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24/05/2018 | FRANCE | N°16/04095

France | France, Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 24 mai 2018, 16/04095


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 58C



3e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 24 MAI 2018



N° RG 16/04095





AFFAIRE :





SA ORADEA VIE



C/



Jean-Michel X...

...





Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 08 Avril 2016 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 6

N° RG : 13/08281







Expéditions exécutoires
r>Expéditions

Copies

délivrées le :





à :

Me Anne-laure Y...

Me Nicolas Z... A... de la SCP Z... A... & FERON-POLONI





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT QUATRE MAI DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt sui...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 58C

3e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 24 MAI 2018

N° RG 16/04095

AFFAIRE :

SA ORADEA VIE

C/

Jean-Michel X...

...

Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 08 Avril 2016 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 6

N° RG : 13/08281

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Anne-laure Y...

Me Nicolas Z... A... de la SCP Z... A... & FERON-POLONI

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT QUATRE MAI DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:

SA ORADEA VIE

N° SIRET : 430 435 669

[...]

[...]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Anne-laure Y..., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 - N° du dossier 41866

Représentant : Me Corinne CUTARD, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1693

APPELANTE

****************

1/ Monsieur Jean-Michel X...

né le [...] à PAU (64000)

de nationalité Française

'Le Moulin'

[...]

2/ Madame Jocelyne X... née B...

née le [...] [...]

de nationalité Française

'Le Moulin'

[...]

Représentant : Me Nicolas Z... A... de la SCP Z... A... & FERON-POLONI, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0187

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 Mars 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique BOISSELET, Président,

Madame Françoise BAZET, Conseiller,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Maguelone PELLETERET,

FAITS ET PROCÉDURE

Le 23 mars 2004, M. et Mme X... ont adhéré à deux contrats d'assurance vie Philarmonis auprès de la société Oradea Vie, à date d'effet du 8 avril 2004, pour un montant respectif de 45.000 euros s'agissant du contrat de M. X... et 125.000 euros s'agissant du contrat de Mme X....

Par lettres recommandées avec accusé de réception en date du 22 novembre 2012, reçues le 23 novembre, M. et Mme X... se sont prévalus de la faculté de renoncer aux contrats d'assurance vie et ont demandé à la société Oradea Vie de leur restituer les sommes versées, soit 45.000 et 125.000 euros respectivement. L'assureur n'a pas fait droit à leur demande.

Le 1er juillet 2013, M. et Mme X... ont fait assigner la société Oradea Vie devant le tribunal de grande instance de Nanterre afin de la voir condamnée à leur restituer les sommes investies et à leur verser des dommages-intérêts.

Par jugement du 8 avril 2016 le tribunal a :

condamné la SA Oradea Vie à payer à M. X... la somme de 45.000 euros assortie des intérêts au taux légal majoré de moitié du 23 décembre 2012 au 23 février 2013, puis au double de ce taux,

condamné la SA Oradea Vie à payer à Mme X... la somme de 125.000 euros assortie des intérêts au taux légal majoré de moitié du 23 décembre 2012 au 23 février 2013, puis au double de ce taux,

ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière à compter du 1er juillet 2014,

condamné la société Oradea Vie à payer à M. et Mme X... la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

ordonné l'exécution provisoire,

rejeté toutes autres demandes.

Le 1er juin 2016 la société Oradea Vie a interjeté appel de la décision et, aux termes de conclusions du 2 mars 2018, demande à la cour de :

infirmer le jugement rendu en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. X... la somme de 45.000 euros avec intérêts de retard au taux légal majoré de moitié du 23 décembre 2012 au 23 février 2013, puis au double de ce taux légal et à payer à Mme X... la somme de 125.000 euros avec intérêts de retard au taux légal majoré de moitié du 23 décembre 2012 au 23 février 2013, puis au double de ce taux légal,

infirmer le jugement rendu en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière à compter du 1er juillet 2014,

infirmer le jugement rendu en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. et Mme X... la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,

confirmer le jugement rendu en ce qu'il a rejeté toutes les autres demandes de M. et Mme X...,

infirmer le jugement rendu en ce qu'il a rejeté sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamner M. et Mme X... à lui payer la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance en application de l'article 700 du code de procédure civile,

juger mal fondés M et Mme X... en toutes leurs demandes, fins et conclusions,

les débouter de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

condamner en cause d'appel M. et Mme X... à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

Par dernières écritures du 6 mars 2018 M. et Mme X... demandent à la cour de :

confirmer le jugement dont appel sauf en ce qu'il les a déboutés de leur demande de condamnation de la société Oradea Vie au paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive,

juger que c'est à bon droit qu'ils ont renoncé à leurs contrats Philarmonis par lettres recommandées avec demande d'avis de réception le 22 novembre 2012 réceptionnées le 23 novembre 2012,

en conséquence, condamner la société Oradea Vie à restituer à M. X... la somme totale de 45.000 euros à titre principal, à restituer à Mme X... la somme totale de 125.000 euros à titre principal, à payer sur cette somme principale les intérêts de retard tels que prévus par l'article L. 132-5-1 du code des assurances, à savoir calculés au taux de l'intérêt légal majoré de moitié à compter du 23 décembre 2012 jusqu'au 23 janvier 2013, puis à partir de cette date, au double du taux légal, dire que les intérêts échus produiront eux-mêmes intérêts à compter de la signification de l'acte introductif d'instance,

condamner la société Oradea Vie à leur payer une somme de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

condamner la société Oradea Vie à leur payer la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens avec recouvrement direct.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions notifiées aux dates mentionnées ci-dessus, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 mars 2018.

SUR QUOI, LA COUR :

Le tribunal a retenu que l'absence d'un projet de lettre de renonciation dans la demande d'adhésion constituait un manquement aux obligations imposées par l'article L.132-5-1 du code des assurances et suffisait à elle seule à entraîner de plein droit la prorogation du délai de renonciation jusqu'au 30ème jour suivant la remise des documents, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs soulevés par les consorts C.... Il a en conséquence jugé qu'ils avaient valablement exercé leur faculté de rétractation par lettre recommandée des 8, 11 et 14 juin 2013.

Il a ajouté qu'en outre, l'exercice de la faculté de renonciation, ouverte de plein droit pour sanctionner le défaut de remise à l'assuré des documents et informations énumérés par le texte précité dans sa rédaction applicable au litige, était discrétionnaire pour l'assuré, dont la bonne foi n'était pas requise.

A titre principal, la société Oradea Vie fait valoir que les circonstances dans lesquelles M et Mme X... en sont venus à tenter d'exercer tardivement leur droit à renonciation sont révélatrices de leur mauvaise foi puisqu'ils se plaignent d'un défaut d'information datant de mars 2004 et ont attendu le mois de novembre 2012 pour l'évoquer, après avoir exécuté les contrats par un important versement complémentaire, de nombreux arbitrages au cours des années 2006 et 2011 et reçu des informations régulières sans manifester la moindre réaction. Elle ajoute que M et Mme X... étaient informés dès l'origine de la nature des actifs composant le support choisi et du risque financier, en sorte que l'exercice de leur droit de renonciation est incompatible avec la loyauté contractuelle. Elle indique que la valeur du contrat d'assurance sur la vie qu'ils ont choisi ne s'étant pas valorisée, contrairement à leurs attentes, mais ayant diminué en raison d'un contexte boursier défavorable, ils ne peuvent refuser d'assumer les conséquences des choix financiers qu'ils ont faits.

A titre subsidiaire, l'appelante indique que l'exercice discrétionnaire de la faculté de renonciation comme une sanction automatique en l'absence d'un contrôle de proportionnalité et d'un rôle modérateur du juge porterait atteinte à ses biens, violant ainsi l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

A titre très subsidiaire, elle soutient qu'elle a remis aux M et Mme X... une note d'information qui portait bien sur les dispositions essentielles du contrat, les rares informations supplémentaires y figurant par rapport à la lettre de l'article A 132-4 du code des assurances n'ayant pas nui à leur information, et que, plus généralement, elle leur a fourni toutes les informations prévues par le code des assurances.

M et Mme X... font valoir notamment':

que le document qui leur a été communiqué sous le titre de 'note d'information', comprend à la fois les dispositions essentielles du contrat mais également ses dispositions secondaires, et regroupe en réalité la note d'information et les conditions générales du contrat, contrairement aux prescriptions de L 132-5-1 du code des assurances,

à titre subsidiaire, si la cour devait considérer que le fait que le document en cause contienne les conditions générales n'empêche pas de le qualifier de note d'information, qu'en tout état de cause, cette 'note d'information' ne comporte pas toutes les informations dues dès lors que n'y figurent pas :

la communication conforme des 'délais et modalités' d'exercice de la faculté de renonciation,

les indications générales relatives au régime fiscal,

l'énumération des valeurs de référence et la nature des actifs entrant dans leur composition,

les formalités de transfert,

le taux d'intérêt garanti et la durée de cette garantie,

les indications de garantie, de fidélité, des valeurs de réduction et des valeurs de rachat,

l'information sur le sort de la garantie décès en cas de renonciation,

la mention sur le risque prévue par l'article A 132-5 du code des assurances.

Ils ajoutent enfin que de nombreuses informations qui figurent dans la prétendue 'note d'information' qui leur a été remise ne relèvent pas de l'article A 132-4 du code des assurances.

Ils en déduisent que les conditions d'exercice de leur droit de renonciation sont bien réunies au regard des manquements de l'assureur à son obligation d'information.

Ils indiquent que la jurisprudence issue des quatre arrêts de la Cour de cassation du 19 mai 2016 est contra legem, qu'elle occulte la particularité du droit des assurances et qu'elle est contraire au droit communautaire. Subsidiairement, ils rappellent que la société Oradea Vie ne démontre ni leur mauvaise foi, ni un quelconque abus dans l'exercice de leur droit de renonciation. Ils observent qu'il appartient à l'assureur de démontrer que l'assuré était au moment de la souscription du contrat mieux informé que l'assureur lui-même du manquement par ce dernier à son obligation d'information et qu'il n'aurait souscrit le contrat qu'en considération de la possibilité d'y renoncer ultérieurement. Ils rappellent enfin que l'abus de droit suppose l'intention de nuire, laquelle n'est nullement prouvée, et que c'est la seule défaillance de l'assureur, et non la leur, dans le respect de son obligation d'information qui les a amené à se prévaloir de sa faculté de renonciation, sans la détourner de sa finalité.

***

Sur les manquements à l'obligation d'information

Aux termes de l'article L 132-5-1 du code des assurances, dans sa rédaction applicable au présent litige (contrats souscrits du 1/01/1994 au 1er mars 2006) :

Toute personne physique qui a signé une proposition d'assurance ou un contrat a la faculté d'y renoncer par lettre recommandée avec demande d'avis de réception pendant le délai de trente jours à compter du premier versement.

La proposition d'assurance ou de contrat doit comprendre un projet de lettre destiné à faciliter l'exercice de cette faculté de renonciation. Elle doit indiquer notamment, pour les contrats qui en comportent, les valeurs de rachat au terme de chacune des huit premières années au moins. L'entreprise d'assurance ou de capitalisation doit, en outre, remettre, contre récépissé, une note d'information sur les dispositions essentielles du contrat, sur les conditions d'exercice de la faculté de renonciation, ainsi que sur le sort de la garantie décès en cas d'exercice de cette faculté de renonciation. Le défaut de remise des documents et informations énumérés au présent alinéa entraîne de plein droit la prorogation du délai prévu au premier alinéa jusqu'au trentième jour suivant la date de remise effective de ces documents.

Le contenu de la note d'information est précisé par le modèle annexé à l'article A-132-4 du code des assurances, l'annexe figure dans l'Arrêté du 21 juin 1994 relatif à la note d'information des contrats d'assurance vie et de capitalisation et est reproduit ci-dessous :

A N N E X E

ENTREPRISE CONTRACTANTE

(dénomination et forme juridique)

......................................................

ADRESSE

(du siège social

et, le cas échéant, de la succursale

et nom de l'Etat membre)

......................................................

......................................................

Note d'information

1° Nom commercial du contrat.

2° Caractéristiques du contrat:

a) Définition contractuelle des garanties offertes;

b) Durée du contrat;

c) Modalités de versement des primes;

d) Délai et modalités de renonciation au contrat, sort de la garantie décès en cas de renonciation;

e) Formalités à remplir en cas de sinistre;

f) Précisions complémentaires relatives à certaines catégories de contrats: - contrats en cas de vie ou de capitalisation: frais et indemnités de rachat prélevés par l'entreprise d'assurance;

- autres contrats comportant des valeurs de rachat: frais prélevés en cas de rachat;

- capital variable: énumération des valeurs de références et nature des actifs entrant dans leur composition;

- contrat groupe: formalités de résiliation et de transfert;

g) Information sur les primes relatives aux garanties principales et complémentaires lorsque de telles informations s'avèrent appropriées;

h) Précision quant à la loi applicable au contrat lorsque celle-ci n'est pas la loi française et indications générales relatives au régime fiscal.

3° Rendement minimum garanti et participation:

a) Taux d'intérêt garanti et durée de cette garantie;

b) Indications des garanties de fidélité, des valeurs de réduction et des valeurs de rachat; dans le cas où celles-ci ne peuvent être établies exactement au moment de la souscription, indication du mécanisme de calcul ainsi que des valeurs minimales;

c) Modalités de calcul et d'attribution de la participation aux bénéfices.

4° Procédure d'examen des litiges:

Modalités d'examen des réclamations pouvant être formulées au sujet du contrat.

Existence, le cas échéant, d'une instance chargée en particulier de cet examen.

Aux termes de l'article A132-5, dans sa rédaction applicable à la date des contrats litigieux : 'pour les contrats qui relèvent des catégories 8 et 9 définies à l'article A. 344-2, l'information sur les valeurs de rachat au titre des garanties exprimées en unités de compte prévue par l'article L. 132-5-1 est donnée en nombre d'unités de compte. Ce nombre doit tenir compte des prélèvements effectués à quelque titre que ce soit sur la provision mathématique du contrat. Cette information est complétée par l'indication en caractères très apparents que l'assureur ne s'engage que sur le nombre d'unités de compte, mais pas sur leur valeur, et que celle-ci est sujette à des fluctuations à la hausse ou à la baisse. Elle est également complétée par l'indication des modalités de calcul du montant en francs de la valeur de rachat'.

Le document intitulé 'note d'information' qui a été remis à M et Mme X... se compose de 8 pages.

La société Oradea Vie nie qu'il s'agisse en réalité des conditions générales du contrat, mais force est de constater qu'elle ne verse pas celles-ci aux débats en sorte qu'il ne saurait être affirmé que le contenu de la note d'information est distinct des conditions générales.

L'assureur indique d'ailleurs lui-même que cette note contient plus d'informations que ne le prévoit l'article A 132-4 du code des assurances puisqu'y figurent des renseignements sur la prescription, les arbitrages, les avances et l'information annuelle.

Il en résulte que ce document intitulé 'note d'information' contient des informations autres que celles limitativement prévues par le modèle annexé à l'article A 132-4 du code des assurances notamment sur les avances, l'arbitrage, l'information annuelle et la prescription ce qui altère la compréhension et la clarté de l'information légalement requise.

Au surplus, en insérant un projet de lettre de renonciation dans la note d'information, la société Oradea Vie n'a pas respecté les dispositions de l'article L132-5-1 du code des assurances qui veut que le projet figure dans la proposition d'assurance matérialisée par le bulletin d'adhésion, seul document qui porte la signature de l'assuré.

Le défaut de remise à M et Mme X... d'une note d'information non conforme aux prescriptions légales a entraîné la prorogation de plein droit du délai de renonciation.

Sur l'exercice du droit de rétractation

Aux termes des arrêts de la Cour de cassation du 19 mai 2016, il est désormais de principe que si la faculté prorogée de renonciation prévue par l'article L 132-5-2 du code des assurances en l'absence de respect, par l'assureur, du formalisme informatif qu'il édicte, revêt un caractère discrétionnaire pour le preneur d'assurance, son exercice peut dégénérer en abus. La Cour a précisé que 'ne saurait être maintenue la jurisprudence initiée par les arrêts du 7 mars 2006, qui, n'opérant pas de distinction fondée sur la bonne ou la mauvaise foi du preneur d'assurance, ne permet pas de sanctionner un exercice de cette renonciation étranger à sa finalité et incompatible avec le principe de loyauté qui s'impose aux contractants'.

L'introduction d'un contrôle de l'absence d'abus de droit dans l'exercice du droit de renonciation n'est contraire ni au droit des assurances, ni au droit communautaire. Si les intimés considèrent que ce contrôle va priver le dispositif prévoyant la prorogation du délai de renonciation de toute efficacité en lui retirant son automaticité, ils ne démontrent aucunement en quoi ledit contrôle constituerait une violation des textes du code des assurances. S'agissant du droit communautaire, la réglementation ne comporte aucune disposition spécifique prévoyant une sanction en cas de violation de l'obligation d'information et renvoie sur ce point aux réglementations nationales (article 36 de la directive 2002/83 CE et de son annexe III), de sorte qu'il incombe aux Etats membres de prendre toutes mesures propres à garantir la portée et l'effectivité du droit communautaire dans les conditions de fond et de procédure conférant à la sanction un caractère effectif, proportionné et dissuasif, la finalité de cette directive étant de veiller à garantir au preneur d'assurance le plus large accès aux produits d'assurance en lui assurant, pour profiter d'une concurrence accrue dans le cadre d'un marché unique de l'assurance, les informations nécessaires pour choisir le contrat convenant le mieux à ses besoins. Dans ces conditions, l'introduction de l'appréciation, par le juge, de la loyauté des assurés et de l'absence d'abus dans le cadre de l'exercice du droit de renonciation ne contrevient pas au droit communautaire.

Ainsi, le droit de renonciation demeure une faculté discrétionnaire, dont l'exercice n'est subordonné à aucun motif, mais n'est plus une prérogative dont l'exercice est insusceptible d'abus. Doit être sanctionné un exercice de la renonciation étranger à sa finalité et incompatible avec le principe de loyauté qui s'impose aux contractants.

L'abus de droit est le fait pour une personne de commettre une faute par le dépassement des limites d'exercice d'un droit qui lui est conféré, soit en le détournant de sa finalité, soit dans le but de nuire à autrui.

Contrairement à ce que soutiennent les intimés, il n'est donc nul besoin de faire la démonstration de l'intention de nuire de l'assuré, pas plus qu'il n'est nécessaire d'examiner si une intention maligne existait dès la souscription du contrat, l'abus dans l'exercice d'un droit s'appréciant lorsqu'il en est fait usage, en fonction de divers éléments dont certains peuvent être contemporains de la conclusion du contrat.

C'est à la date de souscription du contrat que s'apprécie le contenu de l'information due par l'assureur.

La charge de la preuve de la déloyauté des souscripteurs et de l'abus de droit dans l'exercice du droit de renonciation pèse sur l'assureur.

La cour doit rechercher, au regard de la situation concrète du souscripteur, de sa qualité d'assuré averti ou profane et des informations dont il disposait réellement, quelle était la finalité de l'exercice de son droit de renonciation et s'il n'en résultait pas l'existence d'un abus de droit.

Il convient de rappeler les termes des lettres de renonciation que M et Mme X... ont adressées à l'assureur : je suis extrêmement mécontent des conditions de mon adhésion à ce contrat. J'ai constaté que vous n'aviez pas respecté votre obligation précontractuelle d'information telle que prévue par les article L 132-5-1 et A 132-4 du code des assurances. J'ai en effet relevé que je n'ai jamais eu communication des éléments d'information suivants :

- la note d'information telle que visée à l'article L 312-5-1 du Code des Assurances

- un projet de lettre de renonciation dans la demande d'adhésion

- les valeurs de rachat de chacune des huit premières années au moins, dans la proposition d'assurance

- les conditions d'exercice de la faculté de renonciation dès lors qu'il n'est nullement indiqué que le délai de renonciation est prorogé en cas de modifications entre le contrat et l'offre originelle.

Dans leurs écritures, il exposent qu'ils ont été 'insuffisamment informés' compte tenu notamment des quatre manquements déjà cités auxquels ils ont ajouté 'la non conformité de la mention sur le risque lié au contrat'.

Il convient de préciser que contrairement à ce qu'ils soutiennent, le tableau relatif aux valeurs de rachat sur huit années et la mention sur le risque n'ont pas à figurer dans le bulletin d'adhésion, mais seulement dans la note d'information.

Il a été jugé plus haut que la note d'information ne répondait effectivement pas aux exigences légales s'agissant de son contenu, puisqu'y figuraient des informations supplémentaires par rapport à celles prévues, et force est de constater qu'une des informations essentielles qui doit être impérativement transmise, à savoir celle relative au risque de perte financière ne l'a pas été dans des conditions qui permettent de considérer qu'elle a bien été intégrée par les souscripteurs.

En effet, si la phrase 'l'assureur ne s'engage que sur le nombre d'unités de compte, mais pas sur leur valeur, et que celle-ci est sujette à des fluctuations à la hausse ou à la baisse', a été mentionnée en caractères gras en page 4 de la note d'information, compte tenu du nombre de pages la composant et du fait que bien d'autres mentions figurent également en caractères gras, cette information essentielle qui doit apparaître en caractères très apparents ne peut être considérée comme ayant été valablement donnée.

Par ailleurs, M et Mme X... sont des profanes, la circonstance qu'ils aient procédé à quelques rachats ne suffit pas pour les qualifier de personnes averties et le fait qu'ils aient attendu de nombreuses années pour renoncer à leurs contrats alors en perte ne permet pas à lui seul de caractériser leur déloyauté dans l'exercice du droit de renonciation.

Dans ce contexte et alors qu'il a été constaté qu'ils ne disposaient pas d'une information essentielle sur les caractéristiques de leurs investissements et qu'il n'est donc pas établi qu'ils avaient parfaitement conscience des risques et avantages de ceux-ci, il n'est pas établi qu'ils aient commis un abus de droit en y renonçant.

Leurs demandes sont donc bien fondées s'agissant de la restitution des sommes investies, augmentées des intérêts de retard, avec capitalisation ainsi que l'a jugé le tribunal.

C'est par de justes motifs que la cour adopte que le tribunal a débouté M et Mme X... de leurs demandes de dommages-intérêts pour résistance abusive.

La décision des premiers juges sera également confirmée s'agissant du sort des dépens et frais irrépétibles.

La société Oradea Vie qui succombe en appel sera condamnée aux dépens y afférents.

Elle versera en outre la somme de 2.000 euros à M et Mme X... au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Y ajoutant :

Condamne la société Oradea Vie aux dépens d'appel lesquels pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne la société Oradea Vie à payer à M. et Mme X... la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 16/04095
Date de la décision : 24/05/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 03, arrêt n°16/04095 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-05-24;16.04095 ?
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