COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 20J
2e chambre 2e section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 05 AVRIL 2018
N° RG 16/06535
AFFAIRE :
[S] [W] [P] épouse [O]
C/
[J], [T] [O]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Juin 2016 par le Juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de CHARTRES
N° Chambre : 2
N° Cabinet : 2
N° RG : 10/01476
Expéditions exécutoires
Expéditions
délivrées le :
à :
Me Bernard MASSAT
Me Anne-Laure DUMEAU
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE CINQ AVRIL DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [S] [W] [P] épouse [O]
née le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 1] (EURE ET LOIR)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentant : Me Bernard MASSAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 73
APPELANTE
****************
Monsieur [J], [T] [O]
né le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 2] (HAUTS DE SEINE)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 3]
Représentant : Me Anne-Laure DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 - N° du dossier 42030
Représentant : Me Elisabeth STEINER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: C0256
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Janvier 2018 en chambre du conseil, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Odile BOUVENOT-JACQUOT, Président,
Madame Agnès TAPIN, Conseiller,
Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Anna PANDIKIAN,
Greffier, lors du prononcé : Madame Claudette DAULTIER,
Le délibéré prévu pour le 15 mars 2018 a été prorogé au 5 avril 2018
FAITS ET PROCEDURE,
Madame [S] [P] et Monsieur [J] [O] se sont mariés le [Date mariage 1] 2007 à [Localité 3] (Eure et Loir), après avoir adopté le régime de la séparation de biens. Aucun enfant n'est né de cette union.
Par requête déposée le 3 juin 2010 au greffe du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Chartres, Monsieur [O] a introduit une procédure en divorce à l'encontre de son épouse.
Par ordonnance de non-conciliation du 12 octobre 2010, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Chartres a notamment :
-autorisé les époux à introduire l'instance en divorce,
-attribué à Madame [P] la jouissance du logement familial et du mobilier du ménage situés [Adresse 3] , à titre gratuit au titre du devoir de secours pendant un délai de 18 mois, puis à titre onéreux,
-dit que Monsieur [O] devra payer à Madame [P] une pension alimentaire de 1200 euros par mois, au titre du devoir de secours,
-dit que Monsieur [O] devra assurer le règlement provisoire des crédits immobiliers à hauteur de 2733,27 euros par mois, lequel donnera lieu à créance dans le cadre des opérations de liquidation du régime matrimonial, sous réserve des droits de chacun des époux,
-dit que Monsieur [O] devra verser à Madame [P] 2 500 euros à titre de provision pour frais d'instance,
-constaté l'absence de demande de désignation d'un notaire pour établir un projet d'état liquidatif,
-dit que Monsieur [O] assumera seul le paiement de l'impôt dû en 2011 sur les revenus 2010.
Le 23 janvier 2013 Monsieur [O] a fait assigner son épouse en divorce sur le fondement des articles 237 et 238 du code civil.
Par jugement du 17 juin 2016, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Chartres a notamment :
-prononcé le divorce aux torts exclusifs de l'époux,
-dit que le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne les biens, le 12 octobre 2010,
-constaté que l'acte authentique reçu par Maître [Q] [Q], Notaire Associé au sein de la SCP «[D] [H] et [Q] [Q] » à Chartres, les 12 juillet 2013 pour Monsieur [O] et 13 juillet 2013 pour Madame [P] fait pleine foi de la convention concernant le partage de leur indivision conventionnelle,
-débouté en conséquence Madame [P] de ses demandes concernant la nullité de cet acte et du protocole d'accord y afférent,
-dit, à ce stade de la procédure, n'y avoir lieu à statuer sur l'action en comblement de part formée par Madame [P],
-condamné Monsieur [O] à payer à Madame [P] la somme de 45 000 euros à titre de prestation compensatoire,
-ordonné l'exécution provisoire de la prestation compensatoire à hauteur de la moitié du capital, soit la somme de 22 500 euros,
-dit que Madame [P] ne sera plus autorisée à faire usage du nom de son conjoint lorsque le jugement de divorce sera devenu définitif,
-débouté Monsieur [O] de sa demande de dommages-intérêts au titre de l'article 1382 du code civil,
-condamné Monsieur [O] à payer à Madame [P] 3 000 euros de dommages-intérêts au titre de l'article 1382 du code civil,
-débouté Monsieur [O] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-accordé à Madame [P] 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, 'à charge pour elle de régulariser' eu égard à la provision pour frais d'instance qui lui a déjà été accordée au titre des mesures provisoires fixées par l'ordonnance de non-conciliation du 12 octobre 2010,
-condamné Monsieur [O] aux dépens de l'instance.
Le 2 septembre 2016 Madame [P] a interjeté un appel total de cette décision.
Par conclusions du 30 novembre 2016, Madame [S] [P] demande de :
-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé le divorce entre les époux, aux torts et griefs exclusifs de Monsieur [O],
-constater qu'à la suite du divorce, Madame [P] reprendra l'usage de son nom de jeune fille,
-dire que dans les rapports entre époux, le divorce prendra effet à la date de l'ordonnance de non conciliation, soit le 12 octobre 2010,
-ordonner la mention du dispositif du jugement à intervenir sur les registres d'état civil,
-s'agissant de la liquidation des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux :
*à titre principal, dire que le protocole d'accord régularisé entre les parties les 15 et 19 juin 2012 est nul de plein droit, et subséquemment l'acte notarié du 13 juillet 2013 également,
* à titre subsidiaire,
-dire Madame [P] recevable et bien fondée à exercer une action en comblement de part, et ordonner avant dire droit une mesure d'expertise permettant de connaître la valeur réelle de l'ensemble immobilier sis à [Adresse 3] à la date d'une part du 19 juin 2012 et d'autre part à celle du 13 juillet 2013,
-condamner Monsieur [O] au paiement en capital de 200 000 euros à titre de prestation compensatoire à Madame [P],
-condamner Monsieur [O] au versement de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts à Madame [P] par application des dispositions de l'article 1382 du code civil,
-condamner Monsieur [O] à payer à Madame [P] 7 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
-condamner Monsieur [O] aux dépens.
Un avocat s'est constitué dans l'intérêt de Monsieur [O] le 24 octobre 2016. Un nouvel avocat s'est constitué le 1er février 2017 et a notifié ses premières conclusions au fond le 1er février 2017.
Le 3 février 2017, le greffe de la cour a envoyé un avis préalable à l'irrecevabilité des conclusions de l'intimé. Par ordonnance d'irrecevabilité du 28 février 2017, le magistrat de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions de l'intimé du 1er février 2017.
Le 2 mars 2017, Monsieur [O] a déposé des conclusions portant déféré de cette ordonnance et par arrêt du 8 juin 2017, la cour a rejeté la requête en déféré de Monsieur [O] et dit irrecevables ses conclusions signifiées le 1er février 2017.
Il sera statué par arrêt contradictoire à l'égard de Monsieur [O], régulièrement représenté.
Le 16 juin 2017 le greffe de la cour a envoyé un avis préalable à l'irrecevabilité des conclusions d'incident de Monsieur [O] signifiées le 30 mai 2017 au motif qu'elles ont été déposées hors délai. Par ordonnance du 27 juin 2017 le magistrat de la mise en l'état a déclaré irrecevables les conclusions déposées par l'intimé le 30 mai 2017. Cette ordonnance n'a pas été déférée à la cour.
Le 11 décembre 2017, un nouvel avocat s'est constitué aux lieu et place du précédent conseil de Madame [P].
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 décembre 2017.
Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétention de l'appelante, la cour renvoie à ses écritures, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
Il convient de préciser en préalable qu'il ne peut être tenu compte des pièces adressées par le conseil de Monsieur [O] pour l'audience de plaidoiries dans la mesure où ses écritures ont été jugées irrecevables.
Sur la cause du divorce :
Madame [P] - qui conclut pendant vingt pages sur la cause du divorce - demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé le divorce aux torts et griefs exclusifs de Monsieur [O]. L'appelante explique dans les motifs de ses écritures qu'elle demande le réexamen des griefs qu'elle invoque en indiquant que le premier juge n'a retenu qu'un seul des quatre griefs qu'elle a développés et qu'il a notamment écarté le grief d'infidélité qu'elle invoque toujours.
Le premier juge a prononcé le divorce des parties aux torts exclusifs de l'époux, comme le sollicite Madame [P], après avoir motivé son jugement sur les griefs allégués par cette dernière. En l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties en prononçant, comme le sollicitait l'épouse, le divorce aux torts exclusifs de Monsieur [O].
Il convient dès lors de confirmer le jugement de ce chef sans qu'il n'y ait lieu d'examiner les griefs écartés par le premier juge.
Sur la liquidation du régime matrimonial :
Comme devant le premier juge, Madame [P] demande à la cour d'annuler l'acte régularisé les 15 et 19 juin 2012, aux termes duquel les époux ont convenu de mettre fin à l'indivision existant sur le bien immobilier qu'ils avaient acquis au cours de leur mariage par la vente à titre de licitation de la part indivise de l'épouse à son époux contre paiement d'une soulte de 43 000 euros, la valeur de l'immeuble étant fixée dans cet acte à 435 142,03 euros. Elle se fonde sur l'article 265-2 du code civil dès lors que l'assignation en divorce, délivrée le 23 janvier 2013, est postérieure et soutient que l'acte valant liquidation et partage de l'indivision, en date du 13 juillet 2013, aux termes duquel il lui a été remis une soulte de 48 000 euros, ne pourra qu'être également déclaré nul comme étant indissociablement lié au premier. Elle demande à la cour d'ordonner l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage des intérêts financiers et patrimoniaux des parties. A titre subsidiaire, elle indique, comme devant le premier juge, être fondée à exercer une action en comblement de part dans les termes de l'article 889 du code civil puisque la valeur de l'ensemble immobilier litigieux, retenue dans chacun des actes notariés précités, a été véritablement sous-estimée, si bien que la soulte qu'elle a perçue devra être revue. Elle souligne à ce propos que le 16 mai 2011 Monsieur [O] lui même a signé un mandat afin d'autoriser son épouse à vendre ce même bien au prix de 780 000 euros, l'appelante communiquant ce mandat et le justificatif de l'inscription en vente de la maison sous ses pièces 84,85 et 92.
Selon l'article 267 du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige, le juge, en prononçant le divorce et à défaut d'un règlement conventionnel par les époux, ordonne la liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux. Il statue sur les demandes de maintien dans l'indivision ou d'attribution préférentielle. Il peut aussi accorder à l'un des époux ou aux deux une avance sur sa part de communauté ou de biens indivis. Enfin, si le projet de liquidation du régime matrimonial établi par le notaire désigné sur le fondement du 10 ° de l'article 255 du contient des informations suffisantes, le juge, à la demande de l'un ou l'autre des époux, statue sur les désaccords persistants entre eux.
Il ressort des éléments communiqués par Madame [P] que les époux, mariés sous le régime de la séparation de biens selon contrat de mariage signé devant notaire le 29 mai 2007, :
* ont convenu, selon acte signé les 15 et 12 juin 2012 (pièce 89), que Madame [P] vendrait à titre de licitation faisant cesser l'indivision à Monsieur [O] la moitié indivise de l'immeuble de [Adresse 3] moyennant le prix principal de 217 571,01 euros à charge pour l'époux de prendre en charge le remboursement de l'intégralité de l'emprunt consenti par le Crédit industriel de l'ouest et dont le solde restant dû était alors de 349 142,03 euros au total, soit pour la moitié indivise à la charge de Madame [P] la somme de 174 571,01 euros, ainsi que le paiement d'un somme de 43 000 euros à cette dernière au jour de la signature de l'acte authentique ; Monsieur [O] a précisé dans cet acte renoncer à réclamer à son épouse une quelconque indemnité d'occupation et tout remboursement au titre de la prise en charge par lui même de la totalité des échéances du prêt ;
* après établissement d'un procès-verbal de carence le 13 février 2013, en l'absence de Madame [P], les époux se sont rapprochés de nouveau et ont signé le 12 juillet 2013, pour Monsieur [O] et le 13 juillet 2013, pour Madame [P], devant Maître [Q] [Q], notaire associé à [Localité 4], un acte authentique de partage de leur indivision conventionnelle aux termes duquel ils ont convenu de se partager le bien immobilier indivis évalué dans l'acte à 445 142,03 euros, Monsieur [O] devant assurer outre le règlement du solde du prêt à hauteur de la somme de 349 142,12 euros, le paiement d'une soulte de 48 000 euros qu'il a réglée à son épouse, ainsi que le notaire l'a indiqué à l'acte.
Il n'est pas allégué que les époux, mariés sous le régime de la séparation de biens, aient souscrit une convention de maintien dans l'indivision. Les règles relatives à la cessation de l'indivision leur sont par conséquent applicables.
Aux termes de l'article 815 alinéa 1er du code civil, nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision et le partage peut être toujours provoqué, à moins qu'il n'y ait été sursis par jugement ou par convention. Les époux, mariés sous le régime de la séparation de biens, justifient dès lors d'un droit au partage des biens indivis qu'ils peuvent exercer à tout moment et sans même attendre la dissolution du mariage. Les dispositions de l'article 265-2 du code civil, alléguées par Madame [P], ne leur sont pas applicables et c'est à bon droit que le premier juge a débouté Madame [P] de sa demande de nullité des actes précités, l'acte signé antérieurement à l'assignation en divorce ne pouvant être annulé ni entraîner la nullité de l'acte signé postérieurement. Le jugement doit donc être confirmé de ce chef.
Compte tenu du règlement conventionnellement intervenu entre les parties, il n'y a pas à statuer sur la liquidation du régime matrimonial des époux.
Le premier juge, au visa des dispositions de l'article 267 du code civil que la cour a précédemment rappelées, a justement considéré qu'il n'appartenait pas au juge du divorce, dans le cadre de la présente procédure, de statuer sur l'action en comblement de part formée par Madame [P] et il convient de confirmer le jugement de ce chef.
Sur la prestation compensatoire :
Madame [P] - qui sollicitait en première instance une somme de 250 000 euros à titre de prestation compensatoire et qui demande désormais à la cour de la fixer à la somme de 200 000 euros - soutient que le premier juge n'a pas pris suffisamment en compte la situation financière actuelle dans laquelle elle est placée dans la mesure où elle ne vit qu'avec le devoir de secours qui lui est versé par l'intimé et qui prendra fin dès que le divorce sera devenu définitif. Elle souligne qu'elle n'a aucun revenu personnel et qu'elle se trouve ainsi dans le plus grand dénument, tant matériel que psychologique, celle-ci précisant avoir cessé toute activité professionnelle à la demande de son époux dès leur mariage en juin 2007. Elle ajoute qu'après avoir subi des années d'humiliation, de dénigrement et de violence morale de la part de son époux, il lui faut d'abord se reconstruire avant de reprendre une activité professionnelle, l'appelante ajoutant que la réalité économique est un véritable obstacle à la reprise d'une activité d'autant plus compte tenu de son âge. Elle expose s'être également considérablement appauvrie depuis son mariage puisqu'elle n'avait plus le droit d'entretenir ses propres biens immobiliers qui tombaient pourtant en ruine mais surtout parce qu'elle a utilisé ses deniers pour financer les factures des matériaux nécessaires à la rénovation de la propriété de Monsieur [O] à [Adresse 4] ou même en réglant elle même les taxes foncières de cet immeuble.
Suivant l'article 270 du Code civil, l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans leurs conditions de vie respectives, en fonction de la situation au moment du prononcé du divorce et de l'évolution dans un avenir prévisible. La disparité s'apprécie à la date à laquelle la décision prononçant le divorce est passée en force de chose jugée, soit en l'espèce à la date à laquelle la cour statue, Madame [P] ayant relevé un appel total du jugement de divorce.
L'article 271 prévoit que la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible. Il y a lieu de tenir compte, notamment, de la durée du mariage, de l'âge et de l'état de santé des époux, de la qualification et de la situation professionnelles des époux, des conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne, du patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial, de leurs droits existants et prévisibles, et de leur situation respective en matière de pension de retraite.
Selon l'article 274 du Code civil, le juge décide des modalités selon lesquelles s'exécutera la prestation compensatoire en capital ; celles-ci sont limitativement prévues par la loi.
Il convient de rappeler que la prestation compensatoire n'est pas destinée à égaliser les fortunes ni à corriger les conséquences du régime matrimonial adopté par les époux et qu'elle doit permettre d'éviter que l'un des époux ne soit plus atteint que l'autre par le divorce.
Madame [P], âgée actuellement de 55 ans, s'est mariée avec Monsieur [O] le 23 juin 2007, soit depuis près de neuf ans au moment du jugement de divorce mais seulement trois ans et trois mois lors de l'ordonnance de non conciliation du 12 octobre 2010. Les parties n'ont connu que 3 ans de vie commune à compter de leur mariage, étant précisé qu'il ne doit pas être tenu compte de la vie commune antérieure au mariage, telle qu'évoquée par Madame [P] qui précise que le couple a vécu en concubinage à compter du 1er septembre 2006.
Les époux - qui avaient lors de leur mariage respectivement presque 44 ans et demi pour l'épouse et 54 ans pour l'époux - n'ont pas eu d'enfant.
Madame [P] évoque un syndrome dépressif en lien avec la rupture conjugale et communique à cet égard un certificat de son médecin traitant en date du 19 avril 2010 indiquant qu'à cette date l'état de santé de sa patiente ne lui permettait pas 'actuellement de poursuivre dans des conditions satisfaisantes ses activités associatives et scolaires'. Elle communique un autre certificat d'un second médecin généraliste, en date du 10 janvier 2014, qui atteste que son état de santé ' nécessite l'assistance d'une aide psychologique' ainsi que deux certificats d'un médecin, le docteur [E], et d'une psychologue du '[Établissement 1]' à [Localité 5] qui attestent suivre Madame [P] en consultation spécialisée depuis septembre 2015 en rapport avec la souffrance psychique en lien avec l'emprise et les maltraitances qu'elle a expliqué avoir subies de la part de son mari et dont le docteur [E] a attesté qu'elle était encore invalidante dans son certificat du 12 avril 2016, le second certificat n'étant pas daté. Le docteur [E] indique également que Madame [P] 'reprend progressivement le dessus' .
Monsieur [O] est actuellement âgé de 65 ans. Faute de conclusions dans le cadre de l'appel, la cour n'est pas informé de l'état de santé de ce dernier, le premier juge ayant indiqué que l'époux n'avait pas précisé la date à laquelle il entendait prendre sa retraite. Le jugement ne mentionne pas que celui-ci ait fait état de problème de santé.
Les revenus actuels de Madame [P] sont constitués de la seule pension alimentaire que lui verse toujours son époux, ainsi qu'il en est justifié par son dernier avis d'imposition sur ses revenus de 2016, communiqué sous sa pièce 108 et qui fait état d'un revenu annuel imposable de 15 156 euros, uniquement constitué par ces pensions alimentaires. Le versement de ces pensions qui prendra fin lorsque la décision de divorce sera définitive n'a pas à être pris en compte dans l'appréciation de la demande de prestation compensatoire. Dans sa dernière déclaration sur l'honneur qu'elle a actualisée le 30 novembre 2017, communiquée sous sa pièce 109, Madame [P] indique ne pas avoir d'autres revenus que la pension alimentaire de 1 270 euros par mois que lui verse toujours son époux.
D'après l'avis d'imposition relatif aux revenus perçus en 2013 et mentionné au jugement dont appel, Madame [P] n'a alors perçu que 18 euros en sus de la pension alimentaire versée au titre du devoir de secours et son avis d'imposition relatif aux revenus de 2010 ne mentionne au titre du revenu annuel imposable que le versement de pensions alimentaires.
Madame [P] - qui était psychothérapeute, spécialisée en alcoologie - explique, comme en première instance, qu'elle a abandonné son emploi à la demande de Monsieur [O] et précise avoir abandonné son poste en avril 2007, son époux lui ayant écrit, dans un document non daté qu'elle verse aux débats sous sa pièce 18 : 'Il est convenu qu'une rétribution correspondant à l'activité exercée aux soins du ménage ou à la gestion des biens sera perçue par l'époux en charge de cette activité', le montant de cette rétribution n'étant pas précisé.
La demande de prêt immobilier, présentée par les époux pour l'achat du bien qu'ils ont acquis en indivision à [Localité 6] (Eure et Loir) selon acte notarié du 18 juin 2008, mentionne que Madame [P] était psychologue depuis le 1er janvier 1985. D'après la synthèse au 20 août 2012 des droits de Madame [P] à la retraite, il est indiqué qu'elle a cotisé 98 trimestres auprès de la caisse nationale d'assurance vieillesse, ses droits étant acquis depuis l'année 2007. Il est ainsi démontré que jusqu'à son mariage, l'appelante a eu une activité professionnelle régulière.
Il a été communiqué en première instance le détail du relevé de carrière de l'appelante et le premier juge a pu ainsi relever que l'arrêt de l'activité professionnelle de Madame [P] avait généré une perte de revenu salarial d'environ 1 200 euros par mois d'après les revenus mentionnés en 2006.
Madame [P] mentionne, comme déjà devant le premier juge, que pendant son mariage elle a consacré tout son temps et toute son énergie à assumer seule les travaux d'entretien et d'amélioration d'abord du bien dont son époux était propriétaire à [Adresse 4] puis ensuite du bien immobilier acheté en indivision par le couple à [Localité 6], celle-ci expliquant qu'elle n'avait plus le temps d'entretenir son propre patrimoine immobilier.
Depuis la rupture, Madame [P] indique ne pas avoir repris d'activité professionnelle. Elle justifie de quelques recherches d'emploi entre l'automne 2010 et le mois de janvier 2014 sous ses pièces 97 et 98, à savoir trois en octobre et novembre 2010, trois de mai à juillet 2012, une en septembre 2013 et une en janvier 2014. Aucune autre pièce n'est communiquée pour justifier de recherches d'emploi plus récentes.
D'après la synthèse en date du 20 août 2012, les droits à retraite de Madame [P] sont - au titre de sa retraite de base - de 98 trimestres acquis auprès de la caisse nationale d'assurance vieillesse outre un trimestre acquis auprès du RSI pour une activité de chef d'entreprise du 26 octobre 2004 au 31 mars 2005 et au titre de ses retraites complémentaires, de 1 863,04 points auprès de l'ARRCO et de 143 points acquis comme agent non titulaire de l'Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC).
Aucune évaluation du montant prévisible de sa retraite n'est fournie par Madame [P] qui peut encore reprendre une activité professionnelle pendant plusieurs années, celle-ci- même si elle a cessé toute activité pendant la vie commune et durant les années qui ont suivi- ayant acquis avant cette période, une expérience professionnelle de 24 ans et demi, ce qui a une valeur certaine sur le marché du travail. Son état de santé- qui s'était déjà bien amélioré en avril 2016- ne devrait pas l'empêcher de retrouver un emploi.
Monsieur [O] a indiqué en première instance être médecin anesthésiste à temps plein au centre hospitalier de [Localité 4]. Selon son avis d'imposition portant sur les revenus de 2009, communiqué sous la pièce 106 de l'appelante, il a déclaré un revenu annuel imposable de 93 154 euros. Le premier juge a précisé que Monsieur [O]:
* a perçu en 2013, au vu de son avis d'imposition, 96 063 euros de salaire net imposable, soit une moyenne mensuelle de 8 005 euros,
* en 2014, au vu de son bulletin de salaire de septembre 2014, a bénéficié d'un cumul net imposable de 65 284 euros, soit une moyenne mensuelle imposable de 8 160 euros.
Il n'est pas communiqué d'éléments plus récents concernant les revenus et la situation professionnelle de Monsieur [O] dont les droits à retraite ne sont pas précisés pas plus qu'ils ne l'avaient été en première instance. L'intimé a l'âge de faire valoir ses droits à la retraite et son revenu prévisible sera par conséquent moindre que les salaires perçus pendant sa période d'activité professionnelle.
Selon les pièces produites, Madame [P] et Monsieur [O] ont acheté , par acte authentique du 18 juin 2008, chacun étant acquéreur de la moitié du bien acquis, une maison d'habitation située à [Adresse 3], composée de six pièces sur un terrain de 16 ares et 23 centiares. Ils ont souscrit à cette occasion un prêt de 400 000 euros, remboursable en 240 mensualités de 2 725,27 euros chacune.
L'ordonnance de non- conciliation du 12 octobre 2010 a attribué la jouissance de ce bien à Madame [P], à titre gratuit pendant un délai de 18 mois et celle-ci, dans ses écritures, indique avoir quitté cette maison en avril 2012. Les époux ont conclu devant notaire du partage de ce bien indivis, Monsieur [O] devant s'acquitter du paiement du solde restant dû sur l'emprunt immobilier et d'une soulte de 48 000 euros à Madame [P], comme prévu à l'acte notarié des 12 et 13 juillet 2013, précédemment évoqué.
Dans sa déclaration sur l'honneur la plus récente, Madame [P] - qui ne conteste pas avoir reçu paiement de la somme de 48 000 euros - indique ne plus disposer d'aucun patrimoine mobilier.
Elle précise, dans ses écritures en appel et dans sa déclaration sur l'honneur la plus récente, comme déjà indiqué au premier juge, être encore propriétaire :
* d'une maison de ville située à [Localité 3], acquise en septembre 2004 pour 41 160 euros mais inhabitable dans la mesure où elle ne dispose ni de chauffage, ni de salle de bains, ni de toilettes, ni d'eau chaude ; elle ne communique aucune évaluation à cet égard,
* d'une maison située à [Adresse 5] (29) qu'elle précise avoir achetée en avril 2002 pour 9 909,18 euros et qui était insalubre au 1er janvier 2008, ainsi que le maire de la commune l'a certifié le 24 novembre 2008, sous la pièce 101 de l'appelante,
* d'un local à usage de bureaux qu'elle a acheté seule le 8 septembre 2007, au prix de 51 000 euros, selon l'attestation notariée communiquée sous sa pièce 103 et qui est situé à [Adresse 6]. Elle précise y résider depuis juillet 2013, celle-ci ayant indiqué dans un courrier du 16 mai 2013 que depuis plus de deux ans son locataire était parti et qu'elle ne parvenait plus relouer ce local. Ce bien a été évalué le 28 février 2012 par un notaire, entre 40 et 50 000 euros, Madame [P] précisant que la surface en est de 26 m².
Madame [P] - qui précise avoir vendu en avril 2007, à la demande de Monsieur [O], l'appartement où elle vivait à Chartres- justifie, en communiquant l'attestation notariée correspondante, avoir également vendu le 16 juin 2012, au prix de 28 000 euros, les locaux à usage de commerce, d'atelier et de bureau d'une surface de 300 m² dont elle était propriétaire à [Adresse 7] (Finistère), achetés au prix de 21 500 euros au cours de l'année 2006.
Les éléments qu'elle verse aux débats n'établissent pas qu'elle se soit appauvrie, comme elle le prétend, pour financer sur ses fonds propres les travaux qui ont pu être entrepris dans le bien dont Monsieur [O] était propriétaire en propre à [Adresse 4].
Devant le premier juge, Monsieur [O] a indiqué qu'il ne disposait plus en propre que du bien immobilier situé à [Adresse 3] , objet du partage conclu entre les époux. Il a estimé ce bien, avant travaux à réaliser, à environ 200 000 euros sans préciser sa valeur après remise en état. Le premier juge a retenu une valeur de 445 000 euros qui était celle de l'acte de partage, étant précisé que les époux avaient acheté cette maison au prix de 400 000 euros en juin 2008. Le seul mandat de vente communiqué par l'appelante, en date du 19 mai 2011, pour un montant de 780 000 euros ne peut suffire à justifier de la valeur de cette maison.
Madame [P] précise que Monsieur [O] a vendu sa propriété de [Adresse 4] pour la somme de 395 000 euros.
Il n'est pas fourni d'éléments concernant le patrimoine mobilier de Monsieur [O].
Les charges fixes de Madame [P] qu'elle n'a pas justifiées par des factures récentes comprennent, d'après sa dernière déclaration sur l'honneur du 30 novembre 2017, outre les charges habituelles de téléphone et d'assurances, ainsi que les dépenses courantes d'entretien, de nourriture et d'habillement :
- une somme mensuelle de 40 euros au titre de la taxe foncière,
- une somme mensuelle de 2,50 euros au titre de la taxe d'habitation.
Elle n'a pas été imposable sur les revenus qu'elle a perçus en 2016.
De son côté et d'après les éléments retenus par le premier juge, les charges mensuelles de Monsieur [O] étaient constituées, outre des charges courantes de téléphone, d'assurances, d'internet, d'eau, de gaz et d'électricité :
* de la mensualité de 2 711,44 euros au titre du prêt immobilier,
* d'une mensualité de 614,06 euros pour rembourser un prêt souscrit pour financer des travaux de remise en état de son domicile,
* d'une mensualité de 87 euros au titre d'une mutuelle santé,
* de 25 euros de cotisation mensuelle à l'ordre des médecins,
* de 17 euros de taxe d'habitation,
* de 145 euros de taxe foncière,
* de 2 200 euros au titre des impôts sur les revenus,
étant 'supposé' par le premier juge que Monsieur [O]- qui n'avait pas actualisé ses dernières conclusions du 10 novembre 2014 - ne supportait plus la pension alimentaire de 1 237,50 euros mensuellement versée pour son fils qui allait avoir 28 ans en août 2016.
Il doit être considéré que les charges fixes de Monsieur [O] restent équivalentes, sous la réserve du prêt immobilier consenti à Monsieur [O] et à son épouse dès lors que d'après le tableau d'amortissement communiqué sous la pièce 30 de l'appelante, ce prêt, accepté le 2 avril 2008 et remboursable sur 20 ans, doit être près d'être soldé, sauf incident de paiement dont la cour n'est pas informée. Monsieur [O] doit également assurer le paiement de ses dépenses courantes d'entretien, de nourriture et d'habillement.
Eu égard à la durée du mariage des époux, de leur âge, des conséquences des choix professionnels faits par Madame [P] pendant la vie commune sans opposition démontrée de son époux, lesquels auront une incidence sur sa retraite, du patrimoine des époux en capital après la liquidation du régime matrimonial, est établie la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux, disparité qui s'effectue au détriment de Mme [P]. Il convient de confirmer le jugement de ce chef.
Etant souligné qu'en application de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs du jugement qu'il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent et que la cour ne peut aggraver le sort de l'appelant sur son unique appel et en l'absence d'appel incident de l'intimé, il convient de confirmer le jugement dont appel qui a fixé la prestation compensatoire à la somme de 45 000 euros, les éléments invoqués par Madame [P] ne justifiant nullement d'augmenter la somme allouée par le premier juge au regard notamment de la brève durée de la vie commune des époux, de leur différence d'âge, Monsieur [O] étant nettement plus âgé que Madame [P] et du fait qu'il existait une disparité certaine dans les situations professionnelles des époux lorsqu'ils se sont mariés, laquelle est indépendante de la rupture de la vie commune.
Sur les dommages - intérêts :
Madame [P] soutient en appel que le comportement fautif de Monsieur [O] à son égard justifie pleinement sa demande de condamnation à lui verser la somme de 25 000 euros, déjà sollicitée en première instance, à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil, l'appelante soutenant que l'indemnité qui lui a été accordée par le premier juge apparaît bien faible eu égard à l'ensemble des préjudices subis par elle tant sur le plan matériel que psychologique.
Le premier juge, pour allouer à Madame [P] la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts, a retenu que le divorce était prononcé aux torts exclusifs de l'époux et que celle-ci s'était retrouvée dans un état de détresse morale. Le premier juge a ainsi fait une juste appréciation du préjudice de l'épouse, étant observé que l'appelante ne communique pas d'éléments médicaux plus récents que le jugement dont appel et que si elle évoque le dénuement financier dans lequel son époux l'a laissée, il doit être rappelé que depuis l'ordonnance de non conciliation et jusqu'à ce jour, Monsieur [O] a versé à Madame [P] une pension alimentaire au titre du devoir de secours fixée à la somme mensuelle de 1 200 euros. Il convient de confirmer le jugement de ce chef.
Sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens :
Madame [P] étant déboutée de ses demandes devant la cour, il n'est pas justifié d'accueillir en appel sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Il convient en revanche de confirmer le jugement de ce chef.
Madame [P], pour le même motif, conservera la charge des dépens de la procédure d'appel, le jugement étant également confirmé s'agissant de la condamnation de Monsieur [O] aux dépens de première instance.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, après débats en chambre du conseil,
CONFIRME le jugement du 17 juin 2016 en toutes ses dispositions,
A AJOUTANT,
DEBOUTE Madame [S] [P] de toutes ses autres demandes,
DIT que Madame [S] [P] supportera le coût des dépens de la la procédure d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Agnès TAPIN, Conseiller, en l'empêchement du Président, et par Madame Claudette DAULTIER, Greffier auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
LE GREFFIER LE CONSEILLER