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07/06/2018 | FRANCE | N°16/07813

France | France, Cour d'appel de Versailles, 16e chambre, 07 juin 2018, 16/07813


COUR D'APPEL


DE


VERSAILLES








Code nac : 53A





16e chambre





ARRET N°





CONTRADICTOIRE





DU 07 JUIN 2018





N° RG 16/07813





AFFAIRE :








SA DEXIA CREDIT LOCAL





C/





Etablissement CENTRE REGIONAL FRANCOIS BACLESSE














Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 02 Septembre 2016

par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE


N° chambre : 6


N° Section :


N° RG : 13/07807





Expéditions exécutoires


Expéditions


Copies


délivrées le :


à :





Me Anne-laure X..., avocat au barreau de VERSAILLES





Me Stéphanie A... de la SELARL HOUDART & Associés, avocat au barreau de PARI...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 53A

16e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 07 JUIN 2018

N° RG 16/07813

AFFAIRE :

SA DEXIA CREDIT LOCAL

C/

Etablissement CENTRE REGIONAL FRANCOIS BACLESSE

Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 02 Septembre 2016 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° chambre : 6

N° Section :

N° RG : 13/07807

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Anne-laure X..., avocat au barreau de VERSAILLES

Me Stéphanie A... de la SELARL HOUDART & Associés, avocat au barreau de PARIS

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE SEPT JUIN DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:

SA DEXIA CREDIT LOCAL

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

1 Passerelle des Reflets

La Défense 2

[...]

Représentant : Me Anne-laure X..., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 - N° du dossier 41966

Représentant : Me Nicolas AUTET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

Etablissement CENTRE REGIONAL FRANCOIS BACLESSE Etablissement de santé de droit privé (centre de lutte contre le cancer) pris en la personne de son Directeur Général en exercice

N° SIRET : 780 70 9 5 98

[...]

Représentant : Me Stéphanie A... de la SELARL HOUDART & Associés, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0294 - N° du dossier 2261

INTIME

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 Avril 2018, Madame Patricia Y..., Président ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Patricia Y..., Président,

Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller,

Madame Ghislaine SIXDENIER, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Bernadette RUIZ DE CONEJO

FAITS ET PROCEDURE,

À compter de 2004, le centre régional de lutte contre le cancer François-Baclesse (le centre François-Baclesse), qui faisait déjà régulièrement appel à l'emprunt pour financer ses dépenses d'investissement, a été amené à contracter avec la société anonyme Dexia crédit local (la société Dexia) et notamment à conclure un contrat de prêt structuré le 7 décembre 2004, dénommé «mobilys Tip Top Euribor». Afin de faire face au risque d'augmentation du taux de ce crédit, le centre François-Baclesse a conclu une opération de refinancement par la souscription de deux nouveaux prêts structurés en 2007.

Un contrat de prêt n°[...] a ainsi été signé par la société Dexia le 11 avril 2007 et par le centre François-Baclesse le 3 mai 2007. Ce contrat (ci-après désigné le contrat 2007/1) conclu pour un montant de 4.700.000 euros et pour une durée totale de 20 ans et un mois, comprenait, à l'issue d'une phase de mobilisation, deux autres phases successives :

*une première phase s'étendant du 31 octobre 2007 inclus jusqu'au 1er décembre 2010 exclu, à un taux de 3,45 % l'an,

* une seconde phase s'étendant du 1er décembre 2010 inclus au 1er décembre 2027 exclu, au cours de laquelle :

-si la différence entre le CMS EUR 30 ans et le CMS EUR 1 an est supérieure ou égale à 0,00 %, le taux d'intérêt appliqué à la période d'intérêts écoulée est égal à 3,45 %,

-si la différence entre le CMS EUR 30 ans et le CMS EUR 1 an est inférieure à 0,00 %, le taux d'intérêt appliqué à la période d'intérêts écoulée est égal à 5,50 % moins 5 fois la différence entre le CMS EUR 30 ans et le CMS EUR 1 an.

Le second contrat de prêt n°[...] a été signé par la société Dexia le 12 avril 2007 et par le centre François-Baclesse le 3 mai 2007(ci-après désigné le contrat de prêt 2007/2). Ce prêt, conclu pour un montant de 5.000.000 euros et pour une durée totale de 20 ans et un mois, comprenait lui aussi, à l'issue de la phase de mobilisation, deux phases successives :

* une première phase s'étendant du 31 octobre 2007 inclus jusqu'au 1er décembre 2010 exclu, à un taux de 3,43 % l'an,

* une seconde phase s'étendant du 1er décembre 2010 inclus au 1er décembre 2027 exclu, au cours de laquelle :

- si le cours EUR/CHF, constaté 15 jours ouvrés avant la date d'échéance d'intérêts, était supérieur ou égal au cours pivot de 1,44 franc suisse pour un euro, le taux d'intérêt appliqué à la période d'intérêts écoulée était égal à 3,43 %,

- si le cours EUR/CHF, constaté 15 jours ouvrés avant la date d'échéance d'intérêts, était inférieur au cours pivot de 1,44 franc suisse pour un euro, le taux d'intérêt appliqué à la période d'intérêts écoulée était égal à 3,93 % majoré de 50 % du taux de variation du cours de change EUR/CHF.

Face aux évolutions du cours de change EUR/CHF, et compte tenu du franchissement de la barrière de 1,44 à compter de mars 2010, la société Dexia a présenté au centre François-Baclesse en avril puis en octobre 2011, plusieurs solutions de refinancement pour chacun des contrats de prêt de 2007, et notamment pour le contrat de prêt 2007/2.

Le centre François-Baclesse a finalement opté pour un refinancement du contrat de prêt 2007/2 avec passage temporaire à taux fixe, lui permettant de figer l'échéance du 1er décembre 2011 au taux de 4,50 %. Il a ainsi signé le 7 novembre 2011 un contrat de prêt n° [...] (ci-après le contrat de prêt de 2011) pour un montant de 4.483.856,78 euros (soit le capital restant dû au titre du contrat de prêt 2007/2) et pour une durée de 17 ans. Ce contrat comprend deux phases:

* une première phase s'étendant du 1er décembre 2012 inclus au 1er décembre 2027 exclu, au cours de laquelle :

- si le cours EUR/CHF, constaté 15 jours ouvrés avant la date d'échéance d'intérêts, est supérieur ou égal au cours pivot de 1,44 franc suisse pour un euro, le taux d'intérêt appliqué à la période d'intérêts écoulée est égal à 3,37 %,

- si le cours EUR/CHF, constaté 15 jours ouvrés avant la date d'échéance d'intérêts, est inférieur au cours pivot de 1,44 franc suisse pour un euro, le taux d'intérêt appliqué à la période d'intérêts écoulée est égal à 3,37 % majoré de 50 % du taux de variation du cours de change EUR/CHF.

* une seconde phase s'étendant du 1er décembre 2027 inclus jusqu'au 1er décembre 2028 exclu, à un taux égal à l'Euribor 12 mois.

Le 17 octobre 2012, le centre François-Baclesse a jugé inacceptable une nouvelle proposition de refinancement et a opté pour la voie contentieuse. C'est ainsi que par acte d'huissier de justice du 17 juin 2013, il a fait assigner la société Dexia aux fins de voir reconnaître que les règles fondamentales devant gouverner la conclusion et la bonne exécution des contrats ont été bafouées et que les contrats de prêt de 2007 et de 2011 n'ont été ni librement choisis, ni librement conclus. Il agissait donc principalement en nullité des contrats et à titre subsidiaire, en nullité des stipulations d'intérêts et en responsabilité pour manquement aux obligations d'information, de conseil et de mise en garde.

Par jugement rendu le 2 septembre 2016, le tribunal de grande instance de Nanterre a :

-déclaré irrecevable comme prescrite l'action en nullité des stipulations d'intérêt contenues dans les contrats de prêt n°[...] (prêt 2007/1) et n°[...] (prêt 2007/2),

-déclaré irrecevables pour défaut d'intérêt à agir l'ensemble des autres demandes du centre François-Baclesse relatives au prêt n° [...] (prêt 2007/2),

-déclaré recevable mais mal fondée l'action en nullité contre le contrat 2007/1 et le prêt n°[...] de 2011,

-débouté en conséquence le centre François-Baclesse de ses demandes de ce chef,

-annulé la stipulation conventionnelle d'intérêt prévue au contrat n°[...] de 2011,

-dit que la société Dexia devra substituer au taux conventionnel le taux légal depuis la conclusion du contrat de prêt, ce taux subissant les modifications successives que la loi lui apporte,

-dit que la société Dexia devra restituer au centre François-Baclesse les intérêts trop perçus,

-condamné la société Dexia à payer au centre François-Baclesse la somme de 6.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-rejeté toute demande plus ample ou contraire,

-ordonné l'exécution provisoire,

-condamné la société Dexia aux entiers dépens qui pourront être recouvrés suivant les modalités prévues par l'article 699 du code de procédure civile.

Le 28 octobre 2016, la société Dexia a interjeté appel de la décision.

Dans ses troisièmes conclusions au fond transmises le 12 juin 2017, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Dexia crédit local, appelante, demande à la cour de :

-la recevoir en son appel de l'y dire bien fondée,

Sur les fins de non-recevoir,

-dire et juger que les demandes du centre François-Baclesse visant à faire prononcer la nullité pour dol ou erreur des contrats de prêt numérotés respectivement [...] et [...] (renuméroté [...]) conclus en 2007 sont irrecevables, du fait de l'expiration du délai de prescription,

-infirmer en conséquence le jugement en ce qu'il a dit que l'action en nullité pour vice du consentement du centre relativement aux contrats de prêt numérotés respectivement [...] et [...] (renuméroté [...]) conclus en 2007 n'est pas prescrite et déclarer ladite action prescrite,

-confirmer le jugement en ce qu'il a décidé que l'ensemble des demandes du centre directement ou indirectement fondées sur le contrat de prêt numéroté [...] (renuméroté [...]) sont irrecevables (le cas échéant en prononçant une substitution des motifs retenus par le tribunal de grande instance de Nanterre dans le jugement du 2 septembre 2016),

Sur la demande faite par le centre François-Baclesse à titre principal tendant à l'annulation des contrats,

-confirmer le jugement du 2 septembre 2016 en ce qu'il a décidé que les demandes visant à faire prononcer la nullité pour dol du contrat de prêt numéroté [...] et du contrat de prêt numéroté [...] ou à obtenir des dommages et intérêts pour un prétendu manquement de la société Dexia dans le cadre de la conclusion de ces contrats sont mal fondées,

Sur la demande formée par le centre François-Baclesse à titre subsidiaire et tendant à l'annulation des stipulations conventionnelles d'intérêt des contrats,

À titre principal,

-dire et juger que l'obligation de mentionner le taux effectif global (TEG) dans les contrats de prêt consentis aux professionnels et que la sanction de nullité prévue en droit français constituent chacune une entrave aux libertés de circulation protégées par le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

-dire et juger que la télécopie du 7 novembre 2011 ne constitue pas un « écrit constatant un contrat de prêt » au sens des articles L. 313-2 (ancien) du code de la consommation et L. 313-4 du code monétaire et financier et que la société Dexia a respecté la règlementation applicable en matière de TEG, celui-ci étant mentionné sur l'écrit constatant le contrat de prêt numéroté [...] signé le 7 novembre 2011,

En toute hypothèse, quelle que soit la qualification donnée à la télécopie du 7 novembre 2011 au regard des dispositions susvisées du code de la consommation et du code monétaire et financier,

-dire et juger que le contrat de prêt numéroté [...] est le seul acte juridique en vigueur constatant le prêt conclu en 2011 entre les parties,

-dire et juger que la conclusion du contrat de prêt numéroté [...], intervenue postérieurement à la signature de la télécopie du même jour, prive une action en nullité de la stipulation du taux d'intérêt de tout fondement,

En conséquence,

-infirmer le jugement du 2 septembre 2016 en ce qu'il a annulé la stipulation conventionnelle d'intérêts du contrat de prêt numéroté [...], décidé que le taux légal devait être substitué au taux d'intérêt conventionnel depuis la conclusion du contrat de prêt numéroté [...], et condamné la société Dexia à restituer au Centre les intérêts trop perçus,

-condamner le Centre (i) à restituer à la société Dexia l'intégralité des sommes reçues par lui en exécution du jugement du 2 septembre 2016 avec intérêts et capitalisation ainsi qu'à (ii) payer la somme correspondant à l'exécution du contrat de prêt numéroté [...] selon la formule contractuelle avec intérêts et capitalisation,

-rejeter la demande de délais de grâce formée par le Centre ;

À titre subsidiaire,

1) Si la cour considérait que le TEG devait être mentionné dans la télécopie du 7 novembre 2011 et que la conclusion du contrat de prêt numéroté [...] n'a produit aucun effet,

-poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne ayant pour objet de déterminer si l'obligation de mentionner le TEG dans les contrats de prêt avec des non-consommateurs et/ou si la sanction de la nullité de la clause d'intérêts conventionnels pour défaut de mention du TEG dans ces contrats de prêt constituent une entrave disproportionnée à la liberté d'établissement, à la libre prestations des services et à la libre circulation des capitaux ;

-surseoir en conséquence à statuer en application de l'article 378 du code de procédure civile,

-dire et juger que cette absence du TEG dans ladite télécopie ne saurait justifier l'application du taux légal au lieu et place du taux contractuel,

-condamner en conséquence la société Dexia uniquement à supporter la différence, pour la première phase du contrat de prêt susvisé, entre le TEG qui y est mentionné et le taux conventionnel prévu audit contrat de prêt, et à verser en tant que de besoin, le montant correspondant au centre François-Baclesse,

-condamner le centre François-Baclesse, (i) à restituer à la société Dexia l'intégralité des sommes reçues par le centre François-Baclesse, en exécution du jugement du 2 septembre 2016 avec intérêts et capitalisation et (ii) à payer à la société Dexia, tant sur les échéances échues que sur celles à échoir, les intérêts calculés conformément au taux conventionnel avec intérêts et capitalisation,

-autoriser les parties à pratiquer la compensation entre les sommes dues,

2) Si la cour considérait que les demandes formées par le centre François-Baclesse, à l'encontre des contrats de prêt numérotés [...] et [...] (renuméroté [...]) conclus en 2007 sont recevables,

-dire et juger que la télécopie du 29 mars 2007 ne constitue pas un « écrit constatant un contrat de prêt » au sens des articles L. 313-2 (ancien) du code de la consommation et L. 313-4 du code monétaire et financier et que la société Dexia a respecté la règlementation applicable en matière de TEG, celui-ci étant mentionné sur chacun des écrits constatant les contrats de prêt numérotés [...] et [...] (renuméroté [...]) conclus en 2007,

En toute hypothèse, quelle que soit la qualification donnée à la télécopie du 29 mars 2007 au regard des dispositions susvisées du code de la consommation et du code monétaire et financier,

-dire et juger que les contrats de prêt numérotés [...] et [...] (renuméroté [...]) conclus en 2007 sont (ou, s'agissant du contrat de prêt [...], a été jusqu'à son refinancement en 2011) les seuls actes juridiques constatant les prêts conclus en 2007 en vigueur entre les parties,

-dire et juger que la conclusion des contrats de prêt numérotés [...] et [...] (renuméroté [...]) conclus en 2007, intervenue postérieurement à la signature de la télécopie du 29 mars 2007, prive une action en nullité de la stipulation du taux d'intérêt de tout fondement,

Et si la Cour considérait que le TEG de chacun des contrats de prêt numérotés [...] et [...] (renuméroté [...]) conclus en 2007 devait être mentionné dans la télécopie du 29 mars 2007 et que la conclusion desdits contrats de prêt n'a produit aucun effet,

-poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne ayant pour objet de déterminer si l'obligation de mentionner le TEG dans les contrats de prêt avec des non-consommateurs et/ou si la sanction de la nullité de la clause d'intérêts conventionnels pour défaut de mention du TEG dans ces contrats de prêt constituent une entrave disproportionnée à la liberté d'établissement, à la libre prestations des services et à la libre circulation des capitaux,

-surseoir en conséquence à statuer en application de l'article 378 du code de procédure civile,

-dire et juger que cette absence du TEG dans ladite télécopie ne saurait justifier l'application du taux légal au lieu et place du taux contractuel,

-condamner en conséquence la société Dexia uniquement à supporter la différence, pour la première phase de chacun des contrats de prêt susvisés, entre le TEG qui y est mentionné et le taux conventionnel prévu audit contrat de prêt, et à verser en tant que de besoin, le montant correspondant au centre François-Baclesse,

-condamner le centre François-Baclesse, à payer à la société Dexia, tant sur les échéances échues que sur celles à échoir, les intérêts calculés conformément au taux conventionnel avec intérêts et capitalisation,

-autoriser les parties à pratiquer la compensation entre les sommes dues,

Sur la demande indemnitaire du centre François-Baclesse, effectuée à titre subsidiaire,

À titre principal,

-rejeter comme infondée la demande du centre François-Baclesse de voir se voir accorder des dommages et intérêts du fait de manquements prétendus par la société à ses obligations dans le cadre de la conclusion des contrats de prêt numérotés [...] et [...] (renuméroté [...]) conclus en 2007 et [...] conclu en 2011,

À titre subsidiaire, dans l'hypothèse où un manquement de la société Dexia à ses obligations dans le cadre de la conclusion des contrats de prêt numérotés [...] et [...] (renuméroté [...]) conclus en 2007 et [...] conclu en 2011 serait reconnu,

-constater que le préjudice du centre François-Baclesse doit être limité à la perte de chance de ne pas avoir conclu un autre contrat de prêt en lieu et place de chacun des contrats de prêt numérotés [...] et [...] (renuméroté [...]) conclus en 2007 et [...] conclu en 2011,

-dire et juger que le centre François-Baclesse ne démontre pas de préjudice à ce titre,

-rejeter les demande formées par le centre François-Baclesse tendant à recevoir une indemnisation, de telles demandes n'étant justifiées ni dans leur principe ni dans leur quantum,

Sur la demande effectuée par le centre François-Baclesse à titre infiniment subsidiaire liée au caractère prétendument usuraire du taux d'intérêt prévu au contrat de prêt [...],

-dire et juger que la législation relative à l'usure n'est pas applicable au contrat de prêt [...] émis le 7 novembre 2011 et, par conséquent débouter le centre François-Baclesse de ses demandes,

En toute hypothèse :

-infirmer le jugement du 2 septembre 2016 en ce qu'il a condamné la société Dexia à payer au centre François-Baclesse la somme de 6.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner le centre à verser à la société Dexia la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner le centre François-Baclesse aux entiers dépens.

Dans ses conclusions n°2 transmises le 12 juin 2016, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, le centre régional de lutte contre le cancer François-Baclesse, intimé, demande à la cour de :

-déclarer mal fondé l'appel principal interjeté par la société Dexia,

-déclarer le centre François-Baclesse recevable et bien fondé en ses conclusions et en son appel incident,

Y faisant droit,

À titre principal,

-dire et Juger que les contrats MPH [...]/[...] TOFIX FIXMS (contrat 2007/1) et MPH [...]/[...] TOFIX DUAL FIXE EUR-CHF (contrat 2007/2) de 2007 et MPH [...] (contrat 2011) de 2011 doivent être qualifiés de contrats composites associant un contrat de prêt et un contrat sur instruments financiers à terme (options de change et options de taux),

-dire et juger que la société Dexia a fourni au centre François-Baclesse des prestations de service d'investissement (service de négociation pour compte propre, d'exécution d'ordre pour compte de tiers et de conseil en investissement),

-dire et juger qu'en conséquence, la société Dexia devait respecter les obligations à la charge des prestataires de service d'investissement outre celles dues au centre François-Baclesse en raison de sa qualité de banquier prêteur,

-dire et juger que la conclusion du contrat MPH [...] (contrat 2011) ne caractérise pas la volonté du centre François-Baclesse de renoncer à agir en nullité ou en responsabilité à l'encontre de la société au titre du contrat MPH [...]/[...] DUAL FIXE EUR-CHF (contrat 2007/2) et n'emporte pas confirmation au sens de l'article 1338 ancien du code civil,

-confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre en qu'il a jugé les actions en nullité des contrats MPH [...]/[...] TOFIX FIXMS (contrat 2007/1) et MPH[...]/[...] TOFIX DUAL FIXE EUR-CHF (contrat 2007/2) recevables comme non prescrites,

-infirmer ledit jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de nullité du contrat MPH[...] /[...] TOFIX DUAL FIXE EUR-CHF (contrat 2007/2) pour défaut d'intérêt à agir du centre François-Baclesse,

-infirmer ledit jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de nullité des contrats MPH[...]/[...] TOFIX FIXMS (contrat 2007/1) et MPH [...] (contrat 2011) comme étant mal fondées,

Et, statuant à nouveau,

-prononcer la nullité des contrats MPH [...]/[...] TOFIX FIXMS (contrat 2007/1), MPH[...]/[...] TOFIX DUAL FIXE EUR-CHF (contrat 2007/2) et MPH[...] (contrat 2011) en raison des vices de consentement affectant l'engagement du centre François-Baclesse et surabondamment en raison du fait que la nullité du contrat MPH[...]/[...] TOFIX DUAL FIXE EUR-CHF (contrat 2007/2) emporte nécessairement la nullité du contrat MPH [...] (contrat 2011),

Par voie de conséquence,

-condamner la société Dexia à rembourser intégralement au centre François-Baclesse la totalité des échéances et frais réglés par ce dernier au titre de l'exécution de ces contrats, soit la somme de 7.526.241,26 euros (sept millions cinq-cent-vingt-six mille deux-cent quarante-et-un euros et vingt-six cents) à parfaire, outre les intérêts à compter de la délivrance de l'assignation,

-ordonner la capitalisation des intérêts,

-prendre acte de la restitution par le centre François-Baclessedu capital prêté au titre des contrats MPH [...] /[...] TOFIX FIXMS (2007/1) et MPH [...] /[...] TOFIX DUAL FIXE EUR-CHF (2007/2), soit la somme de 9.700.000 € (neuf millions et sept cent mille euros),

-ordonner la compensation judiciaire des créances réciproques,

-ordonner qu'à compter de la date à laquelle le solde de la dette de restitution d'un montant à parfaire de 2.173.758,74 euros (deux millions cent soixante-treize mille sept cent cinquante-huit euros et soixante-quatorze cents) sera exigible, le centre François-Baclesse pourra y procéder dans un délai de deux ans,

À titre subsidiaire,

Dans l'hypothèse où il ne serait pas fait droit à la demande de nullité ensemble pour les contrats 2007/2 et 2011,

-rejeter les demandes de question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne formulées par la société Dexia et sa demande subséquente de sursis à statuer,

-confirmer le jugement en qu'il a annulé la stipulation conventionnelle d'intérêt du contrat [...] (contrat 2011) pour défaut de mention du taux effectif global, dit que le taux d'intérêt légal devait être substitué au taux conventionnel, et condamné la société Dexia à restituer les intérêts trop perçus au centre François-Baclesse,

Par voie de conséquence,

-prononcer la nullité de la stipulation conventionnelle d'intérêt prévue au contrat [...] (contrat 2011) pour défaut de mention du taux effectif global dans l'acte constatant le prêt,

-dire que le taux d'intérêt légal doit être substitué au taux d'intérêt prévu au contrat [...] (contrat 2011) depuis la conclusion dudit contrat,

-confirmer la condamnation de la société Dexia à la restitution du trop-perçu estimé au 24 mars 2017 à 2.401.079,54 euros (deux millions quatre-cent un mille soixante-dix-neuf euros, et cinquante-quatre cents),

-dire que pour le temps d'exécution restant à courir du contrat [...] (contrat 2011) le calcul des intérêts produits sera fait par application du taux légal en lieu et place du taux conventionnel,

Dans l'hypothèse où il ne serait pas fait droit à la demande de nullité ensemble pour les contrats 2007/1 et 2007/2,

-infirmer le jugement en qu'il a déclaré irrecevables comme prescrites les demandes d'annulation des stipulations conventionnelles d'intérêt des contrats MPH [...] /[...] TOFIX FIXMS (2007/1) et MPH [...] /[...] TOFIX DUAL FIXE EUR-CHF (2007/2),

Et, statuant à nouveau,

-prononcer la nullité de la stipulation conventionnelle d'intérêt prévue aux contrats [...] /[...] TOFIX FIXMS (2007/1) et [...] /[...] TOFIX DUAL FIXE EUR-CHF (2007/2), pour défaut de mention du taux effectif global dans l'acte constatant le prêt et/ou, en raison de l'absence d'indication du taux de période et de la durée de période,

Par voie de conséquence,

-dire que le taux d'intérêt légal doit être substitué au taux d'intérêt prévu au contrat [...] /[...] TOFIX FIXMS (2007/1) depuis la conclusion dudit contrat,

-dire le taux d'intérêt légal doit être substitué au taux d'intérêt prévu au contrat [...] /[...] TOFIX DUAL FIXE EUR-CHF (2007/2) depuis la conclusion dudit contrat,

-condamner la société Dexia à la restitution des intérêts trop-perçus estimés au 24 mars 2017 :

*à la somme, à parfaire, de 823.477,44 euros (huit-cent vingt-trois mille quatre-cent-soixante-dix-sept euros et quarante-quatre cents) pour le contrat MPH [...] /[...] TOFIX FIXMS (2007/1),

*à la somme, à parfaire, de 317.452,22 euros (trois-cent dix-sept mille quatre-cent-cinquante-deux euros et vingt-deux cents) pour le contrat MPH [...] /[...] TOFIX DUAL FIXE EUR-CHF (2007/2),

-dire que pour le temps d'exécution restant à courir du contrat MPH [...] /[...] TOFIX FIXMS (2007/1) le calcul des intérêts produits sera fait par application du taux légal en lieu et place du taux conventionnel,

-dire et juger que la restitution des intérêts trop-perçus portera intérêts au taux légal, à compter de la signification de l'assignation,

-ordonner la capitalisation des intérêts,

À titre encore plus subsidiaire,

-infirmer le jugement en ce qu'il a dit l'action en responsabilité du centre François-Baclesse à l'encontre de la société Dexia mal fondée et rejeté en conséquence ses demandes indemnitaires,

Et, statuant à nouveau,

-dire et juger comme non prescrite l'action en responsabilité engagée au titre des contrats MPH[...] /[...] TOFIX FIXMS (2007/1) et MPH [...] /[...] TOFIX DUAL FIXE EUR-CHF (2007/2),

-dire et juger que la société Dexia a méconnu, tant en sa qualité de prestataire de service d'investissement que de prêteur, ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde et ses obligations de loyauté et de bonne foi contractuelle, lors de la conclusion et pendant l'exécution des contrats MPH [...] /[...] TOFIX FIXMS (2007/1) et MPH[...] /[...] TOFIX DUAL FIXE EUR-CHF (2007/2), et MPH [...] (contrat 2011),

[...]

-condamner la société Dexia au versement, au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique subi par le centre François-Baclesse de la somme de 6.113.083 euros (six millions cent-treize mille quatre-vingt-trois euros) correspondant à la valorisation des contrats MPH [...] /[...] TOFIX FIXMS (2007/1) et MPH [...] (contrat 2011), outre intérêts à compter de la signification de l'assignation ; ou, alternativement, condamner la société Dexia à verser au centre François-Baclesse, à chaque échéance annuelle, un montant correspondant au différentiel entre le montant des intérêts dus en application des taux fixes de leur formule structurée soit 3,37 % pour le contrat 2011 et 3,45 % pour le contrat 2007/1 et le montant des intérêts dus en application des taux issus de l'application des formules contractuelles en fonction de la parité EUR/CHF pour le premier si celle-ci est, à la date de calcul du taux, inférieure à la barrière de 1,44, et de l'écart entre les taux longs et les taux courts (CMS 30 ans et CMS 1an) si l'écart CMS € 30 ans CMS € 1 an est supérieur à 0,

-condamner la société Dexia au versement d'une somme correspondant au différentiel entre les intérêts calculés au taux bonifié et ceux effectivement réglés par le centre François-Baclesse au titre du contrat 2011 à parfaire,

En tout état de cause,

-condamner la société Dexia à verser au centre François-Baclesse la somme de 11.976,00 euros (onze-mille neuf cent soixante-seize euros) au titre des honoraires versés au cabinet Riskedge, outre intérêts à compter de la signification de l'assignation,

À titre infiniment subsidiaire,

-infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande du centre François-Baclesse fondée sur le caractère usuraire du contrat MPH [...] (contrat 2011),

Et, statuant à nouveau,

-dire que le contrat MPH [...] (contrat 2011) constitue un prêt usuraire,

Par voie de conséquence,

-condamner la société Dexia à la restitution des intérêts trop-perçus estimés en mars 2017 à la somme de 1.541.949,22 euros (un million cinq cent quarante et un mille neuf cent quarante-neuf euros et vingt-deux cents) outre intérêts à compter de la signification de l'assignation,

-dire qu'à compter de la date du prêt, le taux prélevé ne peut être supérieur à 5,52 %,

-dire que pour le temps d'exécution restant à courir du contrat, le taux d'intérêt dû en application dudit contrat sera si nécessaire réduit au montant du taux plafond de 5,52 % par la suppression de la partie usuraire des intérêts excédant ce taux plafond,

-dire que les perceptions excessives au titre du contrat MPH [...] (contrat 2011) seront imputées de plein droit sur les intérêts normaux et subsidiairement sur le capital de la créance,

-ordonner la capitalisation des intérêts,

En tout état de cause,

-débouter de l'ensemble de ses prétentions la société Dexia comme étant infondées,

-condamner la société Dexia à verser au centre François-Baclesse la somme de 50.000,00 euros (cinquante mille euros) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner la société Dexia aux entiers dépens, ce compris la contribution juridique de 35 euros visée à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, avec distraction au profit de la SELARL Houdart et Associés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 9 janvier 2018 et l'audience de plaidoirie a été fixée au 14 février 2018

Par conclusions du 15 février 2018, la SA Dexia a demandé le rabat de la clôture pour que soient accueillies ses conclusions d'incident de sursis à statuer et par de nouvelles conclusions d'incident du 10 avril 2018 a demandé à la cour qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la publication de l'ordonnance visée à l'article 32 I du projet de loi pour un Etat au service d'une société de confiance.

Elle soutient que compte tenu de ce que le centre François-Baclesse demande la nullité du taux d'intérêt contractuel et sa substitution par le taux d'intérêt légal, il apparaît nécessaire à une bonne administration de la justice, notamment pour éviter une décision qui serait in fine cassée par la Cour de cassation, que la cour de céans sursoit à statuer dans l'attente de la publication de l'ordonnance sur le TEG, que l'article 32 I du projet de loi habilite le Gouvernement à prendre.

Dans ses conclusions en réponse à incident du 10 avril 2018, le centre régional de lutte contre le cancer François-Baclesse demande à la cour de :

-rejeter la demande de sursis à statuer présentée par Dexia Crédit Local en ce qu'elle est mal fondée;

-condamner Dexia Crédit Local à verser au CLCC François-Baclesse la somme de 8.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner Dexia Crédit Local aux dépens.

A l'audience du 14 février 2018, l'ordonnance de clôture a été rabattue et l'affaire renvoyée pour le tout à l'audience du 11 avril 2018 pour être plaidée.

A l'audience du 11 avril 2018, les avocats, invités par la cour à plaider sur l'incident et sur le fond ont indiqué qu'ils n'étaient pas en mesure de plaider sur le fond et sollicité de la cour qu'elle n'examine que l'incident.

La cour s'est retirée pour délibérer sur la demande et s'est opposée au renvoi sur le fond, les avocats ayant alors choisi de ne pas plaider sur le fond alors qu'ils y étaient à nouveau invités.

Sur la demande du conseil de la société Dexia qui a soutenu oralement que le principe du contradictoire se trouvait ainsi violé, la cour a autorisé les parties à lui adresser leurs observations sur cet incident d'audience.

L'affaire a été mise en délibéré au 7 juin suivant.

La société Dexia a adressé sa note en délibéré le 9 mai 2018 et, le centre régional de lutte contre le cancer François-Baclesse le 15 mai 2018.

*****

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'incident d'audience

Le principe de la contradiction vise à s'assurer que chaque partie a pu avoir connaissance des éléments utiles à l'exercice de sa défense et il est sans relation avec une décision de la cour qui après en avoir délibéré, et en présence de l'ensemble des parties qui ont reçu les mêmes informations et dont aucune n'a été privilégiée par rapport à l'autre, a refusé de renvoyer l'affaire au fond, ce qui relève du seul pouvoir d'administration du juge, parce que depuis l'audience du 14 février 2018 et jusqu'à l'ouverture des débats à l'audience du 11 avril 2018, les parties étaient libres de déposer toutes conclusions qu'elles estimaient utiles, ce qu'aucune n'a fait, parce que l'affaire au fond était ainsi en état d'être plaidée et jugée dès le 14 février 2018 et parce que l'incident de sursis à statuer soulevé in extremis, uniquement motivé dans ce dossier par l'espérance du vote d'une loi nouvelle, était sans conséquence sur le fond de l'affaire.

Au surplus

Sur l'incident de sursis à statuer

Il est soutenu:

- qu'un projet de loi déposé devant l'Assemblée nationale le 27 novembre 2017 'pour un Etat au service d'une société de confiance' comprend un article 32-1 habilitant le gouvernement à rendre par ordonnance, selon l'article 38 de la Constitution, toute mesure visant à :

'1° Modifier les dispositions du code de la consommation et du code monétaire et financier relatives au taux effectif global et à prévoir les mesures de coordination découlant de ces modifications en vue :

a) d'une part de supprimer la mention obligatoire du taux effectif global dans les contrats de crédit aux entreprises, lorsque cette mention est inappropriée à ces contrats ;

b) d'autre part de clarifier et d'harmoniser le régime des sanctions civiles applicables en cas d'erreur ou de défaut de ce taux, en veillant en particulier, conformément aux exigences énoncées dans la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs, et la directive 2014/17/UE du Parlement européen et du Conseil du 4 février 2014 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel, à leur caractère proportionné au regard des préjudices effectivement subis par les emprunteurs' ;

-que l'étude d'impact préalable au dépôt de ce projet de loi relève que 'l'ensemble des sanctions manque aujourd'hui de cohérence et de lisibilité, car elles résultent d'une sédimentation normative et jurisprudentielle', et que la sanction de la nullité de la stipulation d'intérêt contractuel 'soulève la question de sa proportionnalité' ;

-que cette étude mentionne également la volonté du gouvernement de réformer la sanction civile du défaut ou erreur du TEG pour garantir une plus stricte transposition du droit de l'Union qui impose aux sanctions définies par les Etats membres de présenter un 'caractère effectif, nécessaire et proportionné' ;

-que l'étude désavoue ainsi la jurisprudence constante de la Cour de cassation du 24 juin 1981, qui sanctionne très durement les banques en substituant le taux d'intérêt légal au taux contractuel, l'Etat étant conscient que cette sanction jurisprudentielle est aujourd'hui complètement dépassée;

-que l'étude porte également sur la suppression du TEG dans les contrats conclus avec les entreprises, et indique que 'la pertinence informative n'est pas avérée pour les crédits aux professionnels' ;

-que la sanction jurisprudentielle appliquée par la Cour de cassation n'est pas conforme aux principes retenus par le droit de l'Union Européenne qui exige que les sanctions soient effectives, nécessaires et proportionnées ;

-que le conseil d'Etat a donné le 23 novembre 2017 son avis favorable à la mise en oeuvre de l'article 32 du projet de loi, le calendrier prévu pour la réforme envisageant le vote du projet de loi selon une procédure accélérée, le vote en première lecture par l'Assemblée nationale étant susceptible d'intervenir avant le 31 janvier 2018 ; que la réforme prévue 'doit être prise en compte immédiatement par les tribunaux qui font face à un désaveu clair par le législateur de la jurisprudence de la Cour de cassation..., fondée artificiellement sur l'article 1907 du code civil';

-que la réforme envisagée 'entraîne la disparition -nécessairement immédiate-de la base légale erronée de la jurisprudence de la Cour de cassation et entraîne donc aussi la disparition de cette jurisprudence elle-même, qui est ainsi frappée de caducité' ;

Toutefois, en application de l'article 2 du code civil, 'la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif'. Le principe général de la non-rétroactivité des lois, est complété par celui de la non-application immédiate de la loi nouvelle à défaut d'une disposition expresse, aux actes juridiques conclus antérieurement à son entrée en vigueur : la loi nouvelle intervient toujours dans le respect des droits acquis et des situations juridiques définitivement établies. Dans le cas où la loi nouvelle s'applique immédiatement aux effets juridiques des situations non-contractuelles en cours au moment de son entrée en vigueur- comme c'est le cas pour les lois de procédure-, elle ne peut remettre en cause la validité d'une situation ou d'une obligation régulièrement constituée à cette date.

En l'espèce, ce n'est pas seulement au nom d'une application immédiate d'une disposition légale publiée à une situation contractuelle établie et à des contrats conclus antérieurement à son entrée en vigueur, mais au nom d'une application immédiate d'un vague projet de loi, au surplus d'habilitation, dont la procédure de vote n'est qu'à son début, et qui ne saurait présumer de la prise de l'ordonnance correspondante ni de la ratification de celle-ci, qu'il est demandé, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice', un sursis à statuer dans la présente instance.

Ne sont à ce jour connus ni les dispositions exactes qui pourraient être finalement édictées par le

gouvernement, si l'article 32 était adopté en ces termes, ni la date à laquelle une telle ordonnance pourrait être prise par le gouvernement, ce qui rend plus que relatif le moyen tiré d'un souci de bonne administration de la justice.

Les juges et les juridictions sont chargés de l'application de la loi publiée et promulguée et n'ont pas à attendre le sort de simples projets n'ayant pas franchi encore toutes les étapes de leur élaboration et de leur amendement par les assemblées législatives.

Il apparaît en outre que le projet d'article 32, s'il prévoit d'autoriser le gouvernement à prendre des mesures visant à supprimer la mention obligatoire du taux effectif global dans les contrats de crédit lorsque cette mention est inappropriée à ces contrats, ne concerne que les entreprises alors que le Centre François Baclesse est un centre de lutte contre le cancer, établissement de santé privé d'intérêt collectif chargé d'une mission de service public dont le statut est prévu aux articles L6162-1 et suivants du code de la santé publique.

La demande de sursis à statuer présentée par la société Dexia, dépourvue de fondement ne peut qu'être rejetée.

Sur la prescription des demandes tenant à la nullité des contrats de prêt 2007 pour dol

Sur le fondement de l'article 1304, alinéa 2 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 16 février 2016, la prescription d'une action en nullité pour vice de consentement court à compter du jour de la conclusion du contrat lorsque ce dernier contient des éléments suffisants pour éclairer le consentement du cocontractant.

Le Tribunal a jugé que :

- la barrière prévue à la formule de taux du Contrat 2007/1 n'ayant jamais été franchie et en l'absence de dégradation du taux applicable audit contrat « à la date de l'assignation, le délai n'avait jamais commencé à courir » ;

- concernant le Contrat de Prêt 2007/2, des réunions s'étant tenues en septembre 2009 et le 1er avril 2010 « quelques jours après le franchissement de la barrière de 1,44 franc suisse pour un euro », « [l]'action en nullité intentée moins de cinq ans plus tard n'est donc pas prescrite »

Cependant, les contrats litigieux reposent sur une formule d'indexation basée sur l'évolution de la parité entre l'euro et le franc suisse et sont par nature des contrat de prêt à taux variable; ils précisaient ainsi que les prêts se décomposent en deux phases successives, la première portant intérêt à taux fixe, la deuxième à taux variable indexé.

Le Centre François-Baclesse était par conséquent en mesure de savoir, dès la réception des propositions de refinancement et au plus tard aux dates de signature des contrats de prêt 2007, que ceux-ci comportaient deux phases, dont l'une à taux variable, et que ces taux présentaient des risques dès lors qu'ils dépendaient, selon le cas, de l'évolution d'un cours de change ou de l'écart entre les taux longs et les taux courts.

A supposer, comme le Centre François-Baclesse l'indique dans ses écritures, que les franchissements de barrière lui auraient été présentés comme « improbables «, il ne pouvait en déduire qu'ils étaient inexistants.

Il en résulte que le risque de dégradation des taux était connu dès le jour de la conclusion du contrat et non qu'il n'a été découvert que le jour où la barrière prévue à la formule de taux des contrats a été franchie.

Le point de départ de la prescription de l' action en nullité pour vice du consentement est donc la date de signature de la convention, soit les 11 et 12 avril 2007, et l'action introduite par acte du 17 juin 203 est donc prescrite.

Le jugement sera infirmé sur ce point et l'action en nullité pour vice du consentement du Centre François Baclesse relativement aux contrats de prêt numérotés respectivement [...] et [...] (renuméroté [...]) conclus en 2007 dite prescrite.

Sur la prescription de la demande tenant à la nullité de la stipulation d'intérêts contenue aux contrats de prêt 2007

L'action en nullité du taux d'intérêt contractuel fondée sur une absence de TEG ou un TEG erroné se prescrit par 5 ans selon l'article 1304 ancien du code civil devenu l'article 1144 du même code.

Les actions en responsabilité sont prescrites à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance et la prescription ne débute qu'à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer étant observé que le centre François-Baclesse, personne morale, a contracté le prêt litigieux pour les besoins de son activité professionnelle non commerciale.

Le Tribunal a retenu à bon droit, en se fondant sur l'article 2224 du code civil, que : « Le [Centre] critiquant l'absence d'indication du taux effectif global dans les télécopies du 29 mars 2007 et l'absence du taux et de la durée de période dans les contrats signés par lui le 3 mai 2007, cette absence a pu être constatée respectivement dès réception et signature des documents critiqués. L'action intentée plus de cinq ans après est donc prescrite ».

En application de l'article 954 du code de procédure civile, « les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions de parties et les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ses prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées.».

L'alinéa 4 précise que « la partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.

Or le Centre se contente ' sans justifier tant en droit et en fait des griefs élevés ' de solliciter l'infirmation du jugement sur ce point.
Sa demande sera donc rejetée et le jugement confirmé sur ce point.

Sur l'action en nullité contre le prêt de 2011 pour vice du consentement

Aux termes de l'article 1109 ancien du code civil, il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol.

Le dol est, selon l'article 1116 du code civil, une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par une partie sont telles qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre

partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas, doit être prouvé et exige, en outre, la preuve de

l'intention de nuire.

Il appartient donc au centre François-Baclesse d'établir un manquement de la part de Dexia Crédit Local à ses obligations précontractuelles envers l'emprunteur, l'intention dolosive de la part de Dexia Crédit Local, l'erreur déterminante de son consentement.

Il convient d'abord de rechercher in concreto si lecentre François-Baclesse, au jour de la conclusion du contrat, était un emprunteur averti au regard de ses ressources et de son expérience.

Etablissement de santé privé spécialisé, le Centre est un des 20 centres régionaux de lutte contre le cancer de France; il employait 926 salariés en 2015.

Il était statutairement compétent pour conclure le contrat litigieux et était dirigé par un directoire comprenant des médecins, mais également les directeurs des principales directions de l'établissement, notamment la direction des affaires financières.

Il admet emprunter de manière significative depuis 1977 et a commencé à emprunter à taux «structuré » dès 2004 avec la société Dexia et a poursuivi cette politique de gestion de sa dette avec d'autres établissements de crédit en souscrivant en 2006 auprès de la Caisse d'Épargne un autre prêt dit « structuré ».
Il doit être considéré comme un emprunteur averti.

Le centre François-Baclesse invoque au titre des griefs de dol

-la manipulation de l'emprunteur pour lui inspirer une crainte infondée d'une hausse forte et durable des taux de ses crédits,

-la dissimulation de la nature réelle du contrat, à savoir un instrument financier à terme,

-la dissimulation par la banque de sa connaissance des prévisions d'évolution du cours de change EUR/CHF et donc du franchissement de la barrière,

-la rétention et la manipulation des informations sur les risques de taux,

-la dissimulation du coût d'un éventuel remboursement anticipé du prêt et donc du montant potentiel des indemnités de remboursement anticipé (« IRA »)

Les contrats de prêt octroyés par un établissement bancaire appartiennent à la famille des opérations de crédit, régies par les articles L. 313-1 et suivants du code monétaire et financier.

Les instruments financiers sont visés aux articles L. 211-1 et D. 211-1 A du code monétaire et financier et relèvent des services d'investissement limitativement énumérés à l'article L. 321-1 dudit code.

Alors que la spéculation est la situation dans laquelle une personne met ses ressources en péril dans l'unique dessein de s'enrichir, la conclusion des contrats litigieux avait au contraire pour finalité de procurer au centre François-Baclesse des ressources, non pas dans un but d'enrichissement, mais pour financer ou refinancer ses investissements par recours à l'emprunt de la manière qu'il jugeait optimale en termes de taux d'intérêt.

Les contrats de prêt dits « structurés » appellent l'utilisation de mécanismes destinés à fixer, en

fonction des conditions de marché, le taux d'intérêt applicable, mais demeurent néanmoins destinés à offrir une solution de financement à un client emprunteur dont l'obligation essentielle demeure celle de restituer les fonds prêtés, ils traduisent une opération économique unique.

Le prêt, même assorti d'une clause d'indexation complexe, qui relève de la liberté contractuelle, demeure une opération de crédit et ne peut être vu comme un "produit d'investissement", peu important que cette clause soit liée à l'évolution du change.

Si le contrat de prêt litigieux comporte un aléa, à savoir l'application pour la deuxième phase de remboursement d'un taux variable calculé en fonction du taux de variation de change de l'Euro en Franc Suisse, il ne constitue pas pour autant un contrat spéculatif, ni un produit d'investissement.

Enfin, le contrat de prêt litigieux ne présente aucun caractère optionnel dans la où les conditions dans lesquelles sont engagées les parties sont définitivement fixées lors de la conclusion du contrat et ne requièrent aucune manifestation de volonté de la part des parties. Ainsi, si le taux d'intérêt de la deuxième phase de remboursement n'est pas fixé au moment de la signature du contrat, le mode de calcul de ce taux variable est très précisément défini et ne comporte aucune option possible.

La présence d'une condition déterminant le calcul du taux dans la phase structurée, matérialisée par la locution « si », ne caractérise aucunement l'existence, dans le contrat de prêt, d'une option de vente, mais fixe simplement un seuil au-delà duquel le taux d'intérêt applicable à la phase en question ne sera pas le taux fixe de référence mais la formule prévue au contrat et pose une condition, liée à la survenance d'un événement futur, incertain et extérieur à la volonté des parties.

Le contrat litigieux n'entrait pas dans le champ d'application de l'article L.211-1 du code monétaire et financier et les obligations de conseil et de mise en garde imposées aux prestataires de services d'investissement, et notamment prévues aux articles L. 533-11 et suivants du code monétaire et financier, n'étaient pas applicables en l'espèce.

Il est douteux que le centre, emprunteur averti par une longue pratique, ait arrêté son analyse des caractéristiques du contrat de prêt à la seule lecture de l'intitulé du contrat de prêt « DUAL EUR CHF FIXE » et il résulte de la lecture des clauses du prêt et des remis à l'emprunteur qu'il y a une part de taux fixe et une part de taux variable, le caractère variable du taux pendant la seconde phase de remboursement du prêt n'a pas été caché et que le mode de calcul du taux d'intérêt variable est parfaitement établi.

Il est justifié que les effets des contrats dits structurés ont été exposés de manière explicite et illustrée pour le contrat litigieux par des graphiques et des tests de sensibilité insérés dans les présentations, ce qui permettait à l'emprunteur, a fortiori averti, de voir l'évolution du taux de change de l'euro en francs suisses et le taux payé en fonction du franchissement de la barrière.

Le Centre, qui avait précédemment conclu les contrats de 2007, celui de 2011 étant une opération de refinancement du contrat de 2007 n°2, ne démontre pas l'existence d'une anticipation ou prévision de la hausse du franc suisse qui s'est réalisée deux à trois ans plus tard et pour des causes liées à une crise économique dont l'ampleur n'était pas encore connue en 2007 et a en pleine connaissance de cause, au vu de plusieurs solutions de réaménagement, opté en 2011 pour un réaménagement du contrat 2007/2 par convention comprenant un passage temporaire à taux fixe, lui permettant de figer l'échéance échue du 1er décembre 2011 au taux de 4,50 % et de conserver la formule d'indexation n EUR/CHF du prêt prévue à ce contrat.

S'agissant du manque d''information sur les indemnités de remboursement anticipé (IRA) allégué par le Centre, l'existence et le mode de calcul de l'IRA sont précisés dans l'article 10 du contrat et ce n'est qu'à l'occasion de l'opération de refinancement que le Centre a été dispensé de verser une telle indemnité, ce qui n'excluait nullement le maintien du principe du versement d'une IRA en cas de résiliation anticipée du nouveau contrat une fois souscrit et ce qui a été contractuellement accepté par l'emprunteur.

L'intimé n'établit donc aucune manoeuvre dolosive de la part de la banque ni que son consentement n'a pas été éclairé ou résulte d'une erreur et le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité pour vice du consentement.

Sur la nullité de la stipulation d'intérêt

Le centre François-Baclesse invoque l'absence de mention du TEG dans la télécopie de confirmation signée préalablement au contrat de prêt le 7 novembre 2011.

Les prêts à finalité professionnelle sont inclus dans le champ d'application du TEG au visa des articles 1907 alinéa 2 du code civil, L313-14 du code monétaire et financier, L. 313-1 et L. 313-2 du code de la consommation,et entrent donc dans le champ d'application des dispositions du Code de la consommation relatives au calcul du taux effectif global.

La société Dexia fait valoir que l'obligation de mentionner un TEG dans les contrats entre un établissement de crédit et un professionnel contrevient aux textes et principes européens, mais qu'elle constitue également une entrave disproportionnée à la liberté d'établissement, à la libre prestations des services et à la libre circulation des capitaux.

Le taux effectif global est constitué notamment du taux conventionnel et de tous les frais rendus obligatoires par la banque pour arriver au décaissement et son défaut de mention emporte défaut du consentement de l'emprunteur au coût total du crédit, et la sanction de la nullité de la stipulation d'intérêts ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'établissement de crédit au respect de ses biens garantis par l'article 1er du protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

S'agissant des crédits aux professionnels, la réglementation française sur le TEG n'est pas contraire au droit communautaire, l'Union Européenne, bien qu'ayant beaucoup réglementé les activités bancaires et financières pour créer un véritable marché intérieur des services financiers, n'ayant pas jugé nécessaire d'harmoniser sur le plan communautaire les informations pré- contractuelles et contractuelles devant être fournies aux emprunteurs professionnels.

En l'absence de réglementation européenne spécifique dans ce domaine, les Etats membres sont donc libres de réglementer comme ils le souhaitent les obligations d'information des prêteurs aux entreprises et de manière générale aux « non-consommateurs ».

La seule disparité de la réglementation en matière bancaire ne peut en tant que telle, constituer une restriction à la libre circulation au sein du marché intérieur dès lors qu'elle n'est que la résultante de la coexistence légitime des législations des Etats membres, et qu'elle n'inflige pas de restriction injustifiée et disproportionnée aux libertés communautaires et en particulier à la liberté de prestation de services relevant de l'article 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne.

En matière de crédit à la consommation, toute publicité devra mentionner le TEG, de même que l'information précontractuelle remise à l'emprunteur.

Ces documents doivent en outre comporter les éléments essentiels du crédit listés dans les articles susmentionnés.

Il était donc impératif que le TEG figure sur la télécopie, l'emprunteur devant être informé au moment de s'engager sur ce taux, en l'absence duquel il n'est pas en mesure d'opérer une comparaison entre les propositions de crédit qui lui ont été faites alors qu'en l'espèce le TEG ne figure que sur l'instrumentum signé le même jour, mais postérieurement à l'engagement par tétécopie.

C'est à juste titre et par des motifs que la cour adopte, que la décision entreprise a jugé que la télécopie 2011 valait contrat de prêt et qu'en application de l'article L. 313-4 du code monétaire et financier, le TEG devait y être mentionné.

La société Dexia a ainsi requis et obtenu l'engagement irrévocable de l'emprunteur sans l'avoir préalablement informé du taux effectif global.

Si après signature de la télécopie les parties ont signé un nouvel accord constatant un nouvel échange de leur consentement en signant l'acte de prêt lui même, qui lui faisait mention du TEG, il ne s'agit pas pour autant de la réfection de la télécopie irrégulière en ce qu'il n'en résulte nullement que le Centre ait eu à la fois connaissance du vice et l'intention de valider l'acte.

Il s'ensuit que la stipulation de l'intérêt conventionnel est nulle et que le taux légal doit être substitué au taux contractuel depuis la conclusion du contrat de prêt.

La société Dexia soutient que cette sanction est critiquable et disproportionnée.

Elle se prévaut des termes de l'article 23 de la directive 2008/48/CEE, mais également de la directive 17/CE, selon lesquels « Les États membres définissent le régime de sanctions applicables en cas de violation des dispositions nationales adoptées conformément à la présente directive, et prennent toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte qu'elles soient appliquées. Les sanctions doivent être effectives, proportionnées et dissuasives ».

Mais il résulte en réalité de ces dispositions qu'il incombe au juge de prendre en considération l'ensemble des règles du droit national et de les appliquer, dans toute la mesure du possible, à la lumière du texte ainsi que de la finalité de la directive pour aboutir à une solution conforme à l'objectif poursuivi par celle-ci, de sorte que non seulement le taux légal doit être substitué à l'intérêt conventionnel, mais encore, que le juge, peut même, le cas échéant, vérifier que le droit de la banque à percevoir néanmoins les intérêts au taux légal ne doit pas lui permettre de bénéficier de sommes d'un montant équivalent à celui des intérêts conventionnels dont il est privé et en cette hypothèse écarter l'application du taux d'intérêt légal et la majoration du taux d'intérêt légal prévue par l'article L. 313-3 alinéa 1erdu code monétaire et financier.

En l'espèce, il apparaît donc que la substitution de l'intérêt légal à l'intérêt conventionnel est proportionnée et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les demandes accessoires

L'équité commande de faire droit à la demande de l'intimé présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; l'appelante est condamnée à lui verser à ce titre la somme visée au dispositif de la présente décision,

Partie perdante, l'appelante ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et doit supporter les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort

Rejette la demande de sursis à statuer de la société Dexia Crédit Local;

Infirme le jugement en ce qu'il a déclaré recevable comme non prescrite l'action en nullité pour vice du consentement contre le contrat 2007/1 MPH [...]/[...] TOFIX FIXMS,

Y substituant,

Déclare irrecevables comme prescrites les demandes relatives au contrat 2007/1 MPH[...];

Confirme par substitution de motifs le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes du Centre de lutte contre le cancer François-Baclesse relatives au prêt n°[...] (prêt 2007/2) ainsi qu'en ses autres dispositions;

Y ajoutant,

Condamne la société Dexia Crédit Local à payer au centre de lutte contre le cancer François- Baclesse une indemnité de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne la société Dexia Crédit Local aux dépens de l'appel, en ceux ce compris la contribution juridique de 35 euros visée à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Patricia Y..., Président et par Madame RUIZ DE CONEJO, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 16e chambre
Numéro d'arrêt : 16/07813
Date de la décision : 07/06/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 16, arrêt n°16/07813 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-07;16.07813 ?
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