COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
17e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 05 SEPTEMBRE 2018
N° RG 15/02847
AFFAIRE :
X... Y...
C/
SA EYE-TECH
Décision déférée à la cour: jugement rendu le 15 avril 2015 par le conseil de prud'hommes - formation paritaire - de Nanterre
Section : encadrement
N° RG : 10/00130
Copies exécutoires et copies certifiées conformes délivrées à :
Me Z... alex A...
SELARL JURALEX AVOCATS
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:
Monsieur X... Y...
[...]
représenté par Me Z... Alex A..., avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C 986
APPELANT
****************
SA EYE-TECH
[...]
représentée par Me Florence K... de la SELARL JURALEX AVOCATS, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : D1837
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 18 mai 2018, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Clotilde MAUGENDRE, Président,
Madame Monique CHAULET, Conseiller,
Madame Elisabeth ALLANNIC, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Marine GANDREAU
Par jugement du 15 avril 2015, le conseil de prud'hommes de Nanterre a :
- dit que les griefs formulés par la société Eye Tech à l'encontre de M. Y... étaient établis et qu'ils fondaient son licenciement pour faute grave,
- débouté M. Y... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamné M. Y... aux entiers dépens.
Par déclaration adressée au greffe le 24 juin 2015, M. Y... a interjeté appel de ce jugement et, par conclusions déposées à l'audience par son conseil, demande à la cour de :
- le déclarer recevable et bien fondé en son appel,
- constater l'absence de cause réelle et sérieuse et le caractère abusif de son licenciement par la SA Eye-Tech,
y faisant droit,
- annuler la décision déférée et déclarer la SA Eye-Tech mal fondée en ses demandes, fins, conclusions et l'en débouter,
- condamner la SA Eye-Tech à lui payer les sommes suivantes :
. 49 359 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
. 4 935,90 euros à titre de congés payés sur préavis,
. 357 750 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier causé par la rupture abusive de son contrat de travail,
. 100 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice inhérent au caractère excessivement vexatoire de son licenciement.
Par conclusions déposées à l'audience par son conseil, la SA Eye-Tech demande à la cour de:
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
statuant à nouveau,
- condamner M. Y... à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700du code de procédure civile, outre les dépens.
SUR CE LA COUR,
La SA Eye-Tech Software International (ETSI) est titulaire d'un contrat d'édition signé avec M. B... et M. C..., co-auteurs d'un logiciel dénommé RCX ainsi que de son évolution TOP/X.
La société ETSI a conclu un contrat de distribution du logiciel TOP/X avec sa société s'ur (mêmes actionnaires et dirigeants), la SA Eye-Tech, qui a pour activité principale la conception, diffusion et commercialisation de matériels, logiciels et systèmes informatiques.
Par contrat à durée indéterminée à effet au 1er janvier 1999, M. X... dit Larry Y... a été engagé par la SA Eye-Tech, qui emploie moins de 11 salariés, en qualité de directeur commercial avec pour mission d'assurer la promotion et la commercialisation des logiciels RCX, TOP/X et ceux de la gamme AES, et à ce titre chargé de participer à la définition et à l'élaboration des politiques commerciales concernant ces logiciels ainsi que de former, d'encadrer et d'animer les forces de ventes de la société.
Par lettre remise en main propre le 27 octobre 2009, M. Y... a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixé le 10 novembre 2009.
M. Y... a été licencié pour faute grave, par lettre recommandée avec avis de réception du 20 novembre 2009 ainsi libellée :
« (...) Nous rappelons que vous avez été embauché le 4 janvier 1999, et exercez au sein de la SAEye-Tech SA les fonctions de Directeur Commercial.
A ce titre, vous bénéficiez d'un contact direct avec l'ensemble de la clientèle de l'entreprise, participez ainsi activement à son développement tout en recherchant de nouveaux prospects pour développer notre base de clientèle installée.
Nous rappelons que notre société assure, dans le cadre d'un contrat de distribution conclu avec notre société s'ur ETSI, la commercialisation du logiciel dénommé TOP/X.
Or, vous n'ignorez pas que, depuis plusieurs mois, la société ETSI rencontre de grandes difficultés avec Messieurs Alain B... et Henri C..., co-auteurs du logiciel, qui lui en ont confié la commercialisation à titre exclusif pour le monde entier.
Ces difficultés mettent en péril la survie tant de la société ETSI que de la SA Eye-Tech SA, votre employeur, qui est elle aussi actuellement en contentieux avec Messieurs B... et C....
Suite au départ de votre collègue Monsieur Olivier D..., alors seul technicien de la SA Eye-Tech SA, nous avons fait expertisé le matériel professionnel qu'il nous a restitué, et plus précisément son ordinateur et son disque dur externe.
Cette expertise s'est déroulée en plusieurs étapes et a donné lieu à deux rapports, dont le dernier en date du 2 septembre 2009.
A la suite de la remise de ce dernier rapport, nous avons pu constater à notre très grande surprise que Monsieur D... avait régulièrement informé et transféré à Monsieur C..., au mépris de l'obligation générale de loyauté, des informations sur l'activité de la SA Eye-Tech SA, et ce au mépris des dispositions de l'article L.1222-1 du Code du Travail.
Nous avons également découvert à cette occasion que vous aviez également correspondu avec Monsieur D... pour lui transmettre des informations qui ne regardent à l'évidence pas un simple technicien, tout comme vous aviez également entretenu une correspondance directe avec Monsieur C..., un des auteurs du logiciel TOP/X avec lequel la société ETSI est en procédure actuellement.
Forts de ce constat, nous avons déposé une requête entre les mains de Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance de Nanterre le 21 octobre 2009 qui a rendu une ordonnance du même jour nous autorisant à faire expertiser par le CELOG votre propre ordinateur afin d'y retrouver des échanges de correspondances sur les années 2008 et 2009 avec Messieurs Olivier D... et Henri C....
Nous avons ainsi pu constater sans être exhaustif que:
-Vous aviez été directement interrogé par Monsieur C... le 15 janvier 2008, lequel vous demandait des informations financières et juridiques sur la SA Eye-Tech SA pour pouvoir en faire une évaluation dans le cadre d'une cession avec un tiers dont les actionnaires de la SA Eye-Tech SA n'étaient absolument pas informés. Vous avez transféré ce courriel à Monsieur D... dont le disque externe a été ensuite connecté à celui de la comptabilité pendant nos congés ainsi que cela ressort du rapport remis par le CELOG. Monsieur D... vous a d'ailleurs informé par courriel du même jour qu'il sauvegardait la demande de Monsieur C... sur son disque externe.
Dans la continuité de ceci, vous avez également directement sollicité de Monsieur D... le 30 janvier 2008, les coordonnées d'un Commissaire aux Apports reconnu et spécialisé dans l'intermédiation et les cessions / acquisition d'entreprise.
-Vous avez également été rendu destinataire d'un courrier électronique de Monsieur C... le 11 avril 2008 aux termes duquel il vous tenait informé de l'avancement de la situation avec les sociétés ETSI et EYE TECH SA, alors même que vous n'aviez absolument pas à être partie prenante dans le contentieux liant potentiellement votre employeur avec les auteurs du logiciels TOP/X, sauf à ce que vous soyez directement intéressé par son issue.
-Vous avez été tenu informé de l'organisation d'un rendez-vous avec la société SYSPERTEC, qui est une entreprise concurrente, à l'initiative de Monsieur D... qui l'a rejoint comme salarié après nous avoir quitté, et ce afin de préparer l'avenir (échange de courriers électroniques intervenus entre les 1er et 4 mars 2008).
Votre présence à ce rendez-vous est avérée et s'inscrivait à l'évidence dans votre stratégie globale de récupération du fonds de commerce de notre société.
Il est manifeste que c'est à la suite de cette réunion que vous avez finalisé votre projet qui s'est traduit par :
'la résiliation par les auteurs du logiciel TOP/X du contrat qui les liait à la société ETSI, qui sera suivie d'une procédure judiciaire au terme de laquelle cette résiliation a été suspendue, de même que l'exclusivité dont bénéficiait la société ETSI ;
'la démission de Monsieur D... le 4 octobre 2008, cet ancien salarié ayant ensuite rejoint SYSPERTEC en refusant d'exécuter son préavis ;
'l'approche de SYSPERTEC à la même époque, à la demande de Monsieur C..., destinée à négocier le rachat de notre société, personnel inclus, et donc vous-même qui aviez la maîtrise de la clientèle et ses prospects en cours.
C'est d'ailleurs pendant ces événements que vous négociez sans nous en tenir informés un contrat avec la société SILCA, filiale du Groupe Crédit Agricole, qui deviendra le plus gros contrat de la société.
-Enfin pour ne citer que quelques éléments, vous avez été rendu destinataire d'un courrier électronique de Monsieur D... sur son remplacement par un prestataire externe qui l'a curieusement interrogé dans le cadre du contentieux global en cours dans lequel il ne voulait pas s' « immiscer dans vos affaires » et précisait surtout « je joue la transparence avec toi et Larry », preuve supplémentaire s'il en est que vous agissez bien de concert avec Messieurs D... et C... à l'encontre des intérêts de votre employeur.
L'ensemble de ces éléments nous conduit à considérer que vous avez gravement manqué à l'obligation générale de loyauté inhérente à toute relation de travail qui doit être exécutée de bonne foi au mépris de l'article L.1222-1 du Code du Travail.
Vous avez manifestement transmis des informations confidentielles aux auteurs du logiciel TOP/X et 'uvré de concert avec eux et Monsieur D... pour déstabiliser et désorganiser la SA Eye-Tech SA.
Au terme de cet entretien préalable, vous avez sollicité par l'entremise du Conseiller qui vous assistait la possibilité de nous rencontrer à nouveau pour pouvoir nous apporter de plus amples explications sur les griefs formulés.
Nous vous avons répondu positivement mais demeurons toujours à ce jour en attente d'éléments supplémentaires pouvant justifier votre comportement.
Nous considérons dès lors que vous n'avez en réalité aucun élément à apporter, et que les griefs formulés sont bien avérés.
Nous vous notifions en conséquence par la présente votre licenciement pour faute grave. (...)»
Le 6 janvier 2010, M. Y... a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de contester son licenciement et d'obtenir diverses sommes.
Sur la rupture :
Le licenciement notifié le 10 novembre 2009 à M. Y... s'inscrit dans le contexte ci-après exposé et non discuté.
La SA ETSI constituée en 1998 est titulaire depuis le 25 janvier 1999 d'un contrat d'édition et de distribution signé avec messieurs B... et C..., co-auteurs d'un logiciel dénommé RCX, ainsi que de son évolution TOP/X.
A partir de l'année 2007, MM. B... et C... et la SA ETSI ont engagé des démarches pour céder les droits patrimoniaux attachés à la propriété intellectuelle sur le logiciel ainsi que l'ensemble des actions de la société.
Le 28 avril 2008, M. C... a, en alléguant une inexécution du contrat d'édition, adressé une mise en demeure à la SA ETSI tendant à la communication de divers documents, sous peine de voir résilier le contrat.
Par ordonnance de référé du 2 juin 2008, le tribunal de grande instance de Paris a débouté la SA ETSI de sa demande aux fins de suspension des effets de la résiliation du contrat.
Par acte du 15 septembre 2008, messieurs B... et C... ont assigné la SA ETSI aux fins d'obtenir réparation de leur préjudice au motif que la société aurait poursuivi l'exploitation du logiciel malgré la résiliation du contrat.
Par arrêt du 16 septembre 2008, la cour d'appel de Paris a infirmé l'ordonnance de référé du 2 juin 2008 et suspendu les effets de la résiliation du contrat, en considérant que «il ne peut être sérieusement contesté que la résiliation dont entendent se prévaloir les intimés (messieurs B... et C...), aurait pour conséquence d'entraîner de manière inéluctable la disparition de la SA ETSI, alors qu'il se déduit à l'évidence de la chronologie des faits que ceux-ci entendent l'évincer de la cession convenue entre les parties (cf le mandat exclusif du 9 juillet 2007 renouvelé le 9 juillet 2008) des droits patrimoniaux attachés à la propriété intellectuelle sur le logiciel litigieux ainsi que de l'activité développé par la société appelante».
Par acte du 3 octobre 2008, la SA ETSI a assigné au fond messieurs B... et C... aux fins de dire que la clause résolutoire du contrat du 25 janvier 1999 n'a pas été valablement mise en 'uvre et que les deux auteurs du logiciel ont manqué à leur obligation d'exécuter de bonne foi ledit contrat.
Le 4 octobre 2008, M. D... a démissionné de son poste de technicien au sein de la SA Eye-Tech qui a saisi le Centre d'Expertises des Logiciels (CELOG) aux fins de réaliser une expertise du disque dur de l'ordinateur de Mme E..., comptable, et de l'ordinateur portable ainsi que du disque dur externe utilisés par M. D....
Les 2 rapports d'expertises d'août et septembre 2009 ont mis en évidence de nombreux échanges de mails courant 2008 entre M. D..., technicien, et M. C..., co-auteur du logiciel, et quelques échanges avec M. Y..., directeur commercial, soit au cours de l'année marquant le début du contentieux entre la SA ETSI, société mère, et MM. B... et C....
Par ordonnance du 21 octobre 2009, sur requête de la SA Eye-Tech, le président du tribunal de grande instance de Paris a autorisé le CELOG à expertiser l'ensemble des ordinateurs et matériels de stockage (clef usb, disques durs externes) se trouvant au siège de la société et mis à disposition de M. Y... afin d'explorer ses messageries électroniques et rechercher les échanges de correspondances sur les années 2008 et 2009 avec MM. D... et C....
Une copie des messages électroniques a été effectuée le 27 octobre 2009 par un informaticien du CELOG en présence d'un huissier de justice.
Le même jour, la SA Eye-Tech a notifié à M. Y... une mise à pied à titre conservatoire et l'a convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement.
Par ordonnance du 28 janvier 2011, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris a constaté le désistement d'instance et d'action de MM. B... et C... à l'égard de la SA ETSI, les parties étant parvenues à un accord.
Enfin, le 26 novembre 2009, la SA ETSI a déposé plainte contre personne non dénommée auprès du procureur de la République de Nanterre pour accès frauduleux dans un système de traitement automatisé de données et association de malfaiteurs, qui a donné lieu à l'ouverture d'une enquête préliminaire confiée à la Brigade d'Enquête sur les Fraudes aux Technologies de l'Information (BEFTI) et qui a fait l'objet d'un classement sans suite le 7 septembre 2011.
La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise; la charge de la preuve incombe à l'employeur qui l'invoque.
La lettre de licenciement fixe les limites du litige.
M. Y... conteste tout manquement à son obligation de loyauté en soutenant que l'employeur n'en rapporte pas la preuve.
La SA Eye-Tech fait valoir que la phase contentieuse de la résiliation du contrat d'édition du logiciel litigieux fait suite à une collusion frauduleuse entre MM. Y... et D..., et les auteurs dudit logiciel visant au rachat du fonds de commerce de l'entreprise, ladite collusion étant établie par les documents saisis dans le cadre des expertises qui démontrent que M.Y... a aidé M. D... à la transmission d'informations confidentielles sur l'activité de l'entreprise tel que cela ressort des mails des 15 et 30 janvier, du 1er au 4 mars, du 11 avril et du 6 juin 2008, de ses négociations avec la société Silca, de son refus de former les remplaçants de M. D..., et des mails qu'il a envoyés après la démission de ce dernier.
Sur la réception de mails les 15 et 30 janvier 2008 :
Le 15 janvier 2008 à 10h18, M. C... a transféré à M. Y... un mail de M. F..., pressenti en juillet 2007 à l'acquisition des sociétés ETSI et Eye Tech et du logiciel, joignant «une liste de vérifications» qu'il utilise habituellement lors des acquisitions, indiquant qu'il a besoin de connaître les rapports financiers et les éléments généraux du patrimoine ainsi que les éléments légaux et terminant en disant «ceci m'aidera à évaluer la valeur d'une potentielle acquisition. Nous pourrons ensuite passer aux étapes suivantes plus détaillées».
Le même jour à 22h41, M. Y... a transféré à son tour ce mail «pour info» à l'adresse «[...]» qui à 22h44 lui a répondu «merci, je le sauvegarde sur mon disque externe».
Tant l'expertise informatique réalisée par le CELOG en août et septembre 2009 que les constatations diligentées le 27 août 2010 par la BEFTI ont établi que dans la nuit du 15 au 16janvier puis dans celle du 18 au 19 février 2008, le disque externe de M. D... s'est connecté au disque dur de l'ordinateur de la comptabilité globale des sociétés ETSI et Eye Tech et a récupéré des fichiers.
M. Y... se borne à contester toute concertation frauduleuse avec notamment M. D... sans s'expliquer sur les raisons pour lesquelles il lui a transféré à 22h41 un mail d'un potentiel acquéreur de l'entreprise cherchant à obtenir des informations comptables et juridiques sur la société.
Par mail du 30 janvier 2008 à 21h57, M. Y... a demandé à M. D... les coordonnées d'un dénommé Stéphane Y..., commissaire aux apports, M. D... lui répondant à 23h33 «désolée, j'ai effacé les traces '».
Là encore, aucun élément d'explication quant à l'existence de mail n'est fourni par M. Y....
Sur la mise en copie d'un échange de mails entre le 1er et le 4 mars 2008 :
Les échanges de mails du 1er au 4 mars 2008 entre M. D... et M. G..., travaillant pour la société Syspertec, révèlent que, d'une part, alors qu'il est toujours salarié de la SAEye-Tech, M. D... est en pourparlers pour être embauché par la société Syspertec, qu'il préfère que les correspondances lui soient adressées sur sa messagerie personnelle, qu'il a déjà eu 2 entretiens dont il en est ressorti «plusieurs hypothèses concernant la possibilité de travailler ensemble dans le futur», d'autre part, M. G... lui propose une entrevue le 5mars en lui disant à plusieurs reprises que M. Y... est le bienvenu s'il veut se joindre à eux.
M. D... a transféré cet échange de mails à M. Y... le 3 mars 2008 à 20h15 et a répondu le lendemain à M. G... avoir fait le nécessaire «pour que nous soyons ensemble».
Il est établi qu'après avoir démissionné le 4 octobre 2008 de son poste de technicien au sein de la SA Eye-Tech, M. D... a, quelques jours plus tard, été embauché par la société Syspertec laquelle avait été contactée quelques semaines plus tôt par les co-auteurs du logiciel litigieux dans le cadre de leur recherche de nouveaux distributeurs.
M. Y... se borne à souligner qu'il n'y a pas trace de son éventuelle réponse à cet échange de mails transféré par M. D....
Sur la réception d'un mail le 11 avril 2008 :
Dans le cadre des démarches engagées à partir de l'année 2007 par MM. B... et C... et la SA ETSI pour céder les droits patrimoniaux attachés à la propriété intellectuelle sur le logiciel ainsi que l'ensemble des actions de la société, M. H..., PDG des sociétés ETSI et Eye Tech, évoque dans un mail du 10 avril 2008 adressé à M. C... et M. B... la situation de l'entreprise en France et en Allemagne ainsi que les décisions stratégiques mises en place en matière de recrutement et les opérations d'acquisition en cours.
Le 11 avril à 08h41, M. C... a transféré ce mail à MM. D... et Y... avec pour objet «un mail de JPD qui fait le point sur la situation» et qui ne comporte pas de commentaires.
M. Y... ne s'explique pas sur les raisons pour lesquelles ce mail lui a ainsi été transféré par un des co-auteurs du logiciel et se limite une fois de plus à souligner qu'il n'y a pas trace de son éventuelle réponse.
Sur la réception d'un mail de M. D... les 6 juin et 27 octobre 2008 :
Le 6 juin 2008, M. D... a transféré pour information à M. Y... avec copie à M.C..., un mail de M. I..., nouveau directeur des opérations au sein de la SA Eye-Tech, sollicitant des informations en vue d'un rendez-vous chez un client.
M. Y... ne fournit aucune explication sur les raisons pour lesquelles M. D... l'a informé de ce mail à l'instar de l'un des co-auteurs du logiciel.
Le 27 octobre 2008, M. D... a transféré sans commentaire à M. Y... un mail de M.J..., consultant l'ayant remplacé au poste de technicien, qui lui demande des informations sur un client avec lequel il a conclu avant de démissionner en disant «je ne veux pas m'immiscer dans vos affaires (') je joue la transparence avec toi et Larry».
Contrairement à ce qu'allègue l'employeur, les termes de ce mail ne révèlent pas l'existence d'une concertation frauduleuse avec messieurs D... et C... dans la mesure où à la date de son transfert à M. Y..., celui-ci occupe toujours le poste de directeur commercial.
Sur la négociation d'un contrat avec la société Silca sans en informer l'employeur :
Dans la lettre de licenciement, la SA Eye-Tech fait grief à M. Y... d'avoir négocié sans l'en informer un contrat avec la société Silca «qui deviendra le plus gros contrat de la société».
L'employeur ne produit aucune pièce de nature à l'établir.
Sur le refus de former les remplaçants de M. D... et sur les mails envoyés à M. D... après sa démission le 4 octobre 2008 :
Faute d'être visé à la lettre de licenciement, ces griefs n'ont pas lieu d'être examinés.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments queM. Y... a été interrogé les 15 et 30 janvier 2008 par M. C..., créateur du logiciel, sur des informations financières et juridiques de la SAEye-Tech, qu'il a immédiatement transféré le mail sur la messagerie personnelle de M.D... qui au cours de la nuit a connecté son disque externe au disque dur de l'ordinateur de la comptabilité globale des sociétés ETSI et Eye Tech et a récupéré des fichiers, qu'en mars 2008 M. Y... a été a minima informé de pourparlers entre la société Syspertec et M. D... avant que ce dernier ne démissionne le 4 octobre 2008 de son poste de technicien au sein de la SA Eye-Tech et ne soit embauché quelques jours plus tard par la société Syspertec laquelle avait été contactée quelques semaines auparavant par MM.B... et C..., co-auteurs du logiciel litigieux, dans le cadre de leur recherche de nouveaux distributeurs, que le 11 avril 2008 M. Y... a été rendu destinataire par M.C... d'un mail de M. H..., PDG des sociétés ETSI et Eye Tech, portant sur la situation de l'entreprise en France et en Allemagne ainsi que sur les décisions stratégiques mises en place en matière de recrutement et les opérations d'acquisition en cours, que le 6 juin 2008, M.D... lui a transféré pour information avec copie à M. C..., un mail de M.I..., nouveau directeur des opérations au sein de la SA Eye-Tech, sollicitant des informations en vue d'un rendez-vous chez un client, et que M. Y... n'a fourni aucune explication sur les raisons pour lesquelles M. C... a tenu à l'informer de ces éléments en lui transférant ces mails litigieux.
Si la chronologie de ces évènements laisse présumer la participation de M. Y... à une concertation frauduleuse avec M. D... visant à transmettre des informations confidentielles à MM. B... et C..., auteurs du logiciel, ayant pour objet de déstabiliser l'entreprise, en toute hypothèse elle démontre que M. Y... a manqué à son obligation de loyauté en n'informant pas la SA Eye-Tech du contenu des mails réceptionnés lesquels visait à affaiblir l'entreprise.
Dans ces conditions, le manquement de M. Y... est suffisamment grave pour rendre impossible son maintien dans l'entreprise; le licenciement pour faute grave est donc justifié.
Dès lors, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il dit bien-fondé le licenciement pour faute grave de M. Y..., l'a débouté de ses demandes en paiement d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
Condamne M. Y... à payer à la SA Eye-Tech la somme de 1500 euros sur la fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour l'intégralité de la procédure,
Condamne M. Y... aux dépens.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l'avis donné aux parties à l'issue des débats en application de l'article 450, alinéa 2, du code de procédure civile, et signé par Madame Clotilde Maugendre, président et Madame Marine Gandreau, greffier.
Le greffier,Le président,