'appel lesquels pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,

Déboute la société Inora Life France de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 14/07822
Date de la décision : 06/09/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 03, arrêt n°14/07822 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-06;14.07822 ?
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