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04/07/2018 | FRANCE | N°16/02397

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 04 juillet 2018, 16/02397


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



17e chambre





ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE



DU 04 JUILLET 2018



N° RG 16/02397



AFFAIRE :



Faouzi X...



C/



Y... ALIANTIS









Décision déférée à la cour: jugement rendu le 24 mars 2016 par le conseil de prud'hommes - formation paritaire - de Boulogne- Billancourt

Section : encadrement

N° RG : 14/00933
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Copies exécutoires et copies certifiées conformes délivrées à :



SELARL CJ AVOCATS



Me Nathalie T...





Expédition :



POLE EMPLOI











le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE DIX HUIT,

La...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 04 JUILLET 2018

N° RG 16/02397

AFFAIRE :

Faouzi X...

C/

Y... ALIANTIS

Décision déférée à la cour: jugement rendu le 24 mars 2016 par le conseil de prud'hommes - formation paritaire - de Boulogne- Billancourt

Section : encadrement

N° RG : 14/00933

Copies exécutoires et copies certifiées conformes délivrées à :

SELARL CJ AVOCATS

Me Nathalie T...

Expédition :

POLE EMPLOI

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:

Monsieur Faouzi X...

[...]

comparant en personne,

assisté de Me Adel Z... de la SELARL CJ AVOCATS, avocat au barreau du VAL D'OISE, vestiaire : 208, substitué par Me A... B..., avocate au barreau du Val d'Oise

APPELANT

****************

Y... ALIANTIS

[...]

représentée par Me Nathalie T..., avocate au barreau de PARIS, vestiaire : L0155, substituée par Me Roman C..., avocat au barreau de Paris

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 mars 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monique CHAULET, Conseiller, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clotilde MAUGENDRE, Président,

Madame Monique CHAULET, Conseiller,

Madame Elisabeth ALLANNIC, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Marine GANDREAU,

Par jugement du 24 mars 2016, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt (section encadrement) a :

- fixé le salaire de M. X... à 7 301,89 euros,

- dit que le licenciement de M. X... était fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Aliantis à payer à M. X... les sommes suivantes :

. 21 905,67 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

. 2 190,57 euros à titre de congés payés sur préavis,

. 21 905,67 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

. 1 924,03 euros à titre de rappel de salaires sur mise à pied conservatoire,

. 192,40 euros à titre de congés payés afférents,

. 948 euros à titre de rappel de salaires sur commissions,

. 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné à la société Aliantis la remise à M. X... d'une attestation Pôle emploi, d'un certificat de travail et d'un bulletin de paie d'avril 2014 rectifiés conformément à la décision,

- dit qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire du jugement au-delà des dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail,

- dit qu'il n'y avait pas lieu de déroger aux dispositions de l'article 1153-1 du code civil qui fixent les règles de calcul de l'intérêt légal,

- débouté la société Aliantis de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Aliantis aux entiers dépens.

Par déclaration adressée au greffe le 24 mai 2016, M. X... a interjeté appel de ce jugement et, par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt le 24mars2016 en toutes ses dispositions,

- constater que la moyenne des trois derniers mois de salaire est égale à 7 398 euros,

statuant à nouveau,

- dire que le licenciement dont il a fait l'objet est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

- condamner la société Aliantis à lui payer les sommes suivantes :

. 266 328 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 22 194 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

. 2 219,40 euros à titre de congés payés sur préavis,

. 22 194 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

. 1 924,03 euros à titre de rappel de salaires sur mise à pied conservatoire,

. 192,40 euros à titre de congés payés afférents,

. 7 322,56 euros à titre de rappel de salaires sur commissions,

. 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner la remise d'une attestation Pôle emploi, d'un certificat de travail et d'un bulletin de paie d'avril 2014 rectifiés conformément à la décision à intervenir et sous astreinte de 50euros par jour et document de retard.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, la Y... Aliantis demande à la cour de :

- statuant sur la recevabilité de l'appel de M. X..., le déclarer mal-fondé,

- statuant sur la recevabilité de son appel incident, la déclarer bien-fondée,

statuant à nouveau,

- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et prétentions,

à titre principal,

- dire que le licenciement pour faute grave de M. X... est fondé,

- dire que la demande de rappel de salaires sur commissions n'est pas fondée,

en conséquence,

- débouter M. X... de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

à titre subsidiaire,

- dire que le licenciement de M. X... repose sur une cause réelle et sérieuse,

- dire que le salaire brut moyen de M. X... est de 7 301,89 euros,

en conséquence,

- évaluer l'indemnité conventionnelle de licenciement à la somme de 21 905,67 euros,

- évaluer l'indemnité compensatrice de préavis à 21 901,67 euros et de congés payés afférents à 2 190,00 euros,

- débouter M. X... du reste de ses demandes,

à titre plus subsidiaire,

- dire que M. X... ne justifie pas d'un préjudice pour licenciement sans cause réelle et sérieuse évaluable à la somme de 246 125 euros,

en conséquence,

- limiter l'évaluation du préjudice au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse à 6 mois de salaire,

- débouter M. X... du reste de ses demandes,

en tout état de cause,

- condamner M. X... à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700du code de procédure civile,

- condamner M. X... aux entiers dépens.

SUR CE LA COUR,

La Y... Aliantis a pour activité principale l'automobile. La société est concessionnaire de la marque automobile Audi qu'elle distribue sur trois sites :

- le site de Montrouge (92120),

- le site de la rue Lauriston à Paris (75016) aussi appelé « Trocadéro »,

- le site de la rue Lecourbe à Paris (75015).

M. X... a été engagé par la Y... Aliantis, en qualité de voiturier livreur, catégorie ouvrier, coefficient 180, par contrat à durée indéterminée en date du 23 janvier 2002, avec reprise d'ancienneté au 14 mai 2001.

M. X..., qui a toujours travaillé sur le site de Montrouge, a par la suite été promu vendeur véhicules neufs et véhicules d'occasion, catégorie cadre, niveau I, coefficient A.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective des services de l'automobile.

M. X... a été en arrêt de travail du 11 février 2014 au 18 février 2014, puis du 20 au 26février 2014.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 mars 2014, M. X... a été mis à pied à titre conservatoire et a été convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement fixé le 26 mars 2014.

M. X... a été licencié pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 avril 2014 ainsi libellée :

« (...) En premier lieu, nous avons constaté, en recevant un PV pour un véhicule dont nous ignorons avoir été propriétaires, que vous aviez procédé à sa reprise par notre entreprise, suivie de sa revente à un marchand sans que ce véhicule n'apparaisse jamais dans notre stock comptable et alors même que votre responsable VO, selon vos déclarations, avait refusé la reprise de ce véhicule. Ainsi, bien que le bon de commande du véhicule neuf ne fasse nullement apparaître cette reprise, vous avez néanmoins établi un certificat de cession au nom de l'entreprise, d'où la réception d'un PV à notre adresse. Non seulement vous avez ainsi opéré une reprise sans accord, mais vous avez de votre propre initiative et en dehors de toute procédure réalisé des opérations d'achat et de vente au nom de l'entreprise en nous les dissimulant, en persistant aujourd'hui encore dans le refus de nous communiquer l'identité du marchand auquel vous auriez revendu ce véhicule en notre nom.

Par ailleurs, lors de la réalisation de l'inventaire de début d'année, nous nous sommes aperçus que huit véhicules vendus à une société française exportant des véhicules à l'étranger, facturés le 2 décembre 2012, sont restés plus d'un an sur nos parcs (sortie début février 2014) générant ainsi inévitablement des frais d'entretien aujourd'hui évalués à environ 5 300 euros. Ce surcoût restera à la charge de l'entreprise alors qu'une bonne gestion de ce dossier, c'est-à-dire une vérification par vos soins que les véhicules que vous vendez sont bien livrés, en aurait permis l'économie. Nous vous rappelons que vous avez bénéficié d'une rémunération sur la livraison de ces véhicules en janvier 2013.

D'autre part, à l'occasion de vérifications relatives à notre activité de ventes à l'export, il a été constaté que vous établissiez et signiez sur du papier à l'entête de l'entreprise sans validation de votre hiérarchie. Non seulement vous n'êtes nullement habilité à signer de tels documents au nom de l'entreprise mais il apparaît que pour chaque facture pro forma éditée, une seconde facture pro forma pour le même véhicule et portant le même numéro et la même date était également éditée par vos soins, mais avec des montants différents ' ne correspondant ni aux bons de commande ni au crédit documentaire réalisé. Par ce système, vous avez non seulement dissimulé des reventes à perte entraînant un risque économique et juridique pour l'entreprise, mais votre attitude est de nature à remettre en cause l'exécution du Crédoc. Vous avez utilisé pour réaliser ces factures le papier à l'entête de la société et non le système informatique comptable, nous empêchant ainsi d'avoir une trace de cette activité.

Vous avez par ailleurs accordé de votre propre initiative à un client, sans la moindre information ni accord de votre hiérarchie, un tarif remisé sur la vente d'une Audi RS7, avec reprise d'un Porsche Cayenne, conduisant à une vente à perte. Vous avez voulu le justifier en invoquant l'aide commerciale d'Audi d'un montant de 12 376 € pour une telle opération, alors que, s'agissant d'une vente à une société étrangère, Audi n'attribue aucune aide de ce type. Cette opération a par conséquent entraîné pour l'entreprise à la fois un coût significatif et un risque judiciaire lié à l'infraction de revente à perte.

Enfin, nous avons découvert que vous aviez signé un contrat de distribution AUDI avec la société SARL Sodivem au nom de notre Président, Monsieur Jean-Baptiste D.... Or, vous ne pouviez ignorer qu'un tel acte, qui outrepassait totalement vos responsabilités, était de nature à nuire à nos relations avec AUDI si AUDI avait connaissance que des contrats de distribution habilitant des tiers à représenter la marque étaient signés dans de telles conditions. Ces faits sont eux aussi d'une extrême gravité. (...) »

Le 23 mai 2014, M. X... a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt afin de contester son licenciement.

Sur la rupture :

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. La charge de la preuve incombe à l'employeur qui l'invoque.

Sur le premier grief :

L'employeur reproche en premier lieu à M. X... d'avoir procédé à la reprise d'un véhicule par la société puis de l'avoir revendu à un marchand sans que ce véhicule n'apparaisse jamais dans le stock comptable et alors même que le responsable des ventes de véhicules d'occasion avait refusé la reprise de ce véhicule. Il soutient que M. X... a procédé à la vente du véhicule qu'il a dissimulée tant à M. E..., client de la société, qu'à la société elle-même. Il conteste la prescription des faits soulevés par M. X....

M. X... soutient que le véhicule n'a jamais été repris par la concession dans la mesure où le responsable des véhicules d'occasion l'a refusé et que le véhicule a été racheté par la société Edouard Auto qui a directement repris le véhicule auprès du client. Il fait valoir en outre que les formalités d'annulation de l'acte de cession ne lui incombaient pas mais à M. F..., responsable du secteur vente d'occasion. Il soutient qu'en tout état de cause les faits datent de juillet 2013 et qu'ils étaient prescrits à la date du licenciement.

Sur la prescription :

En application de l'article L. 1332-4 du code du travail aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ces faits ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales

Il incombe à l'employeur de rapporter la preuve qu'il n'a eu connaissance des faits reprochés que dans les deux mois ayant précédé la procédure disciplinaire.

L'employeur produit l'avis de contravention établi le 15 novembre 2013 pour un stationnement irrégulier concernant un véhicule immatriculé 752CDL92 qui mentionne que M. E... a désigné la Y... Aliantis comme étant le conducteur du véhicule. Il produit également le bon de commande d'un véhicule neuf de marque Audi par M. E... à la Y... Aliantis le 2 juillet 2013, vente réalisée par M. X... ainsi qu'une déclaration de cession du véhicule de M. E... immatriculé 752CDL92 à la Y... Aliantis et un certificat de vente daté du 18 juillet 2013.

Il soutient néanmoins n'avoir eu connaissance des faits que lors de la réception du certificat de cession adressé par M. E... en février 2014 et produit, à l'appui de cette affirmation, le mail de M. G..., adressé à M. E... le 24 septembre 2015 dans lequel il précise: « Pour rappel, nous nous étions contactés en février 2014, lors de ma prise de fonction, pour une amende qui concernait votre ancien véhicule Golf (...) hors nous n'avions aucun enregistrement dans nos états comptables (...) ».

Aucun élément n'est produit de nature à établir la date à laquelle M. E... a adressé le certificat de cession à M. G..., de même d'ailleurs que n'est pas connue la date exacte à laquelle celui-ci a pris ses fonctions, M. X... soutenant que la nouvelle direction est arrivée en janvier 2014 sans être contredit autrement que par le mail à M. E... du 24 septembre 2015 où il évoque une prise de contact en février 2014 « lors de ma prise de fonction ».

L'employeur ne produit donc aucun élément de nature à établir la date à laquelle il a effectivement eu connaissance du certificat de cession comme il l'affirme, la contravention incriminée étant parvenue à l'entreprise le 15 novembre 2013 sans que l'employeur ne s'explique sur le décalage entre la réception de la contravention et la prise de contact avec M.E... seulement en février 2014.

Il n'est notamment pas justifié de la manière et la date à laquelle a été traité le courrier relatif à ladite contravention.

Par ailleurs M. X..., qui conteste la reprise du véhicule, soutient en tout état de cause ne pas avoir agi de manière dissimulée et produit l'attestation de M. F..., responsable véhicules d'occasion, qui déclare avoir accepté que le véhicule soit repris à condition que les démarches soient faites par le client et a fixé un prix de reprise de 300 euros à condition qu'il soit validé par le chef de groupe, précise qu'un acte de cession a été signé mais que, le véhicule n'étant pas conforme lorsqu'il est arrivé à la concession, il a demandé à M. X... de prévenir le client pour qu'il reprenne son véhicule.

L'employeur ne peut se contenter de mettre en cause la probité de l'attestation de M. F... au motif qu'il a été licencié pour faute grave, ou du fait que celui-ci ne justifie pas avoir informé le directeur de la concession, MM. H... à la date des faits, alors qu'il lui appartient d'établir la date précise à laquelle il a eu connaissance des faits, point de départ de la prescription de la procédure disciplinaire, ce qu'il ne fait pas en l'espèce.

Le premier grief est donc prescrit.

Sur le deuxième grief :

Il est reproché en deuxième lieu à M. X... l'absence de vérification que les véhicules qu'il a vendus étaient bien livrés au motif que huit véhicules vendus à une société française exportant des véhicules à l'étranger, facturés le 2 décembre 2012, sont restés plus d'un an sur les parcs de la société puisqu'il ne sont sortis qu'en janvier 2014, générant des frais d'entretien évalués à environ 5 300 euros à la charge de l'entreprise, l'employeur rappelant à M. X... qu'il a bénéficié d'une rémunération sur la livraison de ces véhicules en janvier 2013. L'employeur précise s'être aperçu de ce fait lors de la réalisation de l'inventaire de début d'année et conteste la prescription des faits.

M. X... soulève la prescription des faits. Subsidiairement il fait valoir que le suivi des livraisons ne lui incombe pas et que les véhicules n'étaient pas entreposés sur son lieu de travail mais sur le [...].

Sur la prescription :

L'employeur soutient qu'il n'a eu connaissance exacte de la réalité, la nature et l'ampleur des faits reprochés qu'au moment de l'établissement de la facture du 29 janvier 2014 et du refus de la société FANS de régler cette facture.

Il produit le mail du 2 janvier 2014 par lequel M. I..., responsable administratif et comptable de la concession, a contacté M. J..., M. K..., M. L..., M. M..., Mme N..., Mme O..., Mme P... et M. F..., salariés de la société, afin de les informer, dans le cadre de l'inventaire, d'un certain nombre d'anomalies qu'il avait pu repérer en leur communiquant un listing des véhicules présents sur des sites mais absents du système informatique CAR BASE, ce listing faisant notamment apparaître 8 véhicules sur le site de Villers, sans date de livraison. M. I... demandait en conséquence à ses interlocuteurs de lui préciser la date de livraison de ces véhicules.

Il n'est pas contesté que les 8 véhicules correspondent à des véhicules facturés en décembre 2012.

L'employeur qui soutient qu'il n'a eu connaissance de la réalité et de l'ampleur des faits que lorsqu'il a eu la réponse de la société FANS refusant de prendre en charge les frais de stockage de livraison ne produit aucun élément pour attester tant de ce refus que de la date à laquelle il a été formulé.

Il produit le mail adressé le 29 janvier 2014 par M. L... à M. Q..., à l'adresse mail «[...]», dans lequel il précise «nous vous laissons procéder à l'enlèvement des 8 véhicules (...) Je vous joins la facture des frais de stockage ( sujet évoqué ensemble) dont nous discuterons ensemble la semaine prochaine lors de votre passage en France et ce avec ma direction. ».

Dans ce mail, M. L... précise les numéros de châssis, ce dont il résulte que 7 d'entre eux correspondent aux véhicules soulignés par l'employeur dans le listing joint au mail du 2janvier 2014, l'un étant néanmoins en dépôt à Marseille et non à Villers, et le 8ème étant un véhicule A6 qui ne figure pas dans les 8 véhicules du listing.

L'employeur ne produit néanmoins aucun élément de nature à établir que la société FANS aurait refusé de payer les frais de stockage ni à quelle date.

Dès lors qu'il est établi que l'employeur a eu connaissance d'une anomalie dans les listings dès le 2 janvier 2014 et qu'il ne produit aucun élément pour établir la date exacte à laquelle il a su qu'il s'agissait de véhicules vendus et non livrés, il convient de considérer que les faits étaient prescrits à la date de l'engagement du licenciement soit le 14 mars 2014.

Sur le troisième grief :

L'employeur reproche à M. X..., à l'occasion de son activité de ventes à l'export, l'édition, pour chaque facture pro forma éditée par la société, d'une seconde facture pro forma pour le même véhicule et portant le même numéro et la même date mais avec des montants différents ne correspondant ni aux bons de commande ni au crédit documentaire réalisé, constituant une dissimulation de reventes à perte de nature à remettre en cause l'exécution du Crédoc et l'établissement et la signature de documents sur du papier à l'entête de l'entreprise sans validation de sa hiérarchie afin d'éviter d'avoir une trace informatique.

M. X... expose que la facture pro-forma est une proposition d'offre mais non un élément comptable, qu'elle reprend des quantités et des prix pré-définis destinés à donner une vision globale d'une transaction à venir mais ne constitue pas un élément comptable. Il soutient que les faits sont prescrits au motif que les factures litigieuses ont été éditées en décembre 2012.

L'employeur souligne que les factures sont de décembre 2013 et conteste la prescription au motif que ce n'est qu'après que le cabinet d'avocats Luchtenberg ait, par sa consultation du 4février 2014, relevé des irrégularités dans le CREDOC qu'elle a procédé à des vérifications relatives à l'activité des ventes à l'export, et qu'elle n'a donc eu connaissance de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés à M. X... qu'à cette date.

Il est établi par l'employeur lui-même que les dernières factures incriminées sont de décembre 2013.

L'employeur ne produit aucun élément de nature à établir la date à laquelle il aurait eu connaissance de l'établissement d'une 2ème facture pro-forma, non soumise à la direction selon ses affirmations, M. R... soutenant que la direction était parfaitement au courant de cette pratique.

Le courriel adressé le 4 février 2014 à M. G... par M. S... du Cabinet Luchtenberg en réponse à une consultation de l'employeur sur les conditions de vente de 8 véhicules de marque Audi à un concessionnaire situé en Algérie et sur la sécurité offerte par la proforma signée par le salarié de la société et au risque inhérent au fait que les prix figurant sur la proforma et sur la facture ne soient pas identiques au regard de la mise en oeuvre de la lettre de crédit documentaire

En réponse, le Cabinet Luchtenberg précise qu'en vertu de la réglementation RUU 600applicable au CREDOC les informations contenues dans les documents lues «dans le contexte du crédit, du document lui-même et des pratiques bancaires internationales» n'ont pas besoin d'être identiques mais ne doivent pas être en contradiction et déconseille de procéder à la vente d'un véhicule dans le cas où le prix indiqué sur la facture proforma, qui est éditée à titre préparatoire et fournie notamment au CREDOC, serait différent du prix réel figurant sur la facture.

Sur la prescription :

L'employeur ne justifie pas de la date à laquelle il a été informé de l'émission par M. X... de factures pro-forma d'un montant différent de celui figurant à l'informatique.

Si l'employeur, qui ne conteste pas qu'il avait déjà connaissance de l'édition des factures pro-forma reprochées à M. X..., justifie de n'avoir été destinataire de la réponse du Cabinet Luchtenberg, qu'il avait interrogé sur la régularité de cette pratique, que le 4 février 2014, il ne peut s'en prévaloir pour invoquer que la prescription n'aurait couru qu'à cette date dès lors que le Cabinet Luchtenberg, même s'il lui déconseille cette pratique, n'en établit pas le caractère fautif.

Ce courrier ne constitue donc pas un fait nouveau de nature à interrompre le délai de la prescription des faits reprochés à M. X....

En conséquence, la dernière facture incriminée datant de décembre 2013, les faits étaient prescrits à la date du licenciement.

Sur le quatrième grief :

Il est reproché à M. X... d'avoir accordé à un client un tarif remisé sur la vente d'une Audi RS7, avec reprise d'un Porsche Cayenne, sans avoir informé sa direction ni obtenu l'accord de sa hiérarchie, remise conduisant à une vente à perte.

M. X... soutient que les faits sont prescrits puisque la vente est intervenue en octobre 2013. Sur le fond, il soutient que la remise a été accordée après information et autorisation de son supérieur hiérarchique, M. F.... Il conteste la vente à perte.

Sur la prescription :

L'employeur soutient n'avoir découvert le fait que M. X... avait réalisé une vente non éligible au dispositif d'aide défini par le constructeur qu'à la suite du virement de la société International World Traiding le 20 février 2014. Sur les faits eux-mêmes, il fait valoir qu'Audi France a accordé une aide à la reprise d'un véhicule d'occasion lors de la vente d'un véhicule Audi RS7 suivant bon de commande du 26 octobre 2013, aide consentie à une société luxembourgeoise alors que M. X... connaissait parfaitement les conditions d'attribution de cette aide à savoir que la vente et la reprise ne peut être accordée qu'à un même client et à condition qu'il s'agisse d'une entreprise française.

Le bon de commande du véhicule Audi produit au débat daté du 26 octobre 2013 mentionne que le client est une société luxembourgeoise.

M. X... produit une attestation de Mme O..., assistante commerciale, qui déclare que le véhicule RS7 n'a pas été vendu à perte et atteste qu'ayant réalisé elle-même le tableau de marge de ce véhicule, des marges ont bien été versées par Audi France, ce véhicule dégageant une marge importante. Elle ajoute que les chiffres du bon de commande ont été validés par la direction préalablement au bon de commande établi par ses soins.

Dès lors que le bon de commande ne mentionne pas le prix du bonus accordé et que l'employeur justifie, par la production du détail de la transaction, de n'avoir reçu le règlement de la société International World Traiding que le 20 février 2014, il est bien fondé à se prévaloir du fait que les faits n'étaient pas prescrits au moment de l'engagement de la procédure de licenciement.

Sur la réalité du grief :

Le bon de commande mentionne un prix de vente du véhicule neuf de 143 203 euros TTC et un prix de reprise du véhicule Porsche Cayenne de 43000 euros TTC.

Dès lors que le règlement de la société International World Traiding s'est élevé à 122581,10euros et que l'employeur ne produit aucun décompte correspondant à la somme ainsi réglée faisant apparaître le montant des primes qui auraient été accordées à cette société et qu'il n'aurait pu récupérer, la vente à perte alléguée n'est pas établie.

L'employeur ne démontre pas non plus avoir été privé des aides constructeur AUDI.

Ce grief n'est pas établi.

Sur le cinquième grief :

L'employeur reproche à M. X... d'avoir outrepassé ses attributions en signant un contrat de distribution Audi avec la société Sarl Sodivem au nom du président de la société, M. D....

M. X... conteste avoir signé ce contrat.

L'employeur produit le contrat incriminé portant un contrat signé le 30 août 2012 à Paris et le 1er septembre 2012 à Alger par le gérant de la Y... Aliantis Montrouge et la société Sodivem.

La société, qui soutient que ce contrat ne pouvait être signé que par M. D..., ne démontre pas que la signature apposée au bas de cet acte serait celle de M. X... qui conteste formellement avoir signé ce document, ce qu'il avait déjà indiqué dans sa lettre à l'employeur le 25 avril 2014 en réponse à la lettre de licenciement.

Ce grief n'est pas établi.

Les griefs reprochés à M. X... étant soit prescrits soit non établis, il convient de dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'infirmer le jugement de ce chef.

Sur le rappel de commissions :

M. X..., qui soutient qu'il aurait dû percevoir une somme de 11 890,50 euros à titre de commissions au lieu des 4567,94 euros perçus en juillet 2014 ne précise pas la période sur laquelle il sollicite ce rappel. Il ne permet donc pas à l'employeur de justifier des commissions versées sur les périodes concernées. Egalement le tableau qu'il produit à l'appui de sa demande ne permet pas d'établir le montant des commissions qu'il revendique.

La Y... Aliantis déclare avoir reconnu devoir la somme à laquelle elle a été condamnée par le premier juge à savoir 948 euros, somme qu'elle déclare avoir payée, mais conteste le surplus de la demande.

Il convient, confirmant le jugement, de débouter M. X... du surplus de sa demande.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

M. X... qui, à la date du licenciement, comptait au moins deux ans d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés a droit, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce, à une indemnité qui ne saurait être inférieure aux salaires bruts perçus au cours des six derniers mois précédant son licenciement.

Au regard de son âge au moment du licenciement, 41 ans, de son ancienneté d'environ 13 ans dans l'entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi eu égard à son expérience professionnelle et de ce qu'il justifie avoir été indemnisé par Pôle emploi jusqu'en avril 2015, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral subi, la somme de 70 000 euros.

Le salaire mensuel moyen de M. X... sur les 12 derniers mois tel qu'il résulte de l'attestation Pôle emploi s'établit à 7 398 euros.

La Y... Aliantis sera condamnée à verser au salarié une indemnité conventionnelle de licenciement de 22194 euros, une indemnité compensatrice de préavis de 22194 euros et les congés payés afférents. Le jugement sera infirmé de ce chef.

La mise à pied conservatoire n'étant pas justifiée en l'absence de faute gave, il sera alloué à M.X... la somme de 1 924,03 euros et les congés payés afférents à titre de rappel de salaire

Sans qu'il soit besoin d'assortir cette mesure d'une astreinte, il convient d'ordonner à la Y... Aliantis de remettre à M. X... une attestation Pôle emploi, des bulletins de salaire et un certificat de travail rectifiés.

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur, à l'organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de 6 mois d'indemnités.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

Infirme partiellement le jugement,

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Condamne la Y... Aliantis à payer à M. X... les sommes suivantes :

. 70 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 22194 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

. 2 219, 40 euros à titre de congés payés sur préavis,

. 22194 euros à titre d'indemnité de licenciement,

. 1 924,03 euros à titre de paiement de la mise à pied conservatoire,

. 192, 40 euros à titre de congés payés sur la mise à pied conservatoire,

Ordonne d'office le remboursement par l'employeur, à l'organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de 6 mois d'indemnités,

Ordonne à la Y... Aliantis de remettre à M. X... une attestation Pôle emploi, des bulletins de salaire et du certificat de travail rectifiés,

Confirme pour le surplus le jugement,

Dit que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter du jour de la réception par l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation,

Dit que les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

Condamne la Y... Aliantis à payer à M. X... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

Condamne la Y... Aliantis aux dépens.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l'avis donné aux parties à l'issue des débats en application de l'article 450, alinéa 2, du code de procédure civile, et signé par Madame Elisabeth ALLANNIC, conseiller, en l'absence de Clothilde MAUGENDRE, régulièrement empêchée et Madame Marine GANDREAU, greffier.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 16/02397
Date de la décision : 04/07/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 17, arrêt n°16/02397 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-07-04;16.02397 ?
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