COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80B
6e chambre
ARRÊT N° 00342
CONTRADICTOIRE
DU 07 JUIN 2018
N° RG 16/04611
AFFAIRE :
Lino B...
C/
SAS HOWA TRAMICO
Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 25Janvier 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DREUX
Section : Industrie
N° RG : F 14/00313
Expéditions exécutoires
Expéditionscertifiées
délivrées le 07Juin 2018 à :
- Me Sandrine C...
- Me Laëtitia X...
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEPT JUIN DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 16 mars 2018, puis prorogé au07 juin 2018, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre:
Monsieur Lino B...
[...]
Représenté par Me Sandrine C... de l'AARPI BEZARD GALY COUZINET CONDON, constituée/plaidant, avocate au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000002
APPELANT
****************
La SAS HOWA TRAMICO
[...]
Représentée par Me Laëtitia X... D... A... Y... AVOCATS, consdtituée/plaidant, avocate au barreau de HAUTS- DE-SEINE, vestiaire: 1701
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Janvier 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Patrice DUSAUSOY, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,
Monsieur Patrice DUSAUSOY, Conseiller,
Madame Sylvie BORREL, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Adrien CROUZET,
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur B... (le salarié) a été embauché, selon contrat de travail à durée indéterminée, en date du 27 septembre 1979, en qualité d'ouvrier qualifié, par la société HOWA TRAMICO (la société), dans l'un des deux établissements de la société : l'usine de Beaudeval à Coulombs (28). L'employeur est spécialiste de la mousse polyuréthane, fournisseur des équipementier automobile et de l'industrie. Son effectif était de 345 salariés. La société appartient au groupe mondial HOWA.
La convention collective est celle de la plasturgie.
A l'été 2013, la société a mis en place un projet de réorganisation conduisant dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) à la suppression de 39 postes.
A cette même époque, le salarié était en arrêt de travail.
Le salarié n'a pas adhéré au contrat de sécurisation professionnelle.
Le 28 juillet 2014, le salarié a été licencié pour motif économique.
Le 10 décembre 2014, M. B... a saisi le conseil de prud'hommes de Dreux, contestant son licenciement, pour obtenir, dans ses dernières demandes, la condamnation de la société aux sommes suivantes :
- 105 057 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et subsidiairement, pour non respect des critères d'ordre du licenciement,
sous exécution provisoire, avec intérêts légal ainsi que 3000 euros au titre d'une indemnité de procédure et condamnation aux dépens.
La société s'est opposée aux demandes du salarié et a sollicité le débouté de toutes les demandes du salarié.
Par jugement du 25 janvier 2016, le conseil de prud'hommes de Dreux a dit que le licenciement reposait sur un motif économique, que la société avait satisfait à son obligation de reclassement et respecté les modalités d'application des critères d'ordre de licenciement, en conséquence a débouté le salarié de ses demandes.
Le salarié a régulièrement interjeté appel le 12 février 2016 de la décision qui lui avait été notifiée le 26janvier 2016.
Une ordonnance de radiation a été prononcée le 22 septembre 2016.
Après réinscription au rôle, par voie de conclusions, visées par le greffe, le salarié fait valoir les mêmes moyens et sollicite les mêmes demandes qu'en première instance, l'indemnité de procédure étant portée à 3 500 euros ; soutenant l'absence de bien fondé du licenciement économique au regard de l'entreprise et du groupe ; l'absence de recherche de reclassement ; et subsidiairement, l'absence de respect des critères d'ordre du licenciement.
Par voie de conclusions, visées par le greffe le 2 octobre 2017, la société sollicite la confirmation du jugement entrepris avec, pour conséquence, le débouté des demandes du salarié et sa condamnation à la somme de 1500 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, soutenant que le motif économique est fondé, qu'elle a proposé plusieurs offres de reclassement au salarié et, subsidiairement, fait valoir qu'elle a respecté les quatre critères légaux d'ordre du licenciement.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour plus ample exposé.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le licenciement économique
Selon l'article L.1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié, résultant d'une suppression ou transformation d'emploi, ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques voire, dans certaines conditions, à une réorganisation de l'entreprise ou une cessation d'activité.
Comme tout autre licenciement, le licenciement pour motif économique doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse conformément aux dispositions de l'article L.1233-2 du code du travail.
Le juge prud'homal est tenu de contrôler le caractère réel et sérieux du motif économique du licenciement, de vérifier l'adéquation entre la situation économique de l'entreprise et les mesures affectant l'emploi ou le contrat de travail envisagées par l'employeur, mais il ne peut se substituer à ce dernier quant aux choix qu'il effectue dans la mise en 'uvre de la réorganisation.
Il résulte de l'article L.1233-16 du code du travail que la lettre de licenciement doit comporter l'énoncé des motifs économiques invoqués par l'employeur. Les motifs énoncés doivent être précis, objectifs et matériellement vérifiables, et la lettre de licenciement doit mentionner également leur incidence sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié.
A défaut, le licenciement n'est pas motivé et il est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La lettre de licenciement du 28 juillet 2014 fixant les termes du litige, est rédigée selon les termes essentiels suivants :
« Dans notre courrier envoyé le 24 juillet 2014, nous vous avons exposé les raisons qui nous ont contraints à mettre en 'uvre une procédure de licenciement collectif pour motif économique :
Notre entreprise réalise 75 % de son chiffre d'affaires sur le marché de l'automobile,principalement auprès des constructeurs français PSA et Renault. Or déjà confronté à de graves difficultés depuis 2008, le marché de l'automobile a connu un cataclysme en 2012 avec :
- un net recul du marché européen au sein du marché mondial : Les ventes de voitures neuves sont tombées en 2012 à leur plus bas niveau depuis dix-sept ans au sein de l'UE. L'année 2012 a été particulièrement difficile pour les constructeurs latins qui ont été très touchés par l'effondrement des marchés du sud de l'Europe où ils détenaient des parts de marché historiquement fortes. En 2012, PSA a vu ses ventes reculer de 12,9 % , les immatriculations du groupe Renault ont reculé de 18,9 % (dont 22,2 % pour la seule marque Renault) et celles du groupe Fiat de 15,8. % L'année 2013 a confirmé la morosité du marché. Il existe un réel problème de surcapacité de production en Europe, estimée aujourd'hui entre 25 % et 35. %. Le marché européen est un marché de renouvellement, il connaît au mieux une croissance très légère. En période de crise, les acquéreurs de voitures sont attentistes. En outre, l'accès au crédit bancaire est plus difficile or 60 à 85 % des voitures sont financées à crédit. La baisse de la demande en Europe est également due à la suppression des aides d'Etats qui supportaient alors la demande de véhicules. Du côté de l'offre, l'industrie européenne a accumulé des capacités de production, notamment avec l'arrivée de constructeurs asiatiques venus produire dans ou aux portes de l'Europe (exemple: Toyota à Valenciennes ou Nissan au Royaume-Uni). Le marché automobile européen est devenu trop mature comparé aux marchés automobile des « BRICS» (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du sud), qui évoluent très rapidement et ont bouleversé les échanges bilatéraux et les modes de production. De plus, la pression concurrentielle de ces pays se fait grandissante, poussant les constructeurs européens à se défendre sur leur propre territoire et à élaborer des stratégies de développement au sein des pays émergents.
- l'éclatement de la crise structurelle profonde qui frappe les constructeurs automobiles français : Particulièrement touché par le déclin des constructeurs européens, le marché automobile
français a connu un véritable effondrement au second semestre 2012. En 2012, les immatriculations de voitures particulières ont atteint leur niveau le plus bas depuis 1997 avec une baisse allant jusqu'à 14.6 % au mois de décembre. Soucieux de ne pas laisser gonfler les stocks, les constructeurs ont commencé dès octobre à ajuster leur production en recourant au chômage partiel. L'année 2013 n'a montré aucune amélioration. Les constructeurs français, dont l'Hexagone est le premier débouché, ont été les plus touchés et ont été contraints de réorganiser leur production.
Les raisons du déclin du secteur automobile français sont multiples : en plus des raisons communes au marché européen mentionnées ci-dessus, le secteur automobile français souffre de son orientation sur les petits véhicules d'entrée de gamme qui ne permettent que des marges faibles, d'un déficit d'image à l'étranger et d'un taux moyen d'utilisation des usines françaises trop faible pour le segment des petites voitures que les concurrents étrangers fabriquent essentiellement dans des pays à bas coûts.
Confrontés à une crise sans précédent, les constructeurs automobiles français répercutent leurs difficultés sur leurs sous-traitants dont leurs équipementiers.La volatilité de la demande fragilise les constructeurs qui la répercutent sur les équipementiers. Travaillant souvent en flux tendus, les équipementiers de taille modeste, PMI nationales ou filiales délocalisées de grands groupes, sont confrontés aux exigences croissantes de leurs donneurs d'ordres, qui attendent d'eux non seulement une offre de qualité à des coûts toujours plus réduits, mais surtout une réactivité de plus en plus forte.
Ces exigences associées à l'augmentation du coût des matières premières et à la baisse des volumes se traduisent par une chute de la rentabilité financière des équipementiers qui aboutit aux plus grandes difficultés. Le transfert aux équipementiers d'une part de plus en plus importante des dépenses de recherche et développement et d'étude favorise les grands équipementiers/fournisseurs de rang 1 au détriment des structures plus modestes.
Au cours des deux dernières années, de nombreux équipementiers ont été contraints de mettre en 'uvre des plans de restructuration (Delphi, Autoneum, Sotira, Steco Power, Heuliez, Valeo, Cooper Standard, TRW Automotive ... ).
Loin de compenser ces difficultés, le marché industrie qui représente 10 % des ventes exclusivement réalisées en France par Howa Tramcio a également connu une baisse d'activité.
En conséquence, en 2012, la baisse de volumes traités par notre entreprise a entraîné une sous-absorption des frais fixes de 1,13 million d'euros et notre société a enregistré un résultat d'exploitation déficitaire de 4 865 185 € et une perte nette de 5 260 731 €.
Le site de Coulombs est particulièrement touché: l'effondrement du chiffre d'affaires des activités automobile et industrie ne permet plus d'absorber la structure et les coûts du site. Sans les avances de trésorerie consenties par le Groupe Howa à hauteur de 7 millions d'euros, notre société aurait été en incapacité de faire face à ses échéances et se serait trouvée en situation de cessation de paiements.
Les sociétés du groupe Howa Europe rencontrent les mêmes difficultés : la baisse des ventes automobiles a entrainé une dégradation du résultat d'exploitation avant amortissements (Ebitda) qui a atteint - 2,3 millions d'euros en 2012, la marge brute ne permettant plus, compte tenu de la baisse d'activité, d'absorber les frais fixes et générant des problèmes de trésorerie.
Le groupe Howa rencontre également des difficultés économiques et financières liées pour partie à la dégradation du marché japonais mais surtout à la charge financière que représente le groupe Howa Tramico Europe. Sur l'année civile 2013, le résultat net consolidé du groupe est également en perte de - 600 000 000 de yens, soit - 4 214 800 €.
Des mesures de réduction des charges ont donc dû être prises (conclusion d'un contrat d'entreprise pour le retour à l'équilibre chez Pullflex, recours au chômage partiel en Espagne ... ).
Au sein d'Howa Tramico, la Direction a multiplié les mesures pour réduire les coûts fixes : les investissements passés et les différents chantiers hoshin et qualité ont permis de réduire les coûts liés à la non qualité des produits et aux rebuts ; le recours au travail temporaire a été drastiquement réduit; des postes vacants ont été gelés ; la participation aux charges communes a été réduite; le budget achats a été réduit ; la trésorerie a été optimisée en ajustant le niveau de stock des usines à la demande de manière à ne pas mobiliser inutilement de la trésorerie ; des délais de règlement fournisseurs ont été négociés, les clients ont été relancés régulièrement et activement de manière à éviter tout retard de règlement... Toutefois, les économies réalisées grâce à ces mesures se sont révélées insuffisantes puisque pour revenir à un Ebidta à l'équilibre, Howa Tramico doit au minimum réduire ses coûts de 2,35 millions d'euros.
Devant la gravité de la situation, l'impérieuse nécessité de réduire les coûts pour permettre la poursuite de l'activité et l'échec des négociations sur le temps de travail, la rémunération et la politique d'investissements productifs, la Direction a été contrainte d'envisager la réorganisation de son activité.
La Direction a remis en juin 2013 aux représentants du personnel un projet de réorganisation de l'activité de l'entreprise visant à recentrer les activités du site de Coulombs sur l'industrie, renforcer les autres sites français sur leur c'ur de métier, mutualiser en un même lieu les structures support et réduire les effectifs indirects, qui impliquait 9 modifications de contrats et 32 suppressions de postes.
Le recentrage des activités du site de Coulombs sur l'industrie requiert l'arrêt de production des produits X62 et des productions small parts découpe, et l'impérieuse nécessité de réduire les coûts fixes sur le site de Coulombs, ce qui nous contraints à fermer l'usine haute et supprimer 14 postes de services supports dont votre poste de cariste interne.
Dans ce contexte, nous avons procédé à la recherche des emplois disponibles que vous seriez susceptible d'occuper pour tenter de vous reclasser. Nous avons identifié 11 postes que vous avez toutefois refusés.
.
Etant dans l'impossibilité de vous reclasser sur un autre emploi, nous vous avons proposé par courrier envoyé le 24 juillet 2014 le bénéfice du dispositif du contrat de sécurisation professionnelle.
A ce titre, nous vous rappelons que vous avez 21 jours à compter du lendemain de la 1ère présentation à votre domicile du courrier envoyé le 24 jullet 2014 pour nous faire part de votre décision d'adhérer ou non au contrat de sécurisation professionnelle à l'aide du bulletin réponse en votre possession.A défaut d'adhésion dans le délai susvisé, vous serez réputé avoir refusé le contrat de sécurisation professionnelle. La présente lettre constituera la notification de votre licenciement pour motif économique... ».
Le salarié conteste la réalité des difficultés économiques invoquées qui doivent s'apprécier au sein du secteur d'activité du groupe alors que les avances de trésorerie consentie par la maison-mère démontreraient du contraire.
Des pièces versées aux débats, il résulte que les comptes de l'employeur sur les exercices 2012 et 2013 font apparaître un résultat net négatif de 5 260 731 euros en 2012, et 6 931 425 euros en 2013 ; que la situation du groupe au niveau européen, comprenant les entités françaises, slovaques et russes, s'est fortement dégradée : les pertes opérationnelles s'élevaient à 2, 29 millions d'euros en 2012 et à 4,67 en 2013 ; que cette dégradation a entraîné une détérioration de la situation économique et financière du groupe mondial ainsi que l'examen des comptes sociaux consolidés du groupe pour les exercices 2012 et 2013 et les comptes sociaux consolidés prévisionnels le démontre (pièce 7,8 et 9). Le groupe mondial essuyant une perte en 2013 de 4,6 millions d'euros.
Les documents produits laissent apparaître que malgré la recapitalisation du groupe européen par la société mère à hauteur de 28 millions d'euros, le groupe européen présentait un résultat net consolidé négatif de 14,7 millions d'euros, le résultat net consolidé (groupe mondial) étant négatif à hauteur de 21,5 millions d'euros ce qui démontre que le groupe traversait lui-même des difficultés.
La cour adopte les motifs des premiers juges qui ont relevé que, dans le contexte précédemment décrit, les mesures de réduction de charges, rappelées dans la lettre de licenciement, ont dû être mises en place conduisant à la suppression de 14 postes dont celui de Monsieur B..., constatant ainsi l'adéquation entre la situation économique de l'entreprise et les mesures envisagées par l'employeur affectant l'emploi.
La cour confirme le jugement entrepris en ce qu'il a reconnu le bien fondé du motif économique.
Sur l'obligation de reclassement
Selon l'article L.1233-4 du code du travail, dans sa version applicable aux faits, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. À défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.
Les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l'entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel elle appartient, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel. S'agissant d'établissements situés hors du territoire national, l'employeur demande au salarié s'il accepte de recevoir des offres hors de ce territoire et sous quelles restrictions.
Le licenciement économique d'un salarié ne peut intervenir que si le reclassement de l'intéressé dans l'entreprise ou dans le groupe dont elle relève n'est pas possible ; il appartient à l'employeur, même lorsqu'un plan social a été établi, de rechercher s'il existe des possibilités de reclassement, prévues ou non dans le plan social, au sein du groupe et parmi les entreprises dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, et de proposer aux salariés dont le licenciement est envisagé des emplois disponibles de même catégorie ou, à défaut, de catégorie inférieure, avec leur accord clairement exprimé, fût-ce par voie de modification des contrats de travail, en assurant au besoin l'adaptation de ces salariés à une évolution de leur emploi; faute pour l'employeur d'avoir accompli ces obligations, un licenciement prononcé pour motif économique est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Les offres de reclassement doivent être écrites, précises, concrètes et personnalisées et il appartient à l'employeur, le cas échéant, de dispenser une formation permettant l'adaptation à un nouvel emploi.
Le manquement par l'employeur à son obligation de reclassement préalable au licenciement prive celui-cide cause réelle et sérieuse et ouvre droit au profit du salarié au paiement de dommages-intérêts.
Le salarié fait valoir que toutes les offres de reclassement ne convenaient pas à son profil professionnel, qu'aucun poste situé en Europe en France ne lui avait été proposé, que certaines offres ne relevaient pas de ses compétences, supposaient des diplômes qu'il n'avait pas ou la pratique de l'anglais qu'il ne maîtrisait pas, et enfin elles étaient identiques à celles proposées aux autres salariés.
En l'espèce, par lettre du 25 novembre 2013, l'employeur a interrogé le salarié sur les possibilités d'un reclassement à l'étranger en précisant les pays et les villes d'implantation dans le monde entier. Le salarié a répondu positivement le 30 novembre en indiquant qu'il acceptait de recevoir des offres pour l'étranger sans restriction.
Par lettre circonstanciée du 11 décembre 2013, la société a soumis à M. B... 11propositions d'emploi en contrat à durée indéterminée dont trois à l'étranger ( deux pour la Russie, et une pour le Mexique) selon le v'u du salarié. A cette lettre était jointe la description des mesures d'accompagnement prévues par le PSE, destinées à favoriser le reclassement interne notamment par voie de formation, la présentation de l'espace d'information et conseil, destiné à accompagner les salariés en cas de reclassement.
Il n'est pas contesté que M. B... n'en a accepté aucune.
M. B... était jusqu'alors cariste, ouvrier qualifié. Il avait acquis une expérience de 35années. Il bénéficiait d'un coefficient 720 selon la convention collective de la plasturgie. Il exerçait son activité à Coulombs. Sa rémunération mensuelle de base était de 2 092,97 euros.
L'examen de ces offres de reclassement conduit aux constatations suivantes.
Elles sont extraites des 28 postes disponibles au sein du groupe. Certaines sont équivalentes au poste occupé par M. B... soit en terme de fonction soit en terme de rémunération.
Chacune de ces offres de reclassement précisait le nom de l'employeur (Howa Tramico ou sa filiale PullFlex, ou les filiales étrangères), la fonction ( agent services généraux, employé polyvalent, assistant d'administration des ventes, opérateurs de production (3 postes), assistant logistique, techniciens qualité, cariste, opérateur « tramivex »), le statut (ouvriers, employés, agents de maîtrise), le coefficient selon la convention applicable (allant de 140 à 800 selon le statut), les compétences requises, la durée du temps de travail, le lieu travail en France (Coulombs, Brionne, Saint-Martin le Beau, ), le cas échéant, la convention collective applicable (plasturgie, caoutchouc), la nature du contrat (CDI, CDD), la date d'entrée en fonction. Chaque proposition était accompagnée d'une fiche de définition de fonction précisant pour les offres en France, son intitulé, sa raison d'être, décrivant les principales missions, les responsabilités et l'autorité de la fonction, le rattachement hiérarchique, les principaux interlocuteurs, la formation initiale ou l'expérience nécessaire requises, et la formation interne lors de la prise de poste.
Ces offres sont donc claires et précises.
Le salarié fait valoir qu'elles ne sont pas personnalisées d'une part parce que d'autres salariés auraient reçu les mêmes et d'autre part parce qu'elles ne correspondent pas à ses compétences notamment en terme de prérequis (diplôme, langue).
Il ne résulte pas du dossier que ces 11 offres de reclassement aient été adressées à des salariés placés dans la même situation que celle de Monsieur M. B.... Les 11 propositions sont extraites d'une liste de 28 postes disponibles au sein de laquelle 12 postes concernaient la France. Parmi ces 12postes figuraient des postes requérant une formation d'ingénieur ou d'école de commerce qui n'ont pas été proposés au salarié. Il s'en déduit que les offres de reclassement effectivement proposées étaient personnalisées et adaptées à la situation de M. B.... Certes certaines d'entre elles supposaient la connaissance de l'anglais ou du russe mais le salarié avait accepté des propositions de filiales étrangères sans restriction. Par ailleurs, certaines (agents services généraux, opérateurs de production) supposaient la détention d'un diplôme ou d'une expérience acquise dans le domaine, la détention de ces diplômes n'étant alors pas nécessaire. Outre que dans le cadre du reclassement, l'employeur proposait des formations externes, chaque prise de poste prévoyait une formation interne.
De ces constatations, il se déduit que les offres de reclassement étaient sérieuses, précises et susceptibles de correspondre aux compétences du salarié, même si elle ne relevait pas d'un emploi à catégorie et rémunération équivalents, le salarié étant libre de les refuser ce qu'il a fait.
Il résulte que l'employeur a respecté son obligation de reclassement.
Le jugement sera confirmé sur ce point et le salarié débouté de sa demande de dommages-intérêts.
A titre subsidiaire, sur l'application des critères d'ordre du licenciement
Aux termes de l'article L.1233-5 du code du travail, dans sa version alors applicable, lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.
Ces critères prennent notamment en compte :
1° Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés,
2° L'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise,
3° La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés,
4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie.
L'employeur peut privilégier un de ces critères, à condition de tenir compte de l'ensemble des autres critères prévus au présent article.
Le juge prud'homal ne peut substituer son appréciation des qualités professionnelles du salarié à celle de l'employeur, mais il lui appartient de vérifier l'absence d'erreur manifeste ou de détournement de pouvoir de ce dernier.
L'inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements n'a pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse. Cette illégalité entraîne un préjudice, pouvant aller jusqu'à la perte injustifiée de l'emploi, qui doit être intégralement réparé, selon son étendue, par des dommages- intérêts.
M. B... (53 ans, deux personnes à charge) considère que l'application des critères d'ordre n'aurait pas dû conduire à son licenciement. Il fait valoir qu'il disposait d'une ancienneté importante et ses qualités professionnelles n'ont pas été justement appréciées sans toutefois fournir de détails.
En l'espèce, en l'absence de dispositions spécifiques de la convention collective applicable, l'employeur a mis en 'uvre un système d'évaluation permettant d'acquérir jusqu'à 100 points, pondéré en fonction de chaque critères légaux. Les modalités de cette évaluation figurent au document d'information consultation remis au comité central d'entreprise (page 98 à 102) et sont reprises au PSE.
Ainsi :
- les charges de famille ont été affectées d'une évaluation entre 0 et 20 points en fonction du nombre de personnes à charge, sur la base d'un questionnaire individuel rempli par chaque salarié y compris M. B...,
- des points entre 0 et 20 étaient attribués en fonction de l'ancienneté acquise,
- les difficultés de réinsertion liée à la situation de handicap ont été appréhendées en fonction de l'âge du salarié (l'attribution de points variant en fonction de tranches d'âge : 3 points jusqu'à 29 ans jusqu'à 20 points pour les salariés de plus de 60 ans,
- les qualités professionnelles bénéficiaient de l'attribution de 40 points en fonction des compétences dans l'activité exercée.
Pour ce dernier critère, l'évaluation des qualités professionnelles applicables à la catégorie professionnelle à laquelle appartenait M. B... (manitention logistique, du magasinier cariste, du magasinier approvisionneur de l'usine de Coulombsdu) a été conduite en fonction du coefficient de la convention collective (5 points par niveau), de la polyvalence sur un ou plusieurs postes (de 5 à 10 points), de la maîtrise de l'outil ERP (10 points).
La société produit un tableau comparant les 9 salariés de la catégorie professionnelle susceptible d'être licenciés, au regard de l'application des quatre critères appliqués selon les modalités rappelées ci-dessus. Le salarié a obtenu un total de 54 points, ex aequo avec M. Z.... Les 7 autres salariés obtiennent entre 59 et 81 points.
L'examen du tableau qui n'est pas objectivement critiqué par le salarié permet de constater qu'ont été pris en compte l'ancienneté, l'âge, les charges de famille du salarié et les qualités professionnelles en comparaison avec les autres salariés.
Il en résulte que l'employeur a mis en place une notation tenant compte des critères d'ordre des licenciements respectant les dispositions légales et qu'il en a fait une application exempte d'erreur manifeste ou d'abus à l'égard de M. B..., notamment quant à l'appréciation de ses qualités professionnelles.
Le salarié sera débouté de sa demande subsidiaire de dommages-intérêts et le jugement confirmé sur ce point.
Sur les demandes accessoires
Il n'apparaît pas inéquitable que chaque partie conserve la charge des frais irrépétibles qu'elle a exposés dans le présent litige.
Le salarié succombant supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort ;
CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Dreux en date du 25 janvier 2016 ;
DÉBOUTE chaque partie de sa demande de prise en charge par l'autre partie des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
DIT que les dépens en cause d'appel seronts supportés par M. B....
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président, et par Monsieur Nicolas CAMBOLAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,