COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 82A
6e chambre
ARRÊT N° 00413
CONTRADICTOIRE
DU 19 JUILLET 2018
N° RG 17/04329
N° Portalis DBV3-V-B7B-RZMQ
AFFAIRE :
SAS SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE
SAS SCHNEIDER ELECTRIC INDUSTRIES
C/
CE SCHNEIDER ELECTRIC
Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 13 Juin 2017 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE - Pôle Social
N° RG : 16/09689
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 20 Juillet 2018 à :
- Me B... X...
- Me Frédérique Y...
- Service des Expertises
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX NEUF JUILLET DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 22 mai 2018, puis prorogé au 19 juillet 2018, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre:
La SAS SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE
[...]
Représentée par Me Aurélien Z..., avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0016, substituant Me Emeric SOREL, plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0168 ; et par Me B... X... de la A... B..., constituée, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619
La SAS SCHNEIDER ELECTRIC INDUSTRIES
[...]
[...]
Représentée par Me Aurélien Z..., avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0016, substituant Me Emeric SOREL, plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0168 ; et par Me B... X... de la A... B..., constituée, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619
APPELANTES
****************
Le CE SCHNEIDER ELECTRIC
[...]
Représenté par Me Diego PARVEX, plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K093 ; et par Me Frédérique Y..., constituée, avocate au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C 513
INTIMÉ
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Février 2018, Monsieur Jean-François de CHANVILLE, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,
Madame Sylvie BORREL, Conseiller,
Monsieur Patrice DUSAUSOY, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Nicolas CAMBOLAS
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Les sociétés SAS Schneider Electric France et la SAS Schneider Electric Industries appartiennent au groupe industriel Schneider Electric, qui fabrique et propose des produits de gestion d'électricité, des automatismes et des solutions adaptées à ces domaines.
Par accord du 11 janvier 2006, d'abord signé entre les directions des sociétés Schneider Electric France et Schneider Electric Industries et les organisations syndicales représentatives, puis renouvelé par un second accord du 19 mars 2010, une unité économique et sociale a été reconnue entre ces deux entités. Parmi les onze établissements existant au sein de cette UES, se trouve l'établissement de la région parisienne.
Ces deux accords disposaient en particulier :
- "Le montant de la contribution patronale aux activités sociales et culturelles est fixé à 1,87 % de la masse salariale (...)" ;
- "Les parties signataires sont d'accord pour considérer que les CE bénéficient déjà de la part de la société des sommes et moyens nécessaires à leur fonctionnement, quelle que soit leur nature et origine. Ceux-ci dépassent en effet largement le montant fixé par les dispositions légales et réglementaires".
Par accord du 19 décembre 2014 relatif aux moyens visant à favoriser l'exercice des missions des instances de représentation du personnel élues et désignées des sociétés, la "direction de Schneider Electric", la Fédération Nationale des Personnels des sociétés SAS Schneider Electric France et SAS Schneider Electric Industries et l'ensemble des institutions syndicales représentatives, ont adopté la clause suivante au sujet des budgets de fonctionnement des comités d'établissement et de contribution à leurs activités sociales et culturelles :
"Il est à cet égard confirmé que ce principe de séparation des budgets a toujours été respecté, les sociétés :
- ayant alloué aux comités d'établissement une contribution financière globale de 1,87 % et
- ayant mis à leur disposition l'ensemble des moyens nécessaires à leur fonctionnement - ces moyens ayant une valeur supérieure à la subvention légale".
Par ordonnance du 8 janvier 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre, saisi par le comité d'établissement de la Région Parisienne, a ordonné, en ce qui concerne les années 2006 à 2012 aux sociétés Schneider Electric France et Schneider Electric Industries de produire :
- la masse salariale brute, en référence au poste comptable 641 et à la DADS retraités des seules informations entrant dans le périmètre du comité d'établissement Schneider Electric de la Région Parisienne,
- les montants des sommes et moyens équivalant au montant de la subvention légale au sens de l'article L.2325-43 dont aurait bénéficié le comité d'établissement,
- les calculs retenus pour justifier la dispense de versement de la subvention légale,
- sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la notification de la décision.
Sur appel des deux sociétés, qui estimaient que la production demandée allait à l'encontre des prévisions des accords collectifs antérieurs relatifs aux subventions de fonctionnement des comités d'établissement, la cour de Versailles, par arrêt du 8 décembre 2014, a confirmé l'ordonnance sauf en ce qu'elle a ajouté que les documents dont la production est ordonnée porteraient aussi sur l'année 2013, en ce qu'elle a porté l'astreinte à la somme de 500 euros par jour de retard et en ce qu'elle a constaté que les sociétés Schneider Electric France et Schneider Electric Industries avaient communiqué au comité d'établissement de la région parisienne le poste comptable 641 et la DADS pour les années 2006 à 2012, ainsi qu'après retraitement, les données financières relatives à la masse salariale brute dépendant de l'établissement de la région parisienne au titre des années 2008 à 2012.
Sur autorisation d'assigner à jour fixe, le comité d'établissement de l'établissement de la région parisienne a saisi le tribunal de grande instance de Nanterre aux fins :
- de le voir prendre acte de ce que l'UES n' a communiqué ni les documents et pièces demandés pour les années 2006 et 2007, ni les justificatifs relatifs au décompte des sommes et moyens alloués au comité d'établissement de 2006 à 2012, en violation de l'ordonnance rendue par le tribunal de grande instance de Nanterre,
- de le voir constater qu'aucun versement n'est intervenu au titre de la subvention de fonctionnement pour les années 2006 à 2014,
- de le voir dire que le défaut de versement de la subvention de fonctionnement constitue une entrave,
- de faire condamner les sociétés Schneider Electric France et Schneider Electric Industries à lui verser les sommes :
1) de 2 003 369 euros au titre des subventions de fonctionnement dues pour les années 2006 à 2014,
2) de 50 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice né du manquement à ces obligations,
3) de 50 000 euros de dommages-intérêts en réparation du délit d'entrave,
4) de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Les défenderesses ont opposé la prescription quinquennale, s'agissant de la période antérieure de plus de cinq ans à la saisine du juge des référés, soit au 26 juillet 2011, et en tout état de cause ont conclu au rejet en s'appuyant sur les accords collectifs reconnaissant que le comité était rempli de ses droits. Subsidiairement, elles soutenaient qu'admettre les demandes adverses conduisait à écarter la clause relative à la subvention de fonctionnement et donc à reconnaître la nullité des accords du 11janvier 2006 et du 1er décembre 2009 qui constituaient un ensemble indissociable, que l'assiette de calcul des subventions de fonctionnement revendiquée n'était pas conforme aux dispositions légales, qui excluaient l'utilisation faite par le comité du compte 641, et que ce comité soit condamné à lui payer la somme de 88 727,04 euros représentant le montant exposé pour son fonctionnement par les sociétés pendant la période non prescrite, pour autant qu'elles puisse la calculer alors qu'il était stipulé qu'elles n'avaient pas à en justifier. Enfin, elles demandaient la condamnation de leur adversaire à leur payer la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Par jugement du 13 juin 2017, l'exception de prescription a été rejetée, de même que la demande d'annulation des accords collectifs des 11 janvier 2006 et 1er décembre 2009 et une expertise a été ordonnée avec mission de fournir les éléments permettant de calculer la subvention de fonctionnement du comité d'établissement de la région parisienne pour chacune des années de 2006 à 2014 et de calculer les moyens et sommes en personnel et prestations fournis par l'employeur au titre du fonctionnement de ce comité pour cette même période, le tribunal sursoyant à statuer sur les autres demandes.
Appel a régulièrement été interjeté par les sociétés le 19 juin 2017.
Celles-ci adoptent la même position qu'en première instance.
L'intimé soutient la confirmation de la décision déférée et reprend ses demandes de première instance.
Il est référé par application de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions des parties parvenues au greffe le 15 septembre pour les appelantes et le 1er décembre pour l'intimé, pour plus ample exposé sur les prétentions et moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la prescription
Considérant que les sociétés invoquent la prescription quinquennale accomplie pour la période qui précède de plus de cinq ans la saisine du juge du fond c'est-à-dire antérieure au 27 juillet 2011 ;
Considérant que le comité d'établissement objecte que le délai de prescription n'a pas commencé à courir, puisque précisément il ne connaît pas l'exactitude de ses droits, faute d'avoir pu calculer la subvention de fonctionnement au moyen d'une information fournie par les employeurs qui avait été demandée au moyen d'une demande de production de pièces en référé ;
Considérant qu'aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles mobilières se prescrivent pas cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui permettent de l'exercer ;
Considérant que, depuis l'origine, le comité sait que les sociétés s'estiment libérées de leurs obligations par une participation directe à leur frais, dans une proportion plus importante, selon l'accord de 2006, que ne l'exige la loi ; que le comité d'établissement connaît donc depuis qu'elle applique les accords de 2006 et 2009, l'absence de chiffrage et de justification de cette participation et donc les faits lui permettant de l'exercer ; qu'au demeurant, ses demandes tendent à obtenir paiement de la totalité de la subvention de fonctionnement due, soit 0,2% de la masse salariale, indépendamment de la participation effective qu'ont apporté les sociétés à son fonctionnement ;
Considérant que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions tendent vers un seul et même but ; qu'il s'ensuit que l'action en référé fondée sur l'article 145 du code de procédure civile, qui avait pour objet de réunir les éléments permettant de déterminer le montant de la contribution litigieuse restant due, a interrompu le délai de prescription de l'action au fond tendant directement au paiement de celle-ci ; que par conséquent, dès lors que la saisine du juge des référés remonte à l'assignation du 30 octobre 2013, seuls les faits antérieurs au 30 octobre 2008 sont prescrits ;
Sur la demande d'annulation des accords du 11 janvier 2006 et du 1er décembre 2009
Considérant que les sociétés prient la cour d'annuler les accords du 11 janvier 2006 et du 1er décembre 2009, dans l'hypothèse d'un refus de prendre en compte le fait que les employeurs ont rempli leur obligation au regard de la subvention de fonctionnement des comités ; qu'en effet, une telle décision aurait selon elle pour effet de remettre en cause toutes les clauses de ces accords, car elles seraient indissociables les unes des autres ;
Considérant que, loin de porter atteinte à l'équilibre de l'accord, la demande du comité d'établissement tend seulement à vérifier que la clause relative à la participation de l'employeur aux frais de son fonctionnement, conformément à la loi, a bien été respectée ; en ce que la participation effective au financement de son fonctionnement est bien supérieure ou égale à la proportion minimale prescrite par l'article L 2325-43 du code du travail ; que dans ces conditions il n'y a pas lieu à annulation ;
Sur la contribution au fonctionnement du comité d'établissement
Considérant qu'en application du second alinéa de l'article L.2325-43 du code du travail, l'employeur n'a pas à verser la contribution au fonctionnement du comité d'établissement pour autant qu'il prouve avoir déjà fait bénéficier le comité d'une somme ou de moyens en personnel équivalents à 0,2 % de la masse salariale brute ;
Considérant que, par trois accords collectifs du 11 janvier 2006, du 19 mars 2010 et du 19 décembre 2014 relatifs à l'UES, les syndicats représentatifs au sein des sociétés en cause ont admis que la participation de l'employeur au fonctionnement du comité d'établissement était supérieure à la somme légalement due égale à 0,2 % de la masse salariale, sans qu'il ne soit prévu de mode de vérification dece postulat ; qu'un accord ne saurait fixer une subvention de fonctionnement inférieure à ce taux, s'agissant d'une clause d'ordre public ; que des clauses par lesquelles les parties à un accord collectif reconnaissent que ce taux est respecté, n'interdisent pas au comité d'établissement de s'assurer de son exactitude ; que cette vérification est d'autant plus ouverte au comité d'entreprise, qu'il n'était pas partie aux accords collectifs dont s'agit et n'a donc pas reconnu pour sa part avoir été rempli de ses droits à travers le financement direct par la société de son fonctionnement ;
Considérant que dans ces conditions, un expertise est nécessaire pour rechercher si, en ce qui concerne la période non prescrite, tel a été le cas, aux frais avancés de l'employeur auquel incombe la charge de la preuve de ce qu'il s'est acquitté de son obligation légale ;
Considérant qu'il convient de déterminer ce qu'il faut entendre par masse salariale brute au sens de l'article L.2325-43 du code du travail, qui sert de base au calcul de la subvention litigieuse ;
Considérant qu'en effet, le comité adopte comme base de calcul le compte 641 du plan comptable général, sous réserve de son retraitement par retranchement de la rémunération des dirigeants sociaux, du remboursement des frais professionnels, des indemnités dues au titre de la rupture du contrat de travail à l'exception des indemnités légales et conventionnelles de licenciement, ainsi que les indemnités de retraite et de préavis et les indemnités transactionnelles, dans leur partie supérieure au montant des indemnités légales de licenciement ; que toutefois, le comité d'établissement estime n'avoir procédé à ce retraitement qu'imparfaitement eu égard à l'insuffisance des éléments fournis par les sociétés ; qu'en revanche, celles-ci relèvent que quoique connaissant la part des DADS relative à l'établissement de la région parisienne, le comité d'établissement ne procède pas au retraitement requis par la jurisprudence alors adoptée par la Cour de cassation ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.2325-43 du code du travail, l'employeur verse au comité d'entreprise une subvention de fonctionnement d'un montant annuel équivalent à 0,2 % de la masse salariale brute ;
Considérant que cette assiette constitue la masse de la rétribution du travail fourni représentative des effectifs, en proportion desquels le comité d'entreprise doit être abondé pour satisfaire à ses missions d'autant plus coûteuses que la force de travail dans l'entreprise est importante ;
Considérant que le salaire est une notion de référence de l'article R.243-14 du code de la sécurité sociale relatif à la DA.D.S. selon lequel tout employeur de personnel salarié ou assimilé est tenuenrègle générale d'adresser au plus tard le 31 janvier de chaque année, à l'organisme ou aux organismeschargés du recouvrement des cotisations dont relève leur établissement, une déclaration faisant ressortir, pour chacun des salariés ou assimilés occupé dans l'entreprise ou l'établissement, le montant total des rémunérations payées au cours de l'année précédente ;
Que ce document est destiné à permettre le versement des cotisations sur les "rémunérations", telles que définies par l'article L.242-1 du même code qui précise ce qu'il faut intégrer dans celles-ci ;
Considérant que les cotisations sociales dont l'assiette de calcul est ainsi donnée par l'article L.242-1du code de la sécurité sociale, correspondent à une part socialisée du salaire, c'est-à-dire une part collectée par des organismes appelés caisse afin que les cotisants bénéficient en contrepartie de leur travail, au cours de celui-ci ou de manière différée s'agissant de la retraite, d'une couverture partielle ou totale de frais divers, engendrés par l'un des grands risques courus au cours de l'exécution du contrat de travail que sont le chômage, la vieillesse, la famille, la maladie et les accidents du travail et maladies professionnelles ; que les cotisations sociales sont liées intrinsèquement au salaire au sens légal du terme puisqu'elles financent des avantages qui lui sont accessoires ; que de ce fait, l'assiette de ces cotisations, correspond nécessairement à la définition légale du salaire ; que la lettre de l'article L.242-1du code de la sécurité sociale confirme cette thèse, puisque ce texte dispose que pour le calcul des cotisations de sécurité sociale "sont considérées comme des rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail notamment les salaires, gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes et gratifications ou tous autres avantages en argent, avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire" ;
Considérant que ce "salaire légal" est matérialisé par la déclaration annuelle des données sociales dite DADS, régie par l'article R 243-14 précité ; que par suite c'est bien le total des sommes figurant surla DADS qui constitue la base de calcul des subventions et rémunérations dues au comité d'entreprise par l'employeur, de la même manière qu'elle sert de base au calcul des cotisations sociales ;
Considérant que cette conclusion est corroborée en ce que des éléments qui figurent au compte 641et qui ne sont pas compris dans la DADS sont exclusifs de toute rémunération en contrepartie d'un travail fourni ;
Qu'en effet, s'agissant des provisions, celle-ci sont destinées à prévoir une dépense future, telle que des rémunérations de congés payés, provisions sur primes de productivité ou autres, d'une manière excessive ou insuffisante selon la politique de la société concernée et en tout cas d'une manière non parfaitement conforme à la réalité ; que ces provisions ne sont pas un reflet fidèle d'un paiement de salaire, ni des effectifs exacts de l'entreprise auxquels le comité d'entreprise doit pourtant être proportionné ;
Que les indemnités de licenciement conventionnelles ou légales reportées sur le compte 641, loin d'être la contrepartie du travail fourni, sont un effet de la rupture de celui-ci au profit des seuls salariés qui quittent l'entreprise et n'y travaillent plus ; que la circonstance que le comité d'entreprise puisse venir en aide à certains des bénéficiaires de ces indemnités liées à la rupture ne justifie pas l'intégration de ces indemnités dans la masse salariale, s'analysant seulement comme un acte de solidarité consenti par ceux qui conservent leur emploi ;
Que, comme a pu le juger la Cour de cassation, ni le remboursement de frais professionnels, ni le salaire des dirigeants sociaux inscrits au compte 641 n'ont lieu d'être pris en compte dans l'assiette litigieuse, puisqu'ils ne rémunèrent pas la force de travail, mais assurent des dépenses imposées au salarié par le travail ou rémunèrent des instances dirigeantes qui ne font pas partie du personnel et n'ont donc pas vocation à bénéficier de l'activité du comité d'entreprise ;
Que les sommes attribuées à titre d'intéressement n'ont pas plus le caractère de salaire, puisqu'elles ne sont pas la contrepartie directe du travail fourni, mais sont accordées ponctuellement au vu de la qualité de salarié et non en fonction du travail fourni ; qu'ainsi l'article L.3312-4 du code du travail en exclut-il le caractère de rémunération au sens de l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale précité définissant l'assiette de calcul des cotisations sociales ; que le même raisonnement vaut pour d'autres postes du compte 641, soit l'abondement pour le plan d'épargne, ou les gratifications liées à l'octroi la médaille du travail ;
Considérant qu'en outre, une notion juridique, en l'espèce celle de salaire, ne saurait être définie par rapport à une notion comptable telle que le compte 641 du plan comptable général, dont au demeurant l'usage pour servir à l'application des obligations litigieuses de l'employeur supposerait un retraitement pour chaque entreprise en fonction d'une part de ce qu'elle décide d'y mettre, puisqu'elle dispose d'un certain choix entre différents comptes pour certaines dépenses, et d'autre part du retraitement complexe des articles qui ne coïncident pas avec la notion de salaire ;
Considérant qu'en conséquence, l'expert devra rechercher dans quelle mesure les sociétés ont concouru financièrement au fonctionnement du comité d'établissement, au regard de l'obligation légale d'y contribuer à proportion de 0,2 % de la masse salariale, telle qu'elle résulte de la DADS ;
Que le jugement sera confirmé en ce qu'il est rendu avant dire droit sur les autres prétentions dont la solution dépend de l'issue de la mesure d'instruction sous réserve de la modification de la mission rendue nécessaire par les motifs qui précèdent ;
Considérant qu'il convient pour une bonne administration de l'affaire d'évoquer les points non jugés par le tribunal ;
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort ;
INFIRME le jugement déféré sur la recevabilité de la demande en paiement des subventions de fonctionnement du comité d'établissement et sur l'expertise ;
Statuant à nouveau,
DIT que les demandes en paiement de subventions de fonctionnement du comité d'entreprise sont irrecevables pour la période antérieure au 30 octobre 2008 ;
ORDONNE une expertise, (je ne mets pas tout, voir avec un modèle d'expertise ordonnée antérieurement par la cour)
DÉSIGNE en qualité d'expert, M. Patrick C..., expert inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Paris, situé au [...] 750016 PARIS, téléphone : [...]. Mèl : [...] ;
avec mission de :
- se faire communiquer tous les documents et pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission ;
- s'entourer, si besoin est, de tout sachant et technicien de son choix ;
- fournir les éléments permettant de calculer la subvention de fonctionnement du comité d'établissement de la région parisienne de l'UES Schneider Electric France et Schneider Electric Industries , selon les prescriptions de l'article L.2325-43 du code du travail pour l'année 2008, dans sa partie postérieure au 30 octobre 2008 et pour les années suivantes jusqu'à 2014, la masse salariale brute au sens de ce texte s'entendant du total des sommes figurant sur les DADS ;
- calculer les moyens et sommes en personnel et prestations fournis par l'employeur au titre du fonctionnement de ce comité pour cette période ;
- de manière générale, fournir tous éléments techniques, d'information ou de fait permettant au tribunal d'apporter une solution au litige ;
ORDONNE aux sociétés Schneider Electric France et Schneider Electric Industries de consigner la provision de 10 000 euros (DIX MILLE EUROS), à valoir sur la rémunération de l'expert, entre les mains du régisseur d'avances et de recettes de cette cour, avant le 1er janvier 2019 ;
DIT que l'expert, qui devra mener ses opérations dans le respect du contradictoire, adressera un pré-rapport aux parties avant la rédaction de son rapport final, en leur laissant un délai suffisant pour présenter leurs observations, et déposera son rapport écrit au greffe de cette Cour en deux exemplaires, dans le délai de trois mois à compter du jour où il aura été saisi de sa mission ;
DÉSIGNE le président de la 6ème chambre sociale pour vérifier les opérations d'expertise et ordonner toutes mesures utiles ;
DIT qu'en cas de refus ou d'empêchement, l'expert sera remplacé par ordonnance du président de la 6ème chambre sociale, à la requête des parties ou d'office ;
CONFIRME le jugement déféré sur l'annulation des accords du 11 janvier 2006 et du 1er décembre 2009 ;
ÉVOQUE pour le surplus ;
RÉSERVE les dépens.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président, et par Monsieur Nicolas CAMBOLAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,