COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
17e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 04 JUILLET 2018
N° RG 16/03058
AFFAIRE :
Isabelle, Marie, E...
C/
SA TRANSDEV ILE DE FRANCE anciennement dénommée VEOLIA TRANSPORT
Décision déférée à la cour: jugement rendu le 06 mai 2016 par le conseil de prud'hommes - formation paritaire - de Nanterre
Section : encadrement
N° RG : 13/02577
Copies exécutoires
Copies certifiées conformes
délivrées à :
SELARL DBC
SCP PECHENARD & Associés
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:
Madame Isabelle, Marie, E...
[...]
comparante en personne,
assistée de Me Anne-Christine X... de la SELARL DBC, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : K0180
APPELANTE
****************
SA TRANSDEV ILE DE FRANCE anciennement dénommée VEOLIA TRANSPORT
[...]
représentée par Me Emmanuelle Y... de la SCP PECHENARD & Associés, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : R047, substituée par MeBéatrice Z..., avocate au barreau de Paris
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 mai 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Clotilde MAUGENDRE, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Clotilde MAUGENDRE, Président,
Madame Monique CHAULET, Conseiller,
Madame Elisabeth ALLANNIC, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Marine GANDREAU,
Par jugement du 6 mai 2016, le conseil de prud'hommes de Nanterre (section encadrement) a:
- dit n'avoir constaté ni harcèlement moral, ni discrimination,
- dit que la prise d'acte de rupture du contrat de travail de Mme Isabelle A... ne pouvait être portée aux torts de la société Transdev,
- débouté Mme A... de l'ensemble de ses demandes,
- débouté la société Transdev de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,
- laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
Par déclaration adressée au greffe le 3 juin 2016, Mme Isabelle A... a interjeté appel de ce jugement et, par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, demande à la cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 6 mai 2016,
statuant à nouveau,
- dire qu'elle a été victime de harcèlement moral et de discrimination de la part de la société Véolia Transport, nouvellement dénommée Transdev,
- dire que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail est justifiée au regard des manquements graves de la société Véolia Transport, nouvellement dénommée Transdev,
en conséquence,
à titre principal,
- requalifier la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail en licenciement nul,
- condamner la société Transdev à lui payer les sommes suivantes :
. 19 558,70 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
. 13 367,88 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
. 1 336,78 euros à titre de congés payés sur préavis,
. 108 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
à titre subsidiaire,
- requalifier la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la société Transdev à lui payer les sommes suivantes :
. 19 558,70 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
. 13 367,88 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
. 1 336,78 euros à titre de congés payés sur préavis,
. 108 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
en tout état de cause,
- condamner la société Transdev à lui payer les sommes suivantes :
. 55 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et discrimination,
. 2 312,95 euros à titre de rappel de salaire sur le solde des congés payés et RTT acquis et non rémunéré,
. 1 000 euros à titre de perte de chance d'utiliser les droits acquis au titre du DIF,
. 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Transdev aux dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, la société Transdev anciennement dénommée Véolia Transport demande à la cour de :
- déclarer mal fondé l'appel interjeté par Mme A...,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre du 6 mai 2016,
en conséquence,
- déclarer mal fondée la demande de Mme A... visant à voir requalifiée la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de la société Veolia Transport,
- constater que Mme A... n'a nullement été victime de discrimination,
- débouter Mme A... de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner Mme A... à lui payer les sommes suivantes :
. 10 960,47 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
. 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme A... aux entiers dépens.
SUR CE LA COUR,
La société Veolia Transport, anciennement dénommée CGEA Transport, a pour activité principale le transport en commun de voyageurs.
Mme A... a été engagée par la société CGEA Transport, en qualité de cadre d'études à Metz, par contrat à durée indéterminée du 25 novembre 1997, signé le 14 décembre 1997, avec prise de fonction au plus tard le 2 février 1998.
Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport.
Le 1er janvier 1999, elle a été nommée responsable marketing et communication pour l'agence Seine Sud.
A partir du 1er juillet 2001, elle a été nommée directrice de l'établissement de Vaux-le- Pénil urbain.
Par avenant du 25 avril 2003, à effet au 1er mai 2003, elle a été nommée chargée d'études, niveau 6 position 1, au sein de la direction métier France, placée sous la responsabilité de M.B..., son lieu de travail étant fixé à Nanterre.
Le 21 septembre 2003, la salariée a informé la société Veolia de son état de grossesse, la date de l'accouchement étant prévue le 14 avril 2004.
Le 17 octobre 2005, elle a annoncé sa seconde grossesse.
A l'issue de ce second congé de maternité, elle a repris son poste en septembre 2006.
Le 11 juillet 2007, la société a proposé à Mme A... un poste d'auditeur interurbain au sein
de la direction métier interurbain, placé sous la responsabilité de M. C... et géré administrativement par le siège social de Nanterre, poste de cadre d'études, niveau 5, position2.
Mme A... estimant que cette proposition était constitutive d'une rétrogradation a refusé de signer cet avenant.
Le 16 novembre 2007 un nouvel avenant, lui proposant la même fonction mais cette fois avec le statut de cadre d'études, niveau 6, position 1, lui a été soumis.
Pour les mêmes raisons elle a également refusé de signer cet avenant.
Mme A... a été placée en arrêt de travail du 31 juillet au 8 août 2008, et s'est vu prescrire un traitement d'anti-dépresseur.
Par courrier du 12 novembre 2008, la société Transdev l'a informée que dans le cadre de la mise en oeuvre de la nouvelle organisation à compter du 1er novembre 2008 elle serait placée sous la responsabilité du responsable du pôle économique M. D..., en qualité de chargée de mission et que ce nouveau rattachement n'emportait aucune modification du contrat de travail.
Mme A... a été à nouveau placée en arrêt de travail pour maladie à partir du 19décembre2008, arrêt renouvelé jusqu'au 24 février 2009.
Par requête du 2 février 2009, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur.
Par courrier du 28 février 2009, Mme A... a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur :
« (...) Je vous adresse par la présente dans le cadre du différend qui nous oppose et qui a justifié ma saisine du conseil de prud'hommes de Nanterre le 2 février 2009, en demande, notamment de la résiliation judiciaire de mon contrat de travail à vos torts et griefs avec toutes les conséquences qui y sont attachées, l'audience devant le bureau de conciliation étant fixée au 8 juin 2009 à 9 heures.
A l'acte de saisine étaient jointes des conclusions aux termes desquelles sont développés les différents griefs fondant mes demandes.
Vous avez été rendue destinataire de ces écritures par l'intermédiaire de mon conseil.
J'étais en arrêt maladie du 19 décembre 2008 au 1er janvier 2009, puis du 3 janvier au 24février 2009 inclusivement, ces arrêts de travail étant liés à un syndrome dépressif.
J'ai repris le travail le mercredi 25 février 2009 au matin.
Toutefois, je me suis trouvée dans l'impossibilité psychologique et physique de supporter le cadre de l'entreprise au sein de laquelle j'ai eu à subir, depuis tant d'années, des discriminations caractérisées et un harcèlement moral assidu tels que décrits dans les conclusions dont, pour la bonne forme, je vous joins une copie.
C'est pourquoi le 26 février, j'ai été contrainte de quitter l'entreprise dans la journée et que mon médecin m'a placée en arrêt de travail.
Je note par ailleurs, qu'après avoir pris connaissance de ma saisine du Conseil de prud'hommes, vous m'avez indiqué augmenter mon salaire de base de 3,5% et procéder à la réévaluation de ma prime de bilan, cette prime, dont le montant avait été indûment diminué de 20% à compter de janvier 2006'
Il s'agit, manifestement, de tenter de vous présenter dans de meilleures conditions devant la juridiction.
Vous n'êtes pas sans ignorer les conséquences négatives de votre attitude sur mon moral et ma santé.
Dans ces conditions, et au regard de l'ensemble des motifs figurant aux conclusions jointes au présent courrier, je suis contrainte de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail à vos torts et griefs exclusifs, cette rupture prenant effet à la date d'envoi de cette lettre. (...)».
Mme A... a été embauchée par la société Transdev en qualité de directrice de la société locale de Transdev Pays d'Or à Dijon par contrat de travail du 30 janvier 2009, signé le26février 2009, et à effet au 2 mars 2009.
Au cours de l'année 2010, les sociétés Transdev et Véolia ont fusionné et la salariée s'est trouvée à nouveau sous l'autorité de certains salariés de la société Véolia. Le 6 novembre 2012, elle a été licenciée pour avoir depuis son retour de congé de maternité en juin 2010 systématiquement refusé les postes proposés. Par arrêt du 31 janvier 2018, la cour d'appel de Versailles a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et a, notamment, accordé à la salariée des dommages et intérêts au titre du harcèlement moral.
Sur le harcèlement moral :
Mme A... soutient que de son retour de congé maternité en septembre 2006 jusqu'à la fin de la relation contractuelle elle a été victime de harcèlement moral, qu'en violation des dispositions de l'article L. 1225-25 du code du travail son employeur elle n'a pas été réintégrée dans son poste, qu'un départ négocié lui a été proposé à plusieurs reprises et qu'elle a dû se mettre en mobilité interne. Elle ajoute qu'il a ensuite été fait obstruction à sa demande de mobilité, que son supérieur hiérarchique a refusé de la rencontrer, qu'une rétrogradation lui a été imposée et qu'elle a été mise à l'écart.
La société Transdev réplique qu'il est manifeste que Mme A... n'a pas fait l'objet d'un harcèlement moral puisque la relation de travail s'est poursuivie pendant plus de deux ans après son retour de congés maternité. Elle affirme que les demandes de la salariée sont purement opportunistes comme le démontre le fait qu'elle ait pris acte de la rupture de son contrat de travail alors qu'elle était embauchée sur un nouveau poste au sein de la société Transdev le 2mars 2009.
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ».
En application de l'article L.1154-1, interprété à la lumière de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, lorsque survient un litige relatif à l'application de ce texte, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Mme A... établit qu'une convention pour la réalisation d'un bilan de compétences lui a été proposée le 29 septembre 2006 qu'elle a acceptée. Elle n'a donc pas été réintégrée dans son poste d'origine.
Elle justifie qu'à la suite de la synthèse de ce bilan de compétence en date du 9 janvier 2007, elle n'a été destinataire d'un dossier de candidature que le 6 avril 2007, candidature qu'elle a remplie le 13 avril 2007. Elle a également sollicité l'entreprise par de nombreux mails entre le 17 janvier 2007 au 5 novembre 2008 afin de voir traitées ses candidatures.
En juillet 2007, lui a été proposé un poste d'Auditeur Interurbain au sein de la direction métier interurbain, cadre d'études, niveau 5, position 2 , alors qu'elle occupait un poste de niveau 6, position 1.
Le 29 octobre suivant, un autre avenant lui a été soumis qui la classait cette fois cadre d'études, niveau 6, position 1, mais sans que le positionnement hiérarchique et le contenu du poste soient modifiés, que notamment elle était toujours sous l'autorité d'un chargé de mission et plus du directeur général.
En dépit de son refus, à partir du mois de novembre 2007 sur ses bulletins de paie le libellé de son poste « chargée d'étude » a été remplacé par celui de « auditeur interurbain ».
Alors qu'elle avait bénéficié d'entretiens d'évaluation annuels aux conclusions très positives de 1999 à 2002, à partir de 2003 plus aucun entretien n'a été organisé.
Elle n'a plus figuré sur les organigrammes du 1er juin 2007 au 4 juin 2008.
Alors qu'elle avait été invitée à la convention des cadres 2008 qui se tenait les 17 et 18 avril 2008 à La Baule, par mail du 11 avril 2008 elle a été informée que « Contrairement à ce que nous vous avons dit, nous vous avions invitée en raison du désistement d'une personne qui a finalement maintenu sa venue. Je suis donc désolée de ce contre ordre. ».
Egalement elle n'a pas été convoquée à une réunion du 11 juillet 2008 à laquelle était convié tout le personnel du siège à Nanterre.
Le 2 décembre 2008, elle n'a pas été destinataire d'une note d'organisation générale des Directions Siège.
Les différents arrêts de travail pour maladie octroyés à la salariée du 31 juillet au 8 août 2008, du 19 décembre 2008 au 1er janvier 2009 et du 3 janvier au 27 février 2009, ses consultations avec le psychologue du Relais Santé Véolia en juillet et août 2008 et la lettre du médecin du travail du 17 décembre 2008, qui fait état de la récidive d'un syndrome dépressif secondaire à un arrêt trop précoce du traitement antérieurement prescrit, établissent la dégradation de l'état de santé de Mme A....
Quand bien même Mme A... ne démontre pas, comme elle le soutient, avoir été privée de véhicule de fonction, avoir été délogée de son bureau au profit d'une stagiaire et avoir subi des pressions pour accepter une rupture conventionnelle, les agissements établis pris dans leur ensemble suffisent à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral.
Dès lors que la SA Transdev se borne à arguer de la poursuite de la relation contractuelle pendant 2 ans et demi et de la date opportune de la prise d'acte, il convient infirmant le jugement, de dire établi le harcèlement moral.
Sur la discrimination :
Mme A... soutient qu'elle a été victime d'une discrimination en raison de son état de grossesse, de son sexe et de sa situation de famille puisqu'alors que sa carrière évoluait brillamment elle a été soudainement freinée à partir du moment où elle a eu des enfants.
La SA Transdev réplique que le salaire de base de Mme A... a été augmenté entre janvier 2004 et janvier 2008, qu'elle se prévaut des mêmes faits que ceux invoqués au titre du harcèlement moral et que les faits évoqués sont prescrits.
En application de l'article L.1132-1 du code du travail, « aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, des mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme ou en raison de son état de santé ou de son handicap. ».
L'article L.1134-1 du même code dispose qu'en cas de litige relatif à l'application du texte précédent, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et il incombe à la partie défenderesse, au vu des ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Les éléments invoqués à l'appui de la discrimination peuvent être identiques à ceux invoqués au titre du harcèlement moral.
Dès lors que Mme A... se prévaut d'une discrimination fondée sur des faits qui se sont poursuivis jusqu'au terme du contrat de travail le 28 février 2009 et qu'elle a saisi le conseil de prud'hommes par requête du 2 février 2009, la SA Transdev est mal fondée à se prévaloir de la prescription.
Sur la base des développements relatifs au harcèlement moral, étant constaté que les agissements imputés à l'employeur ont commencé après le premier arrêt de maternité de MmeA... puisque dès 2003 elle n'a plus bénéficié d'entretien annuel et se sont amplifiés au retour du second congé de maternité en 2006, il convient, infirmant le jugement, de dire établie la discrimination sur la grossesse, sur le sexe et la situation de famille.
Sur les dommages et intérêts pour harcèlement moral et discrimination :
Dès lors que la dégradation de l'état de santé est établie par les éléments médicaux versés au débat et que le harcèlement et la discrimination subi ont entravé le déroulement de sa carrière professionnelle, le préjudice subi par la salariée sera réparée par l'allocation d'une somme de 5000 euros.
Sur le rappel de salaire au titre des congés payés et RTT acquis :
Dès lors que sur le bulletin de paie de février 2009 figurent comme restant dus 37,75 jours de congés payés et 10 jours de RTT et que, d'après l'attestation Pôle emploi, la SA Transdev n'a payé que 34 jours de congés payés, il convient, infirmant le jugement, de faire droit à la demande de la salariée de ce chef.
Sur la prise d'acte de la rupture :
Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués étaient d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail, soit, dans le cas contraire, d'une démission. La charge de la preuve des faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur à l'appui de sa prise d'acte pèse sur le salarié.
Le harcèlement moral et la discrimination subis par la salariée pendant plusieurs années qui ont entraîné la dégradation de son état de santé au point qu'elle a été placée en arrêt de travail pour maladie du 1er janvier au 24 février 2009 rendaient impossible la poursuite du contrat et justifiaient donc, même si elle a repris un emploi le 2 mars 2009, la prise d'acte de la rupture du contrat de travail intervenue le 28 février 2009.
Il convient donc, infirmant le jugement, de dire que la prise d'acte de la rupture produit les effets d'un licenciement nul.
Sur les conséquences du licenciement nul :
Le salarié victime d'un licenciement nul dont la réintégration est impossible ou qui ne la demande pas a droit aux indemnités de rupture ainsi qu'à une indemnité au moins égale à six mois de salaire au titre du caractère illicite du licenciement.
Au regard de son âge au moment de la rupture, 41 ans, de son ancienneté d'environ 12 ans dans l'entreprise, du montant de la rémunération moyenne mensuelle brute de 4 455,96 euros bruts qui lui était versée et de son aptitude à retrouver un emploi puisqu'elle a été embauchée le 2 mars 2009 avec un salaire supérieur, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral subi, la somme de 42 000 euros.
Il lui sera également alloué les indemnités de rupture dont elle a été indûment privée et dont les montants ne sont pas critiqués.
Sur les dommages et intérêts au titre du DIF :
Le salarié dont la prise d'acte de la rupture est justifiée et qui n'est pas tenu d'exécuter un préavis a droit d'être indemnisé de la perte de chance d'utiliser les droits qu'il a acquis au titre du droit individuel à la formation.
En l'espèce la salariée, qui n'indique même pas à la cour le nombre d'heures qu'elle avait acquis, ne justifie pas avoir subi un préjudice.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme A... de sa demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
Infirme partiellement le jugement,
Statuant à nouveau,
Dit établis le harcèlement moral et la discrimination,
Dit que la prise d'acte de la rupture produit les effets d'un licenciement nul,
Condamne la SA Transdev anciennement dénommée Véolia Transport à payer à Mme Isabelle A... les sommes suivantes :
. 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et discrimination,
. 42 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,
. 19 558,70 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
. 13 367,88 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
. 1 336,78 euros à titre de congés payés sur préavis,
. 2 312,95 euros à titre de rappel de salaire sur le solde des congés payés et RTT acquis et non rémunéré,
Confirme pour le surplus le jugement,
Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
Condamne la SA Transdev anciennement dénommée Véolia Transport à payer à Mme A... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la SA Transdev anciennement dénommée Véolia Transport de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SA Transdev anciennement dénommée Véolia Transport aux dépens.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l'avis donné aux parties à l'issue des débats en application de l'article 450, alinéa 2, du code de procédure civile, et signé par Madame Elisabeth ALLANNIC, conseiller, en l'absence de Clothilde MAUGENDRE, régulièrement empêchée et Madame Marine GANDREAU, greffier.
Le greffier,Le président,