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28/06/2018 | FRANCE | N°17/00945

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 28 juin 2018, 17/00945


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80C



11e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 28 JUIN 2018



N° RG 17/00945



AFFAIRE :



Driss E... N...

...



C/

SAS PSA AUTOMOBILES SA VENANT AUX DROITS DE LA SA PEUGEOT CITROEN AUTOMOBILES









Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 24 Février 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

Section

: Industrie

N° RG : 12/00955





Expéditions exécutoires

Expéditions



Me Abdelaziz X...

la SELARL LEFOL ASSOCIES











le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 28 JUIN 2018

N° RG 17/00945

AFFAIRE :

Driss E... N...

...

C/

SAS PSA AUTOMOBILES SA VENANT AUX DROITS DE LA SA PEUGEOT CITROEN AUTOMOBILES

Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 24 Février 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

Section : Industrie

N° RG : 12/00955

Expéditions exécutoires

Expéditions

Me Abdelaziz X...

la SELARL LEFOL ASSOCIES

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:

Monsieur Driss E... N...

[...]

représenté par Me Abdelaziz X..., avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 89

Monsieur Ali Y...

[...]

représenté par Me Abdelaziz X..., avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 89

Monsieur Brahim Z...

Foyer Sonacotra 1, avenue d'Orgemont

[...]

représenté par Me Abdelaziz X..., avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 89

Monsieur Abdellah O...

Chez Monsieur Mohamed A... [...]

représenté par Me Abdelaziz X..., avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 89

Madame Aïcha B... ayant droit de M M... C...

[...]

représentée par Me Abdelaziz X..., avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 89

Monsieur D... E... L...

[...]

08000 CHARLEVILLE MEZIERES

représenté par Me Abdelaziz X..., avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 89

Monsieur Smaïl F...

[...]

représenté par Me Abdelaziz X..., avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 89

APPELANTS

****************

SAS PSA AUTOMOBILES SA VENANT AUX DROITS DE LA SA PEUGEOT CITROEN AUTOMOBILES

[...]

représentée par Me Nicolas G... de la SELARL LEFOL ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1308

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 26 Mars 2018, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Hélène PRUDHOMME, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Madame Marie-Christine H..., Magistrat honoraire,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT

Le 10 septembre 1976, M. D... E... L... était embauché par la société SA Peugeot Citroen Automobiles (dite SA PCA) en qualité d'ouvrier spécialisé. Il adhérait au dispositif de cessation anticipée d'activité des salariés âgés ouvert au sein de l'entreprise et le 31 décembre 2008, il sortait des effectifs de la société.

Le 28 mars 1970, M. Driss E... N... était embauché par la société SA Peugeot Citroen Automobiles en qualité d'ouvrier spécialisé. Il adhérait au dispositif de cessation anticipée d'activité des salariés âgés ouvert au sein de l'entreprise et le 31 décembre 2008, il sortait des effectifs de la société.

Le 28 août 1972, M. Abdallah O... était embauché par la société SA Peugeot Citroen Automobiles en qualité d'ouvrier spécialisé. Il adhérait au dispositif de cessation anticipée d'activité des salariés âgés ouvert au sein de l'entreprise et le 31 décembre 2010, il sortait des effectifs de la société.

Le 14 décembre 1971, M. Ali Y... était embauché par la société SA Peugeot Citroen Automobiles en qualité d'ouvrier spécialisé. Il adhérait au dispositif de cessation anticipée d'activité des salariés âgés ouvert au sein de l'entreprise et le 31 décembre 2008, il sortait des effectifs de la société.

Le 9 novembre 1971, M. Smaïl F... était embauché par la société SA Peugeot Citroen Automobiles en qualité d'ouvrier spécialisé. Il adhérait au dispositif de cessation anticipée d'activité des salariés âgés ouvert au sein de l'entreprise et le 31 décembre 2008, il sortait des effectifs de la société.

Le 27 février 1973, M. M... C... était embauché par la société SA Peugeot Citroen Automobiles en qualité d'ouvrier spécialisé. Il adhérait au dispositif de cessation anticipée d'activité des salariés âgés ouvert au sein de l'entreprise et le 31 décembre 2008, il sortait des effectifs de la société.

Le 4 mai 1972, M. Brahim Z... était embauché par la société SA Peugeot Citroen Automobiles en qualité d'ouvrier spécialisé. Il adhérait au dispositif de cessation anticipée d'activité des salariés âgés ouvert au sein de l'entreprise et le 31 décembre 2008, il sortait des effectifs de la société.

Ils ont saisi avec Mme Aïcha B..., veuve de M... C... et en sa qualité d'ayant droit, le conseil de prud'hommes de Versailles le 28 juin 2012 de demandes à l'encontre de l'employeur, réclamant la remise d'un certificat de travail portant mention des postes occupés et de leur pénibilité sous astreinte, un rappel d'indemnité de mise à la retraite, ou subsidiairement rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement, des dommages et intérêts pour défaut d'information relatif au droit à la retraite, des dommages et intérêts pour retard dans le paiement de l'indemnité de mise à la retraite, l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents, la requalification de sa mise à la retraite en licenciement nul ou subsidiairement en licenciement sans cause réelle et sérieuse et l'allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

Par jugement contradictoire du 24 février 2015, le conseil de prud'hommes de Versailles a:

prononcé la jonction des instances les concernant,

dit que la demande de remise d'un certificat de travail portant mention des postes occupés et de leur caractère pénible est fondée

ordonné à la SA Peugeot Citroën Automobiles de remettre à chacun d'eux un certificat de travail portant mention des postes occupés et de leur caractère pénible

dit que cette remise devra être effective dans les 2 mois suivant la notification de la décision sous astreinte de 20 euros par jour de retard passé ce délai,

débouté les salariés de l'intégralité de leurs autres demandes, plus amples ou contraires

dit que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

mis les dépens à la charge de la SA Peugeot Citroën Automobiles.

Le 13 avril 2015, les salariés formaient régulièrement appel de ce jugement. L'affaire a fait l'objet d'une radiation pour défaut de diligence des appelants puis a été remise au rôle de la cour le 20 février 2017.

Dans leurs conclusions du 26 mars 2018 soutenues à l'audience par leur avocat auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, MM. E... L..., E... N..., O..., Y..., F..., et Z... et Mme Aïcha B... en sa qualité d'ayant droit de M. M... C... décédé demandent à la cour de :

infirmer le jugement à l'exception de la condamnation de la SA PCA à leur remettre un certificat de travail mentionnant la nature des emplois occupés dans la société et une attestation indiquant qu'ils ont occupé au moins pendant 15 ans des tâches pénibles,

et statuant de nouveau

condamner la SA PCA à leur verserà chacun d'eux :

- 50000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des règles de classifications professionnelles,

- 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination et préjudice d'anxiété

- 50000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des règles de classifications professionnelles,

- 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de formation

- 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour retard dans le paiement de l'indemnité de mise à la retraite

- 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d'information relatif aux droits à la retraite

- 80 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse

- le montant de la prime applicable au 4 mai 2005 relative à la médaille du travail obtenue petit Or ou grand Or au profit de MM. E... N... et O...

- l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents représentant deux mois de salaire à chacun d'eux

- 3 000 euros à chacun d'eux sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

enfin de condamner la SA PCA aux dépens y compris les frais d'exécution forcée.

Dans ses écritures du 26 mars 2018 également développées à l'audience par son avocat auxquelles il est aussi renvoyé pour plus ample exposé, la société PSA Automobiles venant aux droits de la société Peugeot Citroën Automobiles conclut à l'irrecevabilité pour prescription des demandes de dommages et intérêts pournon respect des règles de classification professionnelles et de dommages et intérêts pour discrimination et préjudice d'anxiété formées par les appelants. À titre subsidiaire, elle demande à la cour de les en débouter en ce qu'elles sont dénuées de fondement.

Elle conclut au débouté de l'ensemble de leurs autres demandes dénuées de fondements.

Elle réclame la condamnation de chacun des appelants à lui verser la somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et sollicite leur condamnation aux dépens.

La procédure a été communiquée au ministère public le 1er mars 2018. Elle a été visée par lui le 23 mars 2018, sans avis.

SUR CE,

Le 26 juillet 1999, a été signé par l'Union des industries métallurgiques et minières, à laquelle adhérait la société Peugeot Citroën Automobiles d'une part, et les organisations syndicales représentatives des salariés de cette banche professionnelle d'autre part, un accord relatif à la cessation anticipée d'activité des salariés âgés (CASA) au terme duquel les salariés âgés de plus de 55 ans décidant d'y adhérer étaient dispensés d'activité, percevaient un acompte sur leur indemnité de «mise à la retraite» d'environ 90 % de l'indemnité de «mise à la retraite», outre une allocation mensuelle représentant environ 75 % du salaire net jusqu'à ce qu'ils remplissent les conditions pour bénéficier d'une retraite à taux plein; à cette date, l'employeur notifiait au salarié sa «mise à la retraite» et lui versait le solde de l'indemnité de «mise à la retraite»;

Les salariés appelants ont adhéré à ce dispositif puis ont ultérieurement saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir, notamment, la condamnation de la société Peugeot Citroën Automobiles à leur remettre un certificat de travail portant mention des postes occupés et de leur pénibilité ainsi qu'un historique de carrière sous astreinte, des dommages et intérêts pour défaut d'information relatif aux droits à la retraite, des dommages et intérêts pour retard dans le paiement de l'indemnité de mise à la retraite, la requalification de la rupture de leur contrat de travail en licenciement nul ou subsidiairement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité compensatrice de préavis correspondant à 2 mois de leur dernier salaire brut moyen outre les congés payés y afférents et subsidiairement, des dommages et intérêts pour perte de droit à préavis et congés payés y afférents, l'allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice afférent. Ils reprochaient, dans le cadre de cet accord, une discrimination liée à l'âge. Après avoir été déboutés de leurs demandes sauf de celle relative à la remise sous astreinte d'un certificat de travail mentionnant la nature des emplois qu'ils ont occupés dans la société et une attestation nominative indiquant qu'ils ont occupé au moins pendant 15 ans des tâches pénibles, les salariés ont formé appel de l'intégralité du jugement.

En cause d'appel, les salariés demandent l'infirmation du jugement sauf en celle de ses dispositions qui a condamné la société Peugeot Citroën Automobiles à leur remettre sous astreinte un certificat de travail mentionnant la nature des emplois occupés dans la société et une attestation indiquant qu'ils ont occupé au moins pendant 15 ans des tâches pénibles. Ils reprennent leur demande de requalification de la rupture de leur contrat de travail en licenciement nul et subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse, réclament la condamnation de la société Peugeot Citroën Automobiles à leur verser des dommages et intérêts pour défaut d'information relatif aux droits à la retraite et réclament dorénavant des dommages et intérêts pour non-respect des règles de classifications professionnelles, des dommages et intérêts pour discrimination ethnique et trouble d'anxiété, soulèvent la fraude de l'employeur et le vice du consentement de leur part et des dommages et intérêts pour retard dans le paiement de l'indemnité de mise à la retraite. Certains sollicitent enfin une prime relative à l'octroi de la médaille du travail.

1°) Sur la demande de confirmation:

Si les salariés concluent dans le dispositif de leurs écritures à la confirmation de la condamnation de la société Peugeot Citroën Automobiles à leur remettre sous astreinte un certificat de travail mentionnant la nature des emplois occupés dans la société et une attestation indiquant qu'ils ont occupé au moins pendant 15 ans des tâches pénibles, ils n'exposent pas dans leurs écritures les motifs de leur demande et ne reprennent pas, à ce titre, leurs écritures devant le premier juge alors qu'appel total a été formé. À l'audience, l'avocat des salariés indique que cette demande a été exécutée.

D'ailleurs, la société intimée ne conclut pas sur ce point et ne s'oppose pas verbalement à l'audience à la demande de confirmation, de sorte que la cour y fait droit sans qu'il soit besoin de maintenir l'astreinte ordonnée, au regard de son exécution.

2°) Sur la demande de dommages et intérêts formée au titre du non-respect des règles de classifications professionnelles:

Les salariés affirment que l'employeur a méconnu la grille conventionnelle des classifications en adoptant, suivant avenants des 4 février et 1er mars 1983, une grille de classifications dérogatoire à l'accord national du 21 juillet 1975, en procédant par un nivellement par le bas, en planifiant une grille de classifications en inadéquation avec les règles impératives résultant de la branche professionnelle soit 155-160-165-170-175-180-190-200-215-225 en lieu et place des 140-145-155-170-180-190-215-225 résultant de l'accord de 1975, ce qui a eu pour effet, en créant trois niveaux intermédiaires (160-165 et 180) de ralentir l'évolution de leur carrière et donc de leur rémunération et de leurs droits à pension de retraite. Ils affirment n'avoir jamais reçu de notification individuelle les informant de la nouvelle classification et n'avoir pas bénéficié des rehaussements automatiques de leurs coefficients; ils réclament chacun la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts par deux fois.

La SA PSA Automobiles soulève la prescription de la demande présentée seulement en cause d'appel, relevant que celle-ci, d'une durée de 30 ans, est acquise aux débats puisque les salariés ont reproché pour la première fois, par conclusions du 13 mai 2016, l'application d'une grille de classification remontant à l'accord collectif négocié par les partenaires sociaux dans l'entreprise le 3 septembre 1975, soit depuis plus de 30 ans. Elle rappelle à titre subsidiaire, au fond, que cette grille allait dans un sens plus favorable aux salariés que l'accord national négocié le 21 juillet 1975, puisque le coefficient minimum dans la grille appliquée au sein de la société Peugeot Citroën Automobiles (coefficient 155) correspondait au dernier niveau de la grille nationale de cette catégorie, tandis qu'elle avait introduit deux autres coefficients supérieurs pour servir des salaires plus élevés que ceux résultant de la grille nationale et que les bulletins de paie des salariés ont suivi cette nouvelle grille, ce que ces derniers ne contestent pas.

Les salariés ne répondent rien sur la question de la prescription soulevée par l'employeur.

Avant la loi du 17 juin 2008 publiée au J.O.R.F le 19 juin 2008 portant réforme de la prescription, l'action en réparation du préjudice résultant d'un manquement de l'employeur à ses obligations se prescrivait par trente ans. À compter de cette loi, ce délai a été ramené à cinq ans, sans que le nouveau délai en résultant ne puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. La prescription de l'action commence à courir du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits.

En conséquence, la prescription de l'action des salariés en cours au 19 juin 2008 était acquise au plus tard 5 ans après l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, soit le 19 juin 2013, sauf poursuite du contrat de travail au-delà du 19 juin 2008. En l'espèce, ils ont tous quitté l'entreprise entre le 31 décembre 2008 et le 31 décembre 2010 de sorte qu'il leur appartenait de saisir la justice au plus tard le 31 décembre 2013.

En l'espèce, ils l'ont saisie le 28 juin 2012 de sorte que leur action n'est pas prescrite et qu'ils sont recevables en leurs demandesà compter du 28 juin 1982 et compte tenu de la règle de l'unicité de l'instance encore applicable à cette procédure, sans représentation obligatoire, l'effet interruptif de la saisine s'étend à toutes les demandes présentées, même postérieurement, dès lors qu'elles procèdent du même contrat de travail ayant lié les parties. Aussi, l'effet interruptif s'étend à la demande de dommages et intérêts pour non respect des règles de classification professionnelle ainsi qu'au titre de la discrimination ethnique même formée pour la première fois en cause d'appel par les salariés, par leurs conclusions du 13 mai 2016, tout comme leur demande de reconnaissance d'agissements frauduleux de l'employeur et d'un vice de consentement présentée le 26 mars 2018.

Le point de départ du délai de prescription de la demande est l'entrée en vigueur de la grille telle qu'elle leur a été appliquée, soit le 3 septembre 1975; si cette date est antérieure au délai de 30 ans retenu, il apparaît que les parties reconnaissent que cet accord a été amendé par divers avenants dont celui du 4 février 1983 qui est versé aux débats et dont l'application est spécialement contestée par les salariés; dès lors, le point de départ de la prescription démarre à cette date du 28 juin 1982 compte tenu de la saisine de la juridiction et l'action des salariés n'est pas prescrite à compter de cet avenant qui a été mis en 'uvre à leur égard à la date indiquée.

Il ressort des dispositions explicatives de cet avenant que les partenaires sociaux ont indiqué qu'ils le signaient en raison des «améliorations apportées par cet accord aux dispositions des accords antérieurs. Les améliorations devraient contribuer à une meilleure mobilisation de tout le personnel à la bonne marche et à la compétitivité de l'entreprise. Ainsi, le personnel d'atelier pourra bénéficier d'une situation de classification revalorisée et d'évolution de carrière plus régulière et plus motivante dans une entreprise plus solide».

Les salariés contestent le droit pour l'employeur de déroger à la grille de classifications résultant de l'accord national du 21 juillet 1975 modifié comme ci-dessus décrit qu'ils estiment impératif et affirment qu'ils n'ont pas bénéficié des rehaussements automatiques résultant de cet accord, tout comme «les ex-Talbot», reprochant à la société Peugeot Citroën Automobiles d'avoir créé illicitement trois niveaux intermédiaires, les coefficients 160, 165 et 180 en méconnaissance flagrante avec la grille conventionnelle de 1975 en «procédant par un nivellement par le bas une grille des classifications».

La société Peugeot Citroën Automobiles verse la grille nationale de classifications pour un travail non qualifié prévoyant 3 niveaux, 140, 145 et 155 tandis qu'elle s'est engagée par cet accord à servir pour cette catégorie les échelons 155, 160 et 165 et ainsi, les salariés relevant de cette catégorie étaient en effet mieux rémunérés. Elle expose avoir créé un niveau supplémentaire pour le travail qualifié d'un coefficient 200 alors que la grille nationale limitait les coefficients à 190, tandis que cette grille n'a pas été modifiée pour les emplois relevant d'un travail très qualifié. Elle indique que les salariés ne remplissaient pas les conditions d'attribution des coefficients supérieurs réclamés de sorte qu'ils ne justifient pas du préjudice qu'ils allèguent.

Ainsi, alors que l'entreprise pouvait négocier avec les partenaires sociaux un accord d'entreprise plus favorable aux salariés que l'accord national et accorder aux salariés des coefficients supérieurs aux minimum et maximum prévus par l'accord national relevant de leurs qualifications, et alors que les salariés ne démontrent pas le caractère moins favorable de cette grille à leur égard, se contentant de réclamer un coefficient supérieur à celui qu'ils ont atteint en fin de carrière, ils ne justifient pas avoir subi un préjudice résultant de l'application de cet avenant plus favorable qui leur a été régulièrement appliqué et dont ils avaient connaissance par les mentions portées sur leurs bulletins de paie de sorte que la société Peugeot Citroën Automobiles n'a commis aucun manquement à leur égard et les salariés seront déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts d'un montant de 50000 euros.

3°) Sur la demande de dommages et intérêts formée au titre de la violation de l'obligation de formationet d'adaptation du salarié à son emploi :

Pour la première fois en cause d'appel, les salariés exposent qu'ils ont travaillé pendant plus de 30 ans pour le compte du même employeur et affirment qu'ils «n'ont pas bénéficié d'une vraie action de formation, pas même pour lutter contre l'illettrisme, ceci en violation avec les obligations résultant tant des engagements pris en interne par l'employeur que des obligations découlant des accords de branche de 1985 et 1987 et qu'enfin des dispositions légales obligeant l'employeur à assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail»; ils déclarent que leur préjudice est «considérable puisqu'ils ont été privés de la possibilité de développer la maîtrise de nouvelles compétences qui auraient pu leur permettre de voir leur situation personnelle et matérielle améliorée au fil de leur carrière et au moment de leur préretraite, puis à la liquidation de leur pension de retraite»; ils réclament la somme de 20000 euros à ce titre.

La SA PSA Automobiles verse une fiche de synthèse consistant en un historique des formations proposées à chacun des salariés à compter de 1996, date d'informatisation de ces éléments, dont il résulte qu'ils ont pu bénéficier, comme tous les autres salariés de l'entreprise, de nombreuses journées de formations et d'actions d'adaptation à leur poste de travail; elle reproche aux salariés de ne pas produire aux débats leur livret de formation dont ils disposaient personnellement, exposant le leur avoir remis à leur départ de l'entreprise, ce que les salariés ne contestent pas aux termes de leurs écritures, faisant état de l'ensemble des actions suivies pour leur permettre d'être formés et adaptés à leur poste de travail tout au long de leur exercice professionnel.

Si les salariés estiment qu'il ne s'agissait pas de «vrai action de formation», ils ne le démontrent pas et l'employeur a rempli son obligation en veillant à leur employabilité et à leur adaptation aux évolutions de leur poste; ainsi, les salariés ont toujours bénéficié de leur emploi au sein de l'entreprise jusqu'à leur retraite, ont pu y poursuivre l'intégralité de leur carrière professionnelle, et les formations suivies leur ont permis d'intégrer les progrès technologiques auxquels l'entreprise a été soumise ces 30 dernières années; en revanche, la SA PSA Automobiles n'avait pas l'obligation de leur procurer une formation professionnelle les conduisant à développer et «maîtriser de nouvelles compétences» contrairement à ce qui est réclamé par les salariés dans leurs écritures.

La cour les déboute en conséquence de cette demande.

4°) Sur la demande de dommages et intérêts formée au titre de la discrimination ethnique et trouble d'anxiété:

Après avoir reproché en première instance une mise à la retraite discriminatoire fondée sur l'âge, les salariés invoquent, en cause d'appel, une discrimination ethnique et un trouble d'anxiété tout au long de leur emploi au sein de la société Peugeot Citroën Automobiles.

La discrimination directe ou indirecte est une différence de traitement qui implique un caractère illicite.

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte notamment en matière de rémunération au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'action, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de se m'urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance vraie ou supposée à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou à raison de son état de santé ou de son handicap, tandis que l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations définit la discrimination directe comme la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race ('), une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable, tandis que constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence mais susceptible d'entraîner pour l'un des motifs mentionnés à l'alinéa précédent, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés.

Conformément à l'article L. 1134-1 du code du travail, il incombe au salarié qui estime avoir été victime d'une discrimination prohibée, de présenter au juge les éléments de fait susceptibles de laisser supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, la partie défenderesse doit prouver que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forge sa conviction après avoir ordonné le cas échéant, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, les salariés invoquent les faits suivants au titre de la discrimination reprochée: les modalités de rémunérations plus avantageuses ne bénéficiant pas aux travailleurs immigrés, la violation par la société Peugeot Citroën Automobiles de son obligation de formation à l'égard des travailleurs d'origine étrangère, la mise en 'uvre de licenciement de salariés d'origine maghrébine, la mise en place d'un dispositif CASA touchant en forte majorité les salariés d'origine immigrée, la politique de l'employeur interdisant l'accès aux emplois de qualification supérieure, la mise en 'uvre d'une politique de retour au pays, la tolérance par la société Peugeot Citroën Automobiles d'un comportement raciste prôné par le syndicat de direction CSL, la constatation par des études internes de la situation discriminatoire vécue par les travailleurs immigrés, toutes violations démontrant qu'ils ont été victimes d'une discrimination en raison de leur origine ethnique.

En résumé, ils affirment que tout au long de leur exercice professionnel au service de la société Peugeot Citroën Automobiles, ils ont subi des actes de discrimination, de racisme, les amenant à vivre et à travailler dans un climat anxiogène et d'inquiétude permanente pour réclamer dans le corps de leurs écritures la condamnation de l'employeur à leur verser la somme de 50000 euros à titre de dommages et intérêts et ramener cette somme, dans le dispositif des conclusions, à 40000 euros.

La SA PSA Automobiles soulève encore la prescription de l'action, cette demande ayant été introduite pour la première fois devant la juridiction prud'homale par des conclusions du 13 mai 2016.

De la règle précédemment indiquée et de la même façon appliquée, les salariés sont recevables à invoquer les discriminations dont ils auraient fait l'objet de la part de leur employeur à compter du 28 juin 1982 comme indiqué ci-dessus, compte tenu de la saisine de la juridiction. En revanche, leurs réclamations pour des faits antérieurs seront déclarées prescrites.

Les salariés exposent qu'ils ont, tout comme nombre de salariés immigrés, été recrutés dans leur pays d'origine pour satisfaire à un besoin de main d''uvre industrielle. Cependant, les salariés ne justifient nullement cette affirmation, ne précisent même pas quels étaient leur pays d'origine ni leur lieu de naissance, ne donnant aucun élément sur l'ethnie dont ils affirment appartenir et qui serait à la base du comportement discriminatoire de l'employeur à leur égard, se contentant d'indiquer faire partie des «travailleurs immigrés» de l'entreprise. La SA PSA Automobiles ne conteste cependant pas que les salariés soient des «travailleurs immigrés», sans plus de précision. Il convient alors de tenir cette affirmation pour acquise aux débats.

Discrimination résultant de la mise en place d'une politique ouvertement discriminatoire résultant des accords d'entreprise:

Les salariés exposent que les travailleurs immigrés n'étaient embauchés que sous la forme de contrats à durée déterminée de 6 mois renouvelables tel que cela était acté par un accord Citroën du 15 avril 1977 prévoyant en son article 7 «si le contrat à durée déterminée des travailleurs immigrés ne doit pas se poursuivre par tacite reconduction, l'ouvrier concerné en sera informé un mois avant l'expiration de ce contrat. Les travailleurs venant directement de leur pays d'origine et entrant en France sous contrat de travail de l'Office national d'immigration bénéficiant de divers avantages d'une valeur globale de 300 francs». Et dans un autre accord d'entreprise Citroën du 26 février 1979, la société Peugeot Citroën Automobiles soumettait les travailleurs étrangers au même régime dérogatoire.

Ils font état également de la mise en 'uvre de la politique d'aide au retour des travailleurs étrangers suivant accord du 25 août 1986, cette mesure ne touchant que les travailleurs immigrés en raison de leur origine et invoquent la conférence de presse de la CFDT du 10 janvier 1984 dénonçant le comportement autoritaire de l'entreprise dans «l'utilisation sans vergogne des travailleurs immigrés», «après les avoir asservis via la CSL, elle jette au rebus comme des outils périmés, inutiles».

Néanmoins, les salariés ayant reconnu dans leurs écritures avoir été eux-mêmes embauchés par contrat à durée indéterminée, et alors qu'ils ne justifient pas avoir fait l'objet d'une mesure incitative de retour d'aide des travailleurs étrangers, ils n'établissent pas l'existence matérielle de faits pouvant laisser supposer qu'ils ont fait l'objet, à compter du 28 juin 1982, d'une politique ouvertement discriminatoire résultant des accords d'entreprise.

Discrimination résultant des modalités de rémunération plus avantageuses ne bénéficiant pas aux travailleurs immigrés:

Les salariés mentionnent encore l'accord Citroën du 15 avril 1977 qui dispose en son article 9 relatif aux ouvriers commissionnés que:

«a) sont commissionnés de plein droit les ouvriers ayant une ancienneté de 15 ans dans l'entreprise, les professionnels P2 ayant 10 ans dans l'entreprise, les professionnels P3 ayant un an d'ancienneté dans la catégorie et dans l'entreprise

b) sont commissionnés au choix les ouvriers promus par l'employeur sur proposition du chef de service en raison des services rendus à l'entreprise,

Au cours de la période du 26 février 1977 au 26 février 1978, il sera procédé à la promotion de 1000 commissionnés».

Ils exposent que dans les faits, et en pratique, cet accord revient mécaniquement à exclure les travailleurs d'origine immigrée, ces derniers n'ayant pas l'ancienneté minimale de 15 années pour en bénéficier de plein droit, la plupart des immigrés ayant été engagés dans le début des années 1970, alors qu'aucun travailleur immigré ne bénéficiait du statut P2 au mois d'avril 1977 et qu'il ne leur a pas été attribué le statut de commissionné au choix.

La cour relève qu'ils ne prétendent pas que des OS non immigrés, placés dans les mêmes conditions d'ancienneté qu'eux, aient été commissionnés, le statut étant délivré sous condition d'ancienneté exclusivement, tandis que les promotions éventuellement réalisées en 1977-1978 sont prescrites.

Les salariés invoquent les grandes grèves du début des années 1980 menées pour la dignité et améliorer les conditions de travail, les salaires et les évolutions de carrière pour rappeler des statistiques dressées par l'employeur «relevant une assimilation à ces troubles à des travailleurs immigrés dans une note de la direction en 1982, évoquant le problème musulman» et une note qu'ils présentent comme émanant de la société Peugeot Citroën Automobiles (pièce 2N) se rapportant aux travailleurs étrangers démontrant qu'il a été accordé un «statut» particulier défavorable à cette catégorie ethnique, la direction laissant le personnel d'encadrement des établissements, tout comme «le puissant syndicat de la CSL, d'obédience xénophobe, adopter un comportement raciste, sectaire, tyrannique et insultant à l'égard de la population salariée immigréé, principalement maghrébine comme l'utilisation de canon à eau pour empêcher deux salariés de faire leur prière, l'agression ou l'intimidation de salariés maghrébins» et mentionne une brochure de la CFDT de 1984 affirmant «pendant la grève de 1982, il était clairement dit que les Bougnouls nous faisaient chier(...) des gens disaient on ne va pas se laisser commander par des Bougnouls».

Les salariés reprochent en outre l'absence d'évolution de carrière résultant de l'accord de classification Automobiles Peugeot 1983 précisant que le coefficient d'accueil minimum pour un ouvrier d'atelier est le coefficient 160, le coefficient 155 étant réservé aux apprentis, l'article 8 de cet accord stipulant que les «possibilités de promotion au mérite se trouvent fortement développées», l'article 9 prévoyant un rehaussement de la classification à l'ancienneté après 8 et 13 années; ils affirment qu'ils n'ont pas bénéficié de la progression vantée en raison de leur origine ethnique mais exposent également que l'ensemble des salariés n'a connu une évolution de leur rémunération que de façon épisodique et après de nombreuses années passées au service de la société Peugeot Citroën Automobiles: ancienneté moyenne à la 1ère augmentation: 16,61 années.

Ils invoquent de plus un accord Peugeot du 8 mars 2005 duquel il ressort que le groupement de patrons préconisait un «effort important de formation pour ceux des OS, français et immigrés, capables d'assimiler la formation nécessaire». Ils affirment que cet effort de formation n'a pas bénéficié à la population immigrée dont les patrons écrivaient «un problème restera toutefois posé pour ceux qui n'auront pas la possibilité d'acquérir cette formation, notamment une fraction importante d'immigrés non alphabétisés». Aussi, ils concluent que «l'absence d'évolution professionnelle ne s'explique qu'en raison de l'origine ethnique du salarié».

Les salariés mentionnent enfin une discrimination résultant d'une catégorisation avilissante des travailleurs immigrés et invoquent un plan social signé en 1984 à l'usine de Poissy où l'employeur a opéré une «analyse des effectifs en reprenant le critère de la nationalité et non pas celui de la nature et du volume de postes à supprimer»; ainsi, les immigrés étaient principalement impactés par les mesures de suppression de postes, celles-ci touchant en majorité les travailleurs immigrés (80 %) alors qu'ils ne représentaient que 40 % des effectifs touchés par les suppressions de postes, la direction écrivant que «leur reclassement est extrêmement difficile voire important en raison du fait qu'ils ne savent ni lire ni écrire» (sic) alors qu'en ce qui concerne «les postes de contrôleurs, postes de niveau supérieur principalement occupés par des français, la direction expose que leur reclassement direct est envisageable, avec formation en vue d'une mise à niveau ou d'une reconversion», ce qui traduit une atteinte au principe de non-discrimination puisqu'il est dit que leur «illettrisme et analphabétisation empêchent tout reclassement». Ils rappellent l'étude d'un groupe patronal éditée en 1983 qui a mis en avant qu'un des problèmes tient à la présence de travailleurs immigrés dans les effectifs et préconisait que «des contacts soient pris en prévoyant des mesures pour faciliter leur retour au pays d'origine des immigrés venus travailler en France sans avoir l'intention de s'y installer définitivement».

Cependant, les salariés ne justifient nullement que les propos ou écrits qu'ils prétendent qu'ils émanent de la direction de l'entreprise ou du groupe d'études patronal ou encore de l'organisation syndicale dont ils tirent quelques extraits s'appliquaient à leur situation; à défaut de justifier qu'ils ont été compris dans le plan social de Poissy en 1983, leurs affirmations restent générales sur les «immigrés» et ils n'établissent pas l'existence matérielle de faits pouvant laisser présumer avoir fait l'objet d'une discrimination ethnique directe ou indirecte à leur encontre relativement aux modalités de leur rémunération par rapport aux ouvriers de leur catégorie non immigrés.

Discrimination résultant de la violation par l'employeur de son obligation de formation à l'égard des salariés d'origine étrangère:

Les salariés invoquent depuis les années 1970 la «problématique de la formation et de l'égalité des chances des travailleurs immigrés», le rapport de la Commission de développement de la formation des OS présidée par Gabriel I... qui a déposé un rapport en octobre 1983 mettant en évidence «un niveau scolaire très bas chez la population immigrée avec un taux de 88 % des travailleurs n'ayant pas fini leur cursus primaire», et «s'agissant plus spécialement des travailleurs marocains, qu'ils avaient tous un coefficient professionnel nettement inférieur aux ressortissants français (coefficient inférieur ou égal à 180: 71 % de marocains contre 14 % de français, tandis qu'aucun marocain ne dépasse le coefficient 225 et n'entre dans la catégorie des agents de maîtrise)» et que «s'agissant de la formation, les individus étaient choisis par l'encadrement technique pour suivre une formation en fonction de critères qui n'étaient pas clairement définis». Ils affirment que ce rapport notait que la promotion à certains postes d'encadrement ne reposait pas sur la formation initiale mais n'était jamais attribuée aux salariés d'origine étrangère en raison même de leur origine. Aussi, par son «caractère discrétionnaire et élitiste», le choix des ouvriers en vue de bénéficier d'actions de formation ne permettait pas aux travailleurs immigrés d'en faire partie.

Ils constatent qu'ils n'ont jamais bénéficié d'entretien annuel d'évaluation devant porter sur le poste tenu, l'évolution de sa carrière et les conditions permettant son évolution alors que la société Peugeot Citroën Automobiles les avait mis en place à compter de 1984 (pièce 4R) et affirment que, par plusieurs accords d'entreprise postérieurs, l'employeur avait pris des mesures ambitieuses et contraignantes qui n'ont pas été mises en 'uvre à leur égard et ainsi, «ils ont été privés tout au long de leur carrière de réelles perspectives d'évolution par un développement de leurs compétences en raison uniquement de leur origine ethnique».

La SA PSA Automobiles conteste ces affirmations et expose qu'elle a assuré aux salariés une carrière professionnelle conforme à leur catégorie professionnelle, qu'ils ont effectué toute leur carrière au sein de la même entreprise et qu'ils l'ont achevée au plus haut niveau de leur catégorie, compte tenu de la très faible formation initiale qu'ils présentaient et de leur très faible niveau de qualification puisqu'ils se disent illettrés, alors qu'elle leur a assuré les formations veillant à assurer leur employabilité leur ayant permis de poursuivre leur activité professionnelle à la suite de toutes les mutations technologiques entraînées par les progrès techniques.

La cour constate que les salariés se contentent d'études générales sur la «population immigrée» remontant à plusieurs dizaines d'années antérieures à la date d'examen de leur cause sur la situation des travailleurs immigrés, que la SA PSA Automobiles affirme, sans être contredite, que lors de leur départ de l'entreprise elle leur a rendu leur livret de formation et qu'ils ne produisent pas, à l'exception d'Alain J... avec lequel ils se comparent, rendant vaine toute comparaison à cet égard, tandis que l'entretien individuel pour bilan personnel qu'ils reprochent à l'employeur de n'avoir pas mis en place à leur égard devait être effectué à leur demande ou à l'initiative de la hiérarchie (pièce 4R du 16 février 1984) et qu'ils ne démontrent pas avoir réclamé la tenue d'un tel entretien de sorte qu'ils ne justifient nullement de la matérialité d'éléments de faits précis et concordants commis à leur encontre laissant supposer l'existence d'une discrimination ethnique directe ou indirecte à leur égard relativement à l'obligation de formation.

Discrimination résultant de la mise en 'uvre de licenciements de salariés d'origine maghrébine:

Les salariés exposent que «lors des mesures de compression des effectifs, la société Peugeot Citroën Automobiles a régulièrement fait le choix de mettre, en première ligne des suppressions de postes, les salariés immigrés, ceux-ci étant prioritairement affectés par ces mesures de réduction des effectifs» et rappellent des articles de presse de 1983 et 1984 le décrivant, alors que «la population des salariés immigrés dans la représentation du personnel n'était absolument pas majoritaire et encore moins unanime» (sic), cette logique de choisir en priorité, pour être licenciés, des salariés d'origine maghrébine confirmant le comportement discriminatoire de la société Peugeot Citroën Automobiles.

Mais, alors que les salariés n'ont pas fait l'objet d'une mesure de licenciement durant leur exercice professionnel au sein de cette entreprise, leur affirmation reste péremptoire et générale et ne permet pas d'apporter la preuve de la matérialité d'éléments de faits précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination ethnique directe ou indirecte à leur encontre.

Discrimination résultant de la mise d'un dispositif CASA touchant en forte majorité les salariés d'origine immigrée:

Les salariés reprochent à la société Peugeot Citroën Automobiles d'avoir mis en place «le dispositif CASA qui touche en très forte majorité les travailleurs immigrés: sur près de 1000 actions (prud'homales) menées dans le cadre de ce dispositif, toutes concernent des travailleurs immigrés à l'exception d'un seul ressortissant français (Alain J...), alors que l'effectif des travailleurs immigrés a été évalué à environ 15 % des effectifs de la société Peugeot Citroën Automobiles dans les années 1980» et en concluent que «cette politique visait à se séparer des salariés d'origine étrangère dont elle a elle-même dressé la liste en termes d'éligibilité».

La SA PSA Automobiles le conteste et rappelle qu'elle a mis en place cette procédure pour les salariés âgés d'au moins 55 ans et ayant travaillé dans des fonctions marquées par la pénibilité, sans que l'origine des salariés pouvant en bénéficier ne soient mentionnée, de sorte que l'affirmation des salariés n'est pas justifiée. Elle rappelle que non pas 1000 salariés ont bénéficié du dispositif qu'ils reprochent par cette procédure mais plutôt 9000 salariés et que la très grande majorité des salariés retraités concernés ne le conteste pas.

En effet, la cour relève que les salariés ne justifient nullement que la société Peugeot Citroën Automobiles a réservé ce dispositif à la seule catégorie des travailleurs immigrés et qu'ils invoquent un pourcentage de travailleurs immigrés pour l'année 1980 alors que le dispositif CASA a été mis en place entre 20 et 25 ans plus tard; de plus, seuls les salariés qui ont adhéré à ce dispositif en ont bénéficié de sorte que c'est en raison de leur souscription volontaire que les salariés en ont bénéficié et non pas au motif qu'ils étaient travailleurs immigrés ; aussi, ils ne justifient pas de la matérialité d'éléments de faits précis et concordants résultant de la mise en place du dispositif CASA laissant supposer l'existence d'une discrimination ethnique directe ou indirecte à leur encontre.

Discrimination résultant de la politique de l'employeur interdisant l'accès aux emplois de qualification supérieure:

Les salariés reprochent encore une politique indéniablement discriminante tenue par l'employeur suivant «un ouvrage» publié en 1984 «Talbot ou les raisons profondes d'un conflit» non versé aux débats mais repris partiellement dans la brochure édité par la CFDT (pièce 4K) dans lequel est visé le cas d'un salarié marocain entré chez Simca en 1969, «devenu P2 après l'attente classique que tout marocain doit subir, en clair, plusieurs années. Il est marocain» et ce salarié d'expliquer que son «contremaître l'a proposé comme régleur mais mon dossier est revenu de la direction avec un avis négatif, un travailleur immigré ne devient pas régleur», et concluant «ce constat étant révélateur d'une évolution de carrière des travailleurs immigrés très ralentie, voire inexistante».

Mais à défaut pour les salariés de justifier qu'ils ont fait l'objet d'une mesure d'interdiction d'accès à un emploi supérieur, leur constat sur le cas particulier «d'un salarié marocain entré chez Simca en 1969» sans plus de précision d'identité pour en tirer une règle générale à tous les ouvriers immigrés reste péremptoire et ne peut être étendu à eux-même en particulier et dès lors, alors qu'il apparaît qu'ils ont terminé au coefficient supérieur de leur catégorie professionnelle, ils n'apportent pas la preuve de la matérialité d'éléments de faits précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination ethnique directe ou indirecte à leur encontre à ce titre.

Discrimination résultant de la mise en 'uvre d'une politique de retour au pays:

Les salariés indiquent que«à compter du début des années 1980, la société Peugeot Citroën Automobiles a appliqué une législation permettant aux employeurs de réduire les effectifs en mettant en 'uvre des mesures incitatives d'aides au retour au pays d'origine». Ainsi, en 1984, le journal Libération (pièce 4Z) a précisé que «11000 salariés immigrés du groupe sont consultés individuellement pour savoir s'ils entendaient bénéficier de ce dispositif»; ils en déduisent que «l'employeur a organisé la suppression des effectifs en recourant à des critères de nationalité, ce qui est illicite».

Les salariés ne prétendant même pas avoir été eux-mêmes interrogés au cours d'entretiens individuels décrits par l'article de presse versé aux débats pour connaître leur éventuel souhait de retour dans leur pays d'origine et ainsi bénéficier de mesures d'aides au retour, ils ne rapportent donc pas la preuve de la matérialité d'éléments de faits précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination ethnique directe ou indirecte à leur encontre à ce titre.

Discrimination résultant de la tolérance par l'employeur d'un comportement raciste prôné par le syndicat de direction CSL:

Les salariés affirment que dans les années 1970-1980, la société Peugeot Citroën Automobiles a connu un syndicat majoritaire, «la CSL, composé de syndicalistes appartenant principalement à l'extrême droite et fascites». Ils poursuivent en exposant que «ce syndicat a mis en 'uvre une logique de cooptation et de discrimination à l'endroit des travailleurs immigrés par une gestion raciste des relations de travail, les membres de la CSL occupant le plus souvent les postes intermédiaires de contremaîtres, agents de maîtrise, voire de membres de la direction. Aucune évolution de carrière n'était envisageable sans l'adoubement des salariés par la CSL, les conduisant à être placés sous le joug de responsables tyranniques à l'égard desquels ils devaient adopter un comportement de quasi-esclaves». Ils se réfèrent à une correspondance de la CFDT du 18 mars 1982 qui dénonçait les méthodes de répression perpétrées dans l'usine Citroën d'Aulnay/Bois demandant à la direction «avec la plus grande rigueur de faire tout ce qu'il est en votre pouvoir afin que cesse chez Citroën une politique de relations sociales que ne renieraient pas les pays fascites ou totalitaires de par le monde». Ils indiquent que «les salariés immigrés devaient, pour être bien vus de la CSL et des contremaîtres, prendre la carte de ce parti à l'embauche, carte automatiquement remise par la direction de l'usine, et remettre cadeaux ou autres boissons au retour des vacances» (pièce 4 K). D'ailleurs, aux termes de l'enquête réalisée par le journal Libération du 9 juin 1982, il était relevé que «la progression professionnelle ne pouvait avoir lieu sans adhésion à la CSL» et que «la dignité des marocains était bafouée tous les jours» suivant la déclaration d'un salarié prénommé André. Enfin, au cours des grèves de 1984 à l'usine de Poissy, «des propos avaient été tenus dans un climat de violence inouïe, se concrétisant par des cris ''au four'' lorsqu'un gréviste immigré blessé à la tête avait été évacué», le journaliste notant «le divorce entre les ouvriers français et immigrés n'a jamais été aussi grand qu'à Talbot-Poissy».

La situation discriminatoire résulte d'études internes: les salariés font mention d'une étude socio-économique réalisée au sein de la société Peugeot Citroën Automobiles publiée en 1984 démontrant en page 21 que «la réduction du temps de travail avec diminution du salaire de 10 % ou blocage de celui-ci serait très mal ressentie par l'ensemble de la population, cette tendance se trouve particulièrement accentuée dans la population immigrée dont les revenus sont souvent les plus faibles, et qui doit cependant envoyer une partie de ceux-ci au pays», rappelant que «plus de 10 % de nos immigrés disposent d'une seconde activité» ce qui démontre que «les travailleurs immigrés sont largement discriminés en matière de rémunération, conduisant une partie de ces ouvriers à cumuler deux emplois et relevant que l'utilisation du terme ''nos'' démontre la chosification de ce personnel, ce qui leur enlève toute humanité et toute dignité».

L'absence d'augmentation à caractère individuel confirme cette politique discriminatoire: les salariés mentionnent la lettre adressée par la direction à la CFDT le 30 septembre 1987 soutenant son «attachement à une plus grande individualisation progressive des rémunérations» alors qu'ils affirment n'avoir pas bénéficié, à l'exception des mesures générales d'augmentations, d'une politique individuelle d'augmentation et indiquent que l'employeur n'établit pas qu'ils n'avaient pas les qualités ou ne remplissaient pas les conditions requises pour bénéficier de telles mesures.

La comparaison de son salaire avec les statistiques démontre le caractère sous-évalué de sa rémunération en raison de son origine ethnique: les salariés affirment que «leur sous-rémunération» confirme l'existence d'une discrimination à leur égard en raison de leur origine ethnique, «une étude pour l'année 1992» venant confirmer le fait que «l'ensemble des salariés d'origine étrangère bénéficiait d'une rémunération inférieure aux salariés appartenant au même coefficient professionnel qu'eux, pour le même coefficient».

La comparaison de sa situation professionnelle avec un salarié français d'origine et les salaires pratiqués confirme l'inégalité de traitement: les salariés se comparent à un certain Alain J... qui a été embauché comme eux fin 1960-début 1970 et en l'espèce en 1966, sans être titulaire d'un diplôme ni de formation professionnalisante mais qui a connu des parcours en terme d'évolution professionnelle et d'accès à la formation extrêmement différents dont son livret de formation justifie, puisqu'il a accédé au poste de technicien d'atelier coefficient 255 de la convention collective, après avoir bénéficié de 12 actions de formation et d'adaptation alors qu'ils soutiennent qu'eux-même ont terminé juste au-dessus des coefficients au-dessus duquel les embauches étaient réalisées par la société Peugeot Citroën Automobiles depuis le milieu des années 1990. De plus, ils exposent que: «une enquête réalisée en 1977 démontrait que les salariés relevant du coefficient 170 avait un salaire entre 2662 et 2775 francs alors que lui percevait 2473 francs fin 1977», ces différences ce traitement ne pouvant reposer que sur leur origine ethnique.

La société Peugeot Citroën Automobiles conteste l'ensemble de ces affirmations, reprochant aux salariés de ne pas verser leur propre livret de formation de sorte que la comparaison avec M. J... est inopérante, faisant valoir qu'au contraire de l'affirmation erronée des salariés, M. J... était titulaire, lors de son embauche à 18 ans, d'un CAP de mécanique et que, fort de cette formation initiale, il avait pu compléter son parcours d'apprentissage, essentiellement dans les 15 premières années suivant cette embauche et qu'enfin, ils avaient terminé leur carrière au coefficient le plus haut de leur catégorie professionnelle.

La cour constate que leur affirmation sur un cas particulier résultant des établissements de Poissy ou d'Aulnay ne peut laisser supposer qu'ils ont subi eux-mêmes le «comportement raciste» dont ils jugent l'employeur, aucun élément ne venant le justifier à leur égard, les salariés ne soutenant même pas y avoir été employés.

De même, la description de faits par un certain «André» en 1984, dont ils ne justifient pas qu'ils s'appliquaient à eux-mêmes, ou qu'ils ont dû recourir à un double emploi ou encore qu'ils ont souffert personnellement du comportement qu'ils estiment raciste de la CSL reste péremptoire et générale. De plus, il n'est nullement justifié par la pièce 4K versée aux débats (fascicule émanant de la CFDT) de l'obligation affirmée par eux que les travailleurs immigrés avaient l'obligation de prendre la carte de la CSL à l'embauche ou de remettre aux contremaîtres des cadeaux au retour des vacances. Ils ne justifient d'ailleurs pas de leur affiliation personnelle à ce syndicat. Toutes ces affirmations restent non démontrées.

Enfin, la comparaison de la situation des salariés avec celle de M. J... n'est pas pertinente, ce salarié présentant une formation initiale (CAP de mécanique) dont ils ne disposaient pas eux-mêmes, ce qu'ils reconnaissent en se présentant comme illettrés, ce qui ôte toute utilité à la comparaison qu'ils tentent d'opérer avec M. J..., et enfin qu'il est justifié par l'employeur qu'ils ont tous bénéficié, à plusieurs reprises, d'augmentations individuelles au cours de leur carrière de sorte que ces affirmations d'ordre général et péremptoire ne leur permettent pas d'apporter la preuve de la matérialité d'éléments de faits précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination ethnique directe ou indirecte vécue par eux.

Les demandes relatives à la discrimination ethnique résultant de leur affirmation d'être «travailleurs immigrés» seront rejetées.

En ce qui concerne le préjudice d'anxiété:

Les salariés reprochent à la société Peugeot Citroën Automobiles d'avoir «instauré un climat d'incertitude(s) les plaçant dans une situation d'inquiétude permanente: climat de relations sociales particulièrement anxiogène, liberticide et attentatoire aux règles les plus élémentaires de respect de la dignité des travailleurs immigrés, illustré par les deux conflits majeurs de 1982 d'abord dans l'usine d'Aulnay puis au sein de l'usine de Poissy» ainsi qu'il ressort de la revue de la CFDT de mai 1982, et du rapport du médiateur de la commission des libertés en septembre 1983 préconisant que «la direction s'engage de la façon la plus solennelle à mettre en 'uvre tous les moyens dont elle peut disposer pour faire respecter l'ensemble des libertés collectives et individuelles et à sanctionner sévèrement toutes les atteintes à la dignité de la personne dont elle pourra avoir connaissance»; Ils poursuivent en indiquant que «l'employeur lors de ces conflits avait même laissé les nervis armés faire régner la terreur et agresser les autres personnels, principalement maghrébins, tel le 11 mars 1982 lorsqu'un travailleur maghrébin syndicaliste avait été agressé par des membres de la CSL, syndicat encarté et soutenu par la direction». Ils mentionnent qu'en mai 1983, «la CFDT avait dénoncé l'immobilisme de la direction et la persistance d'un régime clientélisme inéquitable», de nombreux tracts syndicaux dénonçant «les atteintes à la dignité humaine dont étaient principalement victimes les travailleurs d'origine étrangère».

Ils font état d'un article rédigé par D. K... en mai-juin 1982 intitulé «le problème des immigrés musulmans»concluant en termes de propositions de «procéder à l'expulsion des immigrés au pays après une période de chômage et initier une vraie politique de retour au pays» alors que l'Association des travailleurs marocains dénonçait le 5 janvier 1984 le fait que «les immigrés soient pointés du doigt» «problème immigré» alors qu'il s'agissait d'un conflit social, «dénonçant le marchandage d'une main d''uvre traitée en esclave» et souhaitait pour les travailleurs une formation réelle et adaptée.

Ils estiment que le climat de tensions extrêmement vives a «''sans doute'' provoqué chez les travailleurs immigrés une logique d'anxiété, étant soumis à des décisions arbitraires en matière de conditions de travail, de promotion professionnelle ou encore de formation», un tract étant distribué en 1982 intitulé «mon cher Mustapha» dans lequel était «raillé, de manière extrêmement xénophobe, le comportement des travailleurs marocains ou immigrés dont le seul but serait de frauder les avantages en France et s'enrichir au préjudice de la société française» ou encore un autre tract distribué par le syndicat PFN, parti des forces nouvelles, dans les locaux de l'entreprise indiquant «qu'ils ont aidé le syndicat CSL à entreprendre une vaste opération de nettoyage à l'usine de Poissy car les arabes et les noirs encadrés par la CFDT entravaient la liberté du travail et qu'ils avaient décidé de les mettre à raison».

Ils mentionnent un article de Libération du 21 décembre 1983 regroupant des témoignages faisant état d'une «soumission des travailleurs immigrés face à la direction ou à la hiérarchie par obligation qui leur était faite de prendre la carte de la CSL, les cadeaux obligatoires aux contremaîtres, la bouteille de Ricard, le tapis au retour des vacances au pays, gages de l'augmentation, sinon de garantie de l'emploi».

Ils reprochent enfin à la société Peugeot Citroën Automobiles d'avoir choisi de fermer les yeux sur ces «comportements insupportables» en «faisant le choix de laisser les salariés immigrés ne pas évoluer, ne pas être formés, les laisser au plus bas de l'échelle hiérarchique sous le joug de contremaîtres racistes», tout ceci démontrant que «l'employeur a toléré, voire a directement favorisé cette soumission des salariés immigrés», ce qui constitue des manquements engageant sa responsabilité civile dont le résultat consiste en un sentiment d'anxiété, de peur, de crainte pour conduire à une «logique de soumission pendant tout le cours de leur carrière professionnelle», ce qui est constitutif de fautes aggravées. Ils concluent que la responsabilité de la société Peugeot Citroën Automobiles est «incontestable» et demandent réparation du dit comportement.

La SA PSA Automobiles soulève la prescription de l'action entamée par les salariés puis, au fond, conclut au débouté de la demande au motif de l'absence de preuve par les salariés d'une faute qui les affecterait personnellement, d'un dommage et du lien de causalité entre les deux.

Le préjudice d'anxiété est celui dans lequel le salarié est placé, par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente. Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Si, contrairement à ce que soutient l'employeur, aucune prescription de l'action ne peut être retenue compte tenu des règles ci-dessus rappelées, il appartient aux salariés qui soutiennent avoir subi un préjudice résultant du comportement de leur employeur, de justifier qu'ils ont été placés par celui-ci dans la situation d'inquiétude permanente par eux reprochée et que cette situation leur a causé des troubles physiques ou mentaux;

À défaut pour les salariés de justifier qu'ils ont été victimes à titre personnel des situations par eux énumérées et qu'ils ne prétendent même pas qu'ils étaient employés dans les usines de Poissy ou d'Aulnay aux époques décrites correspondant à une période de durs conflits sociaux, ils ne peuvent tirer une règle générale à l'ensemble de l'entreprise en s'abstenant de rapporter la preuve qu'ils ont été eux-même soumis à la situation par eux reprochée; ainsi, les salariés ne justifient ni d'une faute commise par la société Peugeot Citroën Automobiles à leur égard, ni de l'existence d'un préjudice subi par eux de sorte que la cour les déboute de ce chef de demande.

5° Sur le paiement de la prime relative à l'octroi de la médaille du travail:

MM. E... N... et O... exposent qu'ils se sont vus remettre la médaille d'honneur du travail Grand Or par la préfecture des Yvelines au moment où ils ont compté au moins 35 années d'ancienneté.

La SA PSA Automobiles conteste cette affirmation et affirme qu'il n'a, en tout cas, pas reçu cette médaille durant le temps de la relation de travail. Elle affirme que l'autorité administrative qui décerne cette décoration au salarié ne peut l'engager, même si certaines entreprises allouent à leur salarié une prime à l'occasion de cette distinction, encore faut-il que le contrat de travail subsiste, ce qui n'est pas le cas présentement.

À défaut surtout pour les salariés de justifier de la remise de cette médaille par la préfecture, d'en préciser la date d'obtention et de mentionner le montant de la prime réclamée,il convient de les débouter de cette demande.

6°) Sur la demande de dommages et intérêts formée au titre du retard dans le paiement de l'indemnité de mise à la retraite:

Les salariés appelants reprochent à l'employeur d'avoir prononcé des mises à la retraite de ses salariés dans le cadre du dispositif précité à compter du 18 juillet 2008 et d'avoir attendu plusieurs mois voire années pour verser l'intégralité du montant de l'indemnité de mise à la retraite (quelquefois près de neuf années après leur départ en pré-retraite CASA).

La SA PSA Automobiles reconnaît qu'elle a commis un erreur dans la modification de son paramétrage de paie lors de la modification du mode de calcul de l'indemnité légale de licenciement le 20 juillet 2008, ce qui a minoré le solde de l'indemnité de mise à la retraite de sorte que certains de ses salariés retraités n'ont pas reçu l'intégralité de leur indemnité mais que la situation a été régularisée dès que l'entreprise a eu connaissance de l'erreur commise.

Ainsi, les appelants ne disent pas que, eux-mêmes, ont fait l'objet de ce retard puisque l'employeur expose que cette difficulté n'a concerné que certains salariés, ne précisent pas le montant de la minoration subie ni la date de versement du complément qui leur revenait alors qu'il ressort de leurs écritures qu'ils ont été totalement remplis de leurs droits actuellement; aussi, si retard il y a eu à leur égard et dont il n'est pas justifié, le retard dans l'exécution d'une obligation se bornant au paiement d'une somme d'argent est réparé par la condamnation à paiement des intérêts au taux légal et non par l'octroi de dommages et intérêts du chef de ce retard; il convient de les débouter de cette réclamation et de confirmer le jugement de ce chef.

7°) Sur la demande formée au titre du défaut d'information relatif aux droits à la retraite:

Les salariés reprochent à l'employeur un défaut d'information relatif aux droits à la retraite; ils exposent qu'ils n'ont bénéficié que d'un délai extrêmement court de 30 jours pour faire part de leur réponse à la proposition d'adhésion au dispositif CASA présentée par l'employeur, faute de quoi ils étaient considérés comme ayant renoncé à l'adhésion et alors qu'ils ne leur a pas été présenté les conséquences à moyen et long terme de leur adhésion sur le calcul relatif à leurs droits à pension de retraite. Ils mentionnent une information collective dispensée par l'employeur délivrée à l'occasion d'une réunion du comité central d'entreprise le 24 février 2000 comportant d'ailleurs «uneinformation inexacte» et la publication d'un mémento de présentation du dispositif CASA. Ils affirment que la société Peugeot Citroën Automobiles s'est contentée de procéder à leur égard de la façon suivante:

un entretien dont l'objet était de vérifier leur éligibilité au dispositif

un second entretien destiné à leur proposer l'adhésion et une simulation du calcul du montant des allocations

la remise de l'adhésion

alors qu'ils rappellent qu'ils connaissent des problèmes d'alphabétisation de sorte que l'employeur s'est gardé de leur délivrer une information claire et efficace sur les conséquences de leur adhésion au dispositif CASA, sur la pension de retraite et qui s'est traduite pour eux en une perte de chance d'obtenir une pension de retraite plus élevéepuisque l'on constate que les meilleures années retenues sont constituées par les dernières années d'activité professionnelle. Aussi ils affirment dans leurs écritures que leur préjudice consiste en une minoration du droit à pension entre l'âge de leur mise à la retraite, date d'entrée en jouissance de la pension de retraite, et «82 ans, âge moyen en vie». Ils réclament la condamnation de l'employeur à leur verser la somme de 20000 euros à titre de dommages et intérêts.

La SA PSA Automobiles retient au contraire que pour remplir son obligation d'information, elle a organisé des réunions d'information, projetant aux personnels des documents précisant les modalités du dispositif résultant d'un processus de négociation entre partenaires sociaux, les personnels des ressources humaines ayant spécialement rencontré les salariés et formé des «correspondants CASA» qui transmettaient les informations, que des plaquettes d'explication étaient remises aux personnels intéressés, et alors que l'accord mentionnait que les cotisations versées aux régimes d'assurances Agirc ou Arrco étaient calculées sur le salaire de référence, soit celui versé au cours des 12 derniers mois travaillés; elle en conclut qu'elle a parfaitement rempli son obligation pour donner connaissance aux salariés des conditions d'entrée dans le dispositif et les conséquences en résultant.

Les salariés ne peuvent soutenir que leurs difficultés de compréhension de la langue française ne leur ont pas permis de recevoir une information suffisante alors qu'ils reconnaissent l'existence de démarches collectives de l'entreprise à l'égard de l'ensemble des salariés et individuelles à leur égard, le délai de réflexion de principe de 30 jours étant parfaitement suffisant pour se décider après deux entretiens au cours desquels une simulation leur avait été faite du montant des allocations qu'ils devraient percevoir en cas d'adhésion au dispositif de sorte qu'il en ressort qu'ils ont été dûment informés sur les conséquences de leur adhésion et que la société Peugeot Citroën Automobiles a rempli son obligation d'information à leur égard; il convient de les débouter de ce chef de réclamation.

8°) Sur la procédure d'adhésion mise en 'uvre au terme d'agissements frauduleux de l'employeur et d'un vice du consentement;

Les salariés reprochent pour la première fois le 26 mars 2018 à la SA PSA Automobiles une fraude en raison de la discrimination ethnique, une fraude à la consultation des représentants du personnel, une fraude dans les modalités de recueil de l'adhésion des salariés, une fraude à l'engagement de compenser les départs par des embauches compensatrices, une fraude aux départs pour motif économique, une fraude aux aides d'Etat, pour conclure que le dispositif CASA constituait une mesure frauduleuse au regard du droit européen relatif aux aides;

Les nombreux et très récents reproches portés par les salariés à la procédure mise en place par la SA PSA Automobiles correspondant au dispositif prévu par les pouvoirs publics et négocié par les partenaires sociaux qu'ils qualifient de «fraudes» et dont ils affirment qu'elles ont vicié leur consentement, s'ils peuvent éventuellement révéler des manquements formels procéduraux, ne caractérisent nullement l'intention de nuire de la part de l'employeur dans le but de les tromper afin de les amener à adhérer au dispositif CASA et alors qu'ils ne démontrent pas que les éventuels manquements procéduraux commis par l'employeur ont trompé leur consentement de sorte qu'ils n'auraient pas adhéré au dispositif sans leur commission, il convient de les débouter de leur demande de nullité de la rupture du contrat de travail à ce titre.

9°) Sur la demande formée au titre de la requalification de la mise à la retraite en licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse:

Les salariés reprochent à la société Peugeot Citroën Automobiles de n'avoir pas respecté les modalités légales et/ou conventionnelles de mise à la retraite de telle sorte que leur mise à la retraite sera requalifiée comme procédant d'un licenciement nul ou, à tout le moins, sans cause réelle et sérieuse.

Ils exposent que la rupture du contrat de travail au terme d'une période de pré-retraire constitue une mise à la retraite à l'initiative de l'employeur de sorte que la rupture peut être contestée. Ils reprochent à la société Peugeot Citroën Automobiles d'avoir fait partir des salariés dans le cadre du dispositif CASA hors délai ce qui rend leur mise à la retraite illicite.

Ils prétendent que la mise à la retraite avant l'âge légal n'était plus possible à la suite de la loi n°2006-1640 du 21 décembre 2006. Aussi, la rupture du contrat de travail doit s'analyser en un licenciement, faute pour l'employeur d'avoir respecté les conditions requises par le droit positif pour procéder à leur mise en retraite. En outre, ils indiquent que la mise à la retraite dans le dispositif CASA constitue en réalité une rupture fondée sur un motif économique et par voie de conséquence, une fraude à la loi. Enfin, ils reprochent une «mise à la retraite prononcée par une personne morale qui n'était pas l'employeur de la société Peugeot Citroën Automobiles».

La SA PSA Automobiles expose que la rupture du contrat de travail ne s'est pas faite à son initiative mais du fait de l'adhésion des salariés au dispositif proposé qui a suspendu le contrat de travail jusqu'à leur date de départ à la retraite, l'adhésion étant personnelle, volontaire et la cessation anticipée d'activité définitivement actée par la signature d'un avenant de suspension du contrat de travail, de sorte qu'il ne peut lui être donnée la qualification de licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse

La cour relève que ne constitue pas une mise à la retraite la rupture du contrat de travail d'un salarié qui, ayant adhéré à un dispositif conventionnel de cessation progressive d'activité, part à la retraite à l'issue de la période de pré-retraite définie par l'accord collectif; peu importe à cet égard que l'accord prévoyait effectivement le versement d'une indemnité de «mise à la retraite», il s'agissait pour les salariés d'un «départ à la retraite», ceux-ci ayant personnellement adhéré au dispositif de cessation d'activité en signant un avenant à leur contrat de travail de sorte que les griefs relatifs à la détermination de la personne qui a pris la décision de sa «mise à la retraite», ceux relatifs à l'absence de notification par lettre recommandée avec accusé de réception de la décision de «mise à la retraite», à une mise à la retraite avant l'âge légal, à une mise à la retraite impossible à la suite de la loi n°2006-1640 du 21 décembre 2006, à une mise à la retraite sans respect des conditions requises par le droit positif pour y procéder, une mise à la retraite sans respect des conditions fixées par l'accord CASA et les dispositions conventionnelles, ou encore liée au fait que certains salariés dont l'identité n'est d'ailleurs pas révélée auraient subi un abattement dans la liquidation de leur retraite complémentaire Talbot et enfin liée à l'absence de délai de préavis sont inopérants et les salariés ne peuvent remettre en discussion la régularité et la légitimité de la rupture de leur contrat de travail, à défaut en outre d'avoir établi la fraude de leur employeur ou l'existence d'un vice du consentement de leur part.

Ainsi, l'entrée des salariés dans le dispositif CASA était volontaire de leur part; la circonstance que l'employeur ait proposé, en concertation avec les partenaires sociaux, un dispositif servant la politique de l'emploi organisée dans un cadre légal et soumis à l'adhésion des salariés, ne caractérise pas un détournement des règles du licenciement pour motif économique.

Dès lors, il convient de relever que la rupture du contrat de travail résultant du départ en retraite des salariés ne s'inscrit pas dans le cadre d'un licenciement; les salariés ne peuvent prétendre ni à une indemnité compensatrice de préavis, ni à des dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse; il convient de confirmer le jugement de ce chef.

Les salariés qui succombent supporteront la charge des dépens d'appel.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la SA PSA Automobiles la charge de ses frais irrépétibles exposés.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement

Confirme le jugement sauf en sa disposition ayant assorti d'une astreinte l'obligation de remise du certificat de travail au salarié

et statuant à nouveau des chefs réclamés en cause d'appel

Déclare irrecevables comme prescrites les demandes présentées par MM. E... L..., E... N..., O..., Y..., F..., et Z... et Mme Aïcha B... en sa qualité d'ayant droit de M. M... C... décédé à l'encontre de la SA PSA Automobiles avant le 28 juin 1982

déboute MM. E... L..., E... N..., O..., Y..., F..., et Z... et Mme Aïcha B... en sa qualité d'ayant droit de M. M... C... décédé de toutes leurs autres demandes

Les condamne aux dépens d'appel;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SA PSA Automobiles.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et MmeClaudine AUBERT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIERLe PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 11e chambre
Numéro d'arrêt : 17/00945
Date de la décision : 28/06/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 11, arrêt n°17/00945 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-28;17.00945 ?
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