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12/07/2018 | FRANCE | N°16/05582

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 12 juillet 2018, 16/05582


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre







ARRÊT N° 00395



CONTRADICTOIRE



DU 12 JUILLET 2018



N° RG 16/05582



N° Portalis DBV3-V-B7A-RE26







AFFAIRE :



Mickael X...



C/



SAS CHANEL









Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 27 Octobre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section :

Industrie

N° RG : F15/01468







Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 13 Juillet 2018 à :

- Me Violaine F...

- Me Martine Y...

[...]







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





LE DOUZE JUILLET DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRÊT N° 00395

CONTRADICTOIRE

DU 12 JUILLET 2018

N° RG 16/05582

N° Portalis DBV3-V-B7A-RE26

AFFAIRE :

Mickael X...

C/

SAS CHANEL

Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 27 Octobre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : Industrie

N° RG : F15/01468

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 13 Juillet 2018 à :

- Me Violaine F...

- Me Martine Y...

[...]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DOUZE JUILLET DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 10 avril 2018, puis prorogé au 28 juin 2018 et au 12 juillet 2018, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre:

Monsieur Mickael X...

né le [...] à TOEUFLES (80870)

de nationalité Française

[...]

Représenté par Me Francine VIAUX, plaidant, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : G0122 ; et par Me Violaine F..., constituée, avocate au barreau de VERSAILLES, vestiaire : B0097

APPELANT

****************

La SAS CHANEL

[...]

Représentée par Me Christine SEVERE de l'AARPI DENTONS EUROPE, plaidant, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : P0372; et par Me Martine Y... de la SELARL LEXAVOUE PARIS- VERSAILLES, constituée, avocate au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 Janvier 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sylvie BORREL, Conseiller chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,

Madame Sylvie BORREL, Conseiller,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Adrien CROUZET,

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. X..., né le [...], a été embauché comme agent de façonnage le [...], selon un contrat de travail à durée indéterminée, initialement au sein de la société Bourjois.

Au 1er octobre 2002 il a été muté au sein du service des frais généraux.

Il est ensuite devenu salarié à temps complet auprès de la société Chanel à compter du 1er janvier 2005 avec reprise d'ancienneté au 25 juin 1990.

A compter du 1er janvier 2008 il est devenu employé multimédia bâtiment.

A compter du 1er décembre 2012, il a été nommé régisseur groupe 3 statut employé coefficient 205, chargé de gérer les matériels de projection des salles de réunion et de mettre en 'uvre les matériels audiovisuels multimédia gérés par les services généraux, et sous le rattachement hiérarchique de M.Z..., responsable logistique bâtiment et sécurité.

En dernier lieu son salaire était de 2 421,65 euros brut/mois

La convention collective applicable était la convention collective des industries chimiques du 30décembre 1952.

M. X... a été convoqué par courrier du 6 octobre 2014 à un entretien préalable fixé au 15 octobre 2014, puis la société lui a notifié par lettre du 27 octobre 2014 son licenciement disciplinaire pour menaces à l'égard d'un collègue, selon les termes suivants :

« Nous sommes conduits à vous notifier votre licenciement pour faute pour le motif suivant :

Jeudi 25 septembre 2014, dans l'après-midi, entre 15h30 et 16h, dans l'espace ouvert et partagé des Services Généraux, au rez de chaussée du [...], vous interpellez Monsieur Noreddine A..., Responsable Service Courrier Automobile, en ces termes : « je vais te fumer toi et ta famille, de toutes manières, je sais où tu habites ».

De telles menaces à l'encontre de l'intégrité physique d'un salarié de l'entreprise ainsi que de sa famille constituent un comportement inacceptable et fautif.

C'est pourquoi, après avoir eu connaissance de la gravité des faits, nous vous avons adressé, par lettre recommandée en date du 06 octobre 2014, une mise à pied à titre conservatoire ainsi qu'une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Lors de cet entretien préalable du 15 octobre dernier, vous avez reconnu les faits et avez admis qu'ils n'étaient pas adaptés dans un cadre professionnel.

Vous avez ajouté que ces mots étaient « sortis de vous-même ».

Au cours de cet entretien, vous nous avez indiqué que cet incident faisait suite à un événement intervenu dans le courant du mois d'août dernier, relatif au changement de mot de passe Lotus Notes d'un collaborateur du Service Courrier durant ses congés, et sur lequel vous vous opposiez depuis avec Monsieur Norredine A....

C'est dans ce contexte et suite à la demande réitérée de Monsieur Norredine A... quant à un éventuel témoignage de votre part au sujet de cet événement, que vous auriez perdu patience et que vous avez prononcé ces menaces à l'égard de Monsieur Norredine A....

En tout état de cause, et quels que soit les éléments qui vous opposaient à Monsieur Norredine A..., cela ne saurait en aucun cas justifier de telles menaces physiques à l'égard d'un autre salarié.

En effet, outre la violence de vos paroles, l'impact que cela a pu avoir sur Monsieur Norredine A... et le trouble qu'ils occasionnent dans le bon fonctionnement du service, la Société CHANEL ne saurait aucunement tolérer ces propos qui menacent l'intégrité physique des salariés.

Ainsi, les explications recueillies auprès de vous lors de notre entretien ne nous ont pas permis de reconsidérer la sanction que nous projetions de prendre.

Les faits qui vous sont reprochés mettent en cause le bon fonctionnement de votre service et constituent par conséquent une faute ne nous permettent pas de vous maintenir dans votre emploi.

C'est pourquoi, nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour faute qui prendra effet dès la première présentation de la présente. ' ».

Le 13 mai 2015, M. X... a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin de contester son licenciement et obtenir la condamnation de la société aux sommes suivantes :

- 73 959,60 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 525 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il demandait en outre la remise des bulletins de salaire d'octobre 2014 à janvier 2015 et de l'attestation Pôle Emploi, sous astreinte de 46 euros par jour de retard avec faculté de la liquider, l'exécution provisoire et la condamnation de la société Chanel aux dépens.

Par jugement du 27 octobre 2017, le conseil a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouté le salarié de ses demandes ainsi que la société de sa demande d'indemnité de procédure.

Le salarié a régulièrement interjeté appel le 13 décembre 2016 du jugement qui lui a été notifié le 17novembre 2016.

M. X..., par voie de conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 10 mars 2017, sollicite l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de l'intimée aux sommes suivantes :

- 87 618 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 500 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile.

La société Chanel, par voie de conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 26 avril 2017, sollicite la confirmation du jugement et le débouté de l'ensemble des demandes du salarié ainsi que sa condamnation à une indemnité de procédure de 4 000 euros et aux dépens de première instance et d'appel.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'article L.1235-1 du code du travail stipule que le juge doit apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, au vu des éléments fournis par les parties.

La lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis, objectifs et vérifiables.

La société fait valoir que M. X... a été maintes fois mis en garde tout au long de son parcours professionnel suite à des incidents au cours desquels il lui était reproché des problèmes de comportement depuis 1993 et le dernier en février 2013. Elle indique que les faits auraient été reconnusdans leur matérialité par M. X... lors de l'entretien préalable. Elle précise avoir fait le choixde ne pas le licencier pour faute grave pour tenir compte de son ancienneté.

M. X... conteste les faits, soutenant qu'il s'agit d'un complot ourdi contre lui et que le compte-rendu de l'incident fait par M. Z..., qui allègue avoir entendu ses propos menaçants adressés à M. A..., responsable du service courrier et automobile, serait erroné. Il estime d'une part que la société a prisune décision précipitée sans avoir entendu tous les protagonistes et le supérieur hiérarchique de M.A..., alors que d'autre part elle invoque des problèmes de comportement au sujet de faits prescrits et qu'elle ne l'a pas sanctionné récemment, depuis moins de 3 ans.

Au vu des conclusions et pièces des parties, il apparaît les éléments suivants :

- M. X... a appris qu'un ou des salariés cherchaient à le mettre en cause dans un incident s'étant déroulé en août 2014 : il s'agissait d'un changement de mot de passe de l'ordinateur commun au service courrier et utilisé par M. B..., mot de passe qui avait été changé par un salarié avant son départ en congés sans en avertir ses collègues, ce qui avait occasionné des difficultés d'accès finalement résolues pendant la période d'été.

- Dans sa lettre du 3 octobre 2014 adressée à la direction, M. A... expose que M. B..., au retour de ses congés (en août) s'était plaint du changement de son mot de passe en son absence, mettant en cause trois personnes dont M. X... et en a fait part à la direction et au comité d'établissement (dont M. B... est membre) réuni le 24 septembre veille de l'incident, c'est pourquoi M. X... l'a interpellé le 25 septembre 2014 dans l'open space des services généraux, en le menaçant à plusieurs reprises en ces termes : « Toi je vais te fumer toi et ta famille, et de toutes manières, je sais où tu habites ».

- M. A... a dit la même chose lors de sa déclaration ou "main-courante" faite le 2 octobre 2014 auprès des services de police de Suresnes.

- M. Z..., qui indique dans un compte-rendu dactylographié, daté du 2 octobre 2014, et n'ayant pas la valeur d'une attestation pouvant être produite en justice (son attestation datée et signée le 17 septembre 2015 indiquant que "le compte-rendu d'entretien daté du 17 septembre 2015 portant sur des faits visant M. X... pourra être produite en justice et que toute fausse déclaration de sa part l'expose à des sanctions pénales" étant elle-même erronée car mentionne une date de ce compte-rendu erronée), qu'il revenait le 25 septembre 2014 de sa permanence CE vers 15h/15h30 et que là est intervenue une altercation verbale et violente de la part de M.X..., rapportant cette altercation verbale comme suit :

"M. X... a menacé M. A... de la phrase et les mots suivants- je vais te fumer toi et ta famille, j'ai ton adresse - et qu'il a rajouté en montrant mon bureau du doigt - et l'autre -

M. A... lui a demandé - pourquoi ces propos et de quoi s'agit-il '

M. X... lui a répondu - tu sais de quoi je parle -

M. A... est sorti de l'espace de travail pas bien du tout.

Mme C..., MM. D... et E... étaient présents ; Mme C... est allée voir M.X... et lui a dit de se calmer et qu'il ne fallait pas dire des propos de cette sorte."

- M. X... a fait l'objet de mises en garde mais pour des faits très anciens sans rapport avec les faits reprochés ; aucune sanction disciplinaire n'a été prise depuis moins de 3 ans ; il est mentionné dans son évaluation de fin 2012 (qui n'est pas signée par le salarié et qui ne mentionne aucun commentaire de sa part, ce qui laisse supposer qu'aucun échange n'a eu lieu au sujet de cette évaluation) qu'il a un comportement irrégulier, sans que son supérieur hiérarchique ne s'explique pourquoi (sic).

La société soutient sans l'établir que M. Z... aurait été présent lors des faits, alors que ce dernier, dans ce compte-rendu, ne précise pas qu'il était présent lors des faits, ne faisant que rapporter, la cour le supposant bien qu'il ne le précise pas, ce qui lui aurait été dit par le ou les salariés présents et M.A....

Elle prétend aussi, sans l'établir, que M. X... aurait admis les faits lors de l'entretien préalable, alors que ce dernier n'a pas pu être assisté (le salarié devant l'assister, à savoir M. B..., lequel était impliqué dans l'origine de l'altercation, s'est désisté le jour même) et qu'aucun compte-rendu n'a a été formalisé par la société.

De son côté M. X... indique dans ses conclusions que seule Mme C... était présente lors des faits, tandis que M. A... n'a jamais précisé si des personnes étaient présentes, au vu des pièces produites.

La cour constate qu'aucun des trois salariés qui auraient été témoins selon M. Z... n'ont témoigné pour l'une ou l'autre des parties, de sorte que l'on se trouve en présence de faits de menaces verbales qui n'ont jamais fait l'objet d'une enquête pénale, ni d'une enquête contradictoire au sein de l'entreprise, ce qui aurait permis à chacun de s'exprimer, de sanctionner éventuellement la personne responsable, d'exclure la responsabilité d'autres salariés dans l'origine du litige, d'éviter le renouvellement de ces problèmes informatiques et relationnels, et de rétablir de meilleures relations entre les protagonistes.

Si M. X... n'a contesté son licenciement qu'après 7 mois, cet élément n'apparaît pas déterminant en l'espèce, car on ne saurait en déduire que cela s'expliquait par le fait qu'il ne contestait pas les faits, d'autres éléments pouvant expliquer cette contestation à distance du licenciement.

En conséquence, la cour requalifiera le licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Depuis son licenciement, intervenu alors qu'il avait 24 ans d'ancienneté, M. X... a bénéficié d'allocations de retour à l'emploi d'un montant d'environ 1 400 à 1 536 euros par mois jusqu'en avril 2017 ; il a retrouvé un emploi de technicien en intérim entre août et novembre 2017, au vu des bulletins de salaire produits, mais n'a pas retrouvé d'emploi fixe.

Au regard de ces éléments et de son salaire de référence (2 920 euros brut, primes incluses), la cour lui allouera la somme de 50 000 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La somme de 2 500 euros sera allouée à M. X... au titre de l'article 700 code de procédure civile, et les dépens de première instance et d'appel mise à la charge de la société.

La société devra rembourser à Pôle emploi Ile de France le montant des allocations versées à M. X... dans la limite de 3 mois, en application de l'article L.1235-4 du code du travail.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort ;

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en date du 27 octobre 2016 ;

Statuant à nouveau,

DÉCLARE le licenciement de M. X... sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société Chanel à payer à M. X... la somme de 50 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre celle de 2 500 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

DIT que la société Chanel devra rembourser à Pôle Emploi Ile de France le montant des allocations versées à M. X... dans la limite de 3 mois ;

CONDAMNE la société Chanel aux dépens de première instance et d'appel.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président, et par Monsieur Nicolas CAMBOLAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 16/05582
Date de la décision : 12/07/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°16/05582 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-07-12;16.05582 ?
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