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19/07/2018 | FRANCE | N°16/03448

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 19 juillet 2018, 16/03448


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre







ARRÊT N° 00406



CONTRADICTOIRE



DU 19 JUILLET 2018



N° RG 16/03448



N° Portalis DBV3-V-B7A-Q2R5







AFFAIRE :



Laure Z... A...



C/



SAS GROUPE PHR









Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 29 Avril 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOULOGNE BILLANCOURTr>
Section : Activités diverses

N° RG : 14/00258







Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 20 Juillet 2018 à :

- Me Marie-Josèphe B...

- Me Nicolas X...



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





LE DIX NEUF JUILLET DEUX MILL...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRÊT N° 00406

CONTRADICTOIRE

DU 19 JUILLET 2018

N° RG 16/03448

N° Portalis DBV3-V-B7A-Q2R5

AFFAIRE :

Laure Z... A...

C/

SAS GROUPE PHR

Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 29 Avril 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : Activités diverses

N° RG : 14/00258

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 20 Juillet 2018 à :

- Me Marie-Josèphe B...

- Me Nicolas X...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF JUILLET DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 22 mai 2018, puis prorogé au 19 juillet 2018, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre:

Madame Laure Z... A...

[...]

Comparante en personne, assistée de Me Marie-Josèphe B..., avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 200

APPELANTE

****************

La SAS GROUPE PHR

[...]

Représentée par Me Nicolas X... de la SCP CHRISTOPHE PEREIRE-NICOLAS X..., avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0230 substituée par Me Christian Y..., avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0230

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Février 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie BORREL, Conseiller chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,

Madame Sylvie BORREL, Conseiller,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Nicolas CAMBOLAS,

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Groupe PHR, qui a pour activité les prestations de service aux pharmacies, employait en décembre 2013 et encore à ce jour toujours 11 salariés ; elle applique la convention collective nationale des prestataires de services dans le tertiaire.

Selon un contrat à durée déterminée Mme Z... A..., qui bénéficie du statut de travailleur handicapé depuis 2004 (elle souffre de déficience visuelle consécutive à un diabète) a été embauchée par la société Groupe PHR en qualité de standardiste du 1er septembre au 30 décembre 2008 dans l'établissement de Boulogne-Billancourt. Ce contrat s'est transformé en contrat à durée indéterminée (pour 35h par semaine) à compter du 1er décembre 2008 avec des fonctions plus étendues de chargé d'accueil et de secrétariat avec les tâches suivantes : gestion du standard téléphonique et filtrage des appels, accueil physique des visiteurs, assistanat aux services et frappe de courriers divers.

Par avenant d'avril 2009 son emploi est devenu gestionnaire ADV ou administration des ventes à compter du 24 avril 2009, ses horaires étant du lundi au vendredi de 9h à 12h et de 14h à 18h, toujours pour 35h par semaine, moyennant une rémunération de 1 900 euros par mois sur 13 mois.

Entre le 10 juillet 2010 et le 10 juillet 2013, elle a bénéficié d'un congé parental d'éducation pour son second enfant.

Par lettre du 29 avril 2013 la société informait Mme Z...-A... de la nécessité d'organiser une formation au moment de sa reprise du travail en qualité de standardiste prévue pour le 6 septembre, à l'issue de congés sans solde en juillet et août.

Une pré-visite de reprise était organisée le 4 juillet 2013 et ne révélait aucune inaptitude.

A la demande de Mme Z... A..., la SAMETH (service d'appui au maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés) organisait une réunion dans les locaux de la société le 8 août 2013 pour discuter des conditions de sa reprise, Mme Z... A... souhaitant reprendre à temps partiel ; ce service proposait un accompagnement jusqu'en décembre 2013 pour l'aménagement du temps de travail.

Le 9 septembre 2013 le médecin de prévention rendait un avis d'aptitude pour une reprise du travail comme gestionnaire ADV à 60 % avec une heure de pause entre 12h et 14h.

A l'issue de sa première semaine de travail, Mme Z... A..., par lettre du 15 septembre 2013 adressée à la société, sollicitait une rupture conventionnelle, indiquant ne pouvoir accepter un nouvel avenant, lequel consistait à occuper le poste de gestionnaire ADV à 60% 21 heures par semaine, du lundi au mercredi, alors que Mme Z... A... souhaitait ne pas travailler le mercredi.

Elle renouvelait cette demande par lettre du 24 septembre 2013, mais cette rupture conventionnelle ne pouvait se mettre en place.

Le 11 octobre 2013 le médecin de prévention rendait un nouvel avis d'aptitude à un poste adapté pour une reprise du travail à 60 %, lundi mardi et vendredi avec une heure de pause entre 12h et 14h, indiquant "à revoir dans 3 mois".

Suite à ce second avis, la société, par lettres des 28 et 29 octobre 2013, proposait à Mme Z... A... un poste à 60 % pour 21 heures par semaine, soit gestionnaire ADV les lundis et mardis de 9h30 à 12h30 et de 13h30 à 17h30, et gestionnaire d'appels le vendredi de 9h30 à 12h30 et de 13h30 à 17h30, sollicitant une réponse pour le 25 novembre 2013, considérant qu'au delà cela signifierait un refus.

Mme Z... A... ne répondait pas à ces lettres.

Le 13 décembre 2013, après une vaine tentative de reclassement selon la société, la salariée faisait l'objet d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse en raison de son inaptitude.

Le 30 janvier 2014 la société lui adressait un solde de tout compte et ses documents de fin de contrat, tout en levant la clause de non concurrence.

Le 31 janvier 2014, la salariée saisissait le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt principalement afin de contester son licenciement dans un contexte de discrimination, sollicitant la condamnation de la société au paiement des sommes suivantes :

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination liée à la santé,

- 1 986,88 euros à titre rappel de salaires pour retenues sur congés payés,

- 276,50 euros à titre rappel de salaires pour retenues de la mutuelle sur les bulletins de paie de novembre et décembre 2013,

- 6 150 euros à titre d'indemnité de préavis, outre les congés payés afférents,

- 497,70 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement,

- 24 600 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour non respect de l'obligation de reclassement,

- 2 050 euros à titre d'indemnité pour procédure irrégulière de licenciement,

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement de départage du 29 avril 2016, dont Mme Z... A... a interjeté appel, le juge départiteur a dit le licenciement pour inaptitude fondé sur une cause réelle et sérieuse, déboutant MmeZ... A... de toutes ses demandes afférentes ; il a constaté le remboursement de la somme due au titre de la mutuelle et a condamné la société à payer à Mme Z... A... les sommes suivantes avec le bénéfice de l'exécution provisoire :

- 2 050 euros à titre d'indemnité pour procédure irrégulière de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil a en outre ordonné la délivrance d'un bulletin de salaire conforme, a débouté la salariée du surplus de ses demandes et a condamné la société aux dépens.

Par écritures soutenues oralement à l'audience du 12 février 2018, auxquelles la cour se réfère en application de l'article 455 du code de procédure civile, les parties ont conclu comme suit :

Mme Z... A... sollicite à titre principal l'infirmation du jugement, sauf en ce qui concerne le rappel de salaires pour retenues de la mutuelle, tout en maintenant ses demandes de première instance, précisant que sa demande d'indemnité pour procédure irrégulière est une demande subsidiaire et qu'elle ne forme pas de demande au titre du harcèlement moral, et priant la cour de lui allouer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, soit 1 000 au titre de la première instance et 2000en appel.

La société Groupe PHR, ci-après la société, sollicite la confirmation intégrale du jugement et l'allocation de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre préalable, la cour constate que Mme Z... A... ne forme plus de demande concernant le rappel de salaires pour retenues de la mutuelle, de sorte que le jugement sera confirmé, en ce que le juge a constaté le remboursement de la somme due au titre de la mutuelle.

Au vu des conclusions de Mme Z... A... il n'y a pas lieu de statuer sur le harcèlement moral, au sujet duquel le premier juge a cru devoir statuer, alors qu'aucune demande n'était formée à ce titre dans le dispositif des conclusions.

Sur la discrimination en raison de l'état de santé et le non respect des dispositions relatives à la réintégration d'un salarié au retour d'un congé parental

Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non- appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

L'article L.1134-1 du même code dispose qu'en cas de litige relatif à l'application du texte précédent, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et il incombe à la partie défenderesse, au vu des ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, Mme Z... A... estime que la société n'a pas tenu compte des préconisations du médecin de prévention en matière de temps partiel ni ne lui a proposé de reprendre son poste degestionnaire ADV, lui faisant subir des pressions et des humiliations pour la licencier en s'affranchissant des contraintes légales.

Selon l'article L.1225-55 du code du travail, à l'issue du congé parental d'éducation, le salarié doit retrouver son précédent emploi, ou bien, si celui-ci n'est pas disponible, il doit retrouver un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente. A défaut de respecter cette obligation, l'employeur s'expose, selon l'article L.1225-71 du code du travail, aux sanctions prévues en cas de rupture abusive du contrat de travail et en outre au versement de dommages et intérêts.

Or, il apparaît que sur la base d'une visite de pré-reprise du 4 juillet 2013 pour le poste de gestionnaire ADV mais sans aucune mention, la société, par lettre du 27 juin 2013 se référant à des entretiens téléphoniques avec Mme Z... A..., a proposé à celle-ci une première proposition, en signant un avenant pour reprendre à compter du 9 septembre 2013 un emploi à temps partiel de standardiste et secrétaire du service ADV sur 4 jours (28 h par semaine) les lundis mardis jeudis et vendredis de 9h à 12h et de 14h à 18h.

La société indiquait aussi, dans son attestation de congés sans solde en date du 4 juillet 2013, que Mme Z... A... reprendra son travail de standardiste le 6 septembre 2013, ce qui confirme que la société souhaitait qu'elle reprenne son travail dans ce poste et non comme gestionnaire ADV.

Cette proposition, dont la société n'établit pas avoir convenu avec Mme Z... A..., se référant seulement à des échanges téléphoniques sans produire aucun écrit, n'était donc pas conforme aux dispositions légales, en ce que la société lui proposait une reprise dans un emploi avec une qualification différente et au surplus à temps partiel.

Mme Z... A... a refusé de signer l'avenant comportant la première proposition susvisée puisqu'il lui était imposé une modification de son contrat de travail.

Elle soutient aussi que c'est la société qui lui aurait imposé de prendre des congés sans solde du 10juillet au 8 septembre 2013, alors que la société prétend le contraire, en indiquant cela dans sa lettre du 27 juin 2013.

Sur ce point, il apparaît que Mme Z... A... n'a pas protesté à ce sujet avant la saisine du conseil ; elle a même demandé début juillet à la société de lui délivrer une attestation à ce sujet, comme cela ressort du courriel en date du 4 juillet 2013, émanant de l'assistante de ressources humaines.

Vu l'absence d'écrit émanant de Mme Z... A..., ce congé a pu être convenu ou non à sa demande, mais elle ne s'y est pas opposée, alors qu'elle a protesté au sujet des conditions de sa reprise. Il n'y a donc pas lieu d'en faire grief à la société.

Mme Z... A...s'est présentée le vendredi 6 septembre mais sans pouvoir reprendre son travail faute d'accueil prévu, de sorte qu'elle est rentrée chez elle, ce qui n'est pas contesté par la société; elle s'est représentée à son travail le lundi 9 septembre 2013 et a effectué le matin une formation à l'administration des ventes en même temps qu'une nouvelle salariée, puis elle a passé sa visite médicale de reprise.

Mme Z... A... soutient qu'après cette visite de reprise elle aurait été placée seule dans un bureau, sans ligne téléphonique, avec un ordinateur défectueux et sans tâche à effectuer ; elle dit s'être sentie humiliée, ayant effectué une formation avec la salariée qui allait la remplacer dès l'après-midi du 9septembre, puis laissée sans occupation l'après-midi.

Ces éléments ne sont pas démentis par la société.

En août 2013 Mme Z... A... a reçu un bulletin de salaire mentionnant qu'elle avait un poste de standardiste, bulletin qu'elle a fait rectifier pour faire mentionner le poste de gestionnaire ADV, faits qui sont établis au vu des deux bulletins de salaire produits.

Lors de cette première visite de reprise le 9 septembre, le médecin rendait un avis d'aptitude pour une reprise du travail comme gestionnaire ADV à 60 % avec une heure de pause entre 12h et 14h, sans préciser les jours de travail.

Mme Z... A... indique dans ses conclusions que le 10 septembre elle a été convoquée par le président de la société M. Bennatan qui aurait crié sur elle et tapé son poing sur la table en lui disant qu'elle n'était pas au placard mais qu'il fallait du temps pour qu'elle réintègre le service administration des ventes et qu'il lui ferait une proposition.

L'existence de cet entretien n'est pas contestée par la société, mais Mme Z... A... n'établit pas les circonstances violentes de cet entretien.

Mme Z... A... soutient encore que le 12 septembre elle s'est trouvée placée le long du mur opposé aux fenêtres, sous des néons ne fonctionnant pas et qu'elle a dû demander un grand écran et récupérer une lampe d'appoint, alors que de longue date, sur préconisations du médecin de prévention, la société avait mis à sa disposition un grand écran, un éclairage naturel, un casque téléphonique et un support poignet, en raison de son handicap visuel.

Elle produit des photographies de son poste de travail ce jour-là, qui corroborent ses dires. La société ne dément pas ces éléments factuels qui établissent que la société n'a pas accueilli Mme Z... A... dans de bonnes conditions à sa reprise de travail.

La société précise qu'elle a fait à Mme Z... A... une seconde proposition d'avenant dès le 12septembre 2013 ; elle produit cet avenant non signé qui prévoit un emploi de gestionnaire ADV à temps partiel (21h) du lundi au mercredi de 9h à 13h et de 14h à 17h. Mme Z... A... reconnaît que cet avenant lui a été oralement proposé le 13 septembre puis par écrit le 26 septembre, mais qu'elle l'a refusé, en faisant valoir que le médecin de prévention avait spécifié qu'elle ne pouvait travailler plus de 3 jours consécutifs ; or cette mention ne figure pas dans l'avis d'aptitude du 9septembre ; Mme Z... A... n'établit pas non plus qu'elle avait demandé dès avant sa reprise à ne pas travailler le mercredi ; en effet, ce n'est qu'au moment où elle refuse cet avenant le 13septembre que la société reconnaît avoir eu connaissance de cette demande de ne pas travailler le mercredi (comme la société l'indique dans sa lettre du 28octobre).

Vu l'impasse dans laquelle elle se trouvait, Mme Z... A... a proposé une rupture conventionnelle par lettre du 15 septembre 2013, à laquelle la société a répondu par lettre du 24septembre qu'elle n'y était pas opposée, tout en s'inquiétant du lien fait par la salariée dans sa lettre entre son refus de signer le nouvel avenant et la demande de rupture conventionnelle ; c'est ainsi que Mme Z... A..., dans l'espoir de concrétiser ce mode de rupture amiable, a reformulé sa demande par lettre du 24 septembre, sans évoquer l'avenant refusé.

Or, la société a dû ensuite apprendre que la rupture conventionnelle était interdite pour les salariés handicapés, c'est pourquoi, par lettre du 26 septembre, elle a proposé à nouveau à Mme Z... A... le poste de gestionnaire ADV à temps partiel (21h) du lundi au mercredi de 9h à 13h et de 14h à 17h, alors que d'une part elle savait alors pertinemment que sa salariée souhaitait ne pas travailler le mercredi, et que d'autre part la société ne rapporte pas la preuve que l'essentiel du travail du service ADV était réalisé entre le lundi et le mercredi, comme elle le soutient dans sa lettre du 28 octobre.

Comme la société ne l'avait pas autorisée à travailler à temps partiel, vu l'absence d'avenant signé, Mme Z... A... a utilisé ses congés payés, en demandant à prendre 2 jours de congés par semaine, pour respecter l'avis d'aptitude au travail à 60 % du médecin de prévention et pour ne pas se voir reprocher de l'absentéisme. Cette situation a duré jusqu'au 4 novembre 2013.

Entre-temps, dans un second avis du 11 octobre 2013, le médecin de prévention donnait un avis d'aptitude à un poste adapté (ce qui est nécessairement le poste de gestionnaire ADV) à 60 %, mais précisait les jours de travail (lundi, mardi et vendredis) et la nécessité d'une seule heure de pause entre 12 et 14h.

Par lettre du 28 octobre remise en mains propres, la société faisait alors une troisième proposition de deux postes en un, à savoir gestionnaire ADV les lundis et mardis de 9h30 à 12h30 et de 13h30 à 17h30, et gestionnaire d'appels (standardiste) le vendredi de 9h30 à 12h30 et de 13h30 à 17h30.

Mme Z... A... n'acceptait pas cette proposition, estimant être discriminée par rapport aux autres salariées qui sont gestionnaire ADV, sans être en même temps standardistes, comme c'était son cas avant son congé parental.

Elle estimait qu'elle aurait été la seule gestionnaire ADV contrainte de s'adapter à deux postes et au surplus à temps partiel, alors qu'elle est handicapée.

La cour estime d'une part que cette contrainte était effectivement plus lourde à supporter pour MmeZ... A... en raison de son handicap, alors qu'il est toujours considéré que même sans handicap le fait d'avoir deux fonctions ou postes est plus complexe à gérer pour un salarié.

La société expose avoir recruté 4 nouvelles salariées gestionnaire ADV avant le retour de Mme Z... A... afin de réorganiser et développer son service ADV, à savoir Mme W à compter de décembre 2012, Mme B à compter du 27 mai 2013, Mme M à compter du 24 juin 2013 et Mme K à compter du 9septembre 2013.

Or, dès le mois de mai 2013 la société savait que Mme Z... A..., gestionnaire ADV, allait revenir à partir du 10 juillet 2013 et qu'il fallait lui permettre de reprendre son poste ; ce n'est pourtant pas ce poste qui lui a été proposé dans un premier temps le 27 juin 2013 mais un poste de standardiste et secrétaire, poste qu'elle avait occupé à son entrée dans la société.

Par ailleurs, dès la visite de pré-reprise du 4 juillet 2013, la société était informée qu'elle pouvait compter sur Mme Z... A... pour le poste de gestionnaire ADV, aucune inaptitude n'ayant été détectée.

En outre, la société se heurtait à cette même époque au refus de la salariée d'accepter le poste de standardiste et secrétaire du service ADV.

Dès lors, la décision de la société de recruter une 4ième gestionnaire ADV pour début septembre allait à l'encontre de la réintégration de Mme Z... A... dans son poste de gestionnaire ADV, alors que la société pouvait dès le mois de juillet lui proposer de revenir à son poste à temps partiel 4 jours sur 5, tout en lui permettant de ne pas travailler le mercredi, ce qui n'a jamais été envisagé par la société.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il peut être reproché à la société les faits suivants :

- d'avoir fait une première proposition de poste sur un emploi déqualifié de standardiste et secrétaire du service ADV, alors qu'avant son congé parental Mme Z... A... occupait le poste de gestionnaire ADV, sans respecter les dispositions légales susvisées, et alors que début juillet la société aurait pu lui proposer un poste de gestionnaire ADV au lieu de recruter une 4ième gestionnaire ADV, que Mme Z... A... a côtoyée lors de sa demi-journée de formation et qui allait la remplacer dans son poste, situation pour le moins difficile à supporter,

- de ne pas avoir accueilli correctement Mme Z... A... au moment de sa reprise de travail, en la faisant venir le 6 septembre 2013 sans lui fournir de travail ou même préparer sa reprise (en recherchant à lui fournir un poste de travail adapté à son handicap connu), en l'affectant le 9 septembre seule dans un bureau sans téléphone et sans ordinateur en fonction et adapté à son handicap, en lui donnant le 12 septembre un poste de travail dans un espace commun mais non adapté à son handicap visuel,

- d'avoir fait à Mme Z... A... une seconde proposition de poste le 12 septembre 2013, cette fois sur un emploi de gestionnaire ADV (comme demandé par la salariée) mais sur trois jours incluant le mercredi, alors que la société savait pertinemment que Mme Z... A... ne souhaitait pas travailler le mercredi,

- d'avoir laissé "pourrir" la situation entre septembre et fin octobre 2013, contraignant MmeZ... A... à poser des congés payés dans la mesure où cette dernière n'était pas formellement autorisée à travailler à temps partiel,

- d'avoir enfin proposé à Mme Z... A... un poste à temps partiel avec deux fonctions, soit 2 jours gestionnaire ADV et un jour standardiste, ce qui est plus difficile en soi pour n'importe quel salarié et encore plus difficile pour elle vu son handicap, et ce qui ne correspondait donc pas aux préconisations du médecin de prévention sur la fourniture d'un poste adapté,

- de ne pas avoir interrogé sur ce point le médecin de prévention, de sorte que cette proposition de deux postes n'était pas conforme à ce second avis du médecin.

Ces éléments, outre qu'ils démontrent que la société n'a pas respecté le second avis du médecin de prévention en date du 11 octobre 2013, laissent présumer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte à l'encontre de Mme Z... A... en raison de son état de santé et de son handicap (son déficit visuel) et la société ne justifie par d'éléments objectifs étrangers à toute discrimination, l'explication sur la réorganisation de son service ADV qui l'aurait empêché de réintégrer Mme Z... A... dans son poste de gestionnaire ADV à temps partiel n'étant pas pertinente, comme démontré plus haut.

L'interruption de sa carrière professionnelle dans ces circonstances a conduit Mme Z... A... à un épuisement psychologique ayant nécessité un arrêt de travail à compter du 3 novembre 2013 jusqu'au 7 janvier 2014 et un suivi psychologique entre novembre 2013 et mars 2015, au vu des éléments médicaux produits.

La cour allouera donc la somme de 3 000 euros à titre de de dommages et intérêts pour discrimination, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, infirmant ainsi le jugement.

En outre, le non respect des dispositions relatives à la réintégration de la salariée au retour de son congé parental dans son poste de gestionnaire ADV a pour effet de requalifier le licenciement pour inaptitude en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

La cour allouera à Mme Z... A... les sommes suivantes :

- 6 150 euros brut à titre d'indemnité de préavis, outre celle de 615 euros brut au titre des congés payés afférents,

- 497,70 euros brut à titre de complément d'indemnité de licenciement, selon les calculs de l'appelante non contestés par la société,

avec intérêts au taux légal à compter du 5 février 2014, date d'accusé de réception de la convocation de la société en bureau de conciliation.

Au vu de l'ancienneté (5 ans et 3 mois) de Mme Z... A..., de son âge à la date de son licenciement (41ans) de son handicap visuel, de son salaire moyen (2 050 euros brut), de la baisse de ses revenus consécutive à son licenciement (elle justifie avoir été indemnisé par Pôle Emploi jusqu'en novembre 2014 et indique à l'audience ne pas avoir retrouvé d'emploi sans justifier de sa situation depuis 2015), lui sera allouée la somme de 20 000 euros titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La cour infirmera donc le jugement.

Sur les rappels de salaire pour retenues sur congés payés

Mme Z... A... invoque le fait que la société, en ne lui donnant pas d'autorisation d'absences pour les jours complétant le temps partiel préconisé à hauteur de 60 % par le médecin de prévention, lui a imposé de fait de poser des jours de congés payés pour les 40 % du temps de travail restant pour un travail à temps plein.

La société soutient que Mme Z... A... ne rapporte pas la preuve d'avoir été forcée de poser ces jours de congés.

Or, la situation de Mme Z... A... n'était pas claire pendant la période litigieuse, du fait de l'absence de prise en compte par son employeur des dispositions légales concernant la reprise du travail de la salariée au retour de son congé parental ; ce contexte a contraint Mme Z... A..., qui ne voulait pas prendre le risque de se voir reprocher une absence injustifiée du fait de l'absence d'avenant confirmant son temps partiel, à poser un nombre anormal de congés, soit 21 jours de congés en septembre et octobre 2013.

Néanmoins, elle a bénéficié de ces congés et ne saurait donc être indemnisée de l'intégralité de leur montant, soit 1 986,88 euros, mais seulement du préjudice découlant de cette contrainte d'avoir à poser des jours de congés, que la cour, en requalifiant sa demande de rappel de salaires en dommages et intérêts, évalue à la somme de 300 euros, infirmant ainsi le jugement.

Sur les demandes accessoires

La somme de 2 000 euros sera allouée à Mme Z... A... au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, en complément de celle de 1 000 euros alloués dans le jugement que la cour confirme.

La société sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort ;

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en date du 29 avril 2016, sauf en ce qui concerne la cotisation mutuelle et les frais irrépétibles ;

Statuant à nouveau,

DÉCLARE sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme Z... A... pour non respect de l'obligation de réintégration de la salariée dans son poste au retour de son congé parental et non respect de l'avis du médecin de prévention en date du 11 octobre 2013 ;

CONDAMNE la société Groupe PHR à payer à Mme Z... A... les sommes suivantes :

- 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination liée à la santé et au handicap,

- 300 euros à titre de dommages et intérêts pour la contrainte de prise de congés payés en septembre et octobre 2013,

ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

- 6 150 euros brut à titre d'indemnité de préavis, outre celle de 615 euros brut au titre des congés payés afférents,

- 497,70 euros brut à titre de complément d'indemnité de licenciement,

ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 5 février 2014,

- 20 000 euros titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

CONDAMNE la société aux dépens d'appel.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du codedeprocédure civile, et signé par Madame Sylvie BORREL pour Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président, empêché, et par Monsieur Nicolas CAMBOLAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 16/03448
Date de la décision : 19/07/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°16/03448 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-07-19;16.03448 ?
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