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24/05/2018 | FRANCE | N°17/00123

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 24 mai 2018, 17/00123


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 89A



5e Chambre











ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 24 MAI 2018



N° RG 17/00123



AFFAIRE :



X... E... ayant droit de Y... E..., décédé le [...].





C/

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE

...



Décision déférée à la cour: Jugement rendu(e) le 28 Novembre 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE

N° RG :

13-01511/N





Copies exécutoires délivrées à :



la SCP SCP TEISSONNIERE & ASSOCIES



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE



SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS



Copies certifiées conformes délivrées à :



X... E... ayant droit de Y... ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 89A

5e Chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 24 MAI 2018

N° RG 17/00123

AFFAIRE :

X... E... ayant droit de Y... E..., décédé le [...].

C/

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE

...

Décision déférée à la cour: Jugement rendu(e) le 28 Novembre 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE

N° RG : 13-01511/N

Copies exécutoires délivrées à :

la SCP SCP TEISSONNIERE & ASSOCIES

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE

SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS

Copies certifiées conformes délivrées à :

X... E... ayant droit de Y... E..., décédé le [...].

CPAM DES HAUTS DE SEINE, SAS RENAULT

le :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT QUATRE MAI DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:

Madame X... E... ayant droit de Y... E..., décédé le [...].

Bâtiment B Appartement B24

428 avenue de la République

[...]

représentée par Me G... de la SCP SCP TEISSONNIERE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0229 substituée par Me Cédric H... de la SCP TEISSONNIER ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0229

APPELANTE

****************

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE

Contentieux Général et Technique

[...]

représentée par Mme Marie José Z... (Inspecteur contentieux) en vertu d'un pouvoir général

SAS RENAULT

[...]

représentée par Me Corinne A... de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D2072 substituée par MeB... C..., avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mars 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie CACHET, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller,

Madame Sylvie CACHET, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Florence PURTAS,

Y... E..., a été salarié, du 16 mars 1976 au 1er décembre 2004, en qualité d'agent technique métallurgie, au sein de la société Renault (ci-après la Société).

En 2008, ' un adénocarcinome de la charnière recto-sigmoïdienne ' a été diagnostiqué. Il est décédé le [...] des suites de cette pathologie.

Le18 octobre 2010, Mme E... a adressé une déclaration de maladie professionnelle, à la Caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine (ci-après la caisse ou CPAM), accompagnée d'un certificat médical initial, établi le 20 septembre 2010 par le docteur D..., faisant état :' cancer du colon opéré par l'hôpital Foch métastases pulmonaires, coeliaques et hépatiques'.

Le 12 juillet 2012, la Caisse a informé Mme E..., de la nécessité d'une enquête complémentaire.

Le 31 juillet 2012, le dossier a été transmis au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Paris (ci-après CRRMP).

Le 8 octobre 2012, la caisse a refusé à titre conservatoire, dans l'attente de la décision du CRRMP, de reconnaître le caractère professionnel de l'affection constituée d'un adénocarcinome de la charnière recto-sigmoïdienne .

Après l'avis défavorable du CRRMP, la caisse a notifié un refus de prise en charge, le 21novembre 2012, de cette affection au titre de la législation sur les risques professionnels.

Contestant cette décision, Mme E... a saisi la commission de recours amiable de l'organisme (ci-après CRA), laquelle l'a déboutée dans sa séance du 21 novembre 2012.

Par lettre du 24 juillet 2013, Mme E... a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de- Seine (ci-après Tass ou Tribunal).

Par jugement du 19 janvier 2015, le TASS a ordonné la saisine d'un second CRRMP et désigné à cette fin le comité de la région Normandie aux fins de se prononcer dans un avis motivé sur le lien entre l'exposition au risque d'inhalation de poussières d'amiante (qui n'était pas contesté) et l'affection dont M. E... est décédé, à savoir un cancer du côlon.

Le 6 avril 2016, le CRRMP a exclu le lien entre l'affection présentée et l'exposition professionnelle, considérant que 'M. E... a été exposé à l'amiante, en tant que tuyauteur soudeur pendant sa carrière professionnelle ; que toutefois, les données scientifiques actuelles ne permettaient pas de retenir un lien direct et essentiel entre ce type d'exposition et la survenue d'un cancer du côlon'.

Par jugement du 28 novembre 2016, le tribunal a débouté Mme E... de ses demandes et dit qu'il n'y avait pas de lien établi entre l'affection dont est décédé M. E... et son activité professionnelle.

Le 6 janvier 2017, Mme E... a relevé appel de cette décision.

Elle demande à la cour d'infirmer le jugement du 28 novembre 2017 et et de dire que le cancer du colon dont est décédé M. E... est la conséquence de son exposition professionnelle à l'inhalation de poussières d'amiante.

A titre subsidiaire et à l'audience, elle sollicite la saisine d'un 3ème CRRMP en soulignant que l'avis du 1er CRRMP n'a été signé que par un seul de ses membres.

Elle demande en outre la condamnation de la Caisse à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour a autorisé la production d'une note en délibéré sur la demande de saisine d'un 3ème CRRMP présentée à l'audience.

La caisse primaire d'assurance maladie demande la confirmation du jugement du 28novembre2017.

La société Renault SAS demande à la cour, dans sa note en délibéré, de constater irrecevable la demande nouvelle de saisine d'un nouveau CRRMP. En tout état de cause, elle sollicite la confirmation du jugement entrepris et rappelle que la décision de refus de prise en charge de la Caisse a acquis un caractère définitif à son égard.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des prétentions et moyens.

Une note en délibéré a été adressée à la cour le 20 avril 2018 par le conseil de MmeE..., accompagnée d'un document de l'Agence nationale de sécurité de l'alimentation, de l'environnement et du travail daté du 7 novembre 2017.

La cour n'ayant pas autorisé la production de note en délibéré, celle-ci ainsi que la pièce jointe seront écartées des débats.

Motifs

À l'appui de son appel, Mme E... rappelle qu'au moment de la déclaration de maladie professionnelle, M. E... était décédé et qu'elle a donc agit en sa qualité d'ayant droit.

Sur le fond, elle soutient que la cour n'est pas tenu par l'avis du comité et fait valoir que plusieurs études médicales démontrent que l'amiante est un facteur pathogène des cancers digestifs. Elle expose qu'en l'espèce, l'exposition à l'amiante n'est pas contestée et que le lien est direct entre l'exposition et le cancer du colon.

La Caisse expose que les deux avis de CRRMP sont concordants et que les éléments versés aux débats ne sont pas de nature à les remettre en cause.

La Société soulève l'irrecevabilité du recours, de la demande nouvelle de saisine d'un 3ème CRRMP et subsidiairement, soutient que le lien entre l'exposition et le cancer du colon n'est pas établi.

Sur ce,

A titre liminaire, la cour constate que la déclaration de maladie professionnelle a bien été adressée après le décès de M. E... et que Mme E... avait bien la qualité d'ayant droit pour accomplir régulièrement les formalités inhérentes à cette déclaration.

De même, la demande tenant à la saisine d'un 3ème CRRMP ne saurait être considérée comme une demande nouvelle irrecevable. En effet, dès lors que la reconnaissance éventuelle d'une maladie professionnelle est soumise à la saisine obligatoire d'un CRRMP, les juridictions du fond et d'appel ont la possibilité, s'ils estiment les premiers avis rendus insuffisants pour les éclairer sur le litige d'ordre médical ou contradictoires, de procéder à la saisine d'un 3ème CRRMP.

Néanmoins, l'appelante sollicite la saisine d'un 3ème comité, au motif que l'avis du CRRMP de Paris n'a pas été signé par l'ensemble des membres le composant alors qu'aucune disposition légale ou réglementaire ne subordonne l'avis émis par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles à la signature des trois médecins le composant. En conséquence, il y a lieu de considérer cet avis comme régulier.

Sur le fond, il ressort des différentes pièces versées au dossier, que M. E... a été exposé pendant toute sa carrière professionnelle aux poussières d'amiante :

- de 1976 à 1991: travaux de tuyauteur et de soudeur sur des installations calorifugées

- de1991 à 1995 : entretien du bâtiment

- à partir de 1995, il a été amené à intervenir sur les faux plafonds contenant de l'amiante.

Le 30 novembre 1999, le comité d'hygiène et de sécurité indiquait, en ce qui concerne le site de production de l'île Seguin où travaillait M. E... : 'sur 150'000 m² de bâtiments démolis, 50'000 m² d'amiante ont été retrouvés : dans les dalles au sol, dans la colle dédale, dans les faux plafonds... les travailleurs ont été exposés à l'amiante chez Renault parfois pendant des dizaines d'années, en particulier ceux qui travaillaient à la centrale, aux fonderies, à l'entretien, à l'atelier de traitement thermique.'

Son exposition importante aux poussières d'amiante pendant de longues années n'est pas contestée, ni par la Société, ni par la Caisse.

Il est justifié d'autre part, qu'il ne présente pas d'antécédent familial connu de cancer colique et présentait un bon état général malgré un diabète non insulinodépendant.

Les études scientifiques versées aux débats mettent en évidence un risque plus élevé et significatif de développer un cancer colo-rectal pour les personnes exposées à l'amiante.

Aux termes de l'étude publiée par 'l'American Journal of epidemiology' en 2005, 'le risque de cancer du colon apparaît plus élevé chez les hommes exposés à l'amiante dans leur travail', ce risque pouvant être supérieur de 36 % à celui d'une population témoin et de '54 % pour les travailleurs chez qui on a détecté des plaques pleurales'.

S'il n'est pas contestable, que les cancers recto-coliques sont d'origine multifactorielle, génétique et environnementale, les enquêtes épidémiologiques récentes ont mis en évidence une fréquence accrue de ces derniers et du larynx en cas d'exposition à l'amiante. L'étude parue dans 'l'European Journal of Cancer Prevention' en 2002, a aussi mis en évidence une augmentation de la fréquence des tumeurs recto-coliques chez les travailleurs exposés à l'amiante mais surtout a monté que celle-ci est directement liée à l'intensité de l'exposition plutôt qu'à sa durée.

Les études expliquent que l'amiante inhalée est ensuite rejetée par les bronches vers le milieu digestif (épuration du milieu broncho-pulmonaire par l'ascenseur mucco-cilliaire). Les fibres d'amiante pénètrent alors dans la paroi du colon et sont étroitement liées au tissu tumorale à l'endroit du carcinome du colon chez les travailleurs exposés à l'amiante et atteint de carcinome du colon.

M. E... est décédé des suites d'un adénocarcinome de la charnière recto sigmoïdienne et du haut rectum avec métastases hépatiques et pulmonaires. Le scanner thoracique avait aussi mis en évidence plusieurs nodules parenchymateux disséminés dans tous les lobes.

Il résulte de l'enquête administrative de la caisse et des attestations versées que son exposition aux poussières d'amiante, notamment lorsqu'il était tuyauteur soudeur, a été massive alors qu'il découpait et manipulait des matériaux à base d'amiante sans protection individuelle et n'a cessé de travailler jusqu'en 1992 (fermeture du site de l'île Seguin), dans des locaux remplis d'amiante.

La cour n'est pas liée par les avis défavorables des deux CRRMP et l'origine multi factorielle de la maladie n'est pas non plus de nature à exclure son caractère professionnel, dès lors que l'article L.461-1 alinéa 3 du code de la sécurité sociale n'exige pas que le travail habituel du salarié soit la cause unique ou essentielle de la maladie mais qu'elle en soit une cause directe.

La cour constate, qu'il est en l'espèce établi que le cancer colo-rectal dont est décédé M.F...Hamadouche est d'origine professionnelle car directement causé par une exposition significative aux poussières d'amiante.

Le jugement entrepris sera infirmé et la cour rappelle que dans les rapports caisse/employeur, la décision de refus de prise en charge est définitive.

Il y a lieu de condamner la caisse primaire d'assurance maladie à payer à Mme E... la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par décision contradictoire,

Infirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de- Seine en date du 28 novembre 2016 ;

Statuant à nouveau et y ajoutant:

Dit que la maladie 'cancer du colon' déclarée le 20 septembre 2010 et dont est décédé M.Y...F... Hamadouche le [...] doit être prise en charge au titre de la législation professionnelle;

Dit que la décision de refus de prise en charge du 21 novembre 2012 est définitive à l'égard de la société Renault SAS.

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie à payer à Mme X... E... une indemnité d'un montant de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que la présente procédure est exempte de dépens ;

Déboute les parties de toute autre demande plus ample ou contraire ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Madame Florence Purtas, Greffier en préaffectation, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 17/00123
Date de la décision : 24/05/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 05, arrêt n°17/00123 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-05-24;17.00123 ?
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