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24/05/2018 | FRANCE | N°16/05169

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 24 mai 2018, 16/05169


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 89B

5e Chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 24 MAI 2018



N° RG 16/05169



AFFAIRE :



Patrice X...





C/

SAS RENAULT

...





Décision déférée à la cour: Jugement rendu(e) le 19 Septembre 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE

N° RG : 12-00423





Copies exécutoires délivrées à :



la SELARL SAINT-M

ARTIN AVOCATS



la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS



la CPAM 92



Copies certifiées conformes délivrées à :



Patrice X...



SAS RENAULT, CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE







le :

REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCA...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 89B

5e Chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 24 MAI 2018

N° RG 16/05169

AFFAIRE :

Patrice X...

C/

SAS RENAULT

...

Décision déférée à la cour: Jugement rendu(e) le 19 Septembre 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE

N° RG : 12-00423

Copies exécutoires délivrées à :

la SELARL SAINT-MARTIN AVOCATS

la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS

la CPAM 92

Copies certifiées conformes délivrées à :

Patrice X...

SAS RENAULT, CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE

le :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT QUATRE MAI DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:

Monsieur Patrice X...

[...]

comparant en personne, assisté de Me Rachel Y... de la SELARL SAINT-MARTIN AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : W04 substituée par Me Frédéric D..., avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

SAS RENAULT

Technocentre de Guyancourt

[...]

représentée par Me Corinne Z... de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D2072 substituée par Me Olivier A..., avocat au barreau de PARIS

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE

Contentieux Général et Technique

[...]

représentée par M. Maxime B... (Inspecteur contentieux) en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 22 Mars 2018, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller,

Madame Sylvie CACHET, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Adrien CROUZET

M. Patrice X... a été engagé par la société Renault à Boulogne-Billancourt, (ci-après la 'Société' ou 'Renault') le 11 janvier 1973, comme intérimaire, puis sous contrat à durée indéterminée, à compter du 08 juillet 1974.

A partir de l'année 1998, il a été affecté au technocentre Renault à Guyancourt et est devenu 'responsable affaires'.

En novembre 2003, il a été envoyé en mission en Roumanie.

A partir de juin 2006, M. X... a été de nouveau affecté au technocentre de Guyancourt.

Le 13 novembre 2007, M. X... a rempli une déclaration de maladie professionnelle, sur la base d'un certificat initial du 10 novembre 2007, faisant état des constatations suivantes :

'Troubles cutanés psoriasiformes avec prurit général.

Troubles du sommeil et stress importants possibles générateurs des troubles cutanés consécutifs d'un stress en entreprise'.

En janvier 2008, M. X... a été 'mis à la retraite'.

Le 28 mars 2008, la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine (ci-après la 'Caisse' ou la 'CPAM') a notifié à M. X..., son refus de prendre en charge la pathologie déclarée au titre d'une maladie professionnelle et a considéré que le taux d'IPP fixé par le service médical de la caisse était inférieur au taux de 25% requis pour transmettre le dossier à un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).

Le salarié a saisi, le 20 mai 2008, la commission de recours amiable (CRA) de la Caisse, qui a rejeté sa requête, par décision du 05 novembre 2008.

Le même jour, M. X... a également saisi, le tribunal du contentieux de l'incapacité de Paris, lequel a retenu les taux d'IPP de 8% pour la partie somatique de la maladie, et de 10% pour sa partie psychiatrique, soit un total de 18%.

Il n'a pas été formé de recours à l'encontre de cette décision.

Il convient de noter que, par ailleurs, le 31 janvier 2008, M. X... a été mis à la retraite, de façon effective.

Il a contesté le bien fondé de cette mesure devant le conseil de prud'hommes qui l'a débouté de ses demandes, le 16 mai 2011.

Par un arrêt du 12 septembre 2013, la cour d'appel de Versailles a estimé que la mise à la retraite de M. X... reposait sur un motif discriminatoire à raison de son âge et qu'elle devait en conséquence produire les effets d'un licenciement nul. La cour a accordé à M. X... des dommages et intérêts et fait droit à sa demande d'application d'article 700.

Par arrêt du 25 juin 2015, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de M. X... portant sur le rejet par la cour d'appel de ses demandes en paiement au titre d'heures supplémentaires, de congés payés afférents et de dommages et intérêts pour non respect des repos compensateurs, ainsi que d'indemnité pour travail dissimulé.

Le 13 février 2009, M. X... a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-deSeine (ci-après, le TASS) d'un recours à l'encontre de la décision de la CRA ainsi que d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la société Renault.

Le 14 février 2011, M. X... a rempli une nouvelle déclaration de maladie professionnelle et a joint deux certificats médicaux faisant état :

- pour l'un, sur le plan psychiatrique, de 'souffrance psychique consécutive à des conflits du travail avec sa hiérarchie avec troubles du sommeil, stress important avec composante dépressive, nécessité de consultations spécialisées' ;

- pour l'autre, sur le plan somatique, d'une 'aggravation des troubles psoriasiformes cutanées et des rhumatismes psoriasiques avec douleurs récurrentes retentissent sur sa vie quotidienne'.

La caisse a instruit respectivement les deux dossiers, le premier sur les troubles psychiques (n°112214756) et le second sur l'aggravation du psoriasis (aussi appelé versant somatique; dossier n°11224754).

Le 18 avril 2011, la caisse a informé la société de l'existence de cette nouvelle déclaration.

La société a formulé des réserves quant au lien entre le travail et les lésions psychologiques présentées par M. X....

Le 1er août 2011, la Caisse a rejeté la prise en charge des troubles liés à l'aggravation du psoriasis, le médecin conseil a estimé que le taux d'IPP consécutif à cette lésion était inférieur à 25%. La caisse a donc refusé de transmettre le dossier au CRRMP.

M. X... a saisi, le 21 septembre 2011, le tribunal du contentieux de l'incapacité, qui a retenu un taux d'IPP de 8% concernant le versant somatique. Concernant le versant psychiatrique, une expertise a été diligentée et l'expert psychiatrique, le Docteur C... a déterminé que le taux d'IPP était de 30%.

Par jugement du 23 mai 2014, le tribunal du contentieux de l'incapacité a considéré que le taux d'IPP en relation avec l'aggravation des troubles psoriasiques était inférieur à 25% et a confirmé la décision de la caisse de ne pas reconnaître le caractère professionnel de ce trouble pathologique.

M. X... a interjeté appel de cette décision devant la cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (CNITAAT), laquelle l'a débouté de son recours par décision en date du 14 février 2018.

Concernant le volet psychiatrique de la maladie, après avis favorable du CRRMP, la caisse a, par décision du 05 octobre 2011, reconnu le caractère professionnel de la maladie suivante : 'souffrance psychique/troubles anxio-dépressif et du sommeil/stress'.

Le 27 avril 2012, la société Renault a saisi la CRA de cette décision du 05 octobre 2011.

Le 03 octobre 2012, la commission de recours amiable faisait droit à cette demande de la société, au titre de l'affection 'souffrance psychique' déclarée le 14 février 2011, par M. X....

M. X... a saisi, le 20 décembre 2012, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable dans la survenance de sa maladie professionnelle, 'souffrance psychique/troubles anxio-dépressif et du sommeil/stress'.

Par jugement du 16 décembre 2013, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine a :

- reçu M. X... en son recours de refus de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie 'psoriaris' déclarée le 13 novembre 2007 ;

- l'a dit mal fondé en son recours ;

- l'a débouté de son recours ;

- dit que le jugement du TCI du 08 octobre 2010 était définitif ;

- dit bien fondée la décision de refus de prise en charge de ladite maladie de la CPAM des Hauts-de-Seine du 28 mars 2008 ; l'a confirmée ;

- dit bien fondé le rejet du recours de M. X... devant la commission de recours amiable notifié le 18 novembre 2008 ;

- reçu la société en sa demande de second examen par un CRRMP différent du premier (en ce qui concerne la maladie 'psychique') ; l'en a dit bien fondé et y faisant droit, a, avant dire droit au fond, tous droits et moyens des parties réservés :

désigné le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Normandie;

sursis à statuer sur tous les autres chefs de demandes ;

renvoyé l'audience au 12 mai 2014 ;

- dit que tout appel de la présente décision devait à peine de forclusion, être interjeté dans le mois de la réception de sa notification.

Par avis du CRRMP de Normandie, en date du 24 juin 2015, l'origine professionnelle de la maladie psychique a été confirmée.

Par jugement du 19 septembre 2016, notifié le 26 octobre 2016, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine a :

- débouté M. X... de sa demande de reconnaissance implicite du caractère professionnel de la maladie qu'il a déclarée le 14 février 2011 consistant en aggravation du psoriasis et enregistrée sous le numéro 112214754 ;

- dit qu'à bon droit, la CPAM des Hauts-de-Seine avait refusé à M. X... le bénéfice des dispositions de la législation sur les maladies professionnelles au titre de l'affection qu'il a déclarée le 14 février 2011 et enregistrée sous le numéro 112214754, aggravation de psoriasis;

- sursis à statuer sur la caractérisation de la dite maladie dans l'attente de la décision de la CNITAAT que M. X... avait déclarée avoir saisie ;

- dit que M. X... devra communiquer au tribunal la décision de la CNITAAT ;

- dit qu'à bon droit, la CPAM des Hauts-de-Seine avait pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels l'affection déclarée par M. X... le 14 février 2011 (enregistrée sous le numéro 112214756) et consistant en des souffrances psychiques ;

- entériné l'avis du CRRMP de Normandie reconnaissant l'origine professionnelle de la maladie sous son versant souffrances psychiques comme étant essentiellement et directement causée par le travail habituel ;

- sursis à statuer sur la demande de reconnaissance de plein droit de la faute inexcusable de la société Renault comme étant à l'origine de la maladie professionnelle déclarée par M. X... le 14 février 2011 sous ses deux versants soma et souffrances psychiques ; en conséquence,

- dit n'y avoir lieu à statuer en l'état sur la demande de reconnaître un manquement de la société à son obligation de sécurité et de prévention ;

- sursis à statuer sur les chefs de demandes relatifs :

. aux majorations des rentes ;

. à la demande de principe de réparation des préjudices formulée à l'encontre de la société;

. à la demande d'expertise ;

- dit n'y avoir lieu en l'état de provision ;

- sursis à statuer sur la demande d'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

- renvoyé pour fixation à l'audience du 19 juin 2017.

Par déclaration du 17 novembre 2016, M. X... a interjeté appel de ce jugement.

Lors de l'audience du jeudi 18 mai 2017, le renvoi a été ordonné par la cour, à l'audience collégiale du jeudi 07 décembre 2017, pour échange sur l'action récursoire de la CPAM, avec obligation pour les parties, de faire un courrier à la cour, un mois avant l'audience, si l'affaire n'est pas en état d'être plaidée.

Par ses conclusions écrites, modifiées oralement devant la cour, M. X... demande à la cour de: - confirmer le jugement en ce qu'il a entériné l'avis du CRRMP de Normandie reconnaissant l'origine professionnelle de la maladie déclarée le 14 février 2011, sous son versant souffrances psychiques (dossier numéro 110214756), essentiellement et directement causée par le travail habituel ;

Statuant à nouveau,

- recevoir M. X... en son appel et le dire bien fondé ;

- dire et juger que la maladie déclarée le 14 février 2011 sous son versant somatique et aggravation du psoriasis (dossier numéro 112214754), est de plein droit d'origine professionnelle;

- infirmer la décision des premiers juges de surseoir à statuer sur la faute inexcusable de l'employeur dans l'attente de la décision à intervenir de la CNITAAT concernant le taux d'IPP relatif au versant somatique de la maladie professionnelle déclarée le 14 février 2011 ;

- statuer sur la faute inexcusable de l'employeur sur la base du versant psychiatrique de la maladie déclarée le 14 février 2011 (dossier numéro 110214756) et couvert par la législation professionnelle ;

- reconnaître de plein droit, ou en toute hypothèse, la faute inexcusable de la société Renault SAS dans la survenance de la maladie professionnelle déclarée le 14 février 2011 dont a été victime M.X... ;

Sur les conséquences indemnitaires de la faute inexcusable de l'employeur,

- constater le caractère psychosomatique de la maladie professionnelle déclarée le 14 février 2011 sous ses deux versants (dossiers numéros 110214756 et 112214754), au besoin, en ordonnant une expertise médicale telle que prévue par l'article L141-1 et suivants du code de la sécurité sociale;

- dire et juger en conséquence qu'il y a lieu de cumuler, dans le cadre d'une unique réparation au titre de la législation professionnelle, les taux d'IPP des versants psychiatrique et somatique de la maladie professionnelle déclarée le 14 février 2011 ;

- ordonner le versement rétroactif de la majoration de la rente basée sur le cumul de ces taux d'IPP, à compter du 15 février 2011 ;

Subsidiairement, disjoindre la réparation des deux versants de la maladie professionnelle déclarée le 14 février 2011 ;

- ordonner le versement rétroactif de la majoration de la rente servie depuis le 15 février 2011 pour le versant psychiatrique de la maladie professionnelle déclarée le 14 février 2011 (dossier numéro 110214756) ;

- ordonner une expertise médiale telle que prévue par l'article L141-1 et suivants du code de la sécurité sociale aux fins de déterminer la date de consolidation du versant essentiellement somatique de la maladie professionnelle déclarée le 14 février 2011 (dossier numéro 112214754);

En tout état de cause,

- condamner la société Renault à réparer l'ensemble des préjudices consécutifs à cette faute inexcusable;

- allouer à M. X... les sommes de:

80000euros au titre des souffrances morales et physiques endurées

20 000 euros au titre du préjudice d'anxiété;

- faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et lui allouer une indemnité globale de 8 000 euros de ce chef au titre des deux instances engagées.

Par ses conclusions écrites, la société demande à la cour de :

Sur la décision de refus de prise en charge du 1er août 2011, au titre de l'aggravation du psoriasis:

- confirmer la décision de refus de prise en charge par la CPAM du caractère professionnel de la maladie;

- dans l'hypothèse où la cour admettait l'existence d'une décision implicite de prise en charge pour non respect à l'égard de M. X... du principe du contradictoire et/ou des dispositions de l'article R441-10 du code de la sécurité sociale, dire et juger cette prise en charge inopposable à la société Renault ;

Sur le recours en faute inexcusable :

- débouter M. X... de sa demande de faute inexcusable au titre de l'aggravation du psoriasis;

- subsidiairement, rejeter toute action récursoire de la Caisse au titre des conséquences financières d'une éventuelle faute inexcusable s'agissant de l'aggravation du psoriasis;

- dire et juger que la preuve de la faute inexcusable de la société Renault à l'origine de la maladie prise en charge par la caisse le 25 novembre 2011 n'est pas rapportée ;

- plus subsidiairement, ordonner la mise en oeuvre d'une mesure d'expertise afin d'évaluer les préjudices visés à l'article L. 452-3 et ceux non couverts par le livre IV, subis par M. X... à raison de la maladie reconnue comme étant d'origine professionnelle le 25 novembre 2011 ;

- compte tenu de la décision de la commission de recours amiable en date du 03 octobre 2012, rejeter toutes action récursoire de la caisse à l'égard de la société Renault.

Par ses conclusions écrites, modifiées oralement devant la cour, la CPAM demande à celle-ci de:

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a

débouté M. X... de sa demande de reconnaissance implicite du caractère professionnel de la maladie qu'il a déclarée le 14 février 2011 consistant en une aggravation du psoriasis et enregistrée sous le numéro 112214754;

dit qu'à bon droit la CPAM avait refusé le bénéfice de la législation sur les maladies professionnelles au titre de l'affection qu'il a déclarée le 14 février 2011 et enregistrée sous le n°112214754 aggravation de psoriasis;

dit qu'à bon droit la CPAM avait pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels l'affection déclarée par M. X... le 14 février 2011 (enregistrée sous le n°112214756) et consistant en des souffrances psychiques;

Y ajoutant,

- débouter M. X... de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur au titre de l'aggravation du psoriasis;

- débouter M. X... de l'intégralité de ses demandes;

- prendre acte de ce que la Caisse s'en rapporte à justice sur la reconnaissance de la faute inexcusable de la société Renault au titre des souffrances psychiques;

Dans le cas où la cour reconnaîtrait la faute inexcusable de l'employeur:

- ramener à de plus justes proportions les demandes d'indemnisation formulées par M. X...;

- faire droit à l'action récursoire de la Caisse à l'encontre de la Société Renault.

MOTIFS

Il convient d'indiquer, à titre préliminaire, que les débats devant la cour ont conduit M.X... à modifier ses demandes, en l'espèce à solliciter l'indemnisation de ses préjudices plutôt que de demander une expertise et une provision, après qu'il avait souligné que sa situation résultait de ce qu'il avait vécu à son travail. Notamment, il y aurait eu des discussions avec sa hiérarchie, en janvier 2007 (en octobre 2006, dans ses écritures), alors qu'il avait 60 ans, à la suite desquelles il aurait été admis qu'il travaillerait jusqu'à l'âge de 62 ans au sein de la Société puis la quitterait fin décembre 2008 mais en étant payé jusqu'à l'âge de 65ans, âge de sa retraite, durée coïncidant avec le 'capital temps' accumulé du fait des heures supplémentaires effectuées. Mais la Société l'avait 'mis en retraite en janvier 2008'.

A l'appui de son appel, M. X... souligne d'emblée que l'on se trouve dans le cadre d'une maladie psycho-somatique et que, au mois de février 2011, lors de la décision de la Caisse, si deux certificats médicaux distincts avaient été établis, il n'avait adressé qu'une déclaration de maladie professionnelle.

M. X... fait notamment valoir le caractère professionnel de la maladie, devant être reconnu de plein droit, sous le versant somatique et désignant l'aggravation d'un psoriasis, dès lors que le délai d'instruction de trois mois n'avait pas été respecté par la Caisse, puisque celle-ci ne l'avait informé de la prolongation du délai d'instruction que le 7juin 2011.

S'agissant de la faute inexcusable de l'employeur, M. X... souligne qu'il doit être fait une distinction entre le régime de l'exécution déloyale du contrat de travail, écartée par la cour de Versailles dans le dossier prud'homal mais en ce qui concerne deux situations qu'il avait dénoncées, et la faute inexcusable. Or celle-ci est établi par la surcharge de travail qu'il a connue (104,35 heures supplémentaires par mois pendant 23 mois, outre du travail de nuit) puis par sa 'placardisation' (dès mai 2006, un autre salarié - M. J. A. - avait 'exercé (ses) fonctions habituelles, soit avant qu'(il) ne soit rentré de Roumanie') et enfin, par le contexte anxiogène d'une exposition à l'amiante pendant plus de 20 ans jusqu'en 1996. Sur ce point, il conteste notamment les dates d'exposition à l'amiante (1974 à 1979) qui figurent sur la fiche CMR qui lui a été remise à son départ de l'entreprise, indiquant qu'il a commencé à travailler dans l'atelier des Forges-Fonderies du site de Billancourt en 1973 et s'y était rendu régulièrement jusqu'en 1996. Il souligne que le 'suivi médical post exposition amiante se poursuit encore aujourd'hui et il vit dans l'angoisse permanente d'avoir peut-être un jour à apprendre de son médecin traitant qu'il serait atteint d'une grave maladie'.

Cela a engendré un 'stress lourd' (en gras dans l'original des conclusions) qui 'a nécessairement contribué aux pathologies' (en gras également) dont il souffre.

Au demeurant, à son retour de Roumanie, il n'avait pas bénéficié d'un suivi médical renforcé et était resté pendant plus de 15 mois 'sans suivi de la médecine du travail'.

Par ailleurs, les procès-verbaux des réunions du comité d'entreprise ou du comité d'hygiène et de sécurité démontraient à la fois la pression exercée sur les salariés pour qu'ils augmentent leurs performances (ou, pour reprendre une expression utilisée par le Président de la Société lors d'un entretien télévisé, se 'défoncent' pour leur employeur) et l'accroissement du risque de surcharge de travail, de stress, de pathologies diverses alors que, par ailleurs, la Société n'avait rien mis en place pour prévenir les risques psycho-sociaux, notamment au technocentre de Guyancourt (comme l'avait montré un rapport du cabinet Technologia) et que le service de médecine du travail était 'déplorable du fait de l'employeur' (en gras dans l'original des conclusions).

De fait, aux termes de l'article L. 4131-4 du code du travail, compte tenu des 'multiples alertes (...) qui émanaient des membres du CHSCT' (en gras également), la faute inexcusable de l'entreprise devait être reconnue de plein droit.

Ainsi, M. X... considère avoir droit à la majoration des indemnités, la 'rente à majorer cumulant les taux d'IPP relatifs aux versants psychiatrique et uniquement somatique en raison du caractère psychosomatique de la maladie professionnelle déclarée le 14 février 2011' (en gras dans l'original des conclusions); subsidiairement, il avait droit à la majoration rétroactive de la rente pour le versant psychiatrique et à la majoration rétroactive de la rente ou du capital à servir relatif au versant essentiellement somatique.

Enfin, M. X... demande à être indemnisé de ses souffrances, physiques et morale, ainsi que de son préjudice d'anxiété.

La société Renault fait notamment valoir, pour sa part, que le taux d'IPP liée à cette pathologie ayant été jugé par la CNITAAT comme inférieur à 25%, il convient de confirmer la décision de la Caisse de refus de prise en charge de l'aggravation des troubles liés au psoriasis. En tout état de cause, si la cour devait retenir la notion de décision implicite, celle-ci serait inopposable à l'employeur, puisqu'elle ne vaudrait que dans les rapports Caisse/victime.

S'agissant de la faute inexcusable, aucune ne pouvait être retenue s'agissant de l'aggravation du psoriasis, le caractère professionnel de la maladie n'étant pas reconnue.

Au titre des troubles psychiques, la Société considère que les éléments constitutifs de la faute inexcusable ne sont pas réunis. Il appartient à M. X... de démontrer que la société a commis une faute, ce qu'il ne fait pas.

Pour ce qui concerne l'exposition à l'amiante, la Société souligne en particulier que les établissements de la société Renault ne figurent pas sur les listes des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante et que, par conséquent, M.X... ne peut réclamer l'indemnisation d'un préjudice d'anxiété.

Enfin, la société fait valoir qu'aucune plainte n'a été formulée par M. X... quant à des faits de harcèlement moral ou de souffrances au travail, avant sa mise à la retraite et qu'il bénéficie d'une retraite à taux plein depuis juin 2006. 'En réalité, le malaise de Monsieur X... a réellement débuté avec sa mise à la retraite', ce que tend à confirmer le certificat établi le 20janvier 2010 par son médecin psychiatre.

La Société souligne que, dans l'arrêt, sur le litige prud'homal, en date du 12 septembre 2013, la cour de Versailles avait jugé qu' 'aucun manquement de la société RENAULT n'était démontré dans l'exécution du contrat de travail'. M. X... avait été débouté de ses demandes au titre d'une exécution déloyale du contrat de travail.

Enfin, sur l'action récursoire, la société fait valoir qu'aucune action récursoire de la caisse n'est envisageable, la décision de prise en charge de la maladie adoptée par la caisse le 22 novembre 2011 ayant été déclarée inopposable à la société par la commission de recours amiable le 03octobre 2012.

En réplique, la CPAM soutient que sa décision refusant la prise en charge du caractère professionnel de l'affection en cause ne pourra qu'être confirmée.

La CPAM, sur la reconnaissance implicite de la maladie, soutient que M. X... inverse la charge de la preuve, alléguant le fait que la caisse ne s'explique pas sur un hypothétique allongement anormal du délai de réception de la déclaration de maladie professionnel ; qu'il appartient à l'assuré social de rapporter la preuve de l'envoi de sa déclaration de maladie professionnelle et du certificat médical initial, et ce d'autant plus qu'il conteste la date du cachet dateur apposé sur les documents ; qu'au surplus, il lui appartient de prouver que la caisse a reçu la déclaration et le certificat à une date antérieure à celle indiquée par la caisse, et attestée par le cachet dateur apposé par la caisse.

La CPAM, s'agissant de la régularité de la procédure d'instruction, fait valoir qu'elle a parfaitement respecté les délais d'instruction légaux tels qu'ils sont définis à l'article R441-10 et R441-14 du code de la sécurité sociale (c'est le tampon dateur de la caisse qui fait foi) et que M.X... ne peut se prévaloir d'une reconnaissance implicite.

S'agissant de la pathologie 'aggravation du psoriaris', la maladie professionnelle ne pouvait pas être reconnue dès lors que le taux d'IPP était inférieur à 25%.

En ce qui concerne la faute inexcusable, la Caisse s'en rapporte à justice, sollicite que, le cas échéant, les montants sollicités soient rapportés à de plus justes proportions et qu'il soit fait droit à son action récursoire à l'encontre de l'employeur.

Sur ce,

A titre préliminaire, la cour doit observer que la question, longuement débattue par la défense de M.X..., de savoir si les pathologies dont il souffre doivent être abordées comme une pathologie unique, à caractère psycho-somatique, ou comme deux maladies distinctes, est sans portée pratique.

En effet, outre que la cour devrait nécessairement s'interroger sur la possibilité de reconnaître le caractère professionnel éventuel de l'aggravation d'une pathologie qui elle, s'agissant de la composante 'physique' (psoriasis) n'a pas été prise en charge à ce titre à l'origine (et cette décision est définitive) et ne pourrait toujours pas l'être, compte tenu du taux d'incapacité permanente partielle qu'elle engendre (8%), s'agissant d'une maladie hors tableau des maladies professionnelles, il est constant que la seule composante 'psychologique' de la maladie déclarée par M. X... le 14 février 2011 constitue, à elle seule, une IPP de 30%, soit un taux qui a permis qu'elle soit prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.

Il n'est au demeurant pas démontré que la combinaison des deux maladies permettrait d'aboutir à la fixation d'un taux d'IPP de 38%.

Cela étant, il convient d'examiner les demandes présentées par les parties dans le cadre de l'appel du jugement du TASS en date du 19 septembre 2016.

Sur la prise en charge de plein droit de la maladie somatique au titre de la législation professionnelle (dossier 112214754: aggravation du psoriasis)

M. X... soutient que la Caisse ne l'a informé de la nécessité d'un délai d'instruction plus long que plus de trois mois après la déclaration qu'il avait faite de sa maladie le 14 février 2011.

Il est constant que ce n'est que le 7 juin 2011 que M. X... a été informé de cette circonstance.

Pour autant, il résulte des pièces versées aux débats que ce n'est que le 3 mars 2011 que la Caisse a reçu la déclaration de M. X....

La cour doit observer que c'est la déclaration de maladie qui est datée du 14 février, que M.X... ne justifie en aucune manière l'avoir adressée le jour même, que le tampon dateur de la Caisse fait foi sauf élément contraire, lequel n'est aucunement apporté en l'espèce.

En revanche, la Caisse justifie avoir écrit à M. X... le 30 mai 2011, par lettre recommandée avec accusé de réception, pour l'informer d'un délai complémentaire d'instruction.

Cette position de la Caisse a bien été prise dans les trois mois de la déclaration initiale.

La procédure suivie par la Caisse est donc régulière et M. X... doit être débouté de sa demande de prise en charge de plein droit de la maladie somatique (dossier 11224754) au titre de la législation professionnelle.

Pour les raisons indiquées plus haut, cette maladie ne peut, sur le fond, être davantage prise en charge.

Sur la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie psychique (dossier 11224756)

M. X... sollicite de la cour la confirmation du jugement entrepris à cet égard.

La Société ne conclut pas expressément sur ce point, rappelant toutefois que par décision du 3octobre 2012, la CRA a déclaré inopposable à la société Renault le caractère professionnel de l'affection 'souffrance psychique' déclarée le 14 février 2011 par M. X....

La cour ne peut que se référer aux justes motifs retenus pas le premier juge pour 'faire droit à la demande de la CPAM d'entériner l'avis du CRRMP de Normandie' et dire que c'est à bon droit que la Caisse a pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels cette affection.

La décision entreprise est confirmée sur ce point, la cour notant, à toutes fins, que cette décision de la Caisse est effectivement inopposable à la Société, suite à la décision susvisée prise par la CRA de la Caisse.

La cour relève, cependant, que le caractère inopposable de la prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels d'une pathologie n'entraîne pas, de lui-même, que les conséquences de la faute inexcusable de l'employeur, qui serait à l'origine de cette pathologie, ne sauraient être imputées à cet employeur.

Sur la faute inexcusable de la Société Renault

A titre préliminaire, la cour rappelle que c'est au salarié qui l'invoque de démontrer la faute inexcusable de l'employeur.

Sur la reconnaissance de plein droit de la faute inexcusable

M. X... plaide qu'aux termes de l'article L. 4131-4 du code du travail, dès lors qu'a été signalé à l'employeur un risque qui s'est matérialisé, la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur est établie de plein droit.

La Société réfute cette argumentation.

Aux termes de l'article L. 4131-4 du code du travail, dans sa version applicable:

Le bénéfice de la faute inexcusable de l'employeur prévue à l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale est de droit pour le ou les travailleurs qui seraient victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle alors qu'eux-mêmes ou un représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail avaient signalé à l'employeur le risque qui s'est matérialisé.

La cour peut, ici encore, renvoyer aux développements consacrés par le premier juge sur ce point, qui demeurent en tout point pertinents.

En effet, il est de notoriété publique que, au sein de la société Renault, certains pôles d'activité ont connu des difficultés importantes en termes de 'stress au travail', notamment le technocentre de Guyancourt.

Mais pour que les dispositions de l'article susvisé du code du travail trouvent à s'appliquer, il ne suffit pas qu'une situation ait été décrite de façon générale, il faut qu'elle puisse être rattachée directement à la situation particulière du salarié concerné et c'est à ce dernier qu'il appartient d'en rapporter la preuve.

A cet égard, les nombreux éléments soumis par la défense de M. X..., notamment les comptes-rendus de réunions du comité d'entreprise ou du CHSCT, ou les extraits du rapport Technologia, tendent à montrer qu'il a existé un véritable problème de gestion des ressources humaines, plus exactement de la pression au travail, avec pour conséquence l'expression d'une souffrance réelle, laquelle a pu avoir les conséquences graves que l'on sait (suicides).

Mais M. X... ne fait aucun lien entre la situation générale, telle qu'elle est décrite, et son cas particulier. Au demeurant, nombre des éléments qu'il soumet sont postérieurs à la date à laquelle il a pris sa retraite (voir notamment son courrier du 26 février 2009 au CHSCT).

En d'autres termes, la circonstance que la direction de la société Renault aurait dû ne pas ignorer qu'il existait une ambiance délétère au sein de certains de ses établissements ou pôles d'activité ne lui permettait pas de savoir, de ce seul fait, qu'un risque lui avait été signalé, concernant ce salarié, qui s'était matérialisé.

La cour confirmera le jugement qui a débouté M. X... de sa demande de reconnaissance de plein droit de la faute inexcusable de la Société.

Sur la faute inexcusable de la société Renault

La cour précise, à titre liminaire, que, comme le plaide la défense de M. X... et à l'inverse de ce que soutient la Société, il existe une certaine indépendance d'interprétation d'une même situation entre la juridiction prud'homale et la juridiction sociale, même si, s'agissant d'un litige directement lié au travail, la juridiction sociale, qui statue après que la décision prud'homale est devenue définitive, doit en tenir compte.

Il convient ainsi de rappeler les éléments pris en compte par le juge prud'homal.

Ce juge a considéré que la mise à la retraite de M. X... reposait sur un motif discriminatoire (l'âge) et a, en conséquence, considéré le licenciement comme nul, indemnisant M. X..., qui ne demandait pas sa réintégration, à hauteur de 65000euros (nette de CSG-CRDS).

S'agissant des heures supplémentaires, la cour d'appel de céans (autrement composée) a observé que la Société ne contestait pas 'qu'elle devait verser à M. Patrice X... un complément de rémunération du fait des dépassements horaires contractuels fixés effectués pendant les missions effectuées par le salarié en Roumanie au titre de la période de 2004 à 2006 mais affirme qu'elle a, lors de la mise à la retraite de celui-ci, payé l'intégralité des sommes dues (paiement via le compte épargne temps de 180 heures supplémentaires au titre de l'année 2004 et de 492 heures supplémentaires au titre des années 2005 et 2006)' (souligné par la présente cour); que l'arrêt précise ensuite que des discussions ont eu lieu entre les parties, qu'une somme a été arrêtée qui venait s'ajouter au versement d'une somme complémentaire au titre des repos compensateurs, des jours de réduction du temps de travail et de congés supplémentaires sur la période de 2004 à 2006; que M. X... 'n'a plus émis aucune réserve notamment lors de la remise de son solde de tout compte'. M. X... a ainsi été débouté de sa demande au titre des heures supplémentaires.

S'agissant de l'exécution déloyale du contrat de travail, M. X... reprochait à Renault de ne pas lui avoir confié un véritable travail à son retour de Roumanie en juin 2006, ce que la cour a écarté dans son arrêt. Elle a cependant indiqué que M. X... avait été très affecté 'par sa brutale mise à la retraite' et a par ailleurs considéré que 'si M. Patrice X... a fait l'objet pendant plusieurs années, à partir de son embauche, d'une exposition à l'amiante, il convient de relever que la société Renault n'a jamais contesté cette exposition, permettant ainsi à ce salarié de bénéficier dès le 2 juillet 2008 d'une prise en charge et d'un suivi pas la caisse primaire d'assurance maladie' (souligné par la présente cour). L'arrêt conclut 'qu'aucun manquement de la société Renault n'est démontré dans l'exécution du contrat de travail avant la notification de la mise à la retraite'.

Il résulte de ce qui précède qu'il a été retenu que:

. M. X... a effectué de nombreuses heures supplémentaires mais qu'il en a été intégralement payé par l'employeur;

. il n'y a pas eu d'exécution déloyale du contrat de travail;

. M. X... a été exposé à l'amiante et la Société l'a reconnu mais il bénéficie d'un suivi.

La Cour de cassation, saisie par M. X..., a rejeté le pourvoi de ce dernier, en considérant que les juges du fond avaient souverainement apprécié tant la question des heures supplémentaires que celle de l'exécution déloyale du contrat de travail.

La cour de céans considère que M. X... n'est pas fondé à remettre en cause ces constatations, devenues définitives, dans le cadre de la recherche d'une faute inexcusable, dont il faut encore rappeler que c'est à lui de l'établir.

M. X... soutient ainsi qu'il existait une 'organisation du travail anormale (...) et ayant eu des répercussions sur sa santé physique et mentale' (en gras dans l'original des conclusions).

Pour étayer cette affirmation, le salarié fait référence aux conditions dans lesquelles sa mission en Roumanie s'est déroulée et aux nombreuses heures qu'il a dû effectuer.

La cour considère que, contrairement à ce que suggère la Société, la circonstance que M. X... a été réglé de l'intégralité des heures supplémentaires qu'il a effectuées ne lui interdit pas de les alléguer au titre de la faute inexcusable.

Au contraire, il est acquis que non seulement M. X... a effectué des heures supplémentaires: selon l'arrêt susvisé de la cour (autrement composée), 180heures en 2004 et 492 heures en 2005-2006.

La cour de céans ignore sur quelles bases ils ont été déterminés mais ces montants d'heures supplémentaires apparaissent faibles, au regard de la pièce fournie par M.X..., non contestée en tant que telle par la Société, selon laquelle , au 21 janvier 2008, il disposait de 589 jours de 'séances de travail disponibles', dont 560 jours au titre du 'capital temps individuel'.

La Société ne répond rien sur ce point ni, en tout état de cause, sur l'affirmation de M. X... qu'il aurait effectué une moyenne de 104,35heures supplémentaires par mois pendant 26 mois.

Ce nombre d'heures supplémentaires apparaît assez considérable mais ne peut être interprété comme exagéré si on le rapproche des 560 jours de capital temps individuel accumulé.

Il n'importe , ici, que M. X... ait été réglé intégralement des heures supplémentaires effectuées.

Ce qui importe, c'est le risque que fait nécessairement peser sur la santé d'un salarié, quel qu'il soit, un nombre d'heures supplémentaires important non seulement en nombre mais sur la durée.

A suivre M. X..., il aurait effectué environ cinq heures supplémentaires de travail par jour sur des semaines de cinq jours. En fait, compte tenu des explications qu'il fournit, ce temps était réparti sur six, voire sept jours dans la semaine.

Il demeure que, même à supposer que la présentation par M. X... de sa charge de travail soit excessive, il n'est pas acceptable qu'un salarié doive travailler dans de telles conditions.

La faute de la société Renault serait donc acquise.

Encore faut-il qu'un lien puisse être établie entre la circonstance ci-dessus décrite et la maladie.

Or, d'après les écritures de M. X..., la maladie s'est déclenchée en juillet 2007, soit plus d'un an après son retour de Roumanie et alors qu'il n'effectue plus d'heures supplémentaires, ou n'est plus censé en effectuer puisque, selon ses propres termes, il est 'mis au placard' (en gras dans l'original des conclusions) - la cour note ici que les explications de M. X... sont sur ce point contradictoires car, il continue de revendiquer d'avoir accompli un grand nombre d'heures sur cette période également, ce qui ne fait pas de sens: il écrit lui-même 'A l'intensité et la reconnaissance du travail (fut-elle symbolique) a donc succédé le vide, le mépris et le cynisme'.

La maladie, dont la cour admet le caractère psycho-somatique, développée par M. X... ne peut dès lors être considérée comme résultant d'un trop grand nombre d'heures effectuées mais de la 'mise au placard' alléguée.

Or, sur ce point, la démonstration de M. X... n'est pas faite avec la maladie telle que déclarée initialement.

D'une part, la cour de céans ne peut retenir que M. X... aurait été 'mis au placard', dès lors qu'il a été définitivement jugé que la Société n'avait pas exécuté de façon déloyale le contrat de travail.

D'autre part, en juillet 2007, M. X... ne sait pas encore qu'il va être mis à la retraite.

Si la remise des médailles 'Or' et 'Grand Or' du travail le 18 septembre 2007 peut être considérée comme un signe annonciateur - de fait, il sera convoqué dès le lendemain à un entretien préalable en vue de sa mise à la retraite - elle n'intervient que plusieurs mois après.

Enfin, il a certes été définitivement jugé que la mise à la retraite de M. X... relevait de la discrimination. Il serait ainsi aisé d'imaginer que M. X... ait subi une souffrance psychologique importante, de nature à entraîner la lésion constatée, du seul fait d'être mis à la retraite, contre son gré, son départ effectif de l'entreprise devant intervenir en début d'année 2008.

Mais il résulte des document versés aux débats que la maladie déclarée le 13 novembre 2013 l'a été sur la base d'un certificat médical initial en date du 10 novembre 2013, faisant état d'une première constatation de la maladie le 28 août 2007.

Dans ces conditions, il ne peut être établi de lien entre la maladie, dont le caractère professionnel a été reconnu par la Caisse, et une éventuelle faute inexcusable de l'entreprise.

M. X... sera donc débouté de toutes ses demandes à cet égard.

Dès lors, il n'y a pas lieu d'examiner la question d'une éventuelle action récursoire de la Caisse à l'encontre de la société Renault.

Sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

Les circonstances de l'espèce ne justifient pas de condamner la Société à payer à M. X..., ou inversement, une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par décision contradictoire,

Confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts de Seine, en date du 19 septembre 2016, en ce qu'il a:

- débouté M. X... de sa demande de reconnaissance implicite du caractère professionnel de la maladie qu'il a déclarée le 14 février 2011 consistant en aggravation du psoriasis et enregistrée sous le numéro 112214754 ;

- dit qu'à bon droit, la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine avait refusé à M.X... le bénéfice des dispositions de la législation sur les maladies professionnelles au titre de l'affection qu'il a déclarée le 14 février 2011 et enregistrée sous le numéro 112214754, aggravation de psoriasis;

- entériné l'avis du CRRMP de Normandie reconnaissant l'origine professionnelle de la maladie sous son versant souffrances psychiques comme étant essentiellement et directement causée par le travail habituel ;

- dit qu'à bon droit, la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine avait pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels l'affection déclarée par M. X... le 14février 2011 (enregistrée sous le numéro 112214756) et consistant en des souffrances psychiques;

- dit n'y avoir lieu en l'état de provision ;

- sursis à statuer sur la demande d'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

Vu l'évolution du litige, en particulier la décision de la cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, en date du 14 février 2018,

Infirme le jugement entrepris pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Rappelle que la décision de la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts de Seine de prendre en charge la maladie objet du dossier 112214756 est inopposable à la société Renault SAS ;

Déboute M. Patrice X... de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la société RenaultSAS;

Déboute, en conséquence, M. X... de l'ensemble de ses demandes fondées sur une faute inexcusable de la société Renault SAS;

Déboute M. Patrice X... et la société Renault SAS de leur demande respective d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

Rappelle que la présente procédure est exempte de dépens;

Déboute les parties de toute autre demande plus ample ou contraire;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Madame Florence Purtas, Greffiers, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 16/05169
Date de la décision : 24/05/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 05, arrêt n°16/05169 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-05-24;16.05169 ?
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