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07/03/2018 | FRANCE | N°16/01838

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 07 mars 2018, 16/01838


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



contradictoire



DU 07 MARS 2018



N° RG 16/01838



AFFAIRE :



[F] [K]



C/

Société de droit étranger LUFTHANSA LIGNES AÉRIENNES ALLEMANDES

...



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Février 2016 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : Encadrement

N° R

G : 15/01664





Copies exécutoires délivrées à :



SCP DAYAN PLATEAU VILLEVIEILLE



Me Marie-Aimée PIRIOU



SCP UGGC AVOCATS



Copies certifiées conformes délivrées à :



[F] [K]



Société de droit étranger LUFTHANSA LIGNES AERI...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

contradictoire

DU 07 MARS 2018

N° RG 16/01838

AFFAIRE :

[F] [K]

C/

Société de droit étranger LUFTHANSA LIGNES AÉRIENNES ALLEMANDES

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Février 2016 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : Encadrement

N° RG : 15/01664

Copies exécutoires délivrées à :

SCP DAYAN PLATEAU VILLEVIEILLE

Me Marie-Aimée PIRIOU

SCP UGGC AVOCATS

Copies certifiées conformes délivrées à :

[F] [K]

Société de droit étranger LUFTHANSA LIGNES AERIENNES ALLEMANDES

Société de droit étranger SWISS INTERNATIONAL AIR LINES

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT MARS DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [F] [K]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Assistée de Me Olivier VILLEVIEILLE de la SCP DAYAN PLATEAU VILLEVIEILLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0423

APPELANTE

****************

Société de droit étranger LUFTHANSA LIGNES AÉRIENNES ALLEMANDES

Von Gablenzstrasse n°2-6

COLOGNE (ALLEMAGNE)

Représentée par Me Marie-Aimée PIRIOU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0624

Société de droit étranger SWISS INTERNATIONAL AIR LINES

[Adresse 2]

[Adresse 2])

Représentée par Me Sophie UETTWILLER de la SCP UGGC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0261

INTIMÉES

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Janvier 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Luc LEBLANC, Président,

Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Gaëlle POIRIER,

FAITS ET PROCÉDURE :

Mme [F] [K] a été embauchée à compter du 11 avril 1983 selon contrat de travail à durée indéterminée en qualité de comptable par la société Swissair et en a été licenciée pour motif économique au mois de février 2002.

A compter du 11 février 2002, Mme [K] a été embauchée selon contrat de travail à durée indéterminée en qualité responsable administratif et financier (statut de cadre) par la société de droit suisse Crossair AG pour exercer ses fonctions au sein de sa succursale située à [Localité 1].

La convention collective applicable à la relation de travail est la convention collective nationale du personnel au sol du transport aérien.

Par la suite, la société Crossair AG a été dénommée Swiss International Air Lines.

En 2005, la société de droit étranger Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes a pris une participation à hauteur de 49% puis de 100% dans la société de droit étranger Swiss International Air Lines par l'intermédiaire de la société Air Trust.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 12 août 2010, la société Swiss International Air Lines a convoqué Mme [K] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 31 août 2010.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 9 septembre 2010, la société Swiss International Air Lines a notifié à Mme [K] son licenciement pour faute, avec dispense d'exécution du préavis de trois mois.

Au moment de la rupture du contrat de travail, la société Swiss International Air Lines employait habituellement au moins onze salariés et la rémunération moyenne mensuelle de Mme [K] s'élevait à 3 895,22 euros brut.

Contestant la validité et le bien-fondé de son licenciement, Mme [K] a saisi le 18 novembre 2010 le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt (section encadrement) pour demander notamment sa réintégration au sein de la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes et l'allocation de diverses sommes.

Par un jugement de départage du 12 février 2016, auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits, moyens et prétentions de parties, le juge départiteur a :

- déclaré l'action de Mme [K] irrecevable, la prescription quinquennale étant acquise ;

- constaté le désistement de Mme [K] à l'égard du comité d'entreprise de Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes, du CHSCT de Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes, de Mme [O] [R] et de Mme [E] [E] ;

- mis hors de cause la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné Mme [K] à verser à la société Swiss International Air Lines une somme de 300 euros et à la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes une somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [K] aux dépens.

Le 14 mars 2016, Mme [K] a régulièrement interjeté appel de ce jugement à l'encontre de la société Swiss International Air Lines et de la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes.

Aux termes de ses conclusions du 22 novembre 2016 soutenues oralement à l'audience, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, Mme [K] demande à la cour de :

1°) avant dire droit, ordonner à la société Swiss International Air Lines la production aux débats de son registre du personnel actualisé au jour de la décision de la cour et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l'arrêt ;

2°) infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau :

- la déclarer recevable en son action,

- à titre principal, dire qu'il y a eu un transfert d'entreprise de la société Swiss International Air Lines à la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes, prononcer la nullité de son licenciement, ordonner sa réintégration à son poste de directeur administratif et financier au sein de la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes et ce, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et condamner in solidum les sociétés Swiss International Air Lines et Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes à lui verser à titre de rappel de salaire depuis la date d'expiration de son préavis de licenciement et le jour de sa réintégration une somme de 360'000 euros (à parfaire) ;

- à titre subsidiaire, dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner in solidum les sociétés Swiss International Air Lines et Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes à lui verser une somme de 150'000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la rupture abusive du contrat de travail ainsi qu'une somme de 150'000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;

- en tout état de cause, condamner in solidum les sociétés Swiss International Air Lines et Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes à lui verser les sommes de :

- 77'313,60 euros à titre de rappel de salaire sur les cinq dernières années ;

- 2 733,63 euros à titre de rappel de prime de participation aux résultats ;

- 1 200 euros à titre de rappel de prime de fin d'année 2010 ;

3°) condamner solidairement les sociétés Swiss International Air Lines et Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions du 24 mai 2017, la société Swiss International Air Lines demande à la cour de :

- confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions ;

- en tout état de cause, débouter Mme [K] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner Mme [K] à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions du 22 mai 2017, la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes demande à la cour de :

- confirmer le jugement attaqué ;

- débouter Mme [K] de l'ensemble de ses prétentions ;

- condamner Mme [K] aux dépens.

Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience ;

Vu la lettre de licenciement ;

SUR CE :

Sur la recevabilité de l'action de Mme [K] :

Considérant qu'il ressort des pièces versées aux débats que, contrairement à ce qu'a relevé le premier juge, Mme [K] demande à titre principal la reconnaissance de la nullité de son licenciement prononcé par la société Swiss International Air Lines le 9 septembre 2010 et à titre subsidiaire de dire ce licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que ces actions contestant la validité et le bien-fondé de son licenciement introduites devant le conseil de prud'hommes le 18 novembre 2010 n'étaient donc pas prescrites au regard de la prescription quinquennale alors en vigueur ; qu'il y a donc lieu de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la société Swiss International Air Lines et d'infirmer le jugement sur ce point ;

Sur la nullité du licenciement et sur les demandes avant dire droit et au fond afférentes :

Considérant que Mme [K] soutient que la société Swiss International Air Lines a en réalité été absorbée par la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes et n'a conservé qu'une 'identité fictive' ; que du fait de cette 'fusion-absorption' intervenue progressivement depuis 2006, son contrat de travail aurait dû être transféré à la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes par application de l'article L. 1224-1 du code du travail et que par suite, son licenciement prononcé par la société Swiss International Air Lines est nul ; qu'elle demande dans cette perspective avant dire droit la production sous astreinte par la société Swiss International Air Lines de son registre du personnel actualisé à la date du 1er décembre 2016 ; qu'elle demande également au fond en conséquence sa réintégration au sein de la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes et la condamnation in solidum des sociétés Swiss International Air Lines à lui verser un rappel de salaire depuis la rupture du contrat de travail et jusqu'à cette réintégration ;

Que la société Swiss International Air Lines et la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes concluent au débouté des demandes avant dire droit et au fond ;

Considérant sur la demande avant dire droit, que la production forcée du registre unique du personnel de la société Swiss International Air Lines dans son état existant au 1er décembre 2016, soit six années après le licenciement en cause, n'est pas nécessaire à la solution du litige ; que Mme [K] sera donc déboutée de cette demande ;

Considérant sur le fond, qu'aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail :

'lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise' ; que ces dispositions, interprétées à la lumière de la directive n°2001/23/CE du 12 mars 2001, s'appliquent en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise même en l'absence de lien de droit entre les employeurs successifs ; que constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre ; que le transfert d'une telle entité se réalise si des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris, directement ou indirectement, par un nouvel exploitant ;

Qu'en l'espèce, il est tout d'abord constant que la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes a pris en 2005, par l'intermédiaire d'une autre société dénommée Air Trust, une simple participation dans la société Swiss International Air Lines, d'abord minoritaire puis à 100% et que, tant la société Swiss International Air Lines que la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes ont gardé une personnalité morale distincte ;

Qu'au soutien de son allégation 'd'absorption' en fait de la société Swiss International Air Lines par la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes et partant du transfert entre ces deux sociétés d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise, Mme [K] s'appuie sur les pièces suivants :

- essentiellement des documents rédigés en langue anglaise et non traduits, qui seront donc écartés des débats ;

- des documents rédigés en anglais, accompagnés d'une traduction seulement très partielle, qui ne permet pas d'en saisir le sens ;

- quelques documents épars et ponctuels, tels notamment un document de type 'power-point' du 20 juillet 2005 réalisé pour un 'kick off meeting' intitulé 'intégration LH/LX en France' se rapportant seulement à l'opération de prise de participation mentionnée ci-dessus, des organigrammes, la page de garde d'un contrat de sous-location d'un local indéterminé entre les sociétés, une annonce du déménagement des locaux de la société Swiss International Air Lines 'sous le même toit' que celui de la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes à [Localité 2] à compter de septembre 2006, qui sont pour beaucoup assortis de commentaires portés par l'appelante elle-même dans le sens de ses demandes, non corroborés par des éléments objectifs et qui ne contiennent aucun élément permettant de caractériser le transfert d'une entité économique autonome entre les deux sociétés ;

- des articles de presse de vulgarisation, qui confirment d'ailleurs l'intervention d'une simple opération de prise de participation par la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes en 2005 ;

- un jugement du conseil de prud'hommes de Paris de 2005 reconnaissant le transfert légal des contrats de travail entre la société Swissair et la société Crossair devenue Swiss International Air Lines totalement étranger au présent litige ;

Que les éléments invoqués par l'appelante sont ainsi insuffisants à caractériser le transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise, tel que défini ci-dessus, de la société Swiss International Air Lines à la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes ; qu'aucun manquement aux dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail mentionné ci-dessus n'est donc établi ;

Qu'en conséquence, Mme [K] sera déboutée de ses demandes de nullité du licenciement, de réintégration au sein de la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes et des rappels de salaire afférents ;

Que la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes, qui n'est pas l'employeur de Mme [K], sera de plus mise hors de cause, le jugement étant confirmé sur ce point ;

Sur le bien-fondé du licenciement :

Considérant que la lettre de licenciement de Mme [K], qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée : '(...) Votre licenciement est motivé par : vos refus réitérés de répondre aux demandes de vos collègues et de votre hiérarchie, en assortissant systématiquement vos mails de remarques vexantes, agressives et de prétendues justifications destinées à vous poser en victime.

En dépit des mises en garde dont vous avez fait l'objet, vous persistez dans un mode de communication générateur de tensions relationnelles et conduisant à une situation de blocage nuisible au fonctionnement du service (...) ;

C'est ainsi que le 15 juin dernier, vous avez opposé une fin de non-recevoir à la demande de communication des contrats liés au Cargo émanant du siège, en faisant valoir que le siège n'ayant pas répondu à vos questions, 'il ne peut donc pas s'attendre à avoir des réponses à ses questions'. Vous avez persisté en dépit des relances, faisant valoir que : 'si j'ai pu me débrouiller sans aucune passation administrative ou RH, c'est qu'avec du travail Monsieur [W] peut en faire autant...'

Vous opérez un revirement en indiquant aujourd'hui que vous n'auriez pas eu de passation de ces contrats, ce qu'il vous incombait d'indiquer le 15 juin dernier plutôt que de faire d'adopter un mode de communication polémique et identique à celui que vous réservez à toutes les demandes transmises en stigmatisant vos interlocuteurs.

Nous avions déjà évoqué la nécessité de modifier votre mode de communication fin 2008, ce qui vous avait conduit à l'envoi d'un mail de justification de cinq pages intitulé 'manque de respect, manque de politesse et d'éducation au sein de Swiss France'.

Nous avons réitéré lors de votre entretien d'évaluation du 3 juillet 2009 qui a conduit à la rédaction d'une mise en garde que vous avez refusée de signer et qui faisait suite aux plaintes des salariés dont vous éludez les demandes d'informations (incidents des factures INAD).

Nous ne pouvons plus raisonnablement espérer aucune amélioration de votre part puisque notre dernière tentative vous a conduit à nous adresser, le 9 août dernier, une nouvelle correspondance de 7 pages faisant état du 'discrédit de la fonction de finance manager' et sollicitant une indemnité de rupture amiable de 4 années de salaire, prétendument à notre demande !

La poursuite de notre collaboration étant devenue impossible, le présent courrier constitue la notification de votre licenciement (...)' ;

Qu'il est ainsi reproché à Mme [K] à un mode de communication agressif et polémique conduisant à une situation de blocage ainsi qu'une insubordination ;

Que Mme [K] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse aux motifs que :

- aucun fait fautif n'a été commis dans le délai de deux mois précédant la convocation à entretien préalable intervenu le 12 août 2010 ;

- les griefs sont infondés ;

Que la société Swiss International Air Lines soutient que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et que les faits ne sont pas prescrits ;

Considérant, sur la prescription invoquée par Mme [K], qu'aux termes de l'article L. 1332-4 du même code, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ; que l'employeur est fondé à prendre en compte un fait antérieur de plus de deux mois si le comportement fautif du salarié s'est poursuivi ou a été réitéré dans ce délai et s'il s'agit de faits de même nature ; qu'en l'espèce, contrairement à ce que prétend l'appelante, la lettre de licenciement lui reproche des faits d'insubordination commis le 15 juin 2010, soit dans le délai de deux mois précédant la convocation à entretien préalable au licenciement intervenue le 12 août 2010 ; que la prescription sera donc écartée ;

Considérant, sur le fond, qu'en application de l'article L.1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; que, si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué ;

Qu'en l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats et notamment des évaluations de Mme [K] pour l'année 2009, des échanges de courriels entre l'intéressée et sa hiérarchie (M. [L], directeur général de la société Swiss International Air Lines pour la France) ou ses collègues, que Mme [K] répondait de manière habituelle, et malgré des rappels à l'ordre, à des demandes d'informations professionnelles par de longs courriels polémiques et agressifs, dont l'un de cinq pages qu'elle avait intitulé 'manque de respect, manque de politesse et d'éducation au sein de Swiss International Air Lines France', contenant diverses récriminations injustifiées sur ses tâches ou l'organisation de l'entreprise rédigées en des termes excessifs, aboutissant à entraver la bonne marche de la société ; que ce comportement s'est dégradé jusqu'à aboutir le 15 juin 2010 à des refus écrits réitérés de répondre à une demande de sa hiérarchie de communication de contrats conclus par la société fondés sur les mêmes récriminations injustifiées et sans lien avec la demande ponctuelle qui lui était faite ;

Que cette attitude fautive entravant la bonne marche de l'entreprise constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'il y a donc lieu de débouter Mme [K] de ses demandes de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel et moral formulées au titre de la rupture de son contrat de travail ;

Sur le harcèlement moral :

Considérant que Mme [K] soutient qu'elle a été victime d'agissements répétés de harcèlement moral à compter de 2009 constitués par :

- des retraits de fonctions et le fait de lui confier des tâches subalternes de secrétariat ;

- des propos déplacés et des hurlements venant de son supérieur, M. [L], ou de M. [W], directeur cargo de Roissy ou de ses subordonnés incités à agir en ce sens ;

Qu'elle réclame des dommages et intérêts pour préjudice moral découlant de tels faits ;

Que la société Swiss International Air Lines conclut au débouté ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en application de l'article L. 1154-1, interprété à la lumière de la directive n°2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, lorsque survient un litige relatif à l'application de ce texte, le salarié établit des faits précis et concordants qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Qu'en l'espèce, à l'appui de sa demande, Mme [K] invoque les pièces suivantes :

- un courriel du mois d'octobre 2007, datant donc de plus d'un an avant le début du harcèlement moral allégué, dans lequel est évoqué avec sa hiérarchie l'attribution de tâches relatives aux ressources humaines pour un nouveau collège, ne démontrant en rien un retrait de fonctions pour l'appelante ;

- un courriel unique du 20 avril 2009, dans lequel M. [L] lui demande sur un ton très courtois de commander un bouquet de fleurs en vue d'une réception chez un diplomate ;

- deux courriels adressés en octobre et novembre 2008 à sa hiérarchie dans lesquels elle critique ses conditions de travail, qui ne sont corroborés par aucun élément objectif ;

- deux courriels adressés à M. [W], salarié de la société Swiss International Air Lines, dans lequel Mme [K] reproche à ce dernier sur un ton agressif de ne pas lui dire 'bonjour' et 's'il te plaît' et d'écrire quelques mots en rouge ;

Que ces éléments n'établissent pas des faits précis et concordants qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'il y a donc lieu de la débouter de sa demande de dommages-intérêts à ce titre ;

Sur le rappel de salaire pour la période des cinq dernières années de travail :

Considérant que Mme [K] soutient que, au vu de la grille salariale de la société Swiss International Air Lines pour la France établit au 1er avril 2007, le salaire moyen perçu par un directeur financier s'élève à la somme de 5 000 euros ; que son employeur l'ayant contraint à exécuter des tâches qui ne faisaient pas parti de ses fonctions, avec la plus basse rémunération prévue par cette grille, elle est fondée à réclamer ce salaire moyen de 5 000 euros et un rappel de salaire subséquent sur les cinq dernières années de la relation de travail ;

Mais considérant que Mme [K] verse aux débats pour tout document une grille de salaire rédigée en anglais, qui sera donc écarté des débats, et qu'en tout état de cause elle ne fournit aucun élément probant sur les tâches qui lui ont été effectivement confiées ; qu'elle sera donc déboutée de sa demande de rappel de salaire ;

Sur le rappel de primes pour l'année 2010 :

Considérant qu'en application de l'article L. 1234-4 du code du travail, l'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnités de congés payées comprises ;

Qu'en l'espèce, il ressort d'un courriel adressé par le directeur général pour la France de la société Swiss International Air Lines aux salariés le 3 novembre 2010, qu'une prime liée aux résultats de l'entreprise a été versée sur les salaires du mois de novembre 2010 ; que Mme [K] exécutant son préavis jusqu'au 12 décembre 2010, est ainsi fondée à réclamer le versement de cette prime ; que la société Swiss International Air Lines ne fournit aucun élément sur le calcul de cette prime et n'établit ainsi pas qu'elle s'est libérée de ses obligations salariales sur ce point ; qu'il y a donc lieu de faire droit à la demande de Mme [K] et de lui allouer la somme de 2 733,63 euros qu'elle réclame à ce titre ;

Qu'en revanche, il ressort d'un autre courriel adressé par le directeur général, qu'une prime exceptionnelle de 1 200 euros n'a été versée qu'en janvier 2011, soit après la fin du préavis de Mme [K] ; qu'elle n'est donc pas fondée à réclamer le bénéfice de cette prime exceptionnelle ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Considérant qu'eu égard à la solution du litige, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il statue sur ces deux points, sauf en ce qu'il condamne Mme [F] [K] à verser à la société Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes une somme de 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et de laisser à la charge de Mme [K] et de la société Swiss International Air Lines les dépens et les frais irrépétibles exposés par elles en première instance et en appel ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il met hors de cause la société de droit étranger Lufthansa Lignes Aériennes Allemandes et condamne Mme [F] [K] à verser à cette société une somme de 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de Mme [K],

Déboute Mme [F] [K] de sa demande avant-dire droit,

Condamne la société de droit étranger Swiss International Air Lines à verser à Mme [F] [K] une somme de 2 733,63 euros à titre de rappel de prime liée aux résultats,

Déboute Mme [F] [K] du surplus de ses demandes,

Dit n'y avoir lieu à application entre Mme [F] [K] et la société de droit étranger Swiss International Air Lines de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel,

Dit que Mme [F] [K] et la société de droit étranger Swiss International Air Lines conserveront la charge des dépens exposés par elles tant en première instance qu'en appel.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Luc LEBLANC, président et par Madame POIRIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 16/01838
Date de la décision : 07/03/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 19, arrêt n°16/01838 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-07;16.01838 ?
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