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15/03/2018 | FRANCE | N°16/02901

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 15 mars 2018, 16/02901


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



5e Chambre



ARRET N°0



CONTRADICTOIRE



DU 15 MARS 2018



N° RG 16/02901



AFFAIRE :



[V] [X]





C/

SA BOUYGUES BATIMENT INTERNATIONAL









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 17 Mai 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

Section : Industrie

N° RG : 13/01156



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Copies exécutoires délivrées à :



Me Sophie HUDEC



la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS





Copies certifiées conformes délivrées à :



[V] [X]



SA BOUYGUES BATIMENT INTERNATIONAL







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE Q...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

5e Chambre

ARRET N°0

CONTRADICTOIRE

DU 15 MARS 2018

N° RG 16/02901

AFFAIRE :

[V] [X]

C/

SA BOUYGUES BATIMENT INTERNATIONAL

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 17 Mai 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

Section : Industrie

N° RG : 13/01156

Copies exécutoires délivrées à :

Me Sophie HUDEC

la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS

Copies certifiées conformes délivrées à :

[V] [X]

SA BOUYGUES BATIMENT INTERNATIONAL

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE MARS DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [V] [X]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me Sophie HUDEC, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0482

APPELANT

****************

SA BOUYGUES BATIMENT INTERNATIONAL

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Christophe PLAGNIOL de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1701

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Janvier 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie CACHET, Conseiller chargé(e) d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller,

Madame Sylvie CACHET, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Florence PURTAS,

Suivant contrat à durée indéterminée du 7 juillet 1980, M. [V] [X] a été engagé par la société Dragages et Travaux publics aux droits de laquelle est venue la société Bouygues SA le 4 juillet 1996 suite à une opération de fusion, puis le 1er juillet 1999 par la société Bouyges Bâtiment International SA, en qualité à l'origine de mécanicien et en dernier lieu de responsable du matériel, statut cadre.

Du 19 octobre 1981 au 30 septembre 1984, il a exercé au Congo, en tant que salarié de la société Dragages Congo.

Du 1er octobre 1984 au 3 juillet 1996, il a travaillé pour la société Dragages Travaux Publics au Zaïre puis au Gabon.

Du 4 juillet 1996 jusqu'au 30 août 2001, il a travaillé toujours dans le cadre de l'expatriation au Gabon pour les sociétés Bouygues SA puis Bouygues Bâtiment International SA.

Dans le cadre de sa dernière mission, il a fait l'objet d'une mesure de licenciement le 30 août 2001 pour faute lourde.

Par arrêt du 10 juin 2003, la cour d'appel de Versailles a requalifié la faute lourde en faute grave et débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes.

M. [V] [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles le 25 juin 2013, afin d'obtenir la condamnation de la société Bouygues suite au défaut de versement par la société Dragage et Travaux publics des cotisations d'assurance retraite auprès du régime général de la sécurité sociale française pour les périodes d'expatriation allant de 1982 à juillet 1996, cette omission ne lui permettant pas de faire valoir ses droits à la retraite à taux plein en raison d'un nombre conséquent de trimestres manquants.

Par jugement du 17 mai 2016, le conseil a jugé la demande irrecevable au titre de l'unicité de l'instance et débouté le requérant de l'ensemble de ses demandes.

M. [V] [X] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 30 mai 2016.

Il demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de :

- ordonner la production par la société des informations relatives à l'affiliation du salarié au régime de retraite de base et au régime complémentaire de retraite sur la période du mois de décembre 1981 au mois de juin 1996

- condamner la société Bouygues à lui payer les sommes suivantes :

* 278'264 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis nés de la perte de ses droits à la retraite suivant l'estimation arrêtée par la CARSAT pour le rachat des trimestres manquants;

*15'000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi;

OU

*constater la discrimination à l'égard du salarié et ordonner en conséquence la réparation de son préjudice à hauteur de 340'000 euros

Il sollicite également l'exécution provisoire, la capitalisation des intérêts et la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Bouygues demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter M. [V] [X] de l'ensemble de ses demandes et sollicite en outre sa condamnation à lui payer la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.

MOTIFS DE LA COUR

Sur la recevabilité de la demande

L'article R. 1452'6 du code du travail applicable à l'espèce dispose que :

Toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance. Cette règle n'est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes.

En application de l'article L. 5422-13 du code du travail, le salarié expatrié n'est plus obligatoirement soumis au régime français de sécurité sociale à la seule exception de l'assurance chômage.

Le salarié français expatrié hors espace économique européen, doit être affilié au régime de sécurité sociale du pays d'emploi lorsque celui-ci est obligatoire, mais le salarié peut toujours bénéficier à titre complémentaire et facultatif de l'assurance volontaire des expatriés en s'adressant à la caisse des Français à l'étranger (CFE). S'agissant du risque vieillesse comme pour tous les autres risques, l'adhésion est volontaire et facultative, tant au régime général (retraite de base) qu'aux régimes complémentaires (ARRCO et AGIRC).

En application de l'article L. 762-1 du code de la sécurité sociale, les entreprises de droit français doivent effectuer les formalités nécessaires à l'adhésion aux assurances volontaires lorsque les salariés le demandent. Les cotisations peuvent être prises en charge par l'employeur qui se substitue au salarié pour leur paiement et doit alors en informer la caisse des Français à l'étranger.

M. [X] fait valoir au soutien de son appel, qu'il a reçu son relevé de situation individuelle des droits à la retraite en octobre 2010, date à laquelle il a constaté qu'il ne bénéficiait que de 68 trimestres pour sa retraite de base car aucune cotisation n'avait été versée par son employeur au titre du régime général de retraite de 1982 à 1996.

Il constate que les cotisations au régime de retraite complémentaire ont en revanche été versées tout au long de sa relation de travail (à l'exception de la société Dragages Congo).

Il ne pouvait dès lors saisir le conseil de prud'hommes de cette demande lors de la contestation de son licenciement le 13 décembre 2001.

La Société réplique que le salarié a été engagé pour la période du 19 octobre 1981 au 30 septembre 1984 par la société Dragages Congo, société de droit congolais distincte de la société Dragages et Travaux Publics qui n'était donc pas son employeur.

Pour la période du 1er octobre 1984 au 3 juillet 1996, il a été embauché par la société Dragages et Travaux Publics, société de droit français, pour une expatriation au Zaïre du 1er octobre 1984 au 31 mai 1989, puis au Gabon du 1er juin 1989 au 3 juillet 1996 et c'est la seule période dont la société Bouygues Bâtiment International a à répondre, étant venue aux droits de la société Dragages et Travaux Publics.

La société Bouygues soutient que la société Dragages a cotisé à deux caisses de retraites complémentaires et a tenu informé son salarié. En effet, un échange de courriers entre le salarié et la société Dragages en janvier et février 1993 démontre que celui-ci était parfaitement informé des modalités de cotisations aux différents régimes de retraite et des conséquences sur le nombre de trimestres en découlant.

Sur ce,

La période du 19 octobre 1981 au 30 septembre 1984

Il n'est pas contesté que durant cette période, M. [X] a été engagé par la société Dragages Congo, société de droit congolais. Son contrat de travail versé aux débats mentionne qu'il est affilié au régime de retraite géré par la caisse nationale de Prévoyance sociale de la République Populaire du Congo et que la Société cotise également aux régimes de retraite complémentaire suivants: la caisse du bâtiment et des travaux publics ( CBTP) et la caisse de retraite des expatriés 'régime particulier'(CRE) avec les modalités de calcul et la définition de l'assiette de cotisation.

La cour conclut que d'une part, la société Bouygues ne saurait être tenue des obligations de ce contrat conclu avec une société de droit étranger pour l'exécution d'un travail au Congo rémunéré en francs CFA et que d'autre part, il est justifié que cette société a bien rempli son obligation d'information vis à vis de son salarié, sans qu'il soit besoin d'ordonner la production des pièces sollicitées par M. [X].

La période du 1er octobre 1984 au 3 juillet 1996

La société Dragages et Travaux publics verse aux débats le contrat de travail signé avec le salarié le 1er octobre 1984, qui mentionne précisément les informations relatives aux cotisations par la Société au titre de la retraite aux caisses CBTP et CRE et indique que 'l'agent reconnaît avoir rempli et signé les bulletins d'adhésion aux caisses de Retraite et Prévoyance'. La continuation de la mission au Gabon fera l'objet d'un avenant au contrat initial de travail précisant les modalités de salaire et de la prime d'environnement local sans modification de son statut d'expatrié.

M. [X] a adressé un courrier le 19 janvier 1993 à son employeur en ces termes: ' les caisses de retraite auxquelles je cotise, CRE et CBTP, sont des retraites complémentaires à régime particulier. Pour percevoir les allocations retraite à l'âge de 60 ans et à taux plein, il me faudra justifier de 150 trimestres de cotisations au régime général de la sécurité sociale. À ma connaissance nous ne cotisons ni à la sécurité sociale, ni à la caisse de Français de l'étranger. Pouvez vous me donner quelques explications et m'informer de ce que pourra être ma situation au moment de la retraite' '

Ce courrier démontre qu'il a été informé et qu'il a compris que la Société ne cotisait pas au régime général de retraite mais bien à deux régimes complémentaires et que pour pouvoir bénéficier d'une retraite à taux plein à l'âge de 60 ans, il lui faudrait justifier de 150 trimestres de cotisations au régime général de la sécurité sociale.

La société Dragages et Travaux Publics lui confirme par courrier du 8 février 1993, qu'en raison de son statut d'expatrié, il ne cotisait pas au régime de retraite de base de la sécurité sociale en France mais qu'il cotisait à deux caisses de retraites complémentaires et ce en ces termes:

'Suite à votre demande, nous vous informons que pendant toute votre activité au Gabon, vous avez un statut expatrié et de ce fait vous ne dépendez pas de la sécurité sociale en France.

Je vous confirme que pour le régime complémentaire, vous cotisez à la CBTP sur la totalité des salaires et pour compenser le régime général, vous cotisez un régime particulier souscrit auprès de la CRE où vous avez un forfait annuel de 804 points.

Pour toucher la retraite complémentaire sans abattement, il faut selon la législation en vigueur actuellement avoir travaillé en tant que salarié pendant 37 ans et demi à l'âge de 60 ans ou à 65 ans sans condition.'

La cour constate que la société Dragages n'a pas manqué à son obligation d'information et le salarié ne saurait tirer argument d'un positionnement plus favorable de la société Bouygues au regard de la cotisation au régime général de retraite pour ses salariés, dont il a pu bénéficier à partir du 4 juillet 1996, date de la reprise de son contrat par ladite Société, pour caractériser un manquement de la société Dragages et Travaux Publics à ses obligations contractuelles.

En effet, il n'y avait aucune obligation pour la société Dragages à cotiser au régime général, en raison du statut d'expatrié de M. [X] qui n'est pas contesté et ce dernier ne démontre pas ( ni ne prétend) avoir sollicité cette affiliation suite à la réponse qui lui a été donnée le 8 février 1993.

Comme le souligne justement son collègue M. T. dans son courrier adressé le 3 octobre 2017:

' A cette époque nous ne parlions pas de retraite, nous avions 35 ans environ ...', étant précisé que la société n'étant pas dans l'obligation de prendre en charge lesdites cotisations au régime général, celles-ci seraient venues obérer le revenu perçu par le salarié.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la société Bouygues a bien informé M. [X] et ce avant son licenciement, avant la première saisine du conseil de prud'hommes en 2001et avant l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 10 juin 2003, de ce qu'il ne cotisait pas au régime de retraite général de base pour la période incriminée.

En application du principe de l'unicité de l'instance, sa demande d'indemnisation du préjudice né de la perte de ses droits à la retraite doit être considérée comme irrecevable et le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur la discrimination

M. [X] affirme avoir eu connaissance en avril 2015, d'une discrimination commise à son encontre puisqu'un ancien collègue en situation d'expatrié, a bénéficié des cotisations versées par son employeur au régime général de retraite.

M. [X] verse aux débats l'attestation de M. T., qui indique avoir intégré le groupe Bouygues en 1993 avec une affectation au Gabon pour remplacer M.[X] jusqu'en 1994, ce dernier ayant été victime d'un accident du travail.

M.T. confirme que la société Bouygues a cotisé au régime général de retraite et qu'il a pu bénéficier des trimestres correspondant à ses années de travail . Il verse aux débats son relevé de carrière et les bulletins de paye des mois de juin 1993 à1996.

Mais la cour observe que les fiches de paye de M. T. émanent de la société Bouygues alors que pour la même période, M. [X] est salarié de la société Dragages Travaux Publics.

D'autre part, aucun document n'est versé aux débats pour préciser les modalités du remplacement qu'il a effectué lors de l'accident de M. [X] ni les conditions particulières de son contrat de travail au regard de l'expatriation.

De plus, M. [X] indique bien dans ses écritures que la période litigieuse est la période de 1982 à 1996. A partir de la reprise de son contrat par la société Bouygues, en juillet 1996, il va bénéficier des cotisations effectuées par l'employeur au régime général de retraite.

D'où il suit que M. [X] échoue à démontrer l'existence d'un fait laissant supposer qu'il a subi une discrimination sans qu'il soit besoin de s'interroger sur la prescription soulevée par la Société concernant cette demande.

Il y aura lieu de débouter M. [X] de chef de cette demande.

L'équité commande de condamner M. [X] à payer à la société Bouygues Bâtiment International la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure pénale et de le débouter de sa propre demande à cet égard.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement rendu le 17 mai 2016 par le conseil de prud'hommes de Versailles en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute M. [V] [X] de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination ;

Condamne M. [V] [X] à verser à la société Bouygues Bâtiment International la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le déboute de sa demande à cet égard ;

Condamne M. [V] [X] aux dépens.

Déboute les parties de toute demande autre, plus ample ou contraire.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Mme Florence Purtas, Greffier , auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 16/02901
Date de la décision : 15/03/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 05, arrêt n°16/02901 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-15;16.02901 ?
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