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26/07/2018 | FRANCE | N°16/05658

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 26 juillet 2018, 16/05658


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre







ARRÊT N° 00429



CONTRADICTOIRE



DU 26 JUILLET 2018



N° RG 16/05658



N° Portalis DBV3-V-B7A-RFIE







AFFAIRE :



Véronique X...



C/



SAS REED ORGANISATION









Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 04 Novembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : Encadrement

N° RG : 11/02147







Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 27 Juillet 2018 à :

- Me F...-E... Y...

- Me Joël Z...

- Pôle-Emploi

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





LE VINGT SIX JUILLET DEUX MILLE ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRÊT N° 00429

CONTRADICTOIRE

DU 26 JUILLET 2018

N° RG 16/05658

N° Portalis DBV3-V-B7A-RFIE

AFFAIRE :

Véronique X...

C/

SAS REED ORGANISATION

Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 04 Novembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : Encadrement

N° RG : 11/02147

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 27 Juillet 2018 à :

- Me F...-E... Y...

- Me Joël Z...

- Pôle-Emploi

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SIX JUILLET DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 15 mai 2018, puis prorogé au 26 juillet 2018, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre:

Madame Véronique X...

née le [...] à NEUILLY SUR SEINE (92200)

de nationalité Française

[...]

Représentée par Me F...-E... Y... G... F...-E... Y... - PRD, constitué/plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1355

APPELANTE

****************

La SAS REED ORGANISATION

N° SIRET : 383 08 9 5 70

[...]

Représentée par Me Joël Z..., constitué/plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1206

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 Février 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-François H..., Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jean-François H..., Président,

Madame Sylvie BORREL, Conseiller,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Nicolas CAMBOLAS,

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme X... a été embauchée selon contrat à durée déterminée du 22 novembre 1999 par la société Reed Organisation en qualité d'attachée commerciale, pour une période expirant le 31 mars suivant. Le 1er avril 1999, un contrat à durée indéterminée a pris la suite pour le même emploi. Mme X... est devenue responsable commerciale le 1er juillet 2002.

La société Reed Organisation est une filiale de la société Reed Exhibitions qui appartient au groupe I.... Cette société a pour activité l'organisation de salons professionnels et grand publics.

Mme X... avait initialement pour mission de s'occuper du salon du livre.

Elle a exercé un mandat de délégué du personnel de 2005 à 2009.

En 2009, elle a été affectée au salon Equip'Hotel. Elle s'occupait principalement du secteur Equipementier de cuisine, à quoi s'est ajouté, à compter de décembre 2009, le secteur boissons. Sa responsable hiérarchique était alors Mme A....

Par email du 3 novembre 2010, Mme X... a alerté sa hiérarchie sur ses conditions de travail et le harcèlement dont elle assurait être victime.

Le même jour, Mme X... a été mise en arrêt de travail pour dépression nerveuse par son médecin traitant.

Le 27 juillet 2011, Mme X... a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur.

Mme X... a ensuite sollicité une visite de pré-reprise au médecin du travail en septembre 2013 qui est intervenue le 12 septembre 2013. Par la suite, au termes de quatre visites médicales de reprise les 18 septembre, 9 octobre, 4 novembre et 13 novembre 2013, Mme X... a finalement été déclarée inapte au poste de responsable commercial.

Par courrier du 13 décembre 2013, la société Reed Organisation a convoqué Mme X... à un entretien préalable pour le 23 décembre 2013 en vue de son licenciement.

Celui-ci lui a été notifié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par courrier du 31 décembre 2013.

Dans le dernier état de ses prétentions devant le conseil, la salariée demandait outre la résiliation, la condamnation de la société Reed Organisation à lui payer les sommes suivantes :

- 14 340 euros d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 434 euros d'indemnité de congés payés afférents,

- 57 360 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 57 360 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices distincts,

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme X... demandait en outre l'affichage du jugement sur les panneaux réservés aux communications de la direction pendant une durée de 15 jours suivant la notification du jugement.

La société Reed Organisation s'opposait à ces prétentions et sollicitait la condamnation de MmeX... à lui verser les sommes suivantes :

- 1 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Par jugement du 4 novembre 2016, le conseil a débouté les deux parties de l'intégralité de leurs demandes.

Mme X... a alors interjeté appel le 16 décembre 2016.

Par écritures soutenues oralement à l'audience du 2 février 2018, auxquelles la cour se réfère en application de l'article 455 du code de procédure civile, les parties ont conclu comme suit.

Mme X... demande l'infirmation intégrale du jugement. Elle demande à titre principal de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail et à titre subsidiaire de dire le licenciement nul ou, à défaut, sans cause réelle et sérieuse. Elle sollicite en outre la condamnation de la société à lui verser

les sommes suivantes :

- 66 920 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul, ou à titre subsidiaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 14 340 euros d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 434 euros d'indemnité de congés payés afférents,

- 47 800 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral et violation de l'obligation de sécurité de résultat ;

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme X... demande en outre à la Cour d'ordonner l'affichage du jugement sur les panneaux réservés aux communications de la Direction pendant une durée de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir.

La société Reed Organisation demande de confirmer le jugement du 4 novembre 2016 en ce qu'il adébouté Mme X... de toutes ses demandes. Elle demande en outre la condamnation de MmeX... à lui verser les sommes suivantes :

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le harcèlement moral

Considérant que Mme Véronique X... soutient avoir fait l'objet d'un harcèlement moral caractérisé par sa stigmatisation dès son arrivée au sein du salon Equip'Hotel, son isolement dans son équipe, des pressions de nature à la dévaloriser, ce qui aurait altéré sa santé physique et mentale ; qu'elle estime que la société Reed Organisation a manqué à son obligation de sécurité, car elle a été victime d'un harcèlement moral dans le cadre de ses fonctions enracinant une dépression nerveuse, ce qui justifierait la résiliation judiciaire aux torts exclusifs de l'employeur. Elle estime avoir été dévalorisée, isolée, agressée et humiliée ;

Que la salariée ajoute que la société Reed Organisation n'a pris aucune mesure pour tenter de faire cesser cette situation de harcèlement moral ou de l'aider face à ces souffrances, alors qu'elle était informée de la gravité de la situation, qu'elle avait déjà alerté sa hiérarchie en mai 2010, qu'elle avait fait un signalement au CHSCT et s'est plainte d'avoir été contrainte de travailler avec Mme X...;

Que Mme X... relève enfin que lorsqu'elle a souhaité reprendre le travail en septembre 2013, le seul poste qui lui a été proposé était le même que celui qu'elle occupait auparavant et sur lequel elle avait été victime de harcèlement, alors qu'elle avait été déclarée inapte par le médecin du travail à ce poste; qu'elle estime qu'elle aurait pu être affectée dans l'un des nombreux salons de la société Reed Organisation ;

Considérant que la société Reed Organisation estime que Mme X... n'établit pas la preuve des faits de harcèlement moral, que si Mme X... démontre qu'elle a été en dépression nerveuse, elle n'établit pas le lien de causalité avec ses conditions de travail ;

Que par ailleurs, la société soutient qu'elle n'a jamais été alertée d'un harcèlement moral concernant Mme X... avant les entretiens qui ont eu lieu 6 jours avant son départ en arrêt maladie;

Que la société se prévaut des mesures prises par elle dans le respect de ses obligations légales pendant les trois ans d'absence de Mme X..., notamment en ce que le directeur des ressources humaines, M. B..., a diligenté une enquête sur les accusations de Mme X... de harcèlement moral ;

Que la société rappelle que les délégués du personnel ont eux-même constaté l'impossibilité de reclasser Mme X... en dehors de son ancien poste de travail, mais que neuf délégués du personnel sur dix ainsi que le CHSCT ont rendu un avis favorable à la réintégration de Mme X... sur son ancien poste de travail notamment car l'ensemble de l'équipe avait changé depuis son arrêt maladie ;

Que la société affirme enfin qu'elle était sensible aux conditions de travail de Mme X..., puisque la salariée a été transférée initialement sur le salon Equip'Hotel conformément à ses souhait, en raison de difficultés relationnelles rencontrées par elle dans ses fonctions précédentes au salon du livre et des très bonnes relations qu'elle entretenait avec Mme A..., responsable du salon Equip'Hôtel ; que de même la société estime avoir tout mis en 'uvre pour répondre à sa demande de congé de formation;

Considérant qu'aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Considérant que l'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Considérant que la salariée ne justifie pas que c'est mensongèrement que Mme A... a fait part par courriel du 2 novembre 2010 de l'existence d'une relation caractérisée par un « lien très fort », avec un stagiaire en alternance expression lourde de sous-entendu, qui avait des répercussions sur le fonctionnement du service, ni qu'au-delà de la remontée hiérarchique que M. A... a faite à raison des conséquences que cela pouvait avoir sur le travail, elle ait diffusé une rumeur ;

Considérant que sur l'incident survenu entre Mme Véronique X... et Mme C..., collaboratrice de Mme A..., que le seul compte rendu précis de ce que la salariée qualifie d'agression verbale, émane d'un courriel de la prétendue victime ; que certes, Mme D..., supérieure hiérarchique de MmeA... elle-même, reconnaît un « emportement » que regrette la personne incriminée ; que toutefois, en l'absence d'élément suffisamment détaillé et objectif de cet accrochage, il ne peut en être tiré un fait d'une ampleur suffisante pour être notable ;

Considérant qu'en revanche est établie la matérialité des autres faits invoqués par la salariée à savoir : le courriel du 2 novembre 2010 et celui du 10 mars 2011, par lesquels Mme A... faisait part au directeur des ressources humaines ou à sa supérieure hiérarchique de critiques de sa part contre la salariée, le retrait d'un salarié sous contrat d'alternance du bureau de l'intéressée pourtant chargée de le former, le reproche adressé à l'intéressée par courriel du 18 janvier 2010 relatif à son insuffisant nombre d'appels nécessaires à la bonne exécution de sa mission et l'état dépressif subi par MmeVéronique X... ;

Considérant que par courriel du 18 janvier 2010, Mme A... faisait une observation à MmeVéronique X... dans les termes suivants : « jute un petit mail pour attirer ton attention sur le faible nombre d'appels réalisé la semaine dernière, à savoir seulement 31 » ; qu'il n'est pas allégué que ce nombre est faux ni que ce nombre d'appels soit insuffisant ; qu'il s'agit d'une remarque dès lors fondée exprimée en termes adéquats ;

Que l'ensemble des autres faits retenus et à l'exclusion de ce courriel du 18 janvier 2010 sont de nature à faire présumer le harcèlement moral tel que défini par la loi ;

Considérant, certes que par courriels du 2 novembre 2010 et du 10 mars 2011, Mme A... a écrit au directeur de ressources humaines de la société et à sa propre supérieure hiérarchique pour préciser que Mme Véronique X... avait déjà connu un échec dans sa précédente affectation au Salon du livre, ne faisait pas preuve à l'égard des membres de son équipe de solidarité, fournissait un travail minimum à cause du stagiaire précité avec lequel elle était en étroite relation et mettait beaucoup de temps à réaliser le travail qui lui était assigné ; que ledit directeur des ressources humaines, né [...] et qui n'exerce plus ces fonctions, atteste que l'intéressée avait effectivement eu des difficultés d'ordre relationnel au Salon du livre, et confirme les problèmes d'intégration de cette personne au sein du salon Equip'Hotel ; que le témoin explique ce dernier point par des différences de méthode par rapport à ce que Mme Véronique X... avait connu dans ses précédentes affectations et malgré l'attention adéquate de Mme A... ; que dans ces conditions, les deux messages dont s'est plainte la salariée ne sont que l'expression de remontées sincères d'une supérieure hiérarchique, Mme A..., auprès de ses propres supérieurs ; que ces agissements sont donc justifiés ;

Considérant que le retrait de bureau du stagiaire auparavant installé dans celui de Mme Véronique X..., est le seul fait retenu et non justifié autrement que par une obscure réorganisation ; qu'il s'agit toutefois d'un fait isolé, dès lors insusceptible de caractériser un harcèlement moral ;

Considérant que la salariée rattache au harcèlement moral allégué son état de santé tel qu'il ressort notamment des différents documents médicaux suivants :

- onze arrêts de travail pour dépression sévère entre le 18 janvier 2011 et le 18 novembre 2013;

- fiche d'aptitude du 18 septembre 2013 rédigée dans les termes suivants : « Ne peut reprendre ce jour son poste de travail antérieur. La reprise du travail serait à envisager dans le cadre d'un temps partiel thérapeutique ('), à un poste dont la montée en charge sera progressivement avec un collectif de travail différent » ;

- fiche d'aptitude du 4 novembre 2013 établie ainsi : « 1er examen médical dans le cadre de l'art R4624-31 du code du travail, une inaptitude à son poste de responsable commercial salon Equip'Hotel étant envisagée ' un avis spécialisé a été demandé. Une étude du poste et desconditions de travail est prévu le 08/11/2013 . le 2éme examen médical est prévu le 18novembre 2013 à 11 heures. Dans cette période la salariée pourrait occuper un poste équivalent sur un autre salon. Une reprise en temps partiel thérapeutique (mi-temps) serait souhaitable » ;

- fiche d'aptitude du 18 novembre 2013 libellée comme suit : « 2éme examen médical dans le cadre de l'art R 4624-31 du code du travail, à la suite du 1er examen médical du 4 novembre 2013, de l'étude du poste et de conditions de travail réalisée le 8 novembre et après avis spécialisé ; inapte au poste responsable commerciale salon Equip'Hôtel. Elle pourrait être liée à un poste similaire sur un autre salon, service, par exemple, rattaché de préférence à un pôle différent de son rattachement passé ' la reprise du travail à ce poste se ferait dans un 1er temps à mi-temps temps partiel thérapeutique prescrit par son médecin traitant » ;

Considérant que les courriels de la supérieure hiérarchique de l'intéressée et l'attestation de M. B... démontrent qu'elle rencontrait des difficultés dans son travail en particulier liées à son manque de collaboration avec des collègues, ce qui avait pour effet de provoquer des tensions, d'autant plus que selon ces mêmes pièces, elle avait connu des difficultés également dans son affectation précédente au salon du Livre ; que son état dépressif peut donc être le résultat de différentes circonstances notamment professionnelles, sans qu'il puisse en être tiré un lien avec un harcèlement moral ;

Considérant qu'au vu des développements qui précèdent, celui-ci sera écarté ;

Considérant que Mme Véronique X... sera donc déboutée de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral causé par le harcèlement revendiqué ;

Considérant que dans ces conditions, le grief fait à la SAS Reed Organisation tiré de son manquement à l'obligation de sécurité à raison de l'absence des mesures utiles pour éviter le harcèlement moral ne saurait être retenu ;

Sur la rupture

Considérant que la demande de résiliation qui repose sur le harcèlement moral ne peut qu'être rejetée;

Considérant que Mme X... soutient à titre subsidiaire que le licenciement doit être déclaré nul car son inaptitude est la conséquence directe du harcèlement moral ; qu'elle sera déboutée pour les mêmes raisons que celles qui ont conduit à la débouter de sa demande de résiliation ;

Considérant que la salariée estime également à titre plus subsidiaire que son licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse, car l'obligation de reclassement de l'employeur n'a pas été respectée ; qu'elle précise en effet que la société Reed Organisation ne lui a adressé aucune proposition de reclassement, alors que les réserves émises par la médecin du travail n'étaient que peu restrictives et que la société gère de nombreux salons où la salariée aurait pu être reclassée ;

Que Mme X... ajoute qu'entre le début de la recherche de reclassement et l'entretien préalable, il ne s'est passé que 22 jours, que la société refuse de communiquer le registre du personnel de l'ensemble des sociétés du groupe sur la période de janvier 2013 et janvier 2014 ainsi que l'organigramme du J... ;

Considérant que la société considère qu'elle a respecté les dispositions légales concernant le licenciement de Mme X..., qu'elle a respecté les préconisations du médecin du travail et que malgré ses recherches, elle n'a pas pu trouver un poste de reclassement pour Mme X... ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.1226-2 du code du travail, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident ou à une maladie non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités ; que cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existante dans l'entreprise, que l'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de poste ou aménagement du temps de travail ;

Que les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l'entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel elle appartient, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ;

Considérant que c'est à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyens et de rapporter la preuve de l'impossibilité de reclassement qu'il allègue ;

Considérant qu'il n'est fourni aucun élément de nature à manifester des efforts de reclassement au sein de la SAS Reed Organisation ;

Considérant qu'il est constant que celle-ci est une filiale de la société Reek Exhibition employant 3500salariés, qui appartient au groupe Reek Elveisier, employant 28 000 salariés ; qu'il est produit cinq lettres circulaire datées du 21 novembre 2013, environ trois semaines seulement avant la rédaction de la lettre de convocation à l'entretien préalable, adressées à des filiales du groupe ; qu'il n'est versé aux débats aucun élément permettant de connaître le périmètre du groupe au sens de l'obligation de reclassement, alors même que Mme Véronique X... avait mis son adversaire en demeure, en vain, de communiquer l'organigramme du groupe Elvesier ;

Qu'ainsi, il n'est pas établi que l'employeur ait fait les recherches de reclassement requises, de sorte que le licenciement doit être déclaré dénué de cause réelle et sérieuse ;

Sur les conséquences financières du licenciement

Considérant qu'il convient d'allouer à la salariée, au vu des motifs qui précèdent la somme de 14340euros au titre de l'indemnité de préavis et celle de 1 434 euros d'indemnité de congés payés y afférents, ces montants n'étant pas contestés dans leur calcul ;

Considérant que Mme Véronique X... demande la condamnation de son adversaire à lui payer la somme de 66 920 euros, soit l'équivalent de 12 mois de salaire brut à titre de dommages-intérêts en réparation du manque à gagner causé par le licenciement ; qu'elle soutient en effet qu'elle a dû suivre à la suite de la rupture un cycle de bilan de compétence de neuf mois, qu'elle n'a finalement trouvé un emploi, qu'après plus de deux ans, en subissant pendant ce délai une perte de 83 57,57 euros net, compte tenu du salaire qu'elle percevait de la SAS Reed Organisation et des allocations de chômage; qu'elle relève à cet égard, que le salaire qu'elle perçoit de son employeur actuel n'est que de 1828,60euros ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ;

Considérant que la salariée justifie avoir été au chômage d'avril 2014 à août 2014, avoir obtenu un contrat à durée déterminée à temps partiel pour contrat d'accompagnement à l'emploi du 15 janvier 2016, modifié par avenant du 4 juillet 2016 pour être à temps plein ; qu'un nouveau contrat d'accompagnement à l'emploi à temps complet a été signé le 17 janvier 2017 pour une durée de douze mois au salaire mensuel brut de 1 824 euros brut au sein de la Croix Rouge, en qualité de secrétaire, alors que son dernier salaire brut au sein de la SAS Reed Organisation était de 2 950 euros brut ;

Qu'elle ne peut imputer à la rupture la baisse de salaire dans son nouvel emploi qui peut correspondre à une réorientation salutaire et un choix de vie, compréhensible après quasiment trois ans d'arrêt maladie avant son licenciement par la SAS Reed Organisation, sans que cela puisse être imputé à l'employeur ;

Que compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme Véronique X..., de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquence du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail une somme de 30000euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur l'affichage de la décision sur les panneaux réservés aux communications de la direction pendant une durée de 15 jours suivant la notification de l'arrêt

Considérant que la salariée est indemnisée exactement par l'allocation de dommages-intérêts, de sorte que l'affichage de la décision sollicité sur les panneaux réservés aux communications de la direction pendant une durée de 15 jours suivant la notification de l'arrêt ne saurait être accueilli favorablement;

Sur les intérêts

Considérant que conformément à la demande de Mme Véronique X..., les sommes accordées qui sont de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la demande formée à l'audience de première instance en contestation du licenciement pour inaptitude, tandis que la somme accordée à titre de dommages-intérêts portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision;

Considérant qu'il sera ordonné la capitalisation des intérêts dès lors qu'il auront couru pour une année entière ;

Sur la demande de dommages-intérêts formée par la SAS Reed Organisation pour procédure abusive

Considérant que la SAS Reed Organisation sollicite la condamnation de son adversaire à lui verser la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Considérant que les développements qui précèdent démontrent que la salariée a partiellement raison et qu'en tout état de cause elle a traversé une période délicate qui peut l'avoir conduite de bonne foi à se tromper sur ses propres droits ; que dès lors cette demande sera rejetée ;

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Considérant qu'il est équitable au regard de l'article 700 du code de procédure civile de condamner l'employeur à verser à la salariée la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et le même montant au titre des frais irrépétibles d'appel ; que la SAS Reed Organisation qui succombe supportera la charge des frais irrépétibles ;

Sur le remboursement des indemnités de chômage à Pôle-Emploi

Considérant qu'en application de l'article L.1235-4 du code du travail, il sera ordonné le remboursement par l'employeur à Pôle-Emploi des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois à compter du jour de son licenciement, dès lors qu'il ne s'agit pas du licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort ;

CONFIRME le jugement déféré, mais uniquement sur les demande de Mme Véronique X... en paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice né du harcèlement moral et sur l'affichage de la décision, ainsi que sur les demandes de la SAS Reed Organisation en paiement de dommages- intérêts pour procédure abusive ou en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

INFIRME pour le surplus ;

CONDAMNE la SAS Reed Organisation à payer à Mme Véronique X... les sommes suivantes :

- 14 640 euros d'indemnité de préavis ;

- 1 434 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

les intérêts de ces deux sommes à compter du 08 juillet 2016 ;

- 30 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

les intérêts de ces deux sommes à compter du présent arrêt ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la SAS Reed Organisation à payer à Mme Véronique X... la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

DÉBOUTE la SAS Reed Organisation de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1236-1 du code civil;

ORDONNE le remboursement par la société Reed Organisation à Pôle-Emploi des indemnités de chômage versées à Mme Véronique X... à compter du jour du licenciement dans la limite de six mois ;

CONDAMNE la SAS Reed Organisation aux entiers dépens.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Jean-François H..., Président, et par Monsieur Nicolas CAMBOLAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 16/05658
Date de la décision : 26/07/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°16/05658 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-07-26;16.05658 ?
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