La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/03/2018 | FRANCE | N°15/00211

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 14 mars 2018, 15/00211


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



contradictoire



DU 14 MARS 2018



N° RG 15/00211



AFFAIRE :



[I] [C]





C/

SA TOTAL S.A.

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Décembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : Encadrement

N° RG : 13/02754





Copies ex

écutoires délivrées à :



AARPI FOURMENTIN, LE QUINTREC, VEERASAMY



Me Emmanuelle LEVET





Copies certifiées conformes délivrées à :



[I] [C]



SA TOTAL S.A.



SA TOTAL RAFFINAGE CHIMIE







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QU...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

contradictoire

DU 14 MARS 2018

N° RG 15/00211

AFFAIRE :

[I] [C]

C/

SA TOTAL S.A.

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Décembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : Encadrement

N° RG : 13/02754

Copies exécutoires délivrées à :

AARPI FOURMENTIN, LE QUINTREC, VEERASAMY

Me Emmanuelle LEVET

Copies certifiées conformes délivrées à :

[I] [C]

SA TOTAL S.A.

SA TOTAL RAFFINAGE CHIMIE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE MARS DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [I] [C]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Assistée de Me Nicolas LE QUINTREC de l'AARPI FOURMENTIN, LE QUINTREC, VEERASAMY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R035

APPELANTE

****************

SA TOTAL S.A.

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Emmanuelle LEVET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0312

SA TOTAL RAFFINAGE CHIMIE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Emmanuelle LEVET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0312

INTIMÉES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 26 Janvier 2018, en audience publique, Monsieur Stéphane BOUCHARD, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composé de :

Monsieur Stéphane BOUCHARD, conseiller faisant fonction de président,

Madame Marie-Christine HERVIER, conseiller,

Madame Françoise PIETRI-GAUDIN, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Gaëlle POIRIER

FAITS ET PROCÉDURE :

Mme [I] [C] a été embauchée selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 10 juillet 2006 en qualité de juriste en droit de la concurrence (statut de cadre) par la société Total S.A. et a été affectée au sein de la direction juridique attachée à la direction générale de la branche chimie.

La convention collective applicable à la relation de travail est la convention collective nationale de l'industrie du pétrole.

À compter du 4 mai 2009, Mme [C] a été nommée 'responsable du département conformité et responsabilité sociétale' au sein de cette même direction juridique.

À compter du 1er février 2010, Mme [C] a été nommée en sus responsable de la conformité anticorruption pour la branche chimie.

À la suite d'une réorganisation du groupe Total ayant conduit notamment au regroupement des branches chimie et raffinage jusque là distinctes au sein d'une nouvelle société Total Raffinage Chimie, Mme [C] a été employée à compter du 1er avril 2012 par cette société et nommée dans les fonctions de responsable concurrence, droit des sociétés, contentieux au sein de la direction juridique, sous l'autorité de Mme [E] [O] (directrice juridique de la branche raffinage chimie).

Le 28 janvier 2013, Mme [C] a remis au secrétaire général de la société Total Raffinage Chimie une note dans laquelle elle dénonçait le 'comportement abusif' de Mme [O] à son égard et demandait qu'il y soit mis fin.

Début juin 2013, la société Semiole, mandatée par la société Total Raffinage Chimie, a remis un rapport d'enquête sur les faits dénoncés par Mme [C].

À compter du 17 juin 2013, Mme [C] a été placée en arrêt de travail pour maladie, sans reprise du travail par la suite.

Le 28 août 2013, Mme [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre (section encadrement) pour demander sa réaffectation à son poste de responsable de département sous une autre hiérarchie que celle de l'auteur du harcèlement et la condamnation solidaire de la société Total S.A. et de la société Total Raffinage Chimie à lui verser des dommages-intérêts.

Par un jugement du 12 décembre 2014, auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits, moyens et prétentions des parties, le conseil de prud'hommes a :

- dit que la société Total Raffinage Chimie est le seul employeur de Mme [C] ;

- dit que les accusations de harcèlement moral formulées par Mme [C] sont dépourvues de fondement ;

- débouté Mme [C] de toutes ses demandes ;

- débouté la société Total Raffinage Chimie et la société Total S.A. de leurs demandes reconventionnelles au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- laissé à la charge de chacune des parties les éventuels dépens.

Le 15 janvier 2015, Mme [C] a régulièrement interjeté appel de ce jugement à l'encontre de la société Total S.A. et de la société Total Raffinage Chimie.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 5 mars 2015, Mme [C] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de la société Total Raffinage Chimie.

À l'audience du 6 mai 2016, l'affaire a été renvoyée en formation collégiale à la demande de la partie appelante.

Aux termes de ses conclusions du 27 septembre 2017 soutenues oralement à l'audience, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, Mme [C] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

- condamner la société Total Raffinage Chimie à lui verser les sommes suivantes :

* 11'373 euros, congés payés inclus, à titre de complément d'augmentation annuelle pour les années 2013 et 2014 ;

* 170'000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice professionnel, psychologique et moral résultant d'un harcèlement moral ;

* 170'000 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de chance de poursuivre sa carrière au sein du groupe Total ;

* 70'000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité et de prévention du harcèlement moral ;

- dire que sa prise d'acte produit les effets d'un licenciement nul et condamner la société Total Raffinage Chimie à lui verser les sommes suivantes :

* 36'574,10 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents ;

* 45'588,02 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

* 124'247 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 50'000 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier d'actions gratuites;

- ordonner l'application des articles 1153 et 1154 du code civil ;

- condamner la société Total Raffinage Chimie à lui verser une somme de 14'890 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions du 26 janvier 2018, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, la société Total Raffinage Chimie et la société Total S.A. demandent à la cour de :

- constater qu'aucune demande n'est plus formée à l'encontre de la société Total S.A. ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [C] de ses demandes ;

- dire que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail formée par Mme [C] s'analyse en une démission et débouter Mme [C] de ses demandes subséquentes ;

- condamner Mme [C] à verser à la société Total Raffinage Chimie une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience ;

SUR CE :

Sur la mise hors de cause de la société Total S.A. :

Considérant qu'il est constant que plus aucune demande n'est formulée en appel par Mme [C] à l'encontre de la société Total S.A. ; que la mise hors de cause de cette société sera donc confirmée ;

Sur le harcèlement moral et les dommages et intérêts afférents :

Considérant que Mme [C] soutient qu'elle a été victime entre novembre 2011 et janvier 2013 d'agissements répétés de harcèlement moral de la part de sa supérieure, Mme [O], ayant stoppé sa carrière et dégradé son état de santé, et constitués par :

1°) des retraits successifs, abrupts et non motivés de responsabilités importantes inhérentes à la définition de son poste ;

2°) des promesses non tenues ou fallacieuses de maintien ou d'élargissement de ses fonctions ou de soutien de ses demandes d'évolution de carrière ;

3°) une perte d'autonomie et d'autorité par des mises en cause volontaires, répétées, parfois publiques, de ses capacités en management et techniques, par des brimades et abus de pouvoir hiérarchique ;

4°) le fait de la court-circuiter et de retenir des informations utiles à la réalisation de ses tâches ;

5°) des attaques répétées ou un flou volontairement entretenu, sur le périmètre de son poste pour en vider ou en transférer certains contenus à d'autres collaborateurs ou des interrogations déstabilisantes sur ce type de sujet ;

6°) un isolement et une mise à l'écart de manière à ce qu'elle perde le contact avec le 'top management' ;

7°) des attaques frontales sans témoin, de manière à éviter de laisser des preuves, visant à la rabaisser et à l'humilier ;

8°) des exclusions de réunions relevant de sa sphère d'intervention, sans l'en informer en direct ;

9°) la fixation d'objectifs inatteignables ;

10°) une menace indiquant qu'elle sera tenue pour responsable potentielle de défaillance sur un sujet ou sur des objectifs qui ne sont plus de son ressort ;

11°) des attitudes et commentaires sur son état de santé ;

12°) la communication par courriel le week-end ou en période d'arrêt maladie ;

13°) un isolement géographique ;

14°) un silence de la direction des ressources humaines ;

15°) un discrédit jeté sur elle auprès de ses collègues et de ses supérieurs ;

16°) des postures de discrimination à raison de sa santé et de son âge ;

Que Mme [C] demande en conséquence l'allocation des sommes suivantes :

- 11 373 euros à titre de rappel d'augmentation de salaire sur les années 2013 et 2014 dont elle a été privée à raison du harcèlement ;

- 170 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, psychologique et professionnel ;

Que la société Total Raffinage Chimie soutient que les faits de harcèlement moral ne sont pas établis et conclut au débouté ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en application de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l'application de ce texte, le salarié établit des faits précis et concordants qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Considérant en l'espèce, s'agissant du premier grief, que s'il ressort des pièces versées aux débats que les domaines du droit de l'environnement et de l'immobilier et le 'programme de conformité' en droit de la concurrence ont été, à l'occasion du regroupement des branches chimies et raffinage dans le courant du premier semestre de l'année 2012, retirés du périmètre d'intervention confié antérieurement à Mme [C] au sein de la société Total S.A., ce changement d'attributions, dont il n'est pas démontré qu'elles constituaient un élément contractuel, ne s'est pas accompagné d'une diminution des responsabilités de Mme [C], puisqu'elles s'exerçaient désormais sur deux branches d'activité du groupe Total qui étaient antérieurement distinctes et que le nombre de ses collaborateurs a été doublé ; qu'aucun retrait de responsabilités n'est ainsi établi ; que par ailleurs, les allégations de brutalité dans ce changement d'attributions ne ressortent d'aucun élémént objectif ;

Que s'agissant du deuxième grief relatif à des promesses non tenues relatives au contenu des ses fonctions ou d'évolution de carrière, ce fait n'est étayé que par les seules plaintes de la salariée contenues dans sa note de dénonciation du 26 janvier 2013, des notes dont elle est le seul auteur ou des courriels adressés par elle seule à sa hiérarchie ou encore des échanges avec sa hiérarchie rédigés en langue anglaise et non traduits ;

Que s'agissant du troisième grief, Mme [C] se borne à verser un courriel émanant de Mme [O] rédigé en langue anglaise et non traduit, un courriel adressé par l'intéressée le 15 novembre 2012 à Mme [K], dont les fonctions ne sont pas précisées, ne faisant nullement ressortir un refus de validation de congés mais de simples problèmes informatiques de validation de congés par Mme [O] ;

Que s'agissant du quatrième grief, Mme [C] verse au débat un courriel sybillin du 21 juin 2012 échangé avec un collègue sur des 'faits marquants' ainsi qu'un autre courriel qu'elle a adressé à Mme [O] le 8 novembre 2012 dans lesquels elle demande à être associée aux travaux sur un certain type de dossiers qui ne font pas ressortir qu'elle a été court-circuitée par sa hiérarchie ;

Que s'agissant du cinquième grief, Mme [C] verse aux débats un courriel d'observation adressé à Mme [O] le 12 janvier 2012 relatif à la note d'organisation de la nouvelle direction juridique dans laquelle elle préconise que soient apportées des précisions sur les attributions de son département, sans qu'aucun élément ne soit apporté par l'appelante sur les suites données à ce courriel ; qu'elle verse également aux débats un courriel du 16 juillet 2012 adressé à Mme [O] dans lequel elle demande à être invitée à une réunion organisée par cette dernière, ce à quoi Mme [O] donne aussitôt une suite favorable; qu'elle verse enfin un compte-rendu de réunion du 3 février 2012 qu'elle a établi elle-même et dont le contenu n'est corroboré par aucun élément objectif ; que ces pièces n'établissent pas des attaques répétées ou un flou volontairement entretenu sur le périmètre de son poste pour en vider ou en transférer certains contenus à d'autres collaborateurs ou des interrogations déstabilisantes sur ce type de sujet ;

Que s'agissant du sixième grief, Mme [C] verse aux débats un échange de courriels rédigés en anglais et non traduits, le courriel sybillin du 21 juin 2012 relatif à des 'faits marquants' ainsi qu'une série de pièces relatives à une édition d'un guide pratique en droit de la concurrence à usage du groupe Total qui ne font en rien ressortir que Mme [C] a été isolée et mise à l'écart afin qu'elle perdre le contact avec 'le top management' ;

Que s'agissant du septième grief relatif à des attaques visant à rabaisser et à humilier, aucune pièce n'est versée ;

Que s'agissant du huitième grief, Mme [C] verse un courriel de Mme [O] écrit en anglais et non traduit ainsi que le courriel du 16 juillet 2012 déjà mentionné par lequel Mme [O] fait droit à sa demande de participer à une réunion ;

Que s'agissant du neuvième grief relatif à la fixation d'objectifs inatteignables, Mme [C] se borne à verser son évaluation pour l'année 2012, établie en janvier 2013, dans laquelle elle indique qu'un objectif relatif à la formation de 2000 personnes dans le cadre du programme conformité concurrence n'est pas atteignable, sans expliquer ce point par des éléments objectifs ;

Que s'agissant du dixième grief, Mme [C] se borne à verser cette même évaluation qui ne contient aucune menace en cas de non atteinte d'objectifs ;

Que s'agissant du onzième grief, aucune pièce n'est versée aux débats sur ce point ;

Que s'agissant du douzième grief, Mme [C] verse trois courriels envoyés par Mme [O] pendant des week-ends qui sont rédigés en anglais et qui ne permettent pas de déterminer si une réponse était requise de la part de l'appelante le jour même ;

Que s'agissant du treizième grief tiré de l'isolement géographique, Mme [C] se borne à verser un courriel du 16 janvier 2012 adressé à la secrétaire du directeur général de la société relatif à son affectation provisoire dans un 'bureau tampon' n°24F47 qu'elle dit être excentré du reste de son service, alors qu'elle préférait être dans le bureau n°24E45 ; que cet élément est à lui seul insuffisant à établir ce fait ;

Que s'agissant du quatorzième grief tiré du 'silence' de la direction des ressources humaines, Mme [C] verse au débat un courriel qu'elle a adressé le 4 juillet 2012 au directeur des ressources humaines de la société Total Raffinage Chimie dans lequel elle indique 'comme convenu, je me permets de revenir vers toi pour envisager les différentes pistes possibles que tu aurais pu identifier à la suite de notre entretien' ; qu'en l'absence d'autres éléments plus précis, ce seul courriel est insuffisant à établir les faits allégués ;

Que s'agissant des quinzième et seizième griefs, tirés du discrédit jeté sur elle ou d'une discrimination, Mme [C] ne verse aucune pièce sur ces faits ;

Que la lettre de dénonciation du 26 janvier 2013 adressée par Mme [C] à son employeur qui reprend l'ensemble de ces griefs n'est ainsi corroborée par aucun élément objectif et n'est donc pas suffisamment probante ;

Que le rapport d'enquête réalisé par la société Semiole conclut à l'absence de harcèlement moral et indique que la plainte de Mme [C] est le fruit d'une 'surinterprétation des faits' de sa part ;

Que s'agissant de la dégradation de la santé de Mme [C], les pièces médicales versées aux débats démontrent que le mauvais état de santé de Mme [C] découle de graves problèmes cardiaques ; que les arrêts de travail de son médecin traitant, reliant un syndrome anxio-dépressif aux conditions de travail ne sont pas probants en l'absence de toute constatation personnelle du médecin relative à ces conditions de travail ;

Qu'il résulte donc de tout ce qui précède que Mme [C] n'établit pas de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'elle sera donc déboutée de ses demandes de rappel de salaire et de dommages-intérêts subséquentes ; que le jugement attaqué sera confirmé sur ces points ;

Sur les dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité et de prévention du harcèlement moral :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1152-4 du code du travail, l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral ;

Qu'en l'espèce, en premier lieu, aucun fait de harcèlement moral sur Mme [C] n'est établi ainsi qu'il a été dit ci-dessus ;

Qu'en second lieu, il ne ressort d'aucune pièce que Mme [C] a averti à compter du 15 juin 2012 la direction des ressources et la direction générale de faits de harcèlement moral contrairement ce qu'elle prétend ; qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier qu'après la dénonciation de ces faits intervenue le 26 janvier 2013, la société Total raffinage Chimie a rapidement diligenté une enquête interne confiée à la société Semiole eu égard à la participation de Mme [O], visée par cette plainte, au comité d'éthique de la société en charge habituellement de ces enquêtes ; que dans l'attente des conclusions, la société employeuse a séparé Mme [C] de Mme [O] en lui confiant une mission temporaire auprès du secrétariat général ; qu'après le dépôt du rapport d'enquête en juin 2013 concluant à l'absence de harcèlement moral, l'employeur a suivi les préconisations tendant à séparer Mme [C] de Mme [O] par la recherche d'un autre poste dans le groupe Total, laquelle n'a pu aboutir à raison du défaut de mobilité de Mme [C] sur un poste permanent à [Localité 1] au sein de la branche 'trading and shipping' puis à raison de son placement en arrêt de travail pour maladie ;

Qu'il résulte donc de ce qui précède qu'aucun manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et à son obligation de prévention du harcèlement ne ressort des débats ; qu'il y a donc lieu de débouter Mme [C] de sa demande de dommages-intérêts à ce titre et de confirmer le jugement entrepris sur ce point ;

Sur les dommages et intérêts pour perte de chance de poursuivre sa carrière au sein du groupe Total :

Considérant que Mme [C] soutient qu'elle avait obtenu en juin 2013 de manière certaine un poste de remplacement au sein de la branche 'trading and shipping' du groupe Total mentionné ci-dessus et que son employeur, par un comportement déloyal et dolosif, l'a privée de ce poste et de la chance certaine de poursuivre sa carrière au sein du groupe ; qu'elle réclame en conséquence une somme de 170'000 euros au titre de la privation de la perte de chance de poursuivre sa carrière ;

Mais considérant que Mme [C] ne justifie pas de ses allégations de comportement déloyal et dolosif de son employeur pour l'empêcher de prendre le poste en cause au sein d'une autre branche du groupe ; qu'à l'inverse, la société Total Raffinage Chimie verse aux débats des courriels émanant de responsables de cette branche du groupe, sur laquelle elle n'avait d'ailleurs aucun pouvoir de décision, aux termes desquels cette nomination n'a pu aboutir à raison du défaut de mobilité de Mme [C] sur un poste permanent à [Localité 1] ainsi qu'il a été dit ci-dessus ; que Mme [C] sera donc déboutée de sa demande de dommages-intérêts à ce titre ; que le jugement attaqué sera confirmé sur ce point ;

Sur la prise d'acte et ses conséquences :

Considérant que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou le cas échéant nul si les manquements invoqués sont suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail, soit, dans le cas contraire, d'une démission ;

Considérant que Mme [C] invoque à l'appui de sa prise d'acte intervenue le 5 mars 2015 les faits de harcèlement moral mentionnés ci-dessus ; que toutefois, le harcèlement moral n'étant pas établi ainsi qu'il a été dit, il y a lieu de dire que cette prise d'acte s'analyse en une démission et de débouter l'appelante de ses demandes subséquentes et nouvelles en appel d'allocation d'une 'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse', d'une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, d'une indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier d'actions gratuites ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Considérant qu'eu égard à la solution du litige, il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il statue sur ces deux points ; que Mme [C], partie succombante, sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sera condamnée à verser à la société Total Raffinage Chimie une somme de 3 000 euros à ce titre pour la procédure suivie en première instance et en appel ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il statue sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que la prise d'acte formée par Mme [I] [C] le 5 mars 2015 s'analyse en une démission,

Déboute Mme [I] [C] de l'ensemble de ses demandes,

Condamne Mme [I] [C] à verser à la société Total Raffinage Chimie une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel,

Condamne Mme [I] [C] aux dépens de première instance et d'appel.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Stéphane BOUCHARD, conseiller faisant fonction de président, et par Madame POIRIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 15/00211
Date de la décision : 14/03/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 19, arrêt n°15/00211 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-14;15.00211 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award