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04/04/2018 | FRANCE | N°16/01623

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 04 avril 2018, 16/01623


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



contradictoire



DU 04 AVRIL 2018



N° RG 16/01623



AFFAIRE :



[T] [G] épouse [C]





C/

SAS NETTOYAGE SERVICE DEVELOPPEMENT









Décision déférée à la cour : Jugement rendue le 10 Février 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : Encadrement

N° RG : F 13/00406







Copies exécutoires délivrées à :



Me Virginie VARAS



Me Nicolas KOHEN



Pôle emploi



Copies certifiées conformes délivrées à :



[T] [G] épouse [C]



SAS NETTOYAGE SERVICE DEVELOPPEMENT







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

contradictoire

DU 04 AVRIL 2018

N° RG 16/01623

AFFAIRE :

[T] [G] épouse [C]

C/

SAS NETTOYAGE SERVICE DEVELOPPEMENT

Décision déférée à la cour : Jugement rendue le 10 Février 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : Encadrement

N° RG : F 13/00406

Copies exécutoires délivrées à :

Me Virginie VARAS

Me Nicolas KOHEN

Pôle emploi

Copies certifiées conformes délivrées à :

[T] [G] épouse [C]

SAS NETTOYAGE SERVICE DEVELOPPEMENT

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE AVRIL DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [T] [G] épouse [C]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Assistée de Me Virginie VARAS, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

SAS NETTOYAGE SERVICE DÉVELOPPEMENT

[Adresse 1]

[Localité 4]

Comparante en la personne de M. [I] [X] (directeur des ressources humaines 'groupe') en vertu d'une subdélégation de pouvoirs de M. [Z] [F] (président), assisté de Me Nicolas KOHEN, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, vestiaire : PC 250 substitué par Me Fehmi KRAIEM, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Janvier 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine HERVIER, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Luc LEBLANC, Président,

Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Gaëlle POIRIER,

FAITS ET PROCÉDURE :

La SAS Nettoyage service développement (NSD) est la holding financière d'un groupe composé de quatre sociétés.

Par contrat à durée indéterminée à effet au 1er octobre 2007, Mme [T] [G] épouse [C] (ci-après Mme [C]) a été engagée par la société NSD en qualité de responsable formations, intégration et assistanat social pour la société NSD et ses filiales. Par avenant du 1er juin 2009, elle a été affectée au poste de responsable des ressources humaines pour l'ensemble des sociétés du groupe, niveau CA2 de la convention collective nationale des entreprises de propreté applicable à la relation de travail. Dans le dernier état de la relation contractuelle, elle percevait une rémunération conduisant à une moyenne mensuelle de 4 379 euros dont le montant n'est pas discuté par l'employeur.

En septembre 2012, Mme [C] s'est plaint de subir un harcèlement moral de la part de M. [X], directeur des ressources humaines et directeur administratif et financier, en poste depuis septembre 2010. Un entretien s'est tenu le 26 septembre 2012 à la suite duquel la société a diligenté une enquête administrative et averti le CHSCT.

Mme [C] a présenté un arrêt de travail pour maladie prenant effet le 27 septembre 2012.

Par courrier du 9 octobre 2012, la société NSD a informé Mme [C] des résultats de l'enquête administrative n'établissant pas l'existence d'agissements de harcèlement moral.

Le 10 janvier 2013, la société NSD a notifié à Mme [C] une mise à pied disciplinaire de trois jours à la salariée.

Mme [C] a été examinée à trois reprises par le médecin du travail les 23 octobre 2012, 7 février 2013 et 12 février 2013. Lors de cette dernière visite, le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude en raison du danger immédiat pour la salariée. La société NSD a contesté l'avis du médecin du travail, et l'inspecteur du travail a rendu le 3 mai 2013 une décision selon laquelle Mme [C] « est inapte à son poste ; l'origine de l'inaptitude et la structure de l'entreprise ne permettent pas de proposer des mesures d'aménagement de poste compatible avec son état de santé ; Mme [T] [C] serait apte à un poste similaire dans une autre entreprise, dans un contexte relationnel différent. »

Le 18 février 2013, Mme [C] a saisi le conseil de prud'hommes afin d'obtenir l'annulation de la sanction disciplinaire et des rappels de salaire pour heures supplémentaires.

Par courrier recommandé du 21 mai 2013, Mme [C] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 29 mai 2013 puis s'est vu notifier son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement par courrier adressé sous la même forme le 6 juin 2013.

Contestant son licenciement et estimant ne pas être remplie de ses droits, Mme [C] a de nouveau saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre le 20 septembre 2013 en nullité de son licenciement.

Par jugement du 10 février 2016 auquel il convient de se reporter pour l'exposé des faits, prétentions et moyens antérieurs des parties, le conseil de prud'hommes de Nanterre, section encadrement, a ordonné la jonction des deux procédures initiées par Mme [C] et :

- annulé la sanction disciplinaire du 10 janvier 2013,

- condamné la société NSD à payer à Mme [C] la somme de 480 euros au titre de cette mise à pied disciplinaire,

- débouté Mme [C] du surplus de ses demandes,

- débouté la société NSD de sa demande reconventionnelle présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société NSD aux dépens.

Mme [C] a régulièrement relevé appel du jugement le 4 mars 2016.

Aux termes de ses conclusions en réplique et récapitulatives déposées et soutenues oralement à l'audience du 24 janvier 2018, Mme [C] demande à la cour de :

- infirmer le jugement sauf en ce qu'il a annulé la sanction disciplinaire du 10 janvier 2013,

- écarter des débats les attestations versées par la société NSD,

- condamner la société NSD à lui payer les sommes de :

* 59 212,76 euros au titre des heures supplémentaires accomplies de février 2008 à septembre 2012,

* 480 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire,

* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral résultant de cette sanction,

- prononcer la nullité du licenciement,

- condamner la société NSD à lui payer les sommes de :

* 78 822 euros au titre du licenciement nul,

* 13 138,41 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 1 313,84 euros au titre des congés payés y afférents,

- débouter la société NSD de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société NSD à lui payer la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamner la société NSD aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonner la capitalisation des intérêts.

Aux termes de ses conclusions en défense n°2, déposées et soutenues oralement à l'audience du 24 janvier 2018, la société NSD prie la cour de :

- débouter Mme [C] de sa demande tendant à faire écarter des débats les attestations qu'elle produit,

- infirmer le jugement en ce qu'il a annulé la sanction disciplinaire du 10 janvier 2013 et l'a condamnée à payer à Mme [C] la somme de 480 euros,

- confirmer le jugement pour le surplus,

- débouter Mme [C] de l'ensemble de ses demandes,

- la condamner à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens.

Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 24 janvier 2018,

Vu la lettre de licenciement,

SUR CE :

Sur la demande tendant à faire écarter des débats les attestations produites par l'employeur :

Cette demande qui est motivée par le fait que certaines attestations sont rédigées par des salariés de l'entreprise, maîtrisant mal le français ou présentant des similitudes « très étranges » avec l'écriture de M. [X], directeur des ressources humaines (DRH) de l'entreprise, sera rejetée dès lors qu'il n'est pas démontré qu'il s'agit de faux, qu'aucun problème de communication n'exige que ces pièces soient écartées des débats et que leur valeur probatoire relève de l'appréciation de la cour.

Sur l'exécution du contrat de travail :

Sur la demande de nullité de la mise à pied disciplinaire du 10 janvier 2013, le rappel de salaire y afférent et la demande de dommages-intérêts au titre du préjudice moral :

En application de l'article L. 1333-1 du code du travail, en cas de litige sur une sanction disciplinaire, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. La charge de la preuve ne repose pas spécialement sur l'une ou l'autre des parties. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié, à l'appui de ses allégations, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utile. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En application de l'article L. 1333-2 du code du travail, le juge peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Mme [C] sollicite la confirmation du jugement qui a annulé cette sanction ainsi qu'une somme de 480 euros à titre de rappel de salaire.

L'employeur conclut au débouté.

Le courrier du 10 janvier 2013 notifiant à la salariée une mise à pied disciplinaire de trois jours est rédigé dans les termes suivants :

« [...] par courrier en date du 9 octobre 2012, vous avez adressé au syndicat CFDT francilien de la propreté (SFP), à l'attention de M. [W] [P], une correspondance rédigée dans les termes suivants :

« ['] vous avez eu l'occasion de rencontrer M. [X] (DAF/DRH Groupe) lors d'un déjeuner qui s'est déroulé le 2 novembre 2011. M. [X] s'est rendu à ce déjeuner seul (alors qu'il était convenu que j'y participe) sans que je n'en connaisse le motif. Surprise de voir que j'avais été écartée de cette rencontre, j'ai demandé quelques mois plus tard, en mars 2012, des explications à M. [X] qui m'a indiqué que son silence avait pour but de me préserver car vous auriez été personnellement opposé à ma présence pour le seul motif que j'étais une femme. Ce motif discriminatoire a récemment été repris par M. [X] concernant les réunions IRP SP3 nettoyage ou la CFDT siège majorité. Il a déclaré en présence et avec le soutien de Messieurs [U] et [Z] [F] (respectivement directeur général et président) lors d'une réunion qui s'est déroulée le 26 septembre dernier, que les représentants du personnel refusaient que je co-anime les réunions car je suis une femme. Je vous remercie de bien vouloir m'éclairer sur ces affirmations, notamment en prenant l'attache à ce sujet des personnes concernées ».

Ce courrier nous a été transmis par la CFDT début novembre 2012.

De tels propos, qui consistent à alléguer auprès d'une organisation syndicale que vos supérieurs hiérarchiques auraient déclaré que les membres de ladite organisation et les représentants du personnel feraient preuve de discrimination sexiste, constitue une faute de nature à nuire gravement aux relations sociales au sein de l'entreprise. Cette faute est d'autant plus grave que, compte tenu de vos fonctions de responsable des ressources humaines groupe, vous êtes en capacité de mesurer les conséquences potentielles engendrées par votre démarche, et que, de surcroît, vous vous êtes adressée à l'organisation syndicale la plus représentative dans notre groupe. Lors de l'entretien préalable vous avez reconnu l'envoi de ce courrier et les explications recueillies auprès de vous n'ont pas permis de modifier notre appréciation des faits. Par ces motifs nous vous notifions par la présente une mise à pied disciplinaire de trois jours avec retenue correspondante de salaire [...] ».

Comme l'a justement relevé le conseil de prud'hommes, les propos tenus par Mme [C] dans sa correspondance avec une organisation syndicale relèvent de sa liberté d'expression et ne constituent qu'une interrogation sur une position qui aurait été prise par cette organisation susceptible de revêtir un caractère discriminatoire de sorte que l'employeur ne pouvait s'en prévaloir pour sanctionner la salariée.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a prononcé l'annulation de la sanction et en ce qu'il a condamné l'employeur à verser à Mme [C] une somme de 480 euros à ce titre, sauf à préciser qu'il s'agit d'un rappel de salaire.

S'agissant du préjudice moral, Mme [C] ne justifie pas du préjudice subi et sera déboutée de sa demande, le jugement étant confirmé de ce chef.

Sur le rappel d'heures supplémentaires :

Mme [C] sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer une somme de 59 212,76 euros au titre des heures supplémentaires effectuées par elle de février 2008 à septembre 2012 et l'infirmation du jugement qu'i l' a déboutée de sa demande.

La société NSD conclut au débouté et à la confirmation du jugement.

Au vu des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Pour étayer sa demande, Mme [C] verse aux débats les pièces suivantes :

- ses agendas depuis le début de la période visée,

- plusieurs dizaines de courriels faisant apparaître des heures d'envoi ou de réception en dehors des horaires habituels de travail,

- de nombreux décomptes mensuels de ses heures supplémentaires faisant apparaître les durées quotidiennes de travail,

- des attestations de salariés de l'entreprise relatives à sa présence au travail.

Ces éléments sont suffisamment précis sur les horaires effectués pour étayer sa demande et il appartient à l'employeur d'y répondre en fournissant ses propres éléments.

À cet égard, la cour relève avec l'employeur que les impressions d'agenda communiquées font mention de réunions et de formations qui ne concernent pas directement Mme [C]. Par ailleurs, l'employeur établit que la salariée était absente de l'entreprise pour congés ou maladie certains jours qu'elle englobe pourtant dans sa demande. Il établit également qu'elle était parfois absente de l'entreprise, prise dans des bouchons, aux heures qu'elle prétend être celles de début de la journée de travail et qu'elle présente des demandes relatives à des jours fériés où elle ne travaillait pas. Enfin, toutes les dizaines de courriels que produits Mme [C] ne sont pas de nature à justifier l'existence d'un travail effectif puisque certains ne sont que des récépissés de messages reçus, d'autres sont sans lien avec une activité professionnelle effective, d'autant que la salariée disposait d'un ordinateur portable.

Eu égard à l'ensemble de ces éléments, l'employeur n'étant pas en mesure d'établir la réalité des horaires effectués par la salariée pour le reste de la demande présentée couvrant l'ensemble de la période, la cour fera droit à celle-ci au titre des heures supplémentaires sur la base du taux horaire brut figurant sur les bulletins de salaire, à hauteur de la somme totale de 23 650,75 euros brut au titre de la période courant des années 2008 à 2012 et le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la rupture du contrat de travail :

Sur la nullité du licenciement :

Mme [C] demande à la cour de prononcer la nullité de son licenciement en faisant valoir d'une part que le motif de l'inaptitude résulte du harcèlement moral qu'elle a subi et en invoquant d'autre part l'absence de recherche de reclassement.

Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

À l'appui de sa demande, Mme [C] invoque les faits suivants :

- sa mise à l'écart de ses responsabilités antérieures et des contacts avec l'extérieur,

- sa relégation à des tâches subalternes,

- la multiplication des positions contradictoires de son supérieur hiérarchique,

- la prise de décision allant à l'encontre des siennes sur certains dossiers,

- la généralité de ce comportement du DRH à l'égard d'autres salariés,

- la dégradation de son état de santé.

S'agissant de la mise à l'écart de Mme [C] et notamment du fait qu'elle ne participait plus aux réunions des institutions représentatives du personnel au niveau de l'ensemble du groupe, la cour relève tout d'abord que cette participation ne faisait pas partie des missions définies par le contrat ni par la subdélégation de pouvoirs dont elle bénéficiait et qu'elle ne justifie pas qu'elle co-animait ses réunions, comme elle le prétend, jusqu'à l'arrivée de M. [X], dès lors que les courriels qu'elle produits établissent qu'elle préparait ces réunions et que M. [E], l'ancien DRH, dans son attestation, confirme qu'elle intervenait pour des questions relatives à la formation, donc ponctuellement, et ne mentionne pas une co-animation de sa part. La cour ne retiendra donc pas que cette première série de fait est établie.

S'agissant de sa mise à l'écart vis-à-vis des contacts avec l'extérieur, Mme [C] s'appuie sur un échange de mails avec M. [X], en date du 14 septembre 2012, dans lesquels elle déplore de ne pas avoir participé à une réunion, y trouvant, d'une part un intérêt personnel et d'autre part estimant avoir une valeur ajoutée compte tenu des enjeux du dossier ; ce à quoi son supérieur hiérarchique a répondu qu'elle n'était pas directement concernée. Ce seul échange n'est pas de nature à justifier la mise à l'écart alléguée et la cour ne retiendra pas non plus que ce fait est établi.

S'agissant de la relégation de la salariée à des tâches subalternes, les échanges de mails communiqués (pièces 10-1 à 10-8) ne suffisent pas à établir la réalité des faits s'agissant de la rédaction des contrats de travail, qu'elle supervisait déjà en 2009. La cour ne retiendra pas non plus que les faits sont établis.

Sur les décisions du DRH en contradiction avec les siennes, la cour ne peut que rappeler que le DRH était le supérieur hiérarchique de Mme [C] et qu'il pouvait donc légitimement s'opposer aux choix de sanctions de celle-ci et relève qu'elle ne communique à cet égard qu'un seul exemple relatif au licenciement d'une salariée que le DRH a finalement décidé de sanctionner par une mesure de mutation disciplinaire, de sorte que la cour ne retiendra pas la matérialité des faits allégués. Par ailleurs, s'agissant des ordres contradictoires, Mme [C] verse aux débats un échange de mails relatifs à un avertissement que Mme [C] n'avait pas préparé alors que M. [X] pensait qu'elle le ferait, qui ne suffit pas à caractériser des faits habituels et répétés de sorte que la cour ne retiendra pas que les faits allégués sont établis.

S'agissant des cartes de visite groupe et des organigrammes, Mme [C] reproche à l'employeur de n'avoir pas voulu lui fournir des cartes de visite groupe faisant mention de sa fonction de responsable des ressources humaines mais seulement au nom d'une des sociétés du groupe, alors qu'auparavant elle bénéficiait d'une carte de visite groupe mentionnant sa fonction de responsable de la formation. Les faits ne sont pas contestés par l'employeur et la cour les retiendra.

S'agissant des organigrammes qui ne font plus apparaître son nom ou sa fonction, l'organigramme réactualisé au 8 juin 2009 que Mme [C] verse aux débats fait apparaître sa fonction de responsable des ressources humaines (RH)au sein de la société AIPS. La cour constate que l'organigramme fonctionnel mis à jour au 21 février 2011 fait toujours apparaître cette fonction mais sans le nom de Mme [C]. L'organigramme opérationnel à cette même date ne fait plus apparaître sa fonction et en août 2012, elle ne figure pas sur l'organigramme de la société SP3 nettoyage. Les faits sont donc établis.

Enfin s'agissant du climat de harcèlement moral généralisé au sein de la société, les attestations communiquées par la salariée ne suffisent pas à l'établir dès lors qu'elles demeurent générales et impécises et que dans le cadre de l'enquête administrative qui a été réalisée auprès des assistantes RH, superviseur paye, assistante du directeur administratif et financier, aucune des personnes interrogées ne confirme avoir été témoin ou victime de comportement de dénigrement ou de vexations de la part de M. [X].

Les seuls faits que la cour considère établis concernent donc l'absence de carte de visite groupe au nom de Mme [C], son absence sur l'organigramme fonctionnel et opérationnel de la société SP3, ainsi que la dégradation de l'état de santé de Mme [C], tous faits qui, pris dans leur ensemble, laissent présumer des faits de harcèlement moral et il appartient donc à l'employeur d'établir qu'ils sont justifiés par des éléments objectifs qui y sont étrangers.

S'agissant de l'absence de carte de visite, la cour relève que l'employeur justifie sa position par le fait que l'entreprise la plus importante et la plus représentative à l'extérieur est la société SP3 et non pas la société SND, et qu'il justifie ainsi la délivrance de cartes de visite au nom de la société SP3 et non du groupe par l'exercice de son pouvoir de direction et l'expression de ses choix de communication ne relevant pas d'agissements de harcèlement moral.

S'agissant des organigrammes, l'employeur explique que le seul organigramme comportant les noms et fonctions de tous les salariés est un organigramme destiné à l'interne et que les autres organigrammes intitulés opérationnels ou fonctionnels dont se prévaut la salariée sont destinés à la communication extérieure de la société de sorte que, là encore, le choix d'y faire figurer ou non la fonction de RH correspond au pouvoir de direction de l'employeur. Par ailleurs, la cour relève que les différents organigrammes versés par l'employeur concernant la société SP3 nettoyage ou AP AIPS datant de 2009 ne portent pas davantage mention du nom ou de la fonction de Mme [C] de sorte que l'exercice par l'employeur de son pouvoir de direction n'est que l'expression de son choix de communication et ne relève pas du harcèlement.

S'agissant enfin de la dégradation de l'état de santé de Mme [C], elle ne suffit pas à elle seule à établir l'existence d'agissements de harcèlement moral en l'absence d'autres éléments que la cour aurait retenus.

En conséquence de ce qui précède, la cour juge que les faits établis par Mme [C] qui laissaient présumer des agissements de harcèlement moral sont en réalité justifiés par des éléments objectifs qui y sont étrangers de sorte que la seule dégradation de son état de santé ne suffit pas à établir le harcèlement moral allégué.

De ce fait, l'inaptitude professionnelle de Mme [C] ne résulte pas d'agissements de harcèlement moral et il n'y a pas lieu à prononcer de ce chef la nullité du licenciement.

Sur le défaut de reclassement :

Le manquement de l'employeur à son obligation de reclassement n'est pas de nature à entraîner la nullité du licenciement, le moyen présenté par la salariée à l'appui de sa demande ne sera donc pas accueilli.

La cour confirmera donc le jugement en ce qu'il a débouté Mme [C] de sa demande de nullité du licenciement.

Sur l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement pour manquement à l'obligation de reclassement :

À l'audience, Mme [C] a indiqué qu'à titre subsidiaire, elle demandait à la cour de juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement.

Aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou à un accident non professionnels, si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

Les possibilités de reclassement d'un salarié doivent être recherchées à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur concerné, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent la permutation de tout ou partie du personnel.

Il appartient à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyen, et de rapporter la preuve de l'impossibilité de reclassement qu'il allègue.

La société NSD établit, en produisant un extrait de la liste du registre du personnel, qu'aucun poste n'était susceptible d'être proposé à Mme [C] en son sein, d'autant qu'elle ne pouvait plus être placée sous la subordination de M. [X] qui exerçait à la fois les fonctions de directeur administratif et financier et de directeur des ressources humaines.

S'agissant des recherches au sein du groupe, en se contentant de verser au débat trois attestations émanant du directeur d'exploitation de la société SP3, du directeur commercial de la société AP AIPS et APY et de la directrice d'exploitation de la société APY, sans communiquer les termes dans lesquels il a présenté ses demandes de reclassement ni les réponses précises qui lui ont été adressées, l'employeur ne justifie pas avoir mené les recherches de reclassement de Mme [C] de manière sérieuse et loyale de sorte que la cour jugera le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement :

La demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral et nullité du licenciement présentée par Mme [C] s'analyse comme une demande pour harcèlement moral et licenciement sans cause réelle et sérieuse compte tenu de la demande présentée pour la première fois en cause d'appel à l'audience relative au licenciement sans cause réelle et sérieuse, à titre subsidiaire, à laquelle la cour a fait droit.

La cour n'a pas retenu le harcèlement moral de sorte que ce chef de préjudice ne sera pas retenu.

Employée depuis plus de deux ans dans une entreprise comprenant au moins 11 salariés, Mme [C] doit être indemnisée du préjudice subi en raison du licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L. 1235'3 du code du travail dans sa version applicable au litige, à hauteur d'une somme ne pouvant être inférieure à ses salaires des six derniers mois. Eu égard à son ancienneté au sein de l'entreprise (plus de cinq ans), à son âge au moment du licenciement (née en 1981), à sa rémunération des six derniers mois, aux circonstances de son licenciement, à ce qu'elle justifie de sa situation postérieure au licenciement (attestation fiscale, demandeur d'emploi longue durée pour la période du 13 juin 2013 au 16 mai 2014 et du 3 septembre 2014 au 2 mars 2015), son préjudice sera entièrement réparé par l'allocation d'une somme de 35 000 euros.

Sur la demande présentée au titre du préavis en application de l'article L. 1226'4 du code du travail, en cas de licenciement du salarié inapte pour un motif qui ne relève pas de la maladie professionnelle ou de l'accident du travail, l'inexécution du préavis ne donne pas lieu au versement d'une indemnité compensatrice. La demande présentée par Mme [C] sera donc rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

Il sera d'office fait application de l'article L. 1235-4 du code du travail et la société NSD devra rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuiellement versées à Mme [C] depuis son licenciement, dans la limite de trois mois.

Sur les autres demandes :

La capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière sera ordonnée en application de l'article 1343'2 du code civil.

Eu égard à la solution du litige, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société NSD aux dépens et statué sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. En cause d'appel, la société NSD sera également condamnée aux dépens lesquels ne seront pas distraits au profit de Me Virginie Varas dès lors que les conditions d'application de l'article 699 du code de procédure civile ne sont pas réunies puisque la procédure est orale, et devra indemniser Mme [C] des frais exposés par elle devant la cour et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 1 000 euros, sa propre demande sur ce fondement étant rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant par mise à disposition au greffe et contradictoirement,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a statué sur le rappel d'heures supplémentaires, le préjudice moral, l'annulation de la sanction disciplinaire, et l'indemnité y afférente, étant précisé que la somme de 480 euros allouée à ce titre est un rappel de salaire,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à écarter des débats les attestations produites par la société Nettoyage service développement,

Condamne la société Nettoyage service développement à payer à Mme [T] [G] épouse [C] la somme de 23 650,75 euros brut à titre de rappel d'heures supplémentaires pour les années 2008 à 2012,

Dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Nettoyage service développement à payer à Mme [T] [G] épouse [C] la somme de 35 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Nettoyage service développement à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement versées à Mme [T] [G] épouse [C] depuis son licenciement dans la limite de trois mois,

Ordonne la capitalisation des intérêts dus au moins pour année entière,

Déboute Mme [T] [G] épouse [C] du surplus de ses demandes,

Condamne la société Nettoyage service développement à payer à Mme [T] [G] épouse [C] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de la société Nettoyage service développement ni application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Virginie Varas,

Condamne la société Nettoyage service développement aux dépens d'appel.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Luc LEBLANC, président et par Madame POIRIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 16/01623
Date de la décision : 04/04/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 19, arrêt n°16/01623 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-04-04;16.01623 ?
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