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22/05/2018 | FRANCE | N°17/01874

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 22 mai 2018, 17/01874


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre







ARRÊT N° 00315



CONTRADICTOIRE



DU 22 MAI 2018



N° RG 17/01874







AFFAIRE :



SAS MAZARS



C/



[X] [F] [A]









Sur le contredit formé à l'encontre d'un Jugement rendu le 19 Janvier 2017 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

N° RG : 11/00086







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Copies exécutoires délivrées le 23 mai 2018 à :

- Me Emmanuelle BARBARA

- Me François CONUS





Copies certifiées conformes délivrées le 23 Mai 2018 à :

- la SAS MAZARS

- M. [X] [F] [A]









RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





LE VINGT DEUX MAI DE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRÊT N° 00315

CONTRADICTOIRE

DU 22 MAI 2018

N° RG 17/01874

AFFAIRE :

SAS MAZARS

C/

[X] [F] [A]

Sur le contredit formé à l'encontre d'un Jugement rendu le 19 Janvier 2017 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

N° RG : 11/00086

Copies exécutoires délivrées le 23 mai 2018 à :

- Me Emmanuelle BARBARA

- Me François CONUS

Copies certifiées conformes délivrées le 23 Mai 2018 à :

- la SAS MAZARS

- M. [X] [F] [A]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX MAI DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SAS MAZARS

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Emmanuelle BARBARA de la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0438

DEMANDEUR AU CONTREDIT

****************

Monsieur [X] [F] [A]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Comparant en personne, assisté de Me François CONUS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0938

DEFENDEUR AU CONTREDIT

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue en audience publique le 14 Novembre 2017, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,

Madame Sylvie BORREL, Conseiller,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Rachida HAMIDI,

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur [X] [F] [A] (M. [A]) a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 1er octobre 2007 par la société HEMMELRATH & PARTNERS GMBH, société allemande de conseil juridique et fiscal. Il a été embauché en qualité de conseiller senior fiscalité par cette société, localisée à [Localité 3] pour une rémunération fixe annuelle brute de 290 400 euros, complétée d'un bonus lié à sa performance.

Auparavant, par lettre du 27 juin 2007, M. [E], membre du conseil de gérance de la société coopérative à responsabilité limitée MAZARS SCRL, immatriculée à Bruxelles, avait confirmé à M. [A], son retour à [Localité 4] pour la saison 2007/2008 avec installation à [Localité 4] dans le but de développer une expertise fiscale pour toute clientèle notamment liée aux relations franco- allemandes. Cette lettre précisait qu'une équipe de spécialistes serait constituée pour ce faire à partir de celle déjà présente au sein du cabinet [U], [T] & Associés.

Le 1er janvier 2008, il a alors été conclu un contrat de détachement entre M. [A] et la société HEMMELRATH & PARTNERS GMBH, au bénéfice de la société d'avocats [U], [T] & Associés, devenue la Selas MARCCUS PARTNERS, (puis MARCAN), située à [Localité 4], pour y exercer les fonctions de juriste et de directeur général, M. [A] était inscrit comme avocat au barreau de Paris.

Le contrat de détachement prévoyait une période de détachement expirant au 31 décembre 2010. Pendant le détachement, M. [A] a été contractuellement considéré comme demeurant employé de la société HEMMELRATH & PARTNER GmbH avec les mêmes conditions de rémunération que celles prévues à son contrat travail initial sauf un complément de prime d'« impatriation » de 72 600 euros.

Pendant son détachement, il a travaillé en qualité d'associé et de directeur général de la Selas MARCCUS PARTNER, intégrée au réseau MAZARS à cette occasion il a entretenu une activité professionnelle avec la société MAZARS SA .

La société MAZARS SA est un cabinet d'expertise comptable, de commissariat aux comptes et d'audit financier, soumise à la convention collective des experts-comptables et commissaires aux comptes, ayant son siège social à [Localité 5]. Cette société est une entité du groupe MAZARS lequel est constitué sous la forme d'une société coopérative à responsabilité limitée, précédemment citée, située en Belgique et dénommée SCRL MAZARS. Cette dernière n'a pas d'activité professionnelle propre. Ses missions consistent à promouvoir et protéger la marque MAZARS à travers le monde, à définir les objectifs stratégiques de l'organisation du groupe MAZARS et à coordonner leur mise en 'uvre au niveau des entités de chaque pays.

Le 20 décembre 2010, M. [A], considérant avoir comme co-employeurs la société HEMMELRATH & PARTNERS GMBH, la Selas MARCCUS PARTNER et la société MAZARS SA, a pris acte de la rupture de son contrat travail aux torts de cette dernière ( la société MAZARS SA ) en ces termes :

« '. Je considère avoir comme co-employeurs Hemmel Rath & Partners mais principalement Marccus Partners et Mazars SA, ces deux dernières sociétés étant celles avec lesquelles j'ai des relations professionnelles et hiérarchiques très fortes et dans les locaux desquelles j'ai un bureau.

Les divergences de visions stratégiques qui se sont illustrées depuis plus de 18 mois entre Mazars et moi sur le développement du Tax, rendent comme tu le sais très bien la poursuite des activités au sein du groupe Mazars difficile à imaginer. Je ne partage clairement pas la vision de Mazars sur le développement de ces activités de manière totalement intégrée à la société d'Audit et pense qu'il faudra tirer des conclusions rapides '.

Après m'avoir demandé de venir en France, à partir du 1er janvier 2008 (ton courrier du 27 juin 2007) pour développer les activités fiscales sans condition de durée et m'avoir fait déménager d'Allemagne vers la France, je constate que le prolongement de mon contrat de détachement ou la poursuite de mes activités en France ne m'a jamais été proposé.

Aucun poste de quelque nature que ce soit ne m'a été proposé à ce jour, et ce le 20 décembre alors que mon contrat de détachement arrive à échéance le 31 décembre de cette année...

Le renouvellement de mon contrat de détachement n'a jamais été envisagé sérieusement ce qui ressort de l'absence de proposition de contrat, de mon renouvellement de mon E101, et du silence total de Marccus et de Mazars sur ce point.

Symétriquement, aucune information n'a été donnée sur mon retour en Allemagne au sein de la société Hemmelrath & Partners, aucun lieu de travail ne m'a été communiqué jusqu'au 20 décembre, aucun poste précis ne m'a été proposé....

J'ajoute et c'est encore plus choquant, que ma secrétaire a reçu des instructions ces derniers jours pour mettre à mon insu l'ensemble de mes dossiers en cours, papiers et documents divers qui étaient dans et sur mon bureau à la [Adresse 1] chez Mazars dans des cartons pour faire la place à mon successeur... Pour couronner le tableau de ces man'uvres vexatoires et humiliantes dont le but est de me déstabiliser, la prime du mois de décembre 2010 mais prévue contractuellement dans mon contrat de détachement sans condition particulière ne m'a pas été versée par Marccus Partners, ce qui constitue une nouvelle violation de mon contrat de détachement par Marccus Partners dont il conviendra d'assumer les conséquences.

Marccus Partners et Mazars n'ont donc jamais envisagé de renouveler mon contrat de détachement en France et la poursuite de mes activités en France. Ces sociétés souhaitaient simplement me dégoûter, me faire craquer et me pousser à la démission en ne me donnant aucune visibilité sur mon avenir, mon lieu de travail, mes conditions de travail à partir de janvier 2011. Le silence prémédité de ces sociétés avait pour seul objectif de me contraindre à la démission de mon emploi salarié en créant un contexte de grande incertitude et de précarité....

Au regard de ce qui précède, je constate l'impossibilité de poursuivre l'exécution de mon contrat travail en France avec Mazars SA et prend acte de la rupture de mon contrat travail à l'initiative de Mazars SA uniquement'.»

Le 30 décembre 2010 par courriel, Monsieur [T], associé et président de la Selas MARCCUS PARTNERS a informé M. [A] de ce qu'il devait reprendre son activité en Allemagne dès le 1er janvier 2011 et par courriel du 2 janvier 2011 il a réitéré le non-renouvellement du détachement.

Le 4 janvier 2011, M. [A] a saisi le bâtonnier des Hauts-de-Seine sur les manquements déontologiques à la rupture de son contrat travail allégué et sur le maintien de ses droits d'associé au sein de la Selas MARCCUS PARTNERS.

Le 13 janvier 2011, M. [A] a également saisi le conseil de prud'hommes de NANTERRE, afin de reconnaître sa compétence pour juger de sa qualité de salarié de la société MAZARS SA, de requalifier en contrat travail sa relation avec la société MAZARS SA et par conséquent, de dire que la rupture de son contrat travail doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société MAZARS SA aux sommes suivantes :

- 195 050 € brut au titre d'arriérés de salaire pour l'exercice 2009/2010,

- 26 500 € brut au titre de congés payés pour l'exercice 2009/2010,

- 71 000 € au titre d'arriérés de salaire pour l'exercice 2010/2011,

- 13 600 € brut au titre de congés payés pour l'exercice 2010/2011,

- 441 999 € net à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 23 941 € net à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 110 499 € brut à titre d'indemnité préavis,

- 11 049,90 € brut au titre des congés payés sur préavis,

- 220 998 € net en réparation du préjudice distinct,

- 50 000 € net en réparation de la dissimulation travail,

- 50 000 € net en réparation prennent man'uvre illicite,

- 1 000 € net au titre de l'absence d'établissement d'un contrat travail écrit,

- 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dépens.

La société SA MAZARS a soulevé, in limine litis, l'exception d'incompétence matérielle du conseil de prud'hommes de NANTERRE au profit de M. le Bâtonnier des Hauts de Seine. Elle a sollicité qu'il soit jugé que les incompatibilités qui existent entre le statut d'avocat et le statut de salarié d'un cabinet d'audit rendent sans fondement les demandes ; qu'il soit constaté l'absence de tout lien de subordination entre la société SA MAZARS et M. [A] et donc l'absence de tout contrat travail ; qu'il soit constaté l'absence de prêt de main-d''uvre à but lucratif et à titre exclusif ; qu'il soit jugé que les éléments matériels et intentionnels, constitutifs du délit de travail dissimulé ne sont pas réunis, en conséquence débouter le demandeur de la totalité de ses prétentions.

Le 14 janvier 2011, le bâtonnier a demandé à la Selas MARCCUS PARTNERS de reconduire pendant une durée limitée le contrat de détachement dans l'attente de la désignation d'une juridiction compétente pour trancher les différentes difficultés.

Le 18 janvier 2011, la Selas MARCCUS PARTNERS a refusé cette solution, au motif que le contrat de détachement avait pris fin le 31 décembre 2010 et rappelant, par ailleurs, que M. [A] avait débauché deux départements entiers (un tiers des effectifs) du cabinet MARCCUS PARTNERS au profit du cabinet d'avocats LEFEVRE PELLETIER.

Le 2 mars 2011, M. [A] a démissionné de la société HEMMELRATH & PARTNERS GMBH

Le 23 décembre 2010, la Selas MARCCUS PARTNERS a saisi Monsieur le bâtonnier des Hauts- de-Seine d'une demande d'arbitrage à propos de ce débauchage.

Par sentence du 4 septembre 2012, Monsieur le bâtonnier des Hauts-de-Seine a considéré l'action en concurrence déloyale mal fondée, évoquant, notamment, l'insatisfaction des retrayants au sein de la Selas MARCCUS PARTNERS exprimée antérieurement au 16 mars 2010. M. [A] a été néanmoins condamné pour manquement à son obligation de loyauté n'ayant annoncé sa démission que le 10 décembre 2010 alors qu'il avait arrêté sa décision depuis le mois d'octobre 2010. À titre reconventionnel, M. [A] a sollicité divers rappels de salaires à l'encontre de la Selas MARCCUS PARTNERS en sa qualité d'associé - et non de salarié - notamment au titre d'un bonus, de sa prime d'impatriation, de sa rémunération de base et de congés payés. L'arbitre y a fait droit partiellement. Il a ordonné à la Selas MARCCUS PARTNERS de racheter les 12 250 actions détenues par M. [A] et a débouté ce dernier de sa demande de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral.

Le 26 septembre 2012, la société Selas MARCCUS PARTNERS a formé appel contre la sentence.

Par un arrêt rendu le 21 janvier 2015, la cour d'appel de Paris a infirmé la sentence d éférée sur le manquement à l'obligation de loyauté retenue contre M. [A] considérant que dans le contexte ce manquement n'était pas avéré. La cour a confirmé la sentence sur les autres points, en particulier sur les demandes de rappels de salaires et avantages liés à l'activité d'associé. La cour a précisé, à propos de certaines demandes de rappel de congés payés, de frais non remboursés et de charges sociales non payées, qu'il n'était pas établi qu'elles correspondent à la contrepartie de la qualité d'associé et non à celle de salarié.

Par jugement de départage du 19 janvier 2017, le conseil de prud'hommes de NANTERRE a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société MAZARS SA au profit de Monsieur le bâtonnier des Hauts-de-Seine et dit que le conseil de prud'hommes de Nanterre était compétent et a renvoyé les parties devant la formation de jugement.

Le 3 février 2017, la société MAZARS SA a formé contredit du jugement du 19 janvier 2017.

Par écritures visées par le greffe, la société MAZARS SA sollicite de la cour :

- de recevoir le contredit et le dire bien-fondé,

- dire que le conseil de prud'hommes de NANTERRE est matériellement incompétent pour connaître de la demande formée par M. [A] aux fins de voir reconnaître l'existence d'un contrat travail avec la société MAZARS SA et d'examiner ses demandes subséquentes,

en conséquence, infirmer le jugement entrepris et renvoyer l'affaire devant Monsieur le bâtonnier des Hauts-de-Seine,

À titre subsidiaire, si la cour estimait la juridiction prud'homale compétente, la société MAZARS SA prie la cour de :

- juger que les incompatibilités qui existent entre le statut d'avocat et le statut salarié d'un cabinet d'audit rendent sans fondement les demandes de M. [A],

- constater l'absence de tout lien de subordination entre la société MAZARS SA et M. [A] et en conséquence constater l'absence de tout contrat travail,

- constater l'absence de prêt de main-d''uvre à but lucratif et à titre exclusif,

- juger que les éléments matériels et intentionnels constitutifs du délit de travail dissimulé ne sont pas réunis,

et, débouter M. [A] de l'ensemble de ses demandes et le condamner à une indemnité de procédure de 5000 euros ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions visées par le greffe, M. [A] soutient, in limine litis, l'irrecevabilité du contredit, prie la cour d'évoquer l'ensemble du litige, la saisine du conseil de prud'hommes ayant été effectuée le 13 janvier 2011.

À titre subsidiaire, M. [A] sollicite de la cour qu'elle juge le contredit mal fondé dans la mesure où M. [A] était salarié de la société MAZARS SA.

En conséquence, il invite la cour à :

- évoquer le litige au fond,

- juger que la société MAZARS SA était employeur de M. [A],

- juger la prise d'acte de M. [A] justifiée,

- fixer le salaire de référence à 36 833 euros bruts,

- dire la convention collective nationale des experts-comptables-commissaire aux comptes applicable, et de condamner la société MAZARS SA aux mêmes sommes que celles demandées devant le conseil de prud'hommes de Nanterre, à l'exception de l'indemnité de procédure portée à 15 000 euros.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour renvoie, pour l'exposé détaillé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'irrecevabilité du contredit

M. [A] soutient que le contredit est irrecevable au visa de l'article 415 code de procédure.

Il fait valoir que la société MAZARS SA est représentée par le cabinet d'avocats August & Debouzy, pris en la personne de son représentant légal, en l'espèce Me Emmanuel Barbara.

Or, il reproche au contredit d'avoir été signé par un tiers dont il serait impossible de vérifier l'identité, ni de s'assurer de sa qualité d'avocat, ni de sa capacité à représenter régulièrement la société MAZARS SA.

La société MAZARS SA conteste l'argumentation de M. [A].

Dans le cadre de la représentation et de l'assistance en justice, l'article 415 du code de procédure civile évoit, sa version alors applicable, que le nom du représentant et sa qualité doivent être portés à la connaissance du juge par déclaration au secrétaire de la juridiction.

Il résulte des documents versés aux débats que le contredit a été reçu le 3 février 2017 par le greffe du conseil de prud'hommes de Nanterre, sous forme de lettre remise en main propre contre décharge, signée de Me Emmanuel Barbara. Cette lettre précise en première page que la SCP August & Debouzy, avocats au barreau de Paris, agissant par Me Emmanuel Barbara, intervient pour le compte de la société MAZARS SA. Selon les termes de cette même lettre, le greffe du conseil de prud'hommes de Nanterre est invité par la signataire, Me Emmanuelle Barbara, à enregistrer le contredit formé par la société MAZARS SA à l'encontre du jugement rendu le 19 janvier 2017 par le conseil de prud'hommes de Nanterre en sa formation de départage. Cette lettre fait mention expresse d'un document joint dénommé « déclaration de contredit », portant motivation dudit contredit et dont la preuve qu'il n'était pas joint à la lettre n'est pas rapportée par M. [A].

La lettre est signée de Me Emmanuelle Barbara, le document joint l'est par une autre personne.

Des constatations qui précèdent, il résulte que l'acte de contredit motivé par un document d'appui, a été déposé sous la signature de Me Emmanuelle Barbara, avocate, et ce auprès du secrétariat de la juridiction de sorte qu'il y a lieu de constater que les conditions posées par l'article 415 du code de procédure civile sont satisfaites.

De surcroît, la validité d'un acte de procédure ne peut être affectée que par un vice de forme faisant grief, ou par des irrégularités de fond, limitativement énumérées à l'article 117 du code de procédure civile.

M. [A] n'expose pas en quoi le vice de forme prétendu lui ferait grief, ni ne rapporte la preuve de l'existence d'une irrégularité visée par les dispositions de l'article 117 du code de procédure civile.

Il sera jugé que le contredit a été régulièrement formé.

L'exception soulevée par M. [A] sera jugée irrecevable.

Sur les mérites du contredit

La société MAZARS SA fait valoir que le conseil de prud'hommes n'a pas tenu compte de l'impossibilité de reconnaître l'existence d'un contrat travail, qu'en effet M. [A] a la qualité d'avocat, régulièrement inscrit, pour la période litigieuse et ne peut exercer sa profession en qualité de salarié ou de collaborateur libéral que pour le compte d'un autre avocat ou d'une société d'avocats. Elle se réfère à une décision de la Cour de cassation dans un arrêt du 16 septembre 2015 qui aurait rappelé ce principe.

Elle en déduit que le statut d'avocat fait nécessairement échec à la reconnaissance de subordination dans la relation de travail entre un avocat et un « non avocat » par application des dispositions d'ordre public réglementant les conditions d'exercice de la profession d'avocat.

Ainsi, poursuit-elle, les fonctions d'avocat et d'expert-comptable sont réglementées et incompatibles entre elles, de sorte que la participation de M. [A] à l'intégration de la société MARCCUS PARTNERS au réseau MAZARS (et non à la société MAZARS SA) ne saurait créer de liens contractuels entre M. [A] et la société MAZARS SA. Elle ajoute que M. [A] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une relation de travail avec la société MAZARS SA qui se déduit de trois éléments essentiels : la fourniture d'un travail, la rémunération en contrepartie et l'existence un lien de subordination entre les parties alors qu'en l'espèce font défaut les instructions données et la rémunération servie par la soiété MAZARS SA. Elle complète son argumentation en rappelant que M. [A] entretient, à tort, une confusion entre la société MAZARS SA et le GROUPE MAZARS et que la société MAZARS SA est une structure distincte de MARCCUS PARTNERS

Le défendeur au contredit fait valoir que la juridiction du bâtonnier, juridiction d'exception, ne concerne que les litiges entre avocats pour leurs activités professionnelles ; que la compétence du conseil de prud'hommes aurait été confirmée par la sentence arbitrale du 4 septembre 2010, ainsi que par la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 21 janvier 2015 et par la décision entreprise du 19 janvier 2017 ; que la reconnaissance du statut de co-employeur de la société MAZARS SA, concerne non pas les activités d'avocat de M. [A], mais ses activités de « Cadre dirigeant » de MAZARS SA ; que la jurisprudence du 16 septembre 2015 de la Cour de cassation ne serait pas applicable au cas d'espèce, son activité de cadre étant distincte de ses activités d'avocat.

Il conclut à la compétence du conseil de prud'hommes de Nanterre au motif que ses activités de cadre ont été réalisées sur les instructions de la société MAZARS SA,dans le cadre de son contrat travail, et que la société MAZARS SA n'est pas une société susceptible d'être soumise à la justice du bâtonnier.

Il fait valoir notamment qu'il a été engagé le 1er janvier 2008 par le représentant légal de la société MAZARS SA, que cette dernière a décidé de sa rémunération et qu'il existait un lien de subordination entre lui et la société MAZARS SA ainsi qu'il peut en justifier.

M. [A] ne conteste pas avoir bénéficié du statut d'avocat inscrit au barreau de Paris pendant la période litigieuse.

Il n'est pas contesté qu'il n'a, pendant cette même période, ni démissionné, ni sollicité son omission du Barreau auquel il est attaché.

L'exercice de la profession d'avocat est incompatible avec toutes activités de nature à porter atteinte à son indépendance, à sa dignité, au caractère libéral de la profession et de tout emploi salarié autre que celui d'avocat salarié et d'enseignants.

Ainsi, l'article 115, alinéa 1, du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 dispose que « la profession d'avocat est incompatible avec l'exercice de toute autre profession, sous réserves de dispositions législatives ou réglementaires particulières ».

Selon l'article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, l'avocat peut exercer sa profession en qualité de salarié ou de collaborateur libéral d'un avocat ou d'une association ou société d'avocats.

L'article 6 du Règlement Intérieur National de la profession d'avocat qui définit le champ professionnel de l'avocat, ne prévoit pas la possibilité pour ce dernier d'exercer une activité salariée au profit d'un tiers exerçant l'expertise comptable.

En dehors des possibilités ouvertes par la loi, l'avocat ne peut exercer d'activité salariée.

Ainsi selon la jurisprudence, un avocat ne pouvant exercer sa profession dans le cadre d'un contrat de travail le liant à une personne physique ou morale autre qu'un avocat, une association ou une société d'avocats, le juge ne saurait, par l'effet d'une requalification des relations contractuelles, conclure, en dehors de ces hypothèses, à l'existence d'un contrat de travail.

En l'espèce, la société MAZARS SA n'est pas une société d'avocats de sorte qu'il ne peut exister de contrat de travail entre elle et M. [A] ce qui rend sans objet la vérification de l'existence d'un contrat de travail par requalification entre eux.

Il y a lieu d'infirmer la décision entreprise et de déclarer le conseil de prud'hommes de NANTERRE incompétent.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la juridiction compétente

La société MAZARS SA soutient que seul serait compétent pour connaître du litige Monsieur le Bâtonnier des Hauts de Seine, se référant, pour toute motivation, à une décision de la cour d'appel de Paris du 26 septembre 2013.

M. [A] soutient que seul le conseil de prud'hommes est compétent au regard de l'existence prétendu d'un contrat de travail entre lui et la société MAZARS SA.

Aux termes de l'article 21 de la loi du 31 décembre 1971, le bâtonnier représente le barreau dans tous les actes de la vie civile. Il prévient ou concilie les différents d'ordre professionnel entre les membres du barreau et instruit toute réclamation formée par les tiers.

En l'espèce, le litige oppose un avocat et un tiers qui ne l'est pas. Ce tiers n'a pas formé de réclamation devant le bâtonnier.

Il y a lieu dès lors de constater que Monsieur le Bâtonnier des Hauts-de-Seine n'est pas compétent pour connaître du litige qui sera renvoyé devant le juge de droit commun, à savoir le tribunal de grande instance de Nanterre, en application de l'article 42 du code de procédure civile, la société MAZARS SA étant établie dans le ressort de ce tribunal.

Sur l'évocation

M. [A] sollicite l'évocation du litige rappelant que l'instance a été engagée depuis le 13 janvier 2011.

Au regard de la solution retenue par la cour dans le présent arrêt, il n'apparaîtrait pas de bonne justice de priver chacune des parties d'un degré de juridiction.

Sur les demandes accessoires

Il ne paraît pas inéquitable de condamner le défendeur au contredit à supporter partiellement la charge des frais irrépétibles tant en première instance qu'en appel et de rejeter sa propre demande à cet effet

M. [A] succombant, supportera la charge des frais de contredit.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort ;

REÇOIT le contredit formé par la société MAZARS SA à l'encontre du jugement rendu le 19 janvier 2017 par le conseil de prud'hommes de NANTERRE ;

DIT que le conseil de prud'hommes de NANTERRE est incompétent pour connaître du présent litige ;

DIT que le tribunal de grande instance de NANTERRE est compétent ;

RENVOIE les parties à mieux se pourvoir ;

CONDAMNE M. [A] à verser à la société MAZARS SA la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, tant au titre de la première instance qu'en cause d'appel ;

DIT que M. [A] supportera les frais du présent contredit.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président, et par Monsieur Nicolas CAMBOLAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 17/01874
Date de la décision : 22/05/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°17/01874 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-05-22;17.01874 ?
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