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12/06/2018 | FRANCE | N°18/022311

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13, 12 juin 2018, 18/022311


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 4FA

13e chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 12 JUIN 2018

No RG 18/02231

AFFAIRE :

Société B.A.T. INDUSTRIES P.L.C.

Société BTI 2014 LLC

C/

SA SEQUANA

SELARL C. I...

SELARL F.H.B.

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Avril 2017 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
No chambre : 8
No Section :
No RG : 2017L00654

Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 12.06.18

à :

Me Chri

stophe DEBRAY,

Me Patricia MINAULT,

Me Julie GOURION-LEVY

TC NANTERRE,

M.P REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE DOUZE JUIN DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de Versai...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 4FA

13e chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 12 JUIN 2018

No RG 18/02231

AFFAIRE :

Société B.A.T. INDUSTRIES P.L.C.

Société BTI 2014 LLC

C/

SA SEQUANA

SELARL C. I...

SELARL F.H.B.

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Avril 2017 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
No chambre : 8
No Section :
No RG : 2017L00654

Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 12.06.18

à :

Me Christophe DEBRAY,

Me Patricia MINAULT,

Me Julie GOURION-LEVY

TC NANTERRE,

M.P REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE DOUZE JUIN DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

- Société B.A.T. INDUSTRIES P.L.C.
[...] ROYAUME-UNI
- Société BTI 2014 LLC
[...] USA

Représenté(e) par Maître Christophe DEBRAY, Postulant, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 et par Maître Edouard FABRE de la SELAS FOUCAUD TCHEKHOFF POCHET ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS,

APPELANTES
****************

SA SEQUANA - No SIRET : 383 49 1 4 46
[...]

Représenté(e) par Maître Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 et par Maîtree Didier MALKA du LLP WEIL GOTSHAL etamp; MANGES (PARIS) LLP, Plaidant, avocat au barreau de PARIS,

- SELARL C. I..., ès qualités
[...]
- SELARL F.H.B.ès qualités
[...]

Représentées par Maître Julie GOURION-LEVY, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 51 et par Maître Jean-pierre FARGES du LLP GIBSON, DUNN etamp; CRUTCHER, avocat plaidant au barreau de PARIS,

INTIMEES
****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 Mai 2018, Madame Sophie VALAY-BRIERE, présidente ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,
Madame Hélène GUILLOU, Conseiller,
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Nathalie MULOT

En la présence du Ministère Public, représenté par Monsieur Fabien BONAN, Avocat Général dont l'avis des 05 mai et 27 juin 2018 ont été transmis les mêmes jours au greffe par la voie électronique Le groupe Sequana est composé de la société Sequana, société holding, et de ses filiales Antalis international et Arjowiggins et a pour activités principales la distribution de papiers, de solution d'emballage et de supports de communication visuelle et la production de papiers.

Le groupe a engagé une restructuration financière en 2014 et les sociétés Antalis international, Arjowiggins et Sequana ont fait l'objet d'une procédure de conciliation devant le tribunal de commerce de Nanterre qui a homologué les protocoles de conciliation par jugement en date du 27 juin 2014.

La société Sequana a été attraite devant la High court of justice de Londres la licéité des distributions de dividendes dont elle avait bénéficié en 2008 et 2009 de la part de son ancienne filiale, la société Windward prospects, étant remise en cause et les sociétés BAT industries et BTI 2014 demandant sa condamnation au paiement de la somme totale de 578 M€.

Par ordonnance du 1er juin 2016, le président du tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de mandat ad hoc, la SELARL FHB prise en la personne de Me C... et de Me D... étant désignée en qualité de mandataire ad hoc avec notamment mission d'assister la société Sequana en vue de trouver une solution amiable au litige.

Par décision du 11 juillet 2016, la High court of justice de Londres a notamment estimé que la distribution de dividendes réalisée en mai 2009 pour 135 M€ contrevenait aux dispositions de la loi britannique sur l'insolvabilité.

Par ordonnance du 28 octobre 2016, le président du tribunal de commerce de Nanterre a mis fin à la procédure de mandat ad hoc et, le même jour, a ouvert une procédure de conciliation au profit de la société Sequana, la SELARL FHB prise en la personne de Me C... et de Me D... étant désignée en qualité de conciliateur, à laquelle il a été mis fin par ordonnance du 8 novembre 2016.

Par ordonnance du 23 novembre 2016, le président du tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une nouvelle procédure de mandat ad hoc, la SELARL FHB prise en la personne de Me C... et de Me D... étant désignée en qualité de mandataire ad hoc.

Par décision du 10 février 2017, la High court of justice de Londres a condamné la société Sequana à payer aux sociétés BAT industries et BTI 2014 les sommes de 138,4 M$ en réparation du préjudice actuel, de 43,008 M€ en réparation du préjudice futur et de 9,6 M£ à titre de provision pour frais de justice.

La High court of justice de Londres a autorisé la société Sequana à interjeter appel des deux décisions des 11 juillet 2016 et 10 février 2017 en précisant que la somme de 5,778 M£, représentant une quote-part de la provision pour frais de justice, était exigible au 5 mai 2017.

Sur demande de la société Sequana et par jugement du 15 février 2017, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de sauvegarde pour une durée de six mois et désigné la SELARL FHB prise en la personne de Me C... en qualité d'administrateur judiciaire et la SELARL C. I... prise en la personne de Me I... en qualité de mandataire judiciaire.

Les sociétés BAT industries et BTI 2014 ont formé tierce opposition à cette décision. Par jugement du 6 avril 2017, le tribunal a :

- dit la tierce opposition irrecevable,
- débouté les sociétés BAT industries et BTI 2014 de toutes leurs autres demandes,
- débouté la société Sequana de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- condamné les sociétés BAT industries et BTI 2014 à payer in solidum à la société Sequana la somme de 50.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, solidairement à Me C... et à Me I... chacun la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Les sociétés BAT industries et BTI 2014 ont fait appel de ce jugement du 6 avril 2017 et, par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 3 novembre 2017, elles demandent à la cour :

- de dire et juger qu'elles sont recevables en leur recours,
- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- de rétracter le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde dans toutes ses dispositions,
- de débouter la société Sequana et les SELARL FHB et C. I... ès qualités de leurs demandes,
- de condamner la société Sequana à payer à chacune la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec droit de recouvrement direct.

Elles soutiennent pour l'essentiel :

- qu'elles sont recevables en leur tierce opposition dès lors qu'elles ont un intérêt propre à contester la tentative de la société Sequana de se soustraire à la décision de justice prononcée en leur faveur et la fraude à leurs droits résultant de l'ouverture de la procédure de sauvegarde, confirmée par les déclarations des dirigeants de la société Sequana et les mesures envisagées par cette dernière sous couvert de la procédure de sauvegarde ;
- que les difficultés insurmontables pouvant justifier de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde doivent affecter le débiteur, demandeur à l'ouverture de la procédure collective, être justifiées par lui et avérées au jour du jugement d'ouverture et non seulement hypothétiques, éventuelles ou même prévisibles à plus ou moins long terme ;
- que la société Sequana ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l'existence, au jour du jugement d'ouverture, de telles difficultés avérées et insurmontables ;
- au surplus, que les conditions d'ouverture de la procédure par la société Sequana, la distribution massive de dividendes au profit de ses actionnaires et l'arrêté d'un plan de sauvegarde prévoyant le règlement de la quasi-totalité des créanciers à l'exception d'elles participent d'une fraude globale visant à détourner la procédure de sa finalité et à instrumentaliser les organes de celle-ci pour organiser, sous le couvert d'une sauvegarde, l'insolvabilité future de la société Sequana.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 1er septembre 2017, la société Sequana demande à la cour :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable la tierce opposition et débouté les sociétés BAT industries et BTI 2014 de toutes leurs autres demandes, subsidiairement, de dire et juger mal fondée la tierce opposition, de les en débouter ainsi que de toutes leurs autres demandes,
- de la déclarer recevable en son appel incident, d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts et, statuant à nouveau, de condamner in solidum les sociétés BAT industries et BIT 2014 à lui payer une somme de 2 M€ à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- de condamner in solidum les sociétés BAT industries et BIT 2014 à lui payer une somme de 90.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner les sociétés BAT industries et BIT 2014 aux dépens avec droit de recouvrement pour ceux d'appel.

Elle soutient pour l'essentiel :

1/ que la tierce opposition n'est pas recevable :
- que les faits allégués par les sociétés BAT industries et BIT 2014 ne caractérisent pas de fraude au jugement d'ouverture, qu'elle ne s'est pas artificiellement placée dans des difficultés insurmontables, que les décisions dont se prévalent les sociétés BAT industries et BTI 2014 ne sont pas le jugement d'ouverture et lui sont postérieures, que les faits allégués sont postérieurs à l'ouverture de la procédure et à la tierce opposition alors que la cour doit se placer au jour de cette ouverture s'agissant d'un appel d'un jugement ayant rejeté une tierce opposition, que la procédure de sauvegarde n'a pas été ouverte dans le but de mettre en place une introduction en bourse pour réaliser une fraude aux supposés droits des sociétés BAT industries et BIT 2014, que le plan de sauvegarde ne contient pas de fraude à l'égard de ces sociétés,
- que les sociétés BAT industries et BIT 2014 n'ont pas de moyen propre à faire valoir, qu'elles se prévalent de déclarations de son dirigeant qu'elle réfute, qu'elles invoquent l'échelonnement de leur créance dans le cadre d'un plan de sauvegarde qui est un effet du jugement arrêtant le plan et non du jugement d'ouverture, que le fait pour elle de ne plus pouvoir payer ses créances antérieures est un effet de la sauvegarde s'appliquant à tous les créanciers, que les sociétés BAT industries et BIT 2014 prétendent faussement qu'elles seraient traitées dans le plan de sauvegarde plus durement que les autres créanciers,
2/ Subsidiairement, sur le fond :
- qu'au 15 février 2017, jour du jugement d'ouverture, elle rencontrait des difficultés insurmontables résultant des décisions de la High court of justice de Londres qui pouvaient être confirmées en appel - la juridiction pouvant en outre revenir sur le sursis à exécution alors qu'elle n'était pas en mesure de s'acquitter de sa condamnation ni même du paiement de la provision de frais de justice - et qui ont pesé sur ses relations avec ses partenaires et la mise en place des mesures de redressement telle la cession de la société Arjowiggins security,
3/ que le recours des sociétés BAT industries et BIT 2014 est abusif et lui a causé un important préjudice.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 28 juillet 2017, Me C... ès qualités et Me I... ès qualités demandent à la cour de confirmer le jugement, à titre subsidiaire de rejeter les prétentions des appelantes et en tout état de cause de condamner solidairement les appelantes à leur payer la somme de 10.000 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec droit de recouvrement direct.

Ils soutiennent pour l'essentiel :

1/ que la tierce opposition n'est pas recevable :
- qu'il importe peu que l'ouverture de la procédure de sauvegarde permette au débiteur d'échapper à l'exécution de ses obligations, ce qui constitue l'effet souhaité par le législateur, dès lors qu'il justifie également de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter, que les sociétés BAT industries et BIT 2014 ne font état d'aucun moyen propre, que tous les créanciers de la société Sequana sont dans une situation similaire dès lors que l'ouverture de la procédure de sauvegarde a un effet identique pour chacun d'eux, que cette procédure ne permet pas à la société Sequana de se soustraire à l'exécution de la décision de la High court of justice de Londres mais d'aménager le paiement de la créance alléguée, que la société Sequana fait face à des difficultés sérieuses depuis 2014 et que l'annonce de la décision de la juridiction anglaise a provoqué leur aggravation dès lors que la société Sequana n'était pas en mesure de s'acquitter de la somme de 135 M€, que le paiement de celle de 5,8 M€ exigible au 5 mai 2017 aurait asséché sa trésorerie et que les discussions sur la cession de la société Arjowiggins security auraient été gravement compromises sans l'ouverture de la sauvegarde,
- que la fraude ne devrait être retenue que si le débiteur a artificiellement provoqué, de manière délibérée, les difficultés qu'il ne peut surmonter, que les sociétés BAT industries et BIT 2014 ne démontrent pas l'existence d'une fraude, qu'elles se prévalent d'éléments concernant les mesures prises à la suite du jugement d'ouverture alors que la cour doit se placer à la date de la tierce opposition pour en apprécier la recevabilité,
2/ Subsidiairement, sur le fond, que la société Sequana a bien justifié de difficultés qu'elle n'était pas en mesure de surmonter eu égard aux éléments précédemment rappelés, que la fraude n'est pas caractérisée et qu'en tout état de cause l'introduction en bourse de la société Antalis remise en cause par les appelantes avait pour but d'obtenir à bref délai les ressources nécessaires au plan stratégique du groupe et aux activités de la société Arjowiggins et d'assurer la croissance de la société Antalis et indirectement celle du gage des créanciers de la société Sequana, que le plan de sauvegarde est tout aussi fondé.

Le ministère public a rendu un premier avis, communiqué par RPVA le 5 mai 2017, au terme duquel il conclut à la confirmation du jugement au motif que les appelantes ne fournissent aucun élément tendant à démontrer que le jugement d'ouverture a été rendu en fraude de leurs droits, étant rappelé que le seul fait de se mettre sous la protection du tribunal n'est pas constitutif d'une fraude. Il a rendu un second avis, communiqué par RPVA le 27 juin 2017, au terme duquel il conclut à titre principal à ce que la cour dise l'appel sans objet au motif que le jugement entrepris ne s'applique plus dès lors que le tribunal a arrêté le plan de sauvegarde par jugement du 12 juin 2017, et à titre subsidiaire à ce que la cour confirme le jugement pour les mêmes motifs que ceux énoncés dans son avis du 5 mai 2017.

La radiation de l'affaire du rôle des affaires a été ordonnée le 27 novembre 2017 compte tenu de demandes de renvoi formées par les parties et des pourparlers en cours.

L'affaire a été rétablie à la demande des parties et appelée à l'audience du 14 mai 2018.

SUR CE,

Sur la recevabilité de la tierce opposition :

Il résulte des articles L. 661-2 du code de commerce et 583, alinéa 2, du code de procédure civile, que la tierce opposition est ouverte à l'encontre du jugement statuant sur l'ouverture de la procédure de sauvegarde à tout créancier invoquant des moyens qui lui sont propres ou démontrant que le jugement a été rendu en fraude de ses droits.

Les sociétés appelantes soutiennent que la société Sequana a sollicité sa mise sous sauvegarde uniquement dans l'intention frauduleuse de mettre en oeuvre, sous couvert d'une procédure de sauvegarde, diverses opérations - dont une distribution de dividendes en nature sous forme d'actions de sa filiale Antalis ayant pour effet de diminuer le gage général des créanciers - lui permettant d'échapper à la condamnation prononcée en leur faveur ou de la contraindre à négocier des avantages indus sous la pression d'une procédure de sauvegarde ouverte dans cet unique objectif.

Les effets que la loi confère à la procédure de sauvegarde vis-à-vis des créanciers ne sont pas susceptibles de constituer un moyen propre au créancier qui s'en prévaut. En l'espèce, les effets recherchés par la procédure de sauvegarde dont se prévalent les appelantes, que ce soit l'aménagement contraint de leur créance dans le cadre d'un plan de sauvegarde ou la distribution de dividendes envisagée ayant pour effet supposé la diminution du gage général des créanciers, sont des moyens qui, aussi pertinents soient-ils, ne sont pas propres aux sociétés BAT et BIT dès lors que, par effet de la loi ou d'une décision judiciaire à venir, ils affectent tous les créanciers de la société Sequana quels que soient la nature et le fait générateur de leur créance.

En outre, s'il résulte des communiqués de presse diffusés par la société Sequana les 10 et 15 février 2017 que les décisions de la High court of justice de Londres sont manifestement les éléments déclencheurs de la demande de la société Sequana, y échapper temporairement ou contraindre ses adversaires à un paiement aménagé ne constituent pas le but exclusif de la demande de la société Sequana. En effet, quand bien même sa communication fait apparaître que ces effets de la procédure de sauvegarde sont particulièrement recherchés à l'encontre des sociétés BAT et BIT, dès lors que les autres créanciers sont affectés de la même manière par les conséquences de l'ouverture de la sauvegarde et que la société Sequana faisait face à des difficultés, comme le montrent les mandats ad hoc et conciliations précédemment obtenus, les explications écrites annexées à la demande d'ouverture de la procédure de sauvegarde et les tensions sur la trésorerie exposées dans le document de référence de la société cotée, sans que le caractère insurmontable de ces difficultés n'ait à être établi au stade de l'examen de la recevabilité de la tierce opposition.

Quant à la fraude aux droits des sociétés appelantes, les organes de la procédure observent à juste titre que les sociétés BAT et BIT l'invoquent au soutien de la recevabilité de leur tierce opposition sans en faire la démonstration et que les arguments tendant à établir "la fraude résultant de l'ouverture" ne sont développés qu'à l'appui du bien fondé de la tierce opposition.

En tout cas, la cour relève que la fraude alléguée est une fraude "résultant de l'ouverture" de la sauvegarde et non une fraude affectant l'ouverture de la procédure et que seuls les effets de la procédure de sauvegarde et les décisions prises ultérieurement alors que la société Sequana est en sauvegarde sont invoqués pour établir une fraude. De tels éléments, non contemporains au jugement d'ouverture de la sauvegarde, ne sont pas de nature à établir que ledit jugement a été rendu en fraude des droits des appelantes. En outre, les sociétés BAT et BIT ne démontrent pas en quoi est susceptible d'être frauduleuse au jour du jugement d'ouverture la distribution de dividendes envisagée alors que, selon le communiqué de presse du 15 février 2017, cette distribution était prévue non en numéraire mais en actions de la filiale Antalis international et s'inscrivait dans le cadre d'une introduction en bourse

de cette filiale dont la réussite était présentée comme conditionnée par cette distribution d'actions et qui participait elle-même d'un plan global comprenant d'autres opérations, dont des projets de cession d'une sous-filiale de la société Sequana (la société Arjowiggins security BV) et de cession d'activité au sein de la seconde filiale Arjowiggins security, l'ensemble de ces opérations étant destiné à renforcer les ressources de la société Sequana pour qu'elle puisse faire face à ses obligations dont celles de désintéresser ses créanciers.

Le jugement doit dès lors être confirmé en ce qu'il a dit la tierce opposition irrecevable.

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par la société Sequana :

La méprise des sociétés BAT et BIT sur l'étendue de leurs droits et les chances de succès de leurs prétentions ne suffit pas, à défaut d'autres éléments non démontrés en l'espèce et quand bien même ces sociétés utiliseraient systématiquement les voies de droit qui leur sont légalement reconnues, à qualifier d'abusive la procédure initiée et poursuivie par elles de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Sequana de sa demande en dommages-intérêts.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant contradictoirement,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum les sociétés BAT industries et BTI 2014 à payer à la société Sequana la somme de 20.000 € en application l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum les sociétés BAT industries et BTI 2014 à payer la somme de 10.000 € à la SELARL FHB prise en la personne de Me C... ès qualités en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum les sociétés BAT industries et BTI 2014 à payer la somme de 10.000 € à la SELARL C. I... prise en la personne de Me I... ès qualités en application de l'article l'article 700 du code de procédure civile du code de procédure civile ;

Condamne in solidum les sociétés BAT industries et BTI 2014 aux dépens d'appel et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13
Numéro d'arrêt : 18/022311
Date de la décision : 12/06/2018
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Analyses

Arrêt rendu le 12 juin 2018 par la 13ème chambre de la cour d'appel de Versailles, RG n° 18/02231 ENTREPRISE EN DIFFICULTÉ - Voies de recours. - Tierce opposition. - Jugement statuant sur l'ouverture d'une procédure de sauvegarde - Créancier - Recevabilité. Il résulte des articles L. 661-2 du code de commerce et 583, alinéa 2, du code de procédure civile, que la tierce opposition est ouverte à l'encontre du jugement statuant sur l'ouverture de la procédure de sauvegarde à tout créancier invoquant des moyens qui lui sont propres ou démontrant que le jugement a été rendu en fraude de ses droits. Les effets du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, que ce soit l'aménagement contraint des créances dans le cadre d'un plan de sauvegarde ou la distribution de dividendes envisagée ayant pour effet supposé la diminution du gage général des créanciers, sont des moyens qui ne sont pas propres à la société tierce opposante dès lors que, par effet de la loi ou d'une décision judiciaire à venir, ils affectent tous les créanciers de la société débitrice, quels que soient la nature et le fait générateur de leur créance. En outre, échapper temporairement ou contraindre ses adversaires à un paiement aménagé de leur créance fondée sur une décision de justice frappée d’appel ne constituent pas le but exclusif de la demande d’ouverture de la procédure de sauvegarde formée par la société débitrice dès lors que celle-là faisait également face à des difficultés, sans que le caractère insurmontable de ces difficultés n’ait à être établi au stade de l’examen de la recevabilité de la tierce opposition. La fraude susceptible d'ouvrir la voie de recours de la tierce opposition au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde doit être contemporaine à ce jugement. Tel n'est pas le cas de la fraude alléguée qui est une fraude 'résultant de l'ouverture' de la sauvegarde fondée sur les effets de la procédure de sauvegarde et les décisions prises ultérieurement. En outre la distribution de dividendes sous forme d'actions d'une filiale s'inscrit dans un plan global comprenant d'autres opérations destinées à renforcer les ressources de la société débitrice pour qu'elle puisse faire face à ses obligations dont celles de désintéresser ses créanciers. Son prétendu caractère frauduleux au jour du jugement d’ouverture n'est pas démontré. Le jugement doit dès lors être confirmé en ce qu'il a dit la tierce opposition irrecevable.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2018-06-12;18.022311 ?
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